Des Choses à lire
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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Jeu 28 Mar - 22:58

170 résultats trouvés pour Regimeautoritaire

Mario Vargas Llosa

La ville et les chiens

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 La_vil10

La ville, c’est Lima, et les chiens, des cadets (élèves encadrés par l’armée) dans toute l’ignominie qu’on peut supposer en matière d’obscénité, de bizutage, d’indigences diverses. Alberto, « le Poète » (où l’on peut reconnaître une personnification autobiographique de Llosa, au moins jusqu’à un certain point), trouve sa place entre « Jaguar », le dur chef du « Cercle » et « l’Esclave », Arana, le bouc émissaire ; il louvoie entre les deux pôles, grappille un peu de monnaie en produisant de « petits romans » pornographiques. La première partie de ce roman de plus de 500 pages (divisé en deux parties sensiblement égales, avec un épilogue) décrit assez longuement l’univers violent de la jeunesse péruvienne dans la première partie du XXe ; elle réveille des souvenirs de service militaire, pour ceux qui ont expérimenté cette découverte des brimades, de la promiscuité, des confrontations sociales et racistes, ici entre serrano (pas le jambon ou le piment, mais Indien ou métis originaire de la Sierra, la cordillère des Andes) et citadin (généralement blanc), de la côte maritime. Dans la seconde partie, l’Esclave étant mort d’une balle de fusil au cours d’un exercice, l’intrigue se développe. Dans l’ombre portée par la dictature, Llosa expose le problème de la dénonciation, et la grande règle de l’armée (laver son linge sale en famille), dans une dialectique de la loyauté et de la vengeance. Seul, l’intègre lieutenant Gamboa s’attache à éclaircir l’affaire, suite à une accusation du Jaguar par le Poète (devenu proche de l’Esclave avant sa mort, non sans avoir pris sa place auprès de la jeune fille qu’il aimait).  

« ‒ Pardon mon capitaine, dit Gamboa. Aussi longtemps que je ne m’en rends pas compte, les cadets de ma compagnie peuvent faire tout ce qu’ils veulent, je suis d’accord avec vous. Mais maintenant je ne peux plus faire semblant de l’ignorer, je me sentirais complice. » (II, 4)


« Il serait plus facile de ressusciter le cadet Arana que de convaincre l’armée qu’elle a commis une erreur. […]
Vous m’entendez, rentrez au collège et faites en sorte qu’à l’avenir la mort du cadet Arana serve à quelque chose. » (épilogue)


Les chiens (cadets de première année), c’est aussi la chienne Malencouille, adoptée par le Boa (bien qu’il lui ait cassé une patte dans un moment de colère)...
Un ultime et inattendu entrecroisement de destins boucle le livre, nettement plus captivant dans sa seconde partie.

« Je [Jaguar] ne savais pas ce que c’était de vivre écrasé. » (épilogue)


La composition caractéristique du style de Llosa, fait d’allers-retours temporels, d’entrelacements simultanés de différents fils narratifs, de monologues ou conversations de chacun des personnages (autant de narrateurs), paraît moins innovante de nos jours, après avoir lu par exemple Faulkner (qui l'aurait inspiré).
Cette histoire rejoint l’universel, comme on dit, et renvoie par exemple à La punition, de Tahar Ben Jelloun, qui vient de paraître.
Ce premier roman, écrit à 23 ans à Paris, est peut-être finalement celui que je préfère de Llosa (dont je ne suis autrement pas trop "fan").


mots-clés : #discrimination #jeunesse #regimeautoritaire #social #violence
par Tristram
le Sam 17 Fév - 18:24
 
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Sujet: Mario Vargas Llosa
Réponses: 36
Vues: 3733

Irina Teodorescu

Celui qui comptait être heureux longtemps

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 41sscp10

Bo est né sous les bombes, les derniers jours de la guerre. il a grandi avec la dictature, bien décidé à être heureux malgré tout, et cela en prend le chemin, il organise des fêtes, il a un bon boulot, un ami sincère, une femme étrange puis une femme fidèle, et enfin un fils. Tout au fil des années plane la menace de la haine et de la délation, mais ma foi, on peut bien faire avec. Et qu'importent les petits inconforts matériels?

Seulement voilà, l'enfant est malade, il faudrait le soigner à l'étranger et dans un cruel choix de Sophie, le pouvoir maléfique lui échange les autorisations contre le fait de devenir espion.

Le drame intime ne suffit pas : dans un tel pays, l'intime n'existe pas, le drame collectif achève la dévastation.
Irina Teodorescu garde son style pointilliste et malicieux, facétieux au début puis peu à peu frappé au coin du malheur, ses phrases rapides, ses accélérations.

Comme dans La malédiction du bandit moustachu, la bonne humeur et la détermination sont impitoyablement mis à mal par la fatalité.

Bonne lecture à proposer à ceux qui répondent à la surveillance généralisé qu'ils s'en fichent, qu'ils n'ont rien à cacher...


mots-clés : #regimeautoritaire #relationenfantparent
par topocl
le Lun 12 Fév - 10:10
 
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Sujet: Irina Teodorescu
Réponses: 3
Vues: 574

Goliarda Sapienza



L'art de la joie



Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 41nys610


Non je ne vous raconterai pas l'histoire , les résumés à rallonge fleurissant un peu partout et comme je n'ai aucun goût pour la répétition , je vous renvoie sur Babélio si vous voulez avoir quelques éléments de la trame .
Mais moi je vous dis juste :
C'est un vent de liberté d'une violence rare .
C'est un portrait de femme comme dans les vrais romans du XIX siècles , mais d'une fibre transgressive difficilement embrassable , un éclatement de tous les carcans , une prise de pouvoir et une abolition intérieure de toutes formes de limites imposées par les lois et institutions des hommes .
C'est un ouvrage politique aussi  et libertaire écrit par une femme féministe portée par une énergie , une audace et une affirmation de soi qui peut déranger , encore aujourd'hui .
Pas étonnant qu'il mit tant de temps à être publié dans une Italie fortement imprégnée par l'institution religieuse .
C'est une fresque romanesque du genre saga , fleuve que l'on verrait bien portée à l'écran en feuilleton télévisé .
Ce n'est pas un roman d'amour , mais dans la logique du personnage , c'est un roman d'amours : on s'aime , on s'unit et se désunit , sans tabous ni lois , dans l'unique "art de la joie" régulateur des tragédies .
C'est un flux , un mouvement de pensées foisonnant , à rattacher non seulement à une personnalité exceptionnelle mais à une époque où nécessité il y avait à faire éclater toutes les entraves sociétales et redonner au corps et à l'esprit une libération et l'héroine du roman Modesta ( facétie de Goliarda Sapienza bien sûr, ce prénom en contresens ) ne fait rien d'autre que d'exulter et de briser toutes ses chaines , sans pudeur ni fausse morale , avec force détermination , violence souvent mais  toujours "droite dans ses bottes" .
Quant à la forme , en échos au fond , Goliarda Sapienza s'autorise tous mélanges de genres sans chercher à garder une cohérence styliste .
Autant de prise de pouvoir, fond et forme confondus peut aussi bien destabiliser le lecteur que le porter à une vénération sans limite vers Modesta et/ou Goliarda (on l'aura compris , au delà de la forme romanesque et des péripéties de l'héroine crée par Goliarda , l'auteure ne fait que s'appuyer sur son personnage pour s'offrir , nue , majestueuse, impudique , armée de sa plume et de là, à nous d'imaginer, dans son sillage hordes de femmes mais aussi d'hommes , fantômes d'eux-mêmes , coupables , assujettis par lois ,religions et ignorance ,  abandonnant leurs vieux oripeaux , pour renaître,  sous ce chant de joie et de fureur , hymne porteur d'une force vitale primitive , animale , enracinée à la terre et à l'ordre presque cosmique du monde , pulsée par un souffle libertaire sans limites .
Voilà .
Je n'ai pourtant eu aucun goût dans cette lecture , une forme plus maitrisée et tenues par quelques rennes m'a manqué . Si Modesta garde une certaine rigueur dans son cheminement vers la libération , Goliarda n'en va pas de même dans son écriture à mon avis .

Il n'en reste pas moins que L'art de la joie est incontestablement une oeuvre majeure incontournable pour qui s'intéresse à la littérature Italienne , sans pour autant en fait un chef-d'oeuvre .


mots-clés : #conditionfeminine #politique #regimeautoritaire #sexualité
par églantine
le Sam 27 Jan - 14:18
 
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Sujet: Goliarda Sapienza
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Arundhati ROY

Le Ministère du Bonheur Suprême

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 Images85

C'est un roman qui se veut total, brillant, phénoménal. Qui emprunte au conte merveilleux façon Rushdie, à la folie façon Garcia Marquez, au militantisme tous azimuts façon Arindathi Roy, le tout saupoudré d'instants de poésie magique. L'auteur y multiplie les détails, les joyaux, les extravagances entrecroisés avec passion. On ne compte plus les personnages, les lieux, le temps éclate pour n'être plus linéaire. Tout cela est d'une richesse inouïe, mais un peu gaspillée car l'effet final est  d'une confusion (sans doute alimentée par la pauvreté de ma culture en histoire indienne) qui a fini par me mener à l'ennui. Tant de péripéties donnent paradoxalement  l'impression qu'il ne se passe pas grand chose, et les personnages, à force de singularité, deviennent archétypaux et désincarnés.

Y échappe Anjum, la hijrat, femme dans un corps d'homme, construisant une chambre d'hôtes entre les tombes, accueillante aux hommes et aux  animaux, curieux symbole d'une Inde déchirée entre ses diverses identités, et qui donne une belle vie aux 200 premières pages (malheureusement il en reste 350...).

Mots-clés : #historique #identitesexuelle #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 26 Jan - 13:38
 
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Sujet: Arundhati ROY
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Zoé Valdés

Le Néant Quotidien:

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 51f5kc10



Extraits:
"Elle a faim et rien à manger. Son estomac comprend très bien qu'il doit résister. Dans son île, chaque parcelle du corps avait dû apprendre à résister. Le sacrifice était le cadre quotidien, ainsi que le néant. Mourir et vivre: un seul et même verbe, comme rire, par exemple. A ceci près qu'elle riait pour ne pas mourir de l'excès de vie obligatoire."

"Je meurs, je me meurs. Il ne peut pas m'arriver tant de choses à la fois. Pourtant, on dirait que rien ne m'est jamais arrivé, comme si je faisais toujours la même chose depuis ma naissance: me taire, éclater, pleurer. Me taire, éclater, pleurer. J'ai mis fin à ma passivité. La mélancolie est ma révolte, la grève dont je suis capable pour revendiquer l'indépendance de ma tristesse face à la tristesse collective, pour obtenir la réduction de mon temps d'angoisse salariée. Payée avec le salaire du devoir. Comme si le devoir permettait d'acheter, par exemple, du sucre, ou du pétrole..."


Résumé:
C'est l'histoire d'une jeune fille, d'abord prénommée Patria par un père syndicaliste et une mère amoureuse du Che, tout exaltés qu'ils étaient à la voir naître le lendemain de la fête du 1er mai 1959, mais qui changera son prénom pour Yocandra.
L'adolescente grandit dans La Havane des années 70 où le désanchantement commence à prendre la place du rêve, où les mouchards se cachent à tous les coins de rue, où la faim noue l'estomac. Passionnée de poésie, elle va être séduite par Le Traitre, homme plus âgé qu'elle, qui se dit écrivain et philosophe mais dont on attend toujours les premières lignes. Très vite, elle quittera le berceau familial, s'installera avec lui, l'épousera, voyagera en Europe grâce à lui et finira par divorcer de ce macho cubain dont enfin elle voit les limites.
La vie continue rythmée par les pannes d'électrivité; Yocandra obtient un travail pour une revue littéraire qui n'a pas les moyens d'éditer de magazines;  elle tombe amoureuse d'un autre homme, plus jeune, baptisé Le Nihiliste, qui sous des dehors différents reste un homme cubain avec ses qualités et sa lâcheté.
Durant ses trente années, Yocandra voit ses amis chers partir par cette mer qui est à la fois symbole de liberté et de prison. Mais, avec toute sa fierté d'être cubaine, elle persiste à aimer, à rester optimiste et libre dans son néant quotidien.

Ce que j'en dis:
Tout petit livre tantôt sarcastique, révolté,tantôt plein de tendresse.
Comme toujours Valdès nous emporte dans son souffle chaud et humide des tropiques.
Comme toujours, de son trait incisif, elle nous fait vibrer, elle nous provoque mais surtout,
elle nous attendrit face à cet immense amour de son île.


mots-clés : #regimeautoritaire #viequotidienne
par Cliniou
le Lun 15 Jan - 14:30
 
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Sujet: Zoé Valdés
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Andreï Makine

La terre et le ciel de Jacques Dorme

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 La_ter10

Un jeune garçon dans un orphelinat pour enfants de héros déshonorés, déchus (une spécialité soviétique, que de vouer à la vindicte des boucs émissaires choisis parmi les proches antécédents), découvre la langue « apprise » (le français, par opposition à la langue maternelle, le russe) dans une bibliothèque saccagée de Sibérie. Seule autre distraction, la figuration obligatoire dans des cérémonies pour apparatchiks (et, une fois, De Gaulle). Une « tante », Française exilée, participe beaucoup à cette découverte du français, langue quasi disparue.
Stalingrad, seconde Guerre Mondiale : entre trains qui alimentent la guerre en carburant, armes et hommes, et ceux qui les croisent, partant dans l’autre sens avec les blessés et mourants, Alexandra, infirmière de la Croix-Rouge assignée à résidence, a rencontré Jacques Dorme, un aviateur français venu participer à l’effort de guerre (pont aérien Alaska-Sibérie)… Leur histoire d’amour dura une semaine.
Même savamment structuré, ce roman reste de facture classique, ce qui n’enlève pas au plaisir de lecture. Métaphores filées, justesse du vocabulaire : je l’ai lu comme du petit lait (petit, parce qu’il s’en trouve peu).
Seulement progressivement gêné par le parti-pris cocardier de ce panégyrique de l’héroïsme à la limite du pathos (cocorico et à bas les bolcheviks), même si la langue française est belle, et le totalitarisme abominable.

mots-clés : #deuxiemeguerre #enfance #regimeautoritaire
par Tristram
le Mer 29 Nov - 14:09
 
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Iouri Bouïda

Le Train zéro

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L’action se passe après la dernière guerre dans un lieu perdu de Russie, à l’occasion de la construction d’une gare le long d’une ligne de chemin de fer, la station 9, accompagnée de tout l’équipement nécessaire à son fonctionnement : usine pour le travail de l’acier, menuiserie pour les traverses et leur traitement, centre de transmissions, ferme pour l’alimentation. Quelques « colons » viennent peupler cet établissement. Leur mission : tout mettre en œuvre pour que le passage quotidien à minuit du train zéro se fasse sans encombre :
" Cent wagons aux portes bouclées à mort et plombées, deux locomotives à l’avant, deux à l’arrière – tcouk-tchouk…hou-ou ! Cent wagons. Lieu de départ, inconnu. Lieu de destination, secret. On tient sa langue. Votre boulot n’est pas sorcier : les voies doivent être en état. De là à là. Ric-rac. »


Car le train zéro, c’est la Patrie !
Et chaque nuit, le train passe à la même heure, toujours identique, avec une régularité de métronome. Et les années passent…    
Ivan Ardabiev, le héros de l’histoire, droit dans ses bottes, assume son rôle avec beaucoup de sérieux. Il s’autorise bien quelques virées au bar, chez les prostituées, dérivatifs en pensant à la belle Fira, celle qu’il avait vue un jour :

« debout dans une minuscule cuvette de rien du tout, avec une cruche dans une main, tenant de l’autre ses cheveux relevés, et le soleil qui entrait par la fenêtre la traversait de part en part, il avait vu distinctement son cœur qui palpitait comme un oiseau, la masse brumeuse de son foie, la clochette azurée et translucide de sa vessie, ses os bleus qui flottaient dans la compote rosée de sa chair. »

Mais la raison d’être d’Ivan est bien le train :

« Et tant qu’il est ce combattant, tant qu’il est vivant, le train zéro est vivant, la Ligne est vivante, la Russie est vivante, le monde est vivant. »


En effet, Ivan est de plus en plus isolé. Une étrange malédiction semble toucher la petite communauté, les enfants meurent souvent à leur naissance. Beaucoup de colons commencent à s’interroger sur la nature de ce train, ce qu’il transporte. Malheur à ceux qui veulent en savoir plus. Ils disparaissent, meurent ou sombrent dans la folie. Qu’importe les mots, c’est tout comme. Même les rares qui reviennent ne mènent plus qu’une existence machinale, comme Fira qui a perdu au retour sa belle transparence au soleil.
Les années passent, les plafonds se lézardent les herbes envahissent les voies. La plupart des colons ont disparu, morts, partis, c’est tout comme… Mais Ivan est toujours là
Un soir, le train zéro passe à son heure habituelle, mais stupeur, quelques minutes plus tard, un deuxième train s’annonce, puis un troisième…

L’une des forces de ce récit réside dans le passage d’un registre réaliste à une tonalité fantasmagorique en suivant une progression qui tient en haleine le lecteur pour aboutir à un final hallucinant. L’auteur, avec une maîtrise implacable, joue sur différents registres d’arrière-plan qui donnent à son ouvrage une dimension allégorique et métaphorique. Bien sûr, on pense au « Désert des Tartares », à ces références à la shoah, au goulag, au désastre du rêve soviétique, à ces villes et industries en déshérence, à Tchernobyl, à la dictature… On pourrait multiplier les résonnances à l’envi, selon la culture et l’histoire de chacun d’entre nous.  
Plus largement, le train zéro nous parle de l’absurdité de la vie, de sa recherche de sens, de Dieu, pour employer de grands termes. Pour l’illustrer, ce dialogue entre Ivan et Fira, plus clair que tout commentaire :

« -Tout au bout. Il voulait aller jusqu’au bout. Pour regarder, voir, comprendre ce qu’il y a là-bas, à quoi ça sert, tout ça. Jusqu’au terminus. Il espérait que là-bas, il apprendrait ce qu’il y a dans ces maudits wagons. Alors il y est allé.
- Bon sang, quel imbécile ! gémit Ardabiev. Quel triple idiot ! Et s’il n’y a rien là-bas, hein ? Juste une plaine nue ? Un désert ? Je ne sais pas moi. Rien, tout simplement. Et dans les wagons aussi, rien. Alors ?
Fira  secoua la tête
- Ce n’est pas possible, Vania ! Il y a quelque chose, là-bas. Sinon, pourquoi la Ligne, pourquoi le train zéro, pourquoi nous, pourquoi tout ça ?
- Je n’en sais rien. Peut-être que tu as raison. Peut-être qu’il y a quelque chose là-bas. On ne peut jamais jurer de rien. Mais il peut tout aussi bien ne rien n’y avoir du tout, et la Ligne est quand même là, la voilà, elle est, elle existe, et le train passe, et nous vivons, et tout cela a un sens, lequel, on n’en sait rien, c’est tout. Comme dans la vie. C’est possible, non ?
- Vania… dit Fira, désemparée. Mais c’est de Dieu que tu es en train de parler, Vania…
- Quel Dieu ? dit Ivan, étonné.
- Ce que tu viens de dire sur la Ligne, ça fait des millénaires que les hommes disent ça à propos de Dieu… »


« Le Train zéro » d’Iouri Bouïda n’est peut-être pas un chef d’œuvre, mais on n’en est pas loin à mon avis. Sans conteste l’une de mes lectures les plus fortes de cette année.  Very Happy


mots-clés : #regimeautoritaire #solitude #spiritualité
par ArenSor
le Lun 6 Nov - 21:00
 
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Sujet: Iouri Bouïda
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Varlam Chalamov

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 411z9k10

Récits de la Kolyma

Editions Verdier, 1478 pages

Ce qui m’a intrigué en feuilletant cet énorme livre, c’était que la place importante que Chalamov donne à la littérature dans son livre saute aux yeux. A la Kolyma, nous dit Chalamov, où tout est déshumanisé, elle semble au contraire n’avoir aucune place. On est par ailleurs bien trop occupé à survivre au milieu des truands et du travail forcé, d’un froid qui descend jusqu’à -60° C, des maladies et du manque évident de nourriture. Mais j’avais aussi envie de lire ce livre pour ce qu’il revêt de la perception d’une certaine réalité, atroce. Je n’avais à ce moment-là pas d’autre envie. L’auteur prévient le lecteur que ce qu’il a vécu là-bas le dépasse, nous à plus forte raison encore.

Des petits morceaux sont reconstitués, dans un désordre chronologique et de répétitions. Le livre acquiert en quelque sorte une forme libre de mémoire aux limites humaines : quelques réflexions éparses ― il ne brille pas par sa dimension analytique malgré tout ― quelques épisodes. Notamment un, relaté dans un très beau récit intitulé "Marcel Proust"… Ce fantôme (dans le meilleur sens du terme, s’entend) a un éclat très particulier, très étrange et en tout cas lumineux au cœur de ce témoignage. Si justement la littérature n’a plus de place, ou presque plus, c’est au mieux en tant que souvenir.  Dans des pénibles tentatives de réminiscences de sa vie avant le goulag, ou bien quand on « édite des rômans » pour des truands oisifs. Mais « au mieux, un souvenir » n’est-ce-pas déjà beaucoup ? La littérature devient pour Chalamov un moyen de redevenir humain, qu’il partage avec son lecteur dans une avidité palpable. Mais on se sent comme étranger, peut-être que l’expérience est trop radicale, même si nombre de ces récits sont émouvants.

Varlam Chalamov a écrit:Les valeurs sont brouillées et chaque notion humaine, bien que désignée par un mot dont l’orthographe, les sonorités, l’assemblage familier de sons et de lettres restent les mêmes, renvoie à quelque chose qui n’a pas de nom sur le « continent » : ici, les critères sont différents, les us et les coutumes particuliers ; le sens de chaque mot est transformé.
Lorsqu’il est impossible d’exprimer un sentiment, un événement ou un concept nouveau dans le langage humain ordinaire, on voit naître un mot neuf, emprunté à la langue des truands qui sont les arbitres de la mode et du bon goût dans l’Extrême-nord.



mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #captivite #creationartistique #regimeautoritaire
par Dreep
le Mer 1 Nov - 19:11
 
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Sujet: Varlam Chalamov
Réponses: 9
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Antonio Muñoz Molina

Antonio Muñoz Molina Séfarade

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 Syfara10


Il s’agit en fait d’une sorte de recueil de "nouvelles" avec un fil directeur très homogène : le souvenir d’un passé plus ou moins lourd, vécu dans différents endroits de la planète par des personnages extraordinaires ou non, historiques ou pas, des étrangers, des immigrés, des émigrés, des exilés, des disparus ‒ autant de romans, empreints des dictatures du XXe siècle.

« Il n'y a pas de limite aux histoires inimaginables qu'on peut entendre à condition de faire un peu attention, aux romans qu'on découvre soudain dans la vie de n'importe qui. »
Antonio Muñoz Molina, « Cerbère », in « Séfarade »

« Comment s’aventurer à la vaine frivolité d’inventer alors qu’il y a tant de vies qui mériteraient d’être racontées, chacune d’elles comme un roman, un réseau de ramifications qui mènent à d’autres romans, à d’autres vies. »
Antonio Muñoz Molina, « Séfarade », in « Séfarade »


Parmi les leitmotive qui se recoupent, les camps de concentration et d’extermination allemands et russes, les Séfarades et autres Juifs, d’Espagne ou d’ailleurs, Milena Jesenska et Franz Kafka (d’un certain point de vue un annonciateur du totalitarisme), les morts vivants dans la rue (drogués et autres égarés) ‒ en quelque sorte l’héritage du siècle ‒, et les obsessions et angoisses de l’auteur et/ ou narrateur (alternance de je/ il qui entrelace le texte, comme aussi des épisodes ou des personnages, tel le cordonnier) : départ/ voyage/ fuite, culpabilité, persécution, amours perdues.

« ...] Franz Kafka a inventé par anticipation le coupable parfait, l’accusé d’Hitler et de Staline, Joseph K., l’homme qui n’est pas condamné parce qu’il a fait quelque chose ou parce que se serait fait remarquer d’une quelconque manière, mais parce qu’il a été désigné comme coupable, qui ne peut pas se défendre parce qu’il ne sait pas ce dont on l’accuse et qui, au moment d’être exécuté, au lieu de se révolter, se soumet avec respect à la volonté des bourreaux, ayant en plus honte de lui-même. »
Antonio Muñoz Molina, « Tu es », in « Séfarade »


Désinformation, "agit-prop" de l’Internationale communiste :
« Willi Münzenberg a inventé l’art politique de flatter les intellectuels établis, la manipulation convenable de leur égolâtrie, de leur peu d’intérêt pour le monde réel. Il parlait d’eux avec un certain mépris et les appelait le "Club des Innocents". Il était à la recherche de gens pondérés, avec des tendances humanistes, une certaine solidité bourgeoise, si possible l’éclat de l’argent et du cosmopolitisme : André Gide, H. G. Welles, Romain Rolland, Hemingway, Albert Einstein. Lénine aurait fusillé sans délai cette espèce d’intellectuels, ou bien il les aurait expédiés dans un sous-sol de la Loubianka ou en Sibérie. Münzenberg a découvert l’immense utilité qu’ils pouvaient avoir pour rendre attrayant un système que lui, dans le fond incorruptible de son intelligence, devait trouver atterrant d’incompétence et de cruauté, même pendant les années où il le considérait comme légitime. »

« Il y a aussi dans cette histoire un traître possible, une ombre à côté de Münzenberg, le subordonné rancunier et docile, cultivé et polyglotte ‒ Münzenberg ne parlait que l’allemand, et avec un fort accent de classe populaire ‒, physiquement son contraire, Otto Katz, appelé aussi André Simon, mince, fuyant, vieil ami de Franz Kafka, organisateur du Congrès des intellectuels antifascistes de Valencia, émissaire de Münzenberg et du Komintern parmi les intellectuels de New York et les acteurs et les scénaristes d’Hollywood, étoiles de la gauche caviar, et du radical chic, toujours espionnant, adulateur assidu d’Hemingway, Dashiell Hammett, Lillian Hellman, staliniens fervents et cyniques. »
Antonio Muñoz Molina, « Münzenberg », in « Séfarade »


Personnellement, j’ai ressenti ces ressassements comme pesants, peut-être entrés en résonnance avec trop de trop récentes lectures apparentées. Idem, le fil Littérature des camps semble déserté (saturation ?)

mots-clés : #campsconcentration #communautejuive #devoirdememoire #exil #genocide #regimeautoritaire
par Tristram
le Mer 1 Nov - 0:37
 
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Sujet: Antonio Muñoz Molina
Réponses: 12
Vues: 1917

Graham Greene

Les comédiens

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 415utr10

La toile de fond, c'est Haïti sous la domination de Duvalier  : entre orages torrentiels et routes inachevées, les Tontons Macoutes sèment le terreur, les balles et la torture. Quelques blancs sans racines, échoués là, courent après l'argent, l'aventure, l'amour, les illusions ou tout cela à la fois. Bien sûr, tout échoue. Le mensonge et la vérité sont sans fin astucieusement entremêlés dans cette grande comédie tragique de la vie. Dans cette histoire désenchantée, à l'humour désabusé, l'homme, accroché à sa fiole de whisky, n'a plus d'espoir, et sa destinée  lui échappe.



mots-clés : #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 27 Oct - 21:23
 
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Sujet: Graham Greene
Réponses: 31
Vues: 3374

Ricardas Gavelis

Merci Eglantine !  I love you

Tag regimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 5 61jwkz10

Vilnius Poker

Un autre roman qui se dresse comme une ville-livre, où les rues sombres forment ensemble un labyrinthe. Une question se maintient avec une force obsédante et donne au titre tout son sens ; Qui croire ou que croire ? Vilnius prend corps de la même façon que Petersbourg chez Gogol ou Bucarest dans la trilogie Orbitor de Mircea Cartarescu (Il y aurait beaucoup d’autres exemples à évoquer). Mais alors que Bucarest prenait une forme franchement délirante, franchement fantastique, c’est plus ambigu pour Vilnius.

L’ambiance est si sombre qu’elle paraît presque irréelle, invraisemblable, mais ne peut pas être complètement noire pour cette raison : La réalité survit autant que la perception de personnages patibulaires, déprimés ou alcoolique le permet. Pourtant on sent bien que cette Vilnius fantomatique est un portrait lucide pour ne pas dire désillusionné de l’homo lithuanicus et à plus forte raison de l’homo sovieticus, de toute l’humanité réduite à un silence stupide. Une musique grisante se dégage de ce roman habilement construit, va directement au cœur d’une certaine manière. Même s’il peut en prendre plein la gueule, parce que le récit est quand même dégoûtant. Mais étrangement pas rebutant, à deux ou trois épisodes près. La troisième partie est peut-être un peu décevante par rapport au reste.

Ricardas Gavelis a écrit:Je n'ai jamais aimé les mathématiques et pourtant j'étais topologue, principalement parce que c'était pratique et sécurisant. C'est aussi la raison pour laquelle je revenais sans cesse à cette macabre et bien-aimée Vilnius. J'avais peur qu'en m'installant ailleurs, je découvre soudain que j'aurais pu, que j'aurais dû, devenir quelqu'un d'autre, mais que c'était trop tard. J'avais peur de me retourner et d'apercevoir mes vies possibles, celles que j'ai dilapidées. Alors je revenais toujours ici où je ne pouvais être rien d'autre qu'un mathématicien. Seulement, une peur encore plus terrible s'emparait de moi à chaque retour : je me rendais compte que j'étais en train de gâcher, irrémédiablement, toutes mes autres vives. J'avais si peur de quitter ces murs, ces rues... n'importe où ailleurs, j'aurais immédiatement découvert une quantité de mes avenirs déjà morts et enterrés, une multitude de possibles avortés.


Mots-clés : #contemporain #fantastique #lieu #regimeautoritaire
par Dreep
le Mer 27 Sep - 19:31
 
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Sujet: Ricardas Gavelis
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Todd Strasser

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La vague


Dans un collège aux États-unis un professeur d’histoire Ben Ross se heurte à l’incompréhension de ses élèves en ce qui concerne l’Allemagne Nazie. Les questions fusent: “Comment est-ce possible? Comment la population civile n’a-t-elle rien vu?” et des affirmations comme: “il faut oublier, cela ne peut plus arriver”. Pour leur faire comprendre, il décide de leur donner une leçon, Il décide de soumettre sa classe à une expérience un peu particulière. Par une sorte de jeu qui stimule son pouvoir sur l’élève et leur obéissance aveugle, il est promu leader tout puissant. Il leur donne de nouvelles règles qu’il suivent. Les cliques s’éffacent pour former une cohésion. Les élèves apprennent à se comporter en groupe.  Les populaires cotoient les impopulaires. L’expérience se poursuit en dehors de la classe et Ben se prend au jeu, curieux de ce l’expérience amènera. Certains élèves sont pour et ne voient pas le danger, d’autres contre, comme Laurie qui est rédactrice en chef du Grapevine, le journal du collège. Certains parents commencent à se méfier et invoque le fait qu’ils n’ont pas mis leur enfant au collège pour qu’il désapprennent à penser par lui-même.

Au début toutefois cette expérience semble plutôt positive, les élèves sont disciplinés, apprennent leurs leçons, mais souvent par coeur, sans se poser de questions ou faire d’analyse. Ben Ross est surpris par ce qu’il a engendré. Le principal le convoque et lui demande de mettre fin à l’expérience. Ben Ross lui assure que tant qu’il dirigera ses élèves, qu'il aura le controle sur eux et rien ne pourra arriver.

Le mouvement prend de plus en plus d’ampleur. Bientôt, intimidation, fanatisme, enrôlement forcé sous peine de représailles, pression, violence, abus, agressions, menaces, jouent en arrière plan. Le mouvement, “La vague” dégénère en dictature. Ben est dépassé et se demande ce que sont devenus ses objectifs de départ, faire comprendre à ses élèves ce qu’était l’Allemagne Nazie et ce que les gens vivaient au quotidien.

C’est un bouquin court, bien écrit, qui mène à bien ses objectifs de départ, lui. La fin toutefois pour se dépêtrer de cette situation intenable est un peu bâclée selon mon gout. Et j’aurais bien voulu qu’il y ait une suite qui raconte les retombées de l’expérience.

mots-clés : #contemporain #regimeautoritaire
par Pia
le Sam 16 Sep - 13:29
 
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Sujet: Todd Strasser
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Ota Pavel

Comment j'ai rencontré les poissons

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Récit en partie autobiographique, puisque les personnages sont les membres de sa famille et les événements sont historiques. Il n'y a pourtant jamais la sensation que l'auteur veut parler de lui malgré la première personne du singulier utilisée pour narrer l'histoire, on ressent un détachement qui laisse penser à une fiction.
D'ailleurs l'histoire ne perd aucunement en valeur selon qu'on la considère comme une fiction ou une autobiographie.

Ota Pavel nous trace donc des événements marquants de sa jeunesse, des péripéties de sa famille avant pendant et après la seconde guerre mondiale. L'originalité réside dans la place de la pêche comme activité de découverte de la nature, de la vie et demeurant comme creuset de lien social puis de Résistance. Il est agréable de lire un Roman portant sur des drames utiliser un ton si détaché et si fluide, si "global". s'il existe un focus sur la famille toute la Bohème est décrite et la richesse des psychologies des personnages, des détails des paysages, des faits de chaque situation tend à nous faire connaître et nous immerger en République Tchèque. J'ai beaucoup pensé à Bozena Nemcova en lisant ce livre ainsi qu'à certains romans naturalistes américains.

Le style est beau, typiquement tchèque si je puis dire, avec une belle fluidité de phrases et un vocabulaire simple, une exigence d'une ponctuation harmonieuse. L'humour caustique est aussi omniprésent ce qui permet de gagner en légèreté au fur et à mesure que le ciel s'assombrit.
On a beaucoup parlé en France de la Résistance française, et pour cause, mais on parle peu de ce qu'ont vécu les Tchèques. Il est intéressant de le découvrir grâce à Bor, Lustig, Weil, Hrabal et Pavel entre autres.
Un livre à lire absolument.


mots-clés : #famille #regimeautoritaire
par Hanta
le Jeu 7 Sep - 9:03
 
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Mario Vargas Llosa

Aux Cinq Rues, Lima

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Nous sommes au Pérou, à a fin des années 90, sous la double dictature de  la mainmise généralisée du gouvernement, et des attaques terroristes et enlèvements du Sentier lumineux.
La revue à scandale Strip-tease révèle les photos compromettantes d'une orgie à laquelle a participé Quique, richissime entrepreneur protégé par la dictature. La réponse est immédiate et le directeur de la publication en fait sauvagement les frais. Le milliardaire et ses amis, une fois la "faute" effacée, ne se posent guère  de questions et jouissent sans scrupules de leurs fortunes et de leurs émoustillantes  épouses dans une luxure assez désuète. Mais Julietta,  de journaliste à scandale se transforme en journaliste d'investigation  et n'a pas dit son dernier mot.

C'est un Vargas Llosa facétieux qui n'a plus rien à prouver, et qui s'est fait plaisir dans ce roman ludique, badin et faussement frivole.  Les dialogues tiennent une bonne moitié du texte. La niaiserie des industriels fortunés n'a d'égale que la naïveté du dictateur. Les parties de jambes en l'air coquines, torrides dans l'esprit des partenaires, sont racontées (avec détails ) dans un enrobage fleur bleu et un ton de moquerie amusée (on s'appelle "ma blondinette" et "mon petit mari").

Si Vargas Llosa s'appuie sur un arrière-fond de discours politique, il est surtout dans un film de série B avec ses multiples rebondissements plus ou moins prévisibles et ses personnages volontairement stéréotypés. Cette impression est confortée par l' ambitieux  chapitre XX, où les personnages s'entremêlent habilement en petites séquences entre-coupées dans une espèce de bande-annonce effrenée , tour de force littéraire de haut-vol parfaitement maîtrisé.

Au final , on pourrait croire que la morale est  que le pot de fer triomphe parfois du pot de terre. Je me demande si elle n'est pas plutôt que les vieux prix Nobel ont bien le droit de s'amuser, eux aussi, quitte à produire une œuvre piquante, mais mineure.


mots-clés : #humour #regimeautoritaire
par topocl
le Sam 2 Sep - 14:29
 
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Sujet: Mario Vargas Llosa
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Giorgio Bassani

Le jardin des Finzi-Contini

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Il fascine, ce jardin des Finzi-Contini, ces propriétaires terriens tellement classe, tellement élégants, tellement généreux,  tellement cultivés : immense, luxuriant, mystérieux. Les jeunes gens désœuvrés s'y retrouvent autour du court de tennis, on badine, on parle littérature, c'est divin. Bien sûr le narrateur tombe amoureux de Micol (tout le monde tombe amoureux de Micol) et au terme de cet été merveilleux, il va lui falloir une chemin un peu rude pour comprendre à quel point ils ont tous joué avec lui, comme il était la souris dont le chat s'est amusé, et combien la vie n'est pas ce qu'on attend.

Ce pourrait être un  simple roman plein de charme. élégant, mélodieux, sur la fin de l'adolescence  et la blessure des amours de jeunesse. Mais la trace de l'histoire est là car on est, en 1939, dans la bourgeoisie juive de Ferrare, et les lois raciales tombent une à une. La perte des illusions de l’adolescence  va bien au-delà des chagrins amoureux. Et ce d'autant plus que l'auteur nous le dit du départ : ils vont tous finir dans les fours, les Finzi-Contini.

Curieux contraste de cette jeunesse poète, joueuse, mélancolique et de ce spectre implacable qui sert de toile de fond à leurs amours. Bassani écrit là un roman plein de contrastes et  de subtilité, pour décrire, dans une fausse légèreté mélancolique, avec une  ironie brillante mais néanmoins terrible, les soubresauts d'un monde en train de mourir sous la main du  bourreau.


mots-clé : #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 11 Aoû - 18:51
 
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Aslı Erdoğan

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"Le silence même n'est plus à toi"

Asli Erdogan a connu les prisons de Turquie, elle a senti la chappe de plomb qui s'est abattue sur son pays qu'elle compare à l'Allemagne ou la Pologne de l'époque nazie.
Journaliste elle a couvert les évènements depuis 2010, les horreurs que le reste du monde se refuse à voir notamment l'ONU, par peur ? par connivence, par indifférence ? par bêtise ? . Journaliste, elle en a fait la relation dans un journal d'opposition, son livre "le silence même n'est plus à toi" reproduit certains de ses articles qui lui ont valu son incarcération dans la sinistre prison de Bakirköy à Istanbul, car exprimer son opinion est un crime en Turquie, comme au Vénézuela et à Cuba, des pays qui dessinent le visage de la dictature, un visage qui partout a les mêmes traits, un visage qui gène tout juste dans le reste du monde où il est plus "aisé" de fermer les yeux, de se boucher les oreilles par confort et commodité alors qu'il est encore temps de voir et d'écouter avant que la pensée unique s'installe et ferme les grilles, grilles de fer, qui enferment et détruisent à petit feu. Dépêchons nous de lire ce livre tant que nous avons un cerveau, un esprit critique d'autant que cette femme courageuse a une belle écriture, preuve qu'heureusement l'espoir n'a toujours pas été abattu.


mots-clés : #autobiographie  #regimeautoritaire
par Chamaco
le Lun 7 Aoû - 13:27
 
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Hisham Matar

Au pays des hommes

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En un temps de sang et de larmes, dans une Libye pleine d'hommes couverts d'hématomes et maculés d'urine, taraudée par le manque et désireuse de se libérer, j'étais cet enfant ridicule en quête de sollicitude, et même si je n'y songeais pas en ces termes à l'époque, l'auto-apitoiement avait viré à la détestation de soi.



Souleyman raconte l'été de ses 9 ans, un été libyen brûlant où la dictature de Kadaffi torture, assassine, paralyse, s'infiltre tant et si bien que les enfants la pressentent alors même que tout leur est caché. Ils ne savent à quel saint se vouer, la mère  mariée à 14 ans pour cause de dévergondage, le père dissident, perpétuel absent privilégiant ses idées sur sa famille, la Guide Suprême enseigné à l'école : au milieu cet enfant est décontenancé, dévasté,  tiraillé, ballotté de secret en tromperie...
Histoire d'une enfance  des plus douloureuses, Au pays des hommes montre comment celle-ci, entre fidélité et trahison, est volée, pervertie, manipulée, chassée.



mots-clés : #famille #initiatique #regimeautoritaire
par topocl
le Lun 31 Juil - 20:32
 
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István Örkény

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Soeur Gloria


Originale : Gloria (Hongrois, 1972), traduit vers le Français par Jean-Michel Kalmbach

CONTENU :
La Hongrie jeune et communiste dissout vers 1950 radicalement les monastères er renvoient les sœurs religieuses dans la vie laïque tout en s'appropriant des bâtiments. C'est ainsi que Soeur Gloria, maintenant à nouveau Ilona, 25 ans, retourne après une dizaine d'années recluses dans sa famille. Mais elle n'y appartient plus totalement, n'appartient ni ici, ni là-bas. Dans son innocence certaine elle ne semble pas faite pour ce monde où on la laisse un peu à coté, comme demeurée ou éventuellement on l'ignore avec ses opinions. Elle quitte sa famille et trouve du travail en ville (Budapest). Mais on use sa générosité, l'accuse même de vol. C'est un peu par hasard que son chemin continue et qu'elle réaprend la vie en contact avec des réalités différentes... Où est-ce qu'elle va aboutir ?

REMARQUES :
Il s'agit d'un bien court roman d'à peine cent pages en quatorze chapitres. On y trouve pas une absurdité ironisant sur le sort de la petite religieuse perdue ; Donc ? Ce n'est pas une attitude d'une mauvais pitié avec Gloria, même si elle est décrite après ses années dans une monastère comme un vrai agneau, ne comprenant pas toujours bien les machinations des autres, ou les prenant comme à prendre. Elle voit toujours et avant tout le bien et interprète les actions des autres d'abord à leur avantage. Est-ce qu'elle doit peu à peu réapprendre en contact avec le monde une certaine prudence, attention voir même une distance, une attitude sceptique ? Nous l'accompagnerons dans ce processus de retour dans le monde, raconté dans une narration dans la première personne.

Est-ce que le contexte nous semble grotesque ? Quoi, dans le XXième siècle on a juste comme ça dissout des monastères et obligé des sœurs de retourner vivre dans une façon non-choisie ? Mais voilà, cela a existé. Et celui qui aimerait avoir un autre regard sur cette réalité, un regard encore plus authentiquement spirituel et historique soit averti du journal impressionnant de Monika Timar : clic  ou sa  correspondance : clic   . A l'époque j'ai lu ces livres avec très grand intérêt.

Bien sûr qu'Örkeny écrit comme connaisseur du regime de l'époque. Il sait à quel point on a essayé de mettre des opposants de différents bords dans des boîtes et sous contrôle. Dans un registre autre on l'a fait avec lui (voir Biographie). Même s'il n'a pas connu Monika Timar, ce récit se révèle plein de tact envers des question aussi bien matérielles que spirituelles, mais aussi de temps en temps d'humour grâce aux frottements entre l'innocence de Gloria avec le monde.

Son style et le ton de ce livre me donne pleinement envie de le découvrir dans ses œuvres plus essentielles...


mots-clés : #initiatique #regimeautoritaire
par tom léo
le Mar 25 Juil - 22:15
 
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Sujet: István Örkény
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Ivonne Lamazares

- Oublier Cuba -

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4° de couverture :

"Dans une société cubaine en plein bouleversement, le récit juste et sensible d'une adolescente prise dans la tourmente révolutionnaire. Cuba, 1958. Tanya a cinq ans lorsque Mirella, sa mère, part rejoindre la guérilla dans les montagnes. Dix ans plus tard, dégoûtée par le régime castriste et usée après un séjour en camp de réhabilitation, Mirella n'a qu'une idée en tête : fuir, à n'importe quel prix. Ce désir impérieux, vital, de Mirella, se heurte au refus farouche de sa fille. Elevée par une vieille tante de La Havane, Tanya a grandi avec la révolution, et a appris à composer avec le système, la débrouille, le marché noir. Tous ses proches sont ici : son frère Emanuel, son amie Paula, mariée au fils d'un puissant du régime, et Andres, jeune communiste idéaliste avec qui elle a une histoire d'amour. Aussi, quand la répression menace de nouveau Mirella, Tanya est-elle confrontée au plus terrible des choix : rester, quitte à trahir cette mère immature et passionnée, qu'elle aime en dépit de tout, ou bien risquer sa vie, comme ces milliers de balseros, pour s'enfuir vers l'inconnu... "


Mon avis qui n'engage que moi: ---Voilà une histoire qui par son sujet pourrait attirer une levée de boucliers des sempiternels défenseurs bien assis des dégâts de la Révolution cubaine, aptes à s’élever contre toute remise en cause d’un système destructeur pour une partie du peuple embarqué contre son gré dans la création illusoire d’un « homme nouveau ». Elle pourrait mais par son absence d’attaques personnelles contre les dirigeants, la mise sur plaque de verre d’un microscope étudiant les souffrances d’une société livrée à une bureaucratie, une police, une forme de pensée unique et n’admettant aucune contradiction, elle se heurterait à une evidence : « oublier Cuba » est un constat poignant d’une famille de gens simples déchirée par la rudesse (et je ne qualifierai pas plus voulant être respectueux des lecteurs) la rudesse et disons l’autisme d’un régime. L’auteure nous fait appréhender les problèmes par le regard d’une gamine de 15 ans à l’aube d’une vie de femme, une gamine embarquée souvent contre son gré par sa mère ne supportant plus la vie dans l’île.

On vit de l’intérieur le climat moral, économique, des cubains des classes modestes, c’est très rare dans ce type de litterature et Ivonne Lamazares nous entraîne à sa suite dans une langue simple rendant accessible les ressentis de ces gens vivant encore dans les années soixante, pour certains de nos jours, l’histoire se passe entre 1958 et 1967, mais elle pourrait se passer maintenant pour beaucoup de cubains surtout ceux du sud de l’île, plus pauvres, plus démunis… Un bon livre, accessible et qui est captivant..


mots-clés : #regimeautoritaire #initiatique
par Chamaco
le Lun 10 Juil - 18:01
 
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Sujet: Ivonne Lamazares
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José Maria Arguedas

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El Sexto

C' était la plus grande prison de Lima,  sous la dictature de Benavides, dictature avec la complicité des gringos.   Y est interné pour avoir participé à une manifestation antifasciste le jeune étudiant Gabriel.

El Sexto c'est l'enfer, avec 3 niveaux de "pêcheurs" : au rez de chaussée les assassins, les clochards, ceux qu'on appelle la lie, au 2ème niveau les droits communs mais aussi des innocents objets de délation, au 3ème niveau "le paradis" les politiques.

Gabriel se retrouve dans la cellule d'un vieux Communiste, chef de file des mineurs, que tous respectent, même les Apristes. (Apristes et Communistes adversaires politiques)

Le sexe, la drogue, l'argent sale, la perversion, les exactions commises par et sur des prisonniers avec l'aval de l'administration corrompue qui règne au sein même de la prison avec la  collaboration de  deux assassins notoires.

Le récit est composé essentiellement par des dialogues  entre les prisonniers.

Tout est vu, entendu dans El Sexto car la construction ne permet aucune intimité, même pour les sanitaires ;  les prisonniers à tous les niveaux sont visibles par tous.

Quand un prisonnier quitte El Sexto c'est principalement quand la mort l' emporte pour l'amener à un  niveau, en quelque sorte libérateur.

Quelques gestes, quelques mots de compassion et d'aide prouvent tout de même qu'il y a encore de l'humanité dans certains.

Cette deuxième lecture d'Arguedas me confirme que c'est un auteur incontournable du Pérou.

extraits

"Haïr, haïr comme qui dirait un ouvrier, ce sera peut-être nécessaire, mais mon coeur n'y arrive pas. Je hais ces maudits gringos et je mourrais en luttant ontre eux ! Mais un responsable ouvrier dans l'erreur, je ne lui en veux qu' au moment de sa trahison ; après ça me passe. Je les vois souffrir exactememnt comme moi : les gringos et les contremaîtres leur crachent dessus tout pareil."

"Quel est l' idéal, frère Càmac, qui guide nos exploiteurs et nos tyrans, eux qui traitent les métis et les Indiens de la Côte et de la Sierra comme des bêtes, et qui voient et entendent, parfois, de loin et avec dégoût, ces musiques et ces danses où s'exprime notre patrie telle qu'elle est, dans sa grandeur et sa tendresse ?"

"Ils tournaient autour des marmites et du noir. Les plus faibles restaient fréquemment les mains vides et même lorsqu'ils parvenaient jusqu'au noir e obtenaient une louche de bouillie dans les mains ou dans un papier sale, ils n'arrivaient pas à courir assez vite pour échapper aux plus forts. Ils avalaient leur ration en courant. Ils enfournaient les haricots avec le carton, le papier, n'importe quoi, ou ils se mordaient les doigts.Ils n'avaient pratiquement pas le temps de mâcher. Les plus forts les suivaient ; ils leur ouvraient les mains pour prendre les restes ; il les léchaient ; et si, dans sa fuite le clochard poursuivi laissait échapper tout ou partie de sa ration, lui et son poursuivant se mettaient à lécher le sol."

"Monsieur dit l'enfant au Piurano. Je ne vais pas rentrer au village. Je vais attendre par Dieu !
Il s'est signé et il est passé dans la grande cour. Nous l'avons vu s'éloigner, boitant, petit, sans chapeau.

- l'anneau a réapparu dit le noir. Nous ici ont en a forcé un autre.
Le Piurano s'est rapproché jusqu'à ce que son ventre touche presque celui du noir.
- Répète moi ça charognard ! lui a-t-il crié. Répète moi ça charognard de merde !

Nous ne quittions pas des yeux les mains du noir. Celui-ci a marmonné quelque chose ; son visage était couleur de cendre."




mots-clés : #captivite #criminalite #regimeautoritaire
par Bédoulène
le Mar 23 Mai - 15:15
 
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Sujet: José Maria Arguedas
Réponses: 4
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