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134 résultats trouvés pour guerre

Patrick Deville

Vais-je me réconcilier avec Patrick Deville?

Taba-Taba

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Images52

Qu'est ce qui a fait Patrick Deville, ce petit garçon, cette "crevette", qui a vécu ses premières années derrière les murs du Lazaret de Mindin, en face de St Nazaire, cet hôpital psychiatrique où son père anime une troupe de théatre, éprouvant une étrange fascination-amitié pour un pensionnaire, "solitaire ténébreux", scandant sa solitude de l'obscure litanie taba-taba-taba/taba-taba-taba, alexandrin parfait adressé à l'adversité?

Est-ce sa famille dont il déroule un historique tout à la fois romanesque et scrupuleux, grâce aux 3 m3 des archives de cinq générations, léguées par la tante Monne, rescapées de combien de pertes et de hasards ? Journaux d'époque, correspondances, photographies, journaux intimes, répertoires, factures, courriers administratifs lui permettent, une année durant, d'organiser un grand jeu de piste à travers la France, au volant de sa Passat : il n’est pas du genre à se contenter de la paperasse, Deville, il veut retrouver les lieux, il veut voir, il veut sentir, il veut rêver. Il veut imaginer ces fantômes d'ancêtres se glissant dans les rues, pêchant dans les ruisseaux, échappant aux obus, se cachant au maquis...

Est-ce notre histoire française, ses guerres sans cesses enchaînées, ces der-des ders préparant la suivante,  dont le traumatisme se transmet au-delà des mots, trouvant son apogée dans les actes terroristes qui frappent nos territoires paysagers et intimes?

Est-ce l'histoire mondiale, de conquêtes en colonies, à la rencontre desquelles il s'envole en alternance avec son périple des campagnes et villes françaises (Wikipedia nous l'expliquant puisqu'il est directeur littéraire de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire, )?

C'est bien sûr tout cela qui l'a fait, fruit de tant de hasards qu'il aurait tout aussi bien pu ne jamais être là. C'est ce qui a fait cet esprit curieux, passionné, érudit, avide de détails inutiles qu'il rend indispensables, d'histoires et de souvenirs, de lectures et de voyages, organisés dans des digressions, des associations temporelles ou spatiales, livrés au lecteur dans un feu d’artifice  foisonnant : émotions,  noms célèbres ou inconnus,  citations, lieux, événements historiques ou intimes étroitement mêlés. Dans la luxuriance et l'emportement, rares sont les instants où l'on frôle la noyade face à ce déferlement.

Le récit emporte brillamment la gageure d'une ambition folle qui cherche à l'exhaustivité : décrire un homme, c'est décrire le monde. Et cet homme, amalgame de tant de choses, de tant de gens, de tant de lieux, de tant de siècles, cet homme lucide se veut optimiste quand le monde part en vrille: et alors, ce monde ne le fait-il pas depuis des siècles et des siècles? C'est par un charme fou, un humour malin, une fantaisie jamais épuisée, un sens du romanesque captivant, une attention à l'autre et un amour partagé que Patrick Deville donne sens à tant de sacrifices  dans les diverses boucheries des siècles passés.

Ici, la littérature,  modelant habilement réalité et fiction entremêlées (il parle de roman sans fiction), répond à nos interrogations essentielles, en quelque sorte. Arrivée éblouie au terme de ce roman universel et intime, je ne sais plus au final si la question est : qu’est ce qui a fait Patrick Deville, ou : qu'est ce qui fait le monde.


mots-clés : #autobiographie #famille #guerre #historique #terrorisme
par topocl
le Mer 6 Déc 2017 - 16:22
 
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Sujet: Patrick Deville
Réponses: 33
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Cyril Dion

Imago

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Cvt_im10

Encore un livre qui démontre qu'il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions et de bonnes idées pour faire un bon livre.

Cyril Dion entrecroise des destins, dont les éléments nous sont peu à peu révélés..
On part dans le contexte du conflit israélo-palestinien, avec une description époustouflante de la vie dans la zone de Gaza, de cette vie dans un territoire en quasi guerre perpétuelle,  gorgée de harcèlement, de discrimination, d'humiliations, d'incommodités quotidiennes, de bombes tombées à l'aveuglette et de ruines, qui fait naître une  haine aveugle chez les jeunes palestiniens, qui nourrit les vocations des terroristes. Deux frères l'un porté par la vengeance, l'autre par un esprit de tolérance (parmi les deux, l'un lit, l'autre pas, devinez lequel??)
En France, un responsable du "Fonds" chargé de négocier et d'administrer les fonds humanitaires, un homme arrogant mais fier de sa mission, aussi.
Et une femme  marquée par la vie, retirée à la campagne, portrait le plus inabouti.

C'est très intéressant au niveau informatif, très documenté et habilement détaillé. Les pages sur la vie dans la zone de Gaza, le contraste avec les rues du Caire et la vie parisienne, tout le début, en fait, j'ai beaucoup accroché.

Se développe malheureusement peu à peu malheureusement un scénario  "démonstratif" fait de liens familiaux occultes,  peu à peu révélés, mais "pleins de sens". Au passage, le bureaucrate vaniteux connaît comme une épiphanie assez ridicule en se confrontant à la réalité de la vie en Palestine. C'est beaucoup et il est difficile, malgré l'envie que j'en aurais eu,  de sauver ce roman qui veut monter la complexité des choses, mais s'appuie pour cela sur des procédés par trop grossiers.


mots-clés : #conflitisraelopalestinien #guerre #terrorisme
par topocl
le Lun 4 Déc 2017 - 10:58
 
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Sujet: Cyril Dion
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Omar El Akkad

American war

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Images48

On est dans le Sud, tout au long de  la deuxième Guerre de Sécession  américaine (2074-2093). La montée des eaux et le dérèglement climatique ont déplacé des populations entières. Le Sud refuse la loi des nordistes qui interdit l'énergie fossile. Ses habitants subissent les ravages de cette guerre (guerre bactériologique, drônes...), et soutiennent les valeurs des combattants rebelles. Le père de Sarat meurt dans un attentat, sa famille est déplacée dans un camp de réfugiés où, devenue adolescente,  elle est approchée par des recruteurs, en collaboration avec les service secrets de l'Empire Bouazizi (qui regroupe tous les  anciens pays du Moyen Orient). On l'incarcère et la torture des années dans une île qui ressemble fort à Guantánamo, dont elle ressort détruite, définitivement transformée en un être de haine et de vengeance.

On accompagne tout au long du livre Sarat, cette petite fille qui, enfant, était heureuse et qui se transforme en quelques années en un monstre génocidaire.  C'est un beau (quoique terrible) portrait de femme, qu'on découvre, assez horrifié de cette nouvelle démonstration du fait que la violence n’entraîne que souffrance et violence.

Assez jouissive est cette image des Etats-Unis dévastés, pays qui n'a plus les manettes, livré à l'aide humanitaire internationale, subissant toutes les exactions qu'elle a imposé jusque-là aux autres sur la planète . Il y a des longueurs , certes, mais la guerre est longue; et le scénario se  déroule implacable, rendu totalement crédible par des personnages qui nous ressemblent, pris dans le monde que nous leur préparons.  Ce livre est terriblement angoissant, il montre dans un récit habile tout ce que nous redoutons, et même un peu plus. Plus moyen de croire que nous l'éviterons.


mots-clés :
mots-clés : #ecologie #guerre #romananticipation #terrorisme #violence
par topocl
le Lun 27 Nov 2017 - 21:23
 
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Sujet: Omar El Akkad
Réponses: 2
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Amin Maalouf

Les désorientés

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Les-de10


Adam, un historien bientôt quinquagénaire exilé à Paris, n'a plus revu depuis un quart de siècle son pays natal dévasté par les guerres civiles. A l'annonce du décès imminent de son « ancien ami » Mourad, Adam décide de se rendre à son chevet, bien qu'il ait pris ses distances avec lui. C'est généralement dans la maison de Mourad que se réunissaient autrefois leurs amis communs, avec qui ils formaient un groupe d'étudiants joyeux et très unis, pleins de projets d'avenir pour leur pays avant que la guerre ne les disperse. Mais Mourad s'est compromis afin de pouvoir garder sa propriété familiale, âprement défendue depuis des générations ; pris dans l'engrenage, il s'est mué en politicien corrompu (vice endémique du pays). Adam arrive trop tard pour revoir Mourad, et décide de rester incognito le temps d’écrire à propos de cette époque de sa vie, soit les seize jours de ce récit d’un retour au pays ; occasion aussi de reprendre contact avec les amis du cercle, certains éparpillés dans la diaspora, qui ont vécu différents choix de vie, et d’organiser une réunion dans la nostalgie de leur heureuse jeunesse d'avant-guerre.
(Commentaire basé sur Wikipédia fort remanié.)

« De la disparition du passé, on se console facilement ; c’est de la disparition de l’avenir que l’on ne se remet pas. Le pays dont l’absence m’attriste et m’obsède, ce n’est pas celui que j’ai connu dans ma jeunesse, c’est celui dont j’ai rêvé, et qui n’a jamais pu voir le jour. »

« Allions-nous passer notre vie entière, et en tout cas notre jeunesse, sans avoir eu l’occasion de nous engager à corps perdu dans un combat qui en vaille la peine ? »


Insérée dans cette trame en court une autre, pas aussi fortuite ou déplacée qu’on pourrait le croire : Adam a une aventure amoureuse avec une amie retrouvée, que trop timoré il n’avait pas eue à l’époque, et ceci avec le consentement de sa compagne restée en France. Cette péripétie donne l’occasion d’évoquer les années soixante-dix du point de vue de leurs conceptions idéalistes voire utopiques sur l’amour et le sexe, et ce qu’il est advenu des notions révolutionnaires de liberté humaniste.
Le lecteur entrevoit également les charmes de la civilisation levantine (libanaise), chaleureuse, sensible et sensuelle, multiculturelle, dont le "modèle", qui permettait aux diverses communautés de vivre harmonieusement ensemble, n’a pas survécu aux tensions sectaires, entre fanatiques religieux et caïds de quartier, par défaillance de gouvernement national.
On trouve encore dans ce livre (2012) des aperçus pertinents sur la confrontation Occident – monde arabe, qui n’ont pas perdus de leur intérêt dans le contexte actuel, bien au contraire. Amin Maalouf analyse le conflit proche-oriental comme une rétrogradation dans la radicalisation (pas seulement religieuse), avec chez les Arabes une réaction haineuse contre l’humiliation longuement subie de l’Occident :

« Les militants radicaux comme lui, ils deviendront forcément un jour des oppresseurs. Mais aujourd’hui ils sont persécutés dans la plupart de nos pays, et en Occident ils sont diabolisés. Est-ce que tu as envie de défendre un opprimé alors que tu sais pertinemment qu’un jour prochain, il se comportera lui-même comme un tyran ? »

« Ce qui m’exaspère, c’est cette manière que l’on a aujourd’hui d’introduire la religion partout, et de tout justifier par elle. Si je m’habille comme ça, c’est pour ma religion. Si je mange ceci ou cela, c’est pour ma religion. On quitte ses amis, et on n’a pas besoin de s’expliquer, c’est ma religion qui m’appelle. On la met à toutes les sauces, et on croit la servir, alors qu’on est en train de la mettre au service de ses propres ambitions, ou de ses propres lubies.
La religion c’est important, mais pas plus que la famille, pas plus que l’amitié, et pas plus que la loyauté. Il y a de plus en plus de gens pour qui la religion remplace la morale. Ils te parlent du licite et de l’illicite, du pur et de l’impur, avec des citations à l’appui. Moi j’aimerais qu’on se préoccupe plutôt de ce qui est honnête, et de ce qui est décent. Parce qu’ils ont une religion, ils se croient dispensés d’avoir une morale. »

« Ce conflit qui a bouleversé nos vies n’est pas une querelle régionale comme les autres, et ce n’est pas seulement un affrontement entre deux ‘tribus cousines’ malmenées par l’Histoire. C’est infiniment plus que cela. C’est ce conflit, plus que tout autre, qui empêche le monde arabe de s’améliorer, c’est lui qui empêche le monde arabe de s’améliorer, c’est lui qui empêche l’Occident et l’Islam de se réconcilier, c’est lui qui tire l’humanité contemporaine vers l’arrière, vers les crispations identitaires, vers le fanatisme religieux, vers ce qu’on appelle de nos jours ‘l’affrontement des civilisations’. […] Je te le dis en pesant mes mots : c’est d’abord à cause de ce conflit que l’humanité est entrée dans une phase de régression morale, plutôt que de progrès. »

« Ce qui est certain, c’est que cette succession de débâcles a progressivement déséquilibré le monde arabe, puis l’ensemble du monde musulman. »

« …] au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident a découvert l’horreur des camps, l’horreur de l’antisémitisme ; alors qu’aux yeux des Arabes, les Juifs n’apparaissent nullement comme des civils désarmés, humiliés, décharnés, mais comme une armée d’invasion, bien équipée, bien organisée, redoutablement efficace. »

« Il y a, objectivement, deux tragédies parallèles. Même si la plupart des gens, chez les Juifs comme chez les Arabes, préfèrent n’en reconnaître qu’une. Les Juifs, qui ont subi tant de persécutions et d’humiliations à travers l’histoire, et qui viennent de connaître, au cœur du vingtième siècle, une tentative d’extermination totale, comment leur expliquer qu’ils doivent demeurer attentifs aux souffrances des autres ? Et les Arabes, qui traversent aujourd’hui la période la plus sombre e la plus humiliante de leur histoire, qui subissent défaite sur défaite des mains d’Israël et de ses alliés, qui se sentent bafoués et rabaissés dans le monde entier, comment leur expliquer qu’ils doivent garder à l’esprit la tragédie du peuple juif ? »

« Les guerres ne se contentent pas de révéler nos pires instincts, elles les fabriquent, elles les façonnent. Tant de gens qui se transforment en trafiquants, en pillards, en ravisseurs, en tueurs, en massacreurs, qui auraient été les meilleurs êtres du monde si leur société n’avait pas implosé… »

« Longtemps l’idée de révolution était l’apanage des progressistes, et un jour elle a été captée par les conservateurs. »

« "C’est l’Occident qui est croyant, jusque dans sa laïcité, et c’est l’Occident qui est religieux, jusque dans l’athéisme. Ici, au Levant, on ne se préoccupe pas des croyances, mais des appartenances. Nos confessions sont des tribus, notre zèle religieux une forme de nationalisme…"
"Et aussi une forme d’internationalisme", ajoute Adam.
"C’est les deux à la fois. La communauté des croyants remplace la nation ; et dans la mesure où elle enjambe allègrement les frontières des Etats et des races, elle se substitue aussi aux prolétaires de les tous pays qui, paraît-il, devaient s’unir." »


L'auteur, lettré francophone gardant un vif attachement à la culture arabo-chrétienne, transparaît dans le personnage central du roman, et son point de vue narratif relie les notes et extraits de correspondance de ce dernier. Ce procédé un peu bancal permet au moins une lecture aisée et finalement agréable de l’exposé clair, explicite.
Je dois confesser qu’une certaine impression me gêne à la lecture des romans d’Amin Maalouf, un a priori peut-être, difficile à décrire : comme quelque chose de convenu, d’artificiel et de banal dans le style comme le contenu, en-deçà de la mièvrerie mais qui entache spécialement son rendu des rapports humains.
Nota bene, cette fois les extraits que j'ai retenus me semblent plus objectivement représentatifs de l'oeuvre...

« Tout homme a le droit de partir, c’est son pays qui doit le persuader de rester ‒ quoiqu’en disent les politiques grandiloquents. […]
C’est d’abord à ton pays de tenir, envers toi, un certain nombre d’engagements. Que tu y sois considéré comme un citoyen à part entière, que tu n’y subisses ni oppression, ni discrimination, ni privations indues. Ton pays et ses dirigeants ont l’obligation de t’assurer cela ; sinon, tu ne leur dois rien. Ni attachement au sol, ni salut au drapeau. Le pays où tu peux vivre la tête haute, tu lui donnes tout, tu lui sacrifies tout, même ta propre vie ; celui où tu dois vivre la tête basse, tu ne lui donnes rien. Qu’il s’agisse de ton pays d’accueil ou de ton pays d’origine. La magnanimité appelle la magnanimité, l’indifférence appelle l’indifférence, et le mépris appelle le mépris. Telle est la charte des hommes libres et, pour ma part, je n’en reconnais aucune autre. »


Mots-clés : #amitié #exil #guerre
par Tristram
le Ven 3 Nov 2017 - 19:04
 
Rechercher dans: Écrivains du Proche et Moyen Orient
Sujet: Amin Maalouf
Réponses: 23
Vues: 3459

Andreï Guelassimov

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Soif10
La Soif

La Soif est un très beau roman sur un jeune garçon ordinaire, Kostia (Constantin), qui revient de son service militaire en Tchétchénie où cette guerre fait des ravages. Au retour, il passe son temps à boire de la vodka et sombre dans l’alcoolisme jusqu’à l’écroulement, pour oublier ce qu’il a enduré, pour essayer de survivre, reconstruire sa vie au risque de mourir. Parce que Kostia est revenu mutilé et brûlé au visage. Il va devoir vivre avec son nouveau physique défiguré qui effraie les enfants.

Le char russe a été attaqué par des snipers, il a explosé. Les camarades de Kostia l’ont cru mort mais l’un d’entre eux a pu le sortir de justesse. Et puis on passe du présent au passé et vice versa, les deux se fondant, comme dans la tête de Kostia :

« – On approche des ruines ! cria-t-il dans l’émetteur. Vous m’entendez ? Putain, vous roupillez là-bas, ou quoi ? On approche. Couvrez-nous s’il y a un problème. Il reste deux cents mètres… Cent cinquante… Cent… Tout a l’air normal.. Il semble qu’il n’y ait personne ici… Il reste cinquante mètres… On est presque passés… Tout est calme… Quoi ? Non, tout est normal, je vous dis… Tout baigne…
La déflagration fut telle qu’elle me souleva et que  je me retrouvai debout sur mes pieds avant de retomber immédiatement. Le choc fit résonner ma tête comme l’intérieur d’une cloche. Devant mes yeux il y avait une bouteille vide. Et une autre encore à côté. Je les touchai de la main et elles s’entrechoquèrent. C’était agréable d’être couché par terre. Le sol était frais. J’appuyai ma joue sur le lino et fermai les yeux. Surtout ne pas bouger… »


Quand il était adolescent, son directeur d’école, un gros buveur de vodka, qui avait vu ses dessins et repéré son talent, le convoquait souvent pour lui apprendre comment dessiner, mais surtout comment voir, appréhender le regard. Regarder par la fenêtre, savoir observer comment les enfants jouent dehors, comment ils se meuvent, détailler les gestes... Kostia n’a pas oublié son enseignement. Et le dessin sera une grâce qui lui permettra de s’en sortir.

Ses trois amis sont aussi rentrés à Moscou mais l’un d’entre eux s’avère introuvable. Ils partent à sa recherche. Kostia va alors devoir revoir son père qui a fondé une nouvelle famille et se réconcilier, faire la connaissance de ses tout jeunes frère et sœur, des petits enfants : et c’est grâce au dessin qu’il partage avec eux que renaît l’espoir de vivre.

C’est un très beau roman, plutôt en retenue, sensible aussi, avec des retours vers le passé, et sur les ravages de la guerre mais avec une distance savamment dosée, car écrit par un écrivain russe engagé et qui donne de la beauté à ce roman.

mots-clés : #addiction #contemporain #guerre
par Barcarole
le Dim 29 Oct 2017 - 18:35
 
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Sujet: Andreï Guelassimov
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Mathias Enard

La perfection du tir

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Images28

Si cela veut montrer que la guerre (civile en l’occurrence) est une saloperie, c'est parfaitement réussi. Mathias Enard suit pas à pas son héros, tout jeune garçon sûr de sa cause, fier de sa puissance meurtrière, de sa maîtrise implacable. Seulement tout cela part à la dérive, le héros se laisse aller à jouer avec la puissance de son arme, dans un grand n'importe quoi malsain de turpitudes meurtrières. Cela ne l’effleure jamais qu'il est en plein délire, il ne fait que continuer sur la voie de la trahison et de l’infamie. Ce qui le déstabilise beaucoup plus, c’est la douceur sensuelle qui le met en émoi quand il embauche Myrna, une jeune fille pure de 15 ans, pour garder au  domicile sa mère entrée dans une autre forme de folie. Même cette fascination virginale a des relents de veulerie.

Cela devrait être implacable et  terrifiant, ça l’est souvent, mais je dois dire que je me suis parfois laissée submerger par la confusion des combats et l’ennui qui en est ressorti. De très beaux passages alternent avec des descriptions totalement distanciées et factuelles. La fin par contre est un chef-d'oeuvre de poésie lyrique qui empoigne le lecteur. L’amour dont la dimension  soi-disant rédemptrice ne peut guère cacher l’appel de la chair et le despotisme du soldat ne prend vraiment toute sa valeur que dans cette dernière scène.

Un livre dérangeant donc, qui ne tient pas toutes ses promesses, et laisse un  certain malaise, sans doute voulu par l’auteur.

La chair souffre pour laisser passer la lame, entre deux côtes, un instant et c'est la victoire sur celui que l'on sent souffler contre soi. Aucun des deux ne pense, aucun des deux n'est présent, en vérité, nous ne sommes que panique et étrange courage brutal, personne n'attaque, tous se défendent, ce que l'on veut, ce que l'on désire jusqu'au plus profond de soi c’est ce repos magique de l'oubli et du sommeil


(Commentaire récupéré)

mots-clés : #contemporain #guerre
par topocl
le Dim 29 Oct 2017 - 12:55
 
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Sujet: Mathias Enard
Réponses: 94
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Brigitte Giraud

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 516wwd10

Un loup pour l’homme


Originale: Français, 2017

Flammarion a écrit:Printemps 1960. Antoine est appelé pour l'Algérie au moment où Lila, sa toute jeune femme, est enceinte. Il demande à ne pas tenir une arme et se retrouve infirmier à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Ce conflit d’Algérie, c'est à travers les récits que lui confient jour après jour les "soldats en pyjama" qu'il en mesure la férocité. Et puis il y a Oscar, amputé d'une jambe et enfermé dans un mutisme têtu, qui l'aimante étrangement. Avec lui, Antoine découvre la véritable raison d'être de sa présence ici : "prendre soin". Rien ne saura le détourner de ce jeune caporal, qu'il va aider à tout réapprendre et dont il faudra entendre l'aveu. Pas même Lila, venue le rejoindre.
Dans ce roman tout à la fois épique et sensible, Brigitte Giraud raconte la guerre à hauteur d'un "appelé", Antoine, miroir intime d'une génération. embarquée dans une histoire qui n'était pas la sienne. Ce faisant, c'est aussi la foi en la fraternité et le désir de sauver les hommes qu'elle met en scène.


REMARQUES :
C’est selon les mots de l’auteure, alors la vie de ses parents qu’elle met en scène ici, pas comme un pur récit, mais avec des éléments de roman qui, néanmoins, sont tous basés sur des faits réels, aussi issus des entretiens de Giraud avec son père. Un autre roman sur l’Algérie, comme il y en a dans cette rentrée littéraire ? Oui, et avec son regard : Quel apprentissage entre le départ de ces appelés, innocents et ignorants, l’arrivée dans un l’Algérie sensuelle et pleine de charme, certes, mais se dévoilant aussi de plus en plus menaçant. Dans la mesure des non-dits de l’époque sur les vraies dimensions du « conflit », un fossé se crée aussi entre cette présence et les soldats là-bas et la normalité d’une vie, les familles laissées à la maison. Le roman joue entre l’innocence qui se perd en quelque sorte, et l’impression d’une menace grandissant.

Antoine, lui, a réfusé de porter l’arme : il travaille dans un hôpital militaire. C’est pour ainsi dire par les récits des blessés, les rumeurs des nouvelles, qu’il apprend peu à peu pas seulement quelque chose des revendications des Algériens (nous sommes en 1960 et de Gaulle va bientôt lâcher l’Algérie, c’est-à-dire reconnaitre l’auto-détermination), mais aussi les exactions commises par des Français… C’est exceptionnel que sa femme Lila, enceinte de quatre mois, peut le rejoindre. Ils peuvent même vivre en dehors de la caserne ensemble. Semblant de normalité ? Leur enfant va naître là !

Ce n’est pas un guerrier, mais un doux qui s’attache spécialement à Oscar, qui à la suite d’une amputation se trouve dans un mutisme. Il aimerait tellement le remettre « debout », extérieurement et intérieurement ! Cela est décrit comme une grande douceur, voir tendresse, où la parole qui accompagne, explique, fabule fait partie de l’attention donnée. Mais est-ce qu’Oscar va monter la pente ?

Roman sur un bout de l’histoire française, trop longtemps banni, tabou, tu, omis et ignoré. Donc, prise de conscience. Mais aussi histoire, malgré les changements de noms et une narratrice seulement apparemment plus distante, très personnelle, vrai hommage à ses parents et aussi tous ces hommes, victimes d’un conflit absurde, portant leur fardeau de mutisme, de souffrances, encore longtemps après.

J’ai beaucoup aimé !


mots-clés : #famille #guerre #medecine
par tom léo
le Ven 27 Oct 2017 - 7:25
 
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Sujet: Brigitte Giraud
Réponses: 15
Vues: 1502

José Carlos Llop

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Le_mas10

Le Messager d' Alger. - J. Chambon

Le Messager d'Alger est un livre morbide où la mort et le danger sont constamment présents.
Le passé aussi, non parce qu'il serait meilleur quele présent (le passé en question, c'est le franquisme, la "collaboration",
le fascisme), mais parce qu'il est le seul repère stable.

D'ailleurs passé et présent se télescopent constamment. Et les zones d'ombre subsistent sans s'éclairer, comme une sorte de cauchemar permanent.
Les zones d'ombre concernent aussi nombre de personnages du passé qui ont dépassé la simple duplicité pour afficher une
complicité dangereuse avec les pouvoirs d'alors.

José Carlos Llop dit à ce sujet dans une interview à propos de son roman :

"Cest le monde en crise de la fin des idéologies et de la disparition de la mémoire.
"Le monde civilisé a été capable de tout cela -l'holocauste, le franquisme...-. Et la génération de nos parents et de nos grands parents
savait jusqu'où l'homme pouvait aller avec ses semblables. Et de toute évidence, ils se sont tus. Déchiffrer ce silence est un des roles des romans de la mémoire..
."


mots-clés : #devoirdememoire #guerre
par bix_229
le Mer 25 Oct 2017 - 20:54
 
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Sujet: José Carlos Llop
Réponses: 21
Vues: 2156

Georges Hyvernaud

Le wagon à vaches.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Wagon_10

Un peu plus tard, la guerre finit, et on érigea un monument aux morts.


Le narrateur,  revenu de la guerre rapporte quelques souvenirs de ses premiers jours de mobilisation, avant l'assaut, et de sa captivité où il a été emmené dans des Wagons à vaches. Il en garde "cette amertume sommaire, cette passivité ".

Bonne vieille race obstinée des hommes : toujours prête à tout recommencer, à remettre ça. Se raser, cirer ses souliers, payer ses impôts, faire son lit, faire la vaisselle, faire la guerre. Et c'est toujours à refaire. Ça repousse toujours, la faim, les poils, la crasse, la guerre.


Il parle surtout de sa vie terne d'employé de bureau, pour laquelle ses parents, des gens ternes et convenus, l'ont fait étudier afin qu'il dépasse leur condition. Il essaie d'écrire le soir chez lui, il raconte le quotidien nauséeux de cet après-guerre , et s’attache à portraiturer un petit monde étriqué et vaniteux. Pas un pour rattraper l'autre. Les personnages sont des médiocres, des petits bourgeois compassés dont il fustige la capacité à s'habituer, à faire comme si, alors que la guerre colle encore à la peau de chacun. Il y met une ironie mordante, qu'il épice d'un peu de scatologie sarcastique.

Des médiocres vivants, incapables de donner du relief à leur vie. Impuissants à imposer au malheur la richesse et l'intensité d'une aventure - au hasard, la figure d'un destin.


Un projet de monument aux morts se dessine et révèle les petites mesquineries, les grandes récupérations, les jalousies et les ambitions sordides, avant de sombrer devant la faiblesse des contributions.

L'auteur-narrateur a une  plume talentueuse et croque ce petit monde provincial et ordinaire  avec une certaine vivacité , mais trop est peut-être trop:  que fait-il de mieux, pour s'autoriser cette causticité morne, cette supériorité fustigeante? La guerre, il  n'est pas le seul à l'avoir traversée. Chacun s'en remet et s'en défend comme il peut, et un soupçon d'indulgence n'aurait pas forcément gâché la sauce.


mots-clés : #captivite #devoirdememoire #guerre #viequotidienne
par topocl
le Lun 16 Oct 2017 - 20:52
 
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Sujet: Georges Hyvernaud
Réponses: 17
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Javier Cercas

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A la vitesse de la lumière

Résumé:

Le narrateur est un jeune catalan qui trouve un poste à l'Université d'Urbana, aux Etats-Unis. Il y rencontre Rodney Falk, ancien soldat au Vietnam gravement traumatisé, pour qui il se prend d'amitié. Il découvre petit à petit ce que son ami a pu commettre d'horreurs pendant la guerre, durant laquelle il a progressivement perdu son identité.
Rentré chez lui et devenu écrivain à succès, le narrateur tombe dans la débauche et l'alcoolisme. Soudain, sa vie est bouleversée. Pour se reconstruire, et ce qu'il mûrissait depuis déjà longtemps, il écrit l'histoire de Rodney Falk, dont il a eu plus ample connaissance.

Avis:

Si j'ai bien compris, le narrateur est une sorte de double de Cercas. Ce qui est certain, c'est qu'il a réussi le tour de force de donner vie au personnage le plus insupportablement prétentieux et autocentré que j'aie jamais rencontré dans une lecture (aussi, quelle force d'évocation !)

Bon, on le comprend tout de suite, ce narrateur est dans une perpétuelle auto-critique dans laquelle il n'est jamais las de se vautrer. Cette prétendue lucidité, cette espèce de complaisance malsaine avec laquelle il énumère ses ridicules, cela donne à l'esprit une image tout autre que celle qu'il souhaiterait qu'on ait de lui. Et quel style fastidieux ! Pour chaque situation, il tient toutes prêtes deux ou trois hypothèses, toutes fumeuses et superficielles, qui alourdissent inutilement un récit qui manque déjà beaucoup d'allant. Qu'on lui pose un filtre ! Il paraît écrire tout ce qui lui passe par l'esprit. De sorte que si on en enlevait tout le gras, on pourrait se soulager d'une bonne moitié du roman, qui aurait peut-être gagné à ne faire l'objet que d'une nouvelle, centrée sur Rodney et absente de notre pénible guide.

Le narrateur, à part d'affligeantes banalités sur ce que doit être la littérature, ne semble pas l'aimer du tout, et on se demande ce qui a pu lui cheviller au corps cette idée de devenir écrivain. Jamais à court de nous asséner ses boiteuses théories (celles de Rodney, son mentor en quelque sorte, ne sont pas elles-mêmes des plus révolutionnaires), il ne semble pas se rendre compte qu'elles portent toutes uniquement sur la posture, jamais sur le fond, jamais sur la forme.
Je veux dire que les silences sont plus éloquents que les mots, et que tout l'art du narrateur consiste à savoir se taire à temps : c'est pour ça que, dans le fond, la meilleure façon de raconter une histoire, c'est de ne pas la raconter.

Avec un peu de mauvaise foi : pourquoi ne pas s'être tu ? Et effectivement, on esquive constamment d'écrire l'histoire en question, d'où l'impression de vaines contorsions qui s'achèvent sur une dernière grossièreté :

Spoiler:


Je passe rapidement sur la description de la vie de débauche et de mondanités de la nouvelle "coqueluche" du monde littéraire, pour dire seulement que c'est navrant. On dirait ces gens mal à l'aise qui se donnent l'air d'avoir vu du pays et parlent d'une vie qu'ils ne connaissent pas, sans que personne ne soit dupe. Sans mépris pour ces derniers, ça reste très maladroit de la part d'un écrivain.

Alors je m'interroge : Cercas, son narrateur, quelle distance ? S'il a eu pour seul but de créer un personnage odieux, je lui tire mon chapeau (seulement l'intérêt est limité, et ce n'est pas comme ça que je vois la littérature : s'infliger une telle purge). Ou met-il beaucoup de lui-même dans son personnage, certaines des considérations littéraires (dont j'ai parlé) étant affirmées avec trop peu de distance ? Je ne le lui souhaite pas, mais je le redoute.
Le narrateur ayant écrit un premier livre duquel le narrateur est lui-même un double du premier (mise en abyme Cercas => narrateur 1 => narrateur 2), Rodney le lit, se reconnaît dans un des personnages, qui est la seule chose qui l'intéresse dans le roman. J'ai pressenti que cette opinion serait aussi la mienne, concernant A la vitesse de la lumière.
 
Parce que le personnage de Rodney Falk m'a touché. Il est discrètement peint, par petites touches (mais ici, je crains que ce n'est que parce que le narrateur ne s'occupe que de sa propre personne). Ce qui s'y rattache semble vrai, sans affectation. On croit au personnage, à la douleur. Il est sympathique parce qu'il s'efface, parce qu'il est maladroit et inadapté. J'ai même de la tendresse pour lui. Alors ce roman n'aura pas tout raté.

Quelques citations pour donner envie :
Tout le monde regarde la réalité, mais rares sont ceux qui la voient

Je veux dire que celui qui sait toujours où il va n’arrive jamais nulle part et qu’on sait seulement ce qu’on veut dire une fois qu’on l’a dit.

L'artiste n'est pas celui qui rend visible l'invisible : ça, c'est vraiment du romantisme, bien que pas de la pire espèce; l'artiste est celui qui rend visible ce qui est déjà visible et que tout le monde regarde et que personne ne peut ou ne sait ou ne veut voir.


Voilà, je me sens mieux. Very Happy

mots-clés : #creationartistique #guerre #psychologique
par Quasimodo
le Dim 15 Oct 2017 - 21:37
 
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Sujet: Javier Cercas
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Alice Zeniter

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 51izds10

L'art de perdre

Je découvre cette auteure avec cette sortie toute récente. J'ai souhaité lire ce livre parce que j'ai lu qu'il se construisait sur les questions de l'immigration algérienne en France lors de la guerre d'indépendance. Je vis dans l'Hérault, une grande communauté de Harkis a dû s'installer ici à l'époque, j'avais donc entendu ce terme, il y avait eu aussi à l'époque de Frêche une cabale , si certains s'en souviennent sur ces questions communautaires etc.

J'ai voulu lire ce livre pour trouver une parole avertie et j'ai eue raison de le faire, j'ai beaucoup de joie à avoir lu une analyse romancée mais avertie, qui n'ait pas de caractère "ethnographique", ce livre raconte plusieurs générations prises dans la violence géopolitique malgré elles . J'ai reconnu dans la figure de la grand mère ou du grand père beaucoup de mes propres ascendants, l'auteur sait niveler les présupposés, et explose avec brio tout caractère culturel au profit des caractères universels, et c'est de cela que j'avais soif,
le style d'écriture est assez discret, fluide, sans fioriture, Alice Zeniter sait raconter, orchestrer, aussi. J'ai beaucoup appris. Le récit est mené sans prétention, avec un ton clair, assez à l'image de l'auteure elle même, que j'ai écouté en interview depuis, elle sait passer beaucoup de choses, n 'est pas dans la concession mais privilégie l'approche subtile,
encore une fois je reste très peinée de devoir comprendre que les guerres, sans cesse, et les dominations, entourent tant de destins individuels de leur immonde cruauté.

Je dirais enfin, sur le plan purement littéraire, que Zeniter se place dans la lignée des auteurs conteurs, elle ne travaille la matière des mots, je crois, qu'avec pour exigence d'être exacte, et sincère. ça pourra décevoir des lecteurs, pour ma part j'ai aimé qu'elle puisse transmettre sa vision de toute cette complexité sans effets de style trop pompiers.Je trouve déjà énorme qu'elle nous offre des moyens de comprendre et relier des facettes de réalité si brûlantes encore de gifles.


mots-clés : #guerre #historique #immigration
par Nadine
le Ven 13 Oct 2017 - 18:39
 
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Sujet: Alice Zeniter
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Kazuo Ishiguro

Un artiste du monde flottant

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Artist10

Juste après sa capitulation, le Japon se reconstruit en pleine transformation, de plus en plus sous influence occidentale. Sensei Ono, respectable peintre à la retraite, perturbé par les tractations du mariage arrangé de sa seconde fille et le comportement assez irrévérencieux de son petit-fils (plus marqué par les cow-boys que par les samouraïs, mais sensible à ses suggestions machistes), nous confie ses réflexions. Elles portent sur le monde flottant qui a disparu (le quartier de plaisir, par-delà le « Pont de l’Hésitation », où ils aimaient à boire et discuter, symbole du monde transitoire, impalpable, fugitif et illusoire), et sur sa propre attitude (il y a une faux-suspense sur son rôle dans la montée du nationalisme militaire et impérialiste auquel il aurait participé avant-guerre).

« "Quand je serai vieux, et que je repenserai à ma vie, je crois que je pourrai me féliciter de l’avoir consacrée à poursuivre et à essayer de retenir, et de rendre, la beauté unique de ce monde. Et on pourra toujours venir me dire que j’ai perdu mon temps !" »

Disait déjà son maître, avant qu’il en devienne un et forme ses propres disciples.

Retour sur sa vie et ses choix de transformation (artistique comme sociale), teinté moins de culpabilité que de nostalgie ‒ finalement ceux d’un homme ordinaire.

« "Nous, au moins, nous croyions dans ce que nous faisions, et nous avons agi de notre mieux." »


#guerre
par Tristram
le Jeu 28 Sep 2017 - 1:24
 
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Erich Maria Remarque

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Remarq10

Après ( Der Weg zurück)
traduit de l'allemand par Raoul Maillard et Christian Sauerwein

"Nous nous étions imaginé tout cela d’une manière bien différente. Nous avions cru que dans une harmonie puissante s’établirait une existence vigoureuse et intense, la sérénité complète d’une vie reconquise. Et c’est ainsi que nous entendions commencer. Mais les jours et les semaines glissent entre nos doigts, nous les dissipons en choses vaines, superficielles; et quand nous jetons un regard autour de nous, rien n’est fait. Nous étions accoutumés à penser et à agir dans l’immédiat: une minute de retard et tout pouvait être fini.. Voilà pourquoi la vie actuelle va trop lentement à notre gré; nous nous élançons à sa rencontre, mais avant qu’elle commence à parler ou à rendre un son, nous nous en sommes déjà détournés.
Nous avons eu trop longtemps la mort pour camarade. C’était une joueuse des plus rapides et il s’agissait, à chaque seconde, de l’enjeu le plus élevé. C’est ce qui nous a donné ce caractère impulsif, cette concentration de la pensée sur l’instant immédiat, c’est aussi ce qui nous rend si vides aujourd’hui; car dans le monde qui nous entoure, une telle attitude d’esprit n’est plus à sa place. Et cette impression de vide est une source d’inquiétude car nous sentons que nous ne sommes pas compris et que l’amour, même, ne peut nous être d’aucun secours. Il y a un abîme infranchissable entre ceux qui sont soldats et ceux qui ne l’ont pas été. Il faut que nous nous aidions nous-même. Cependant ,à nos jours d’inquiétude, se mêlent souvent encore des grondements et des murmures étranges; c’est comme un lointain roulement d’artillerie, comme un avertissement sourd derrière l’horizon . Nous ne saurions pas les définir, nous ne voulons pas les entendre et nous nous en détournons toujours dans la crainte singulière de laisser passer quelque chose qui risquerait de nous échapper.
Trop souvent, déjà, certaines choses nous échappèrent, et pour beaucoup, rien de moins que la vie..
"

Quelle force - et quelle lucidité- dans ce «  roman » , qui suit A l’ouest rien de nouveau. Des jeunes gens, des presque encore enfants soudés par les tranchées et qui, miraculeusement, ont échappé au sort de la plupart. Qui se retrouvent Après, et qui cherchent à revivre. A comprendre pourquoi ils n’y parviennent plus.
Assez bouleversant ..

Et pourquoi, Georg, pourquoi? Parce que nous avons tous été trompés, et trompés à un point tel que nous commençons à peine à nous en rendre compte! Parce qu’on a effroyablement abusé de notre naïveté! On nous parlait de Patrie, et on pensait: plans d’annexions d’une industrie cupide; on nous parlait d’honneur et cela signifiait querelles et soif de puissance d’une poignée de diplomates et de souverains ambitieux; on nous parlait de Nation et cela voulait dire: désir d’activité de quelques généraux inoccupés! « Il secoue Race par les épaules. »Tu ne comprends pas ça? Ils ont fourré dans le mot Patriotisme leur phraséologie, leur désir de gloire, leur esprit de domination, leur faux romantisme, leur bêtise, leur avidité, et nous l’ont présenté comme un idéal rayonnant! Et nous avons cru que c’était le coup de clairon initial d’une existence nouvelle, solide et puissante.
«  Tu ne comprends donc pas? C’est à nous-même que nous avons fait la guerre, sans le savoir, et chacune de nos balles qui touchait son but atteignait l’un de nous. Mais écoute donc, je me tue à te le dire! La jeunesse du monde s’est levée, dans tous les pays, croyant combattre pour la liberté! Et dans chaque pays, elle a été trompée et abusée, dans chaque pays elle a combattu pour des intérêts et non pour un idéal; dans chaque pays, elle a été massacrée, et elle s’est elle-même exterminée! Tu ne comprends donc pas? Il n’y a qu’une seule lutte, celle contre le mensonge, les demi-vérités, les compromissions, contre l’esprit des vieilles générations!
Nous nous sommes laissé prendre à leurs phrases et nous avons combattu pour eux au lieu de les combattre. Nous croyions qu’il s’agissait de l’avenir, alors que nous marchions contre lui. Notre avenir est mort, car la jeunesse est morte, qui le portait en elle.
Nous ne sommes plus que des survivants, des déchets. Mais les autres sont vivants, les repus, les satisfaits, plus repus et plus satisfaits que jamais! Les non- satisfaits, toute cette jeunesse ardente, impétueuse, sont morts pour cela! Pense que toute une génération a été anéantie, qu’une génération pleine d’espoir, de foi, de volonté, de force et de savoir a été hypnotisée à ce point qu’elle s’est entre-tuée bien que, dans le monde entier, cette jeunesse ait poursuivi les mêmes buts!
"



mots-clés : #guerre #premiereguerre
par Marie
le Mar 19 Sep 2017 - 19:17
 
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Sujet: Erich Maria Remarque
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Céline Lapertot

Des femmes qui dansent sous les bombes

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Des_fe11

Séraphine a vu assassiner son père, sa mère et son petit frère, et les miliciens ensuite l'ont ensuite longuement violée. Dans une épiphanie résiliante, elle intègre l'armée régulière qui l'a sauvée in extremis.

Ses motivations sont complexes: désir de sauver son pays du chaos où il sombre depuis des décennies,  fascination pour une jeune dirigeante, désir de reconnaissance, justice ou vengeance mêlés... Et aussi, le fait qu'  il ne semble guère y avoir d'autre solution, dans ce pays de tradition où sa famille n'existe plus, et où le chemin tout tracé des femmes n'envisage pas autre chose que virginité, mariage et maternité.

Céline Lapertot s'attache à de beaux portraits de femmes, dont elle dessine les contradictions enchevêtrées. Elle montre comme est fragile le sillon qui sépare engagement dans l'un ou l'autre camp, souligne l'impasse qui mène à des choix qui n'en sont pas et exalte la nécessité du pardon.

Cependant, si elle traque les subtilités individuelles, elle ne situe pas son action : « le Congo, le Mali, le Soudan, le Nord-Kivu, qu'importe, dans le fond.", renonçant ainsi, au profit d'une certaine universalité, aux subtilités territoriales - l'Afrique est une masse globale engloutie dans une guerre civile sans spécificité.
Elle privilégie aussi les personnages plutôt qu'un   développement scénaristique et de là une absence d'ancrage qui laisse un  peu sur sa faim.

Elle adopte un style d'une densité revendiquée, amphigourique et  vite bourratif. Sur ce terreau prometteur qu'est le portrait de femmes-soldats, on dirait un tracteur qui avance et recule indéfiniment, repassant le sillon creusé.
Ce ne sont qu'anaphores, litanies, répétitions. Tout cela me fait penser à cette citation de Clémenceau qui comparait la musique et la musique militaire...

mots-clés : #conditionfeminine #guerre
par topocl
le Dim 17 Sep 2017 - 21:55
 
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Sujet: Céline Lapertot
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Joseph Conrad

Gaspar Ruiz
Nouvelle, une centaine de pages, titre original éponyme, parue en 1906 dans le recueil A set of six (en français le recueil fut édité sous le titre Six nouvelles).

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 511gwa11



Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Bander10

Drapeaux et oriflamme du Royaume d'Espagne et des Indes, époque contemporaine à celle où se situe l'action de Gaspar Ruiz.

Il y a une parenté certaine entre les personnages Conradiens de Nostromo et de Gaspar Ruiz. Issus du peuple, entraînés dans les tumultes de leurs époques au point d'écrire, par leurs actes, une petite parcelle de l'Histoire, avec ce côté malgré-eux.
Conrad prétend d'ailleurs avoir écrit cette nouvelle en finissant Nostromo, inspiré par un livre du Capitaine Basil Hall, de la marine britannique, qui servit entre 1824 et 1828 sur la côte ouest de l'Amérique du Sud.

J'ai eu la joie de lire Gaspar Ruiz en édition bilingue, et là, enfin -révélation- les gallicismes et autres hispanismes sautent davantage aux yeux, on discerne aussi avec davantage de netteté ses fameux amenés, son rythme de phrases, et quelques autres éléments du procédé littéraire de Conrad.

La nouvelle démarre fort, sous le signe de l'action. La narration est en partie extérieure, en partie assurée par le Général Santierra, qui fut un compagnon du célèbre Général José de San-Martín, argentin et libérateur du Pérou et du Chili.
Santierra est, à l'époque où se situe la nouvelle, jeune lieutenant de dix-sept ans du camp républicain.

Un prisonnier, un colosse, Gaspar Ruiz, balloté du camp républicain au camp royaliste au gré de la guerre, sans qu'aucun choix politique n'entre en ligne de compte, se retrouve en attente d'exécution capitale, détenu avec d'autres pauvres hères présumés soldats royalistes.
Les Guerres de Vendée en version sud-américaine, quoi.

Chapitre I a écrit: Ce long combat, mené d'un côté pour l'indépendance, de l'autre pour le pouvoir, accrut, au fil des ans et des aléas de la fortune, la sauvagerie et l'inhumanité d'une lutte pour la vie. Tout sentiment de pitié, de compassion disparut devant la haine politique grandissante. Et, comme d'habitude en temps de guerre, ce fut la vaste majorité de la population, celle qui avait le moins à gagner du résultat, qui vit ses membres obscurs et leurs humbles fortunes souffrir le plus.


Chapitre I a écrit: Au nombre des prisonniers faits parmi les troupes royalistes en déroute se trouvait un soldat nommé Gaspar Ruiz. Sa forte carrure et sa grosse tête le distinguaient de ses compagnons de captivité. Manifestement, cet homme était une personnalité. Quelques mois plus tôt, on avait constaté son absence dans les rangs des troupes républicaines, après l'une des nombreuses escarmouches qui précédèrent la grande bataille. Or, maintenant qu'il venait d'être capturé les armes à la main parmi les royalistes, à quel sort pouvait-il s'attendre sinon à être fusillé comme déserteur ?

Gaspar Ruiz, cependant, n'était pas un déserteur; il n'avait sûrement pas l'esprit assez alerte pour évaluer lucidement les avantages et les dangers de la trahison. Pourquoi changer de camp ? En réalité, il avait été fait prisonnier, il avait subi des mauvais traitements et bien des privations. Aucun des deux camps ne témoignait de tendresse à ses adversaires. Le jour vint où il reçut l'ordre, comme d'autres rebelles capturés, de marcher au premier rang des troupes royales. On lui avait fourré un fusil dans les mains. Il l'avait pris. Il avait marché. Il ne tenait pas à se faire tuer dans des circonstances atroces pour avoir refusé de marcher.


Le jeune lieutenant, mû par un intérêt naissant, une empathie spontanée, pour le colosse se débrouille à faire retarder l'exécution au soir, afin qu'un haut gradé dont on attend la visite puisse, qui sait ? intervenir.

Les prisonniers, cruellement assoiffés, doivent à l'humanité du lieutenant et à la force surhumaine de Gaspar Ruiz de pouvoir boire à un seau...quant au haut gradé, il ne viendra pas...


mots-clés : #guerre #mort #psychologique
par Aventin
le Ven 8 Sep 2017 - 21:28
 
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Sujet: Joseph Conrad
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William Faulkner

Quand nous en étions à évoquer les livres ayant trait à la guerre de 14-18, nous avions omis celui-ci:

Parabole

Roman, publié en 1954, 620 pages environ, titre original: A Fable.
Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 A_fabl10
Un exemplaire de l'édition originale.

Long pavé, de lecture qu'on ne qualifiera pas d'aisée, écrit avec cette encre caractéristique de l'auteur et presque paradoxale, en effet elle cascade, agile et libre, telle un torrent, sans en avoir toutefois la limpidité, étant en même temps une encre épaisse et trouble telle un fond de bayou si boueux qu'il est de consistance aussi solide que liquide.

Mais quelle langue, quelle hauteur de vue, Faulkner nous régale d'un livre malaisé d'accès, qui a tombé et tombera sans doute de bien des mains par son exigence, pour le reste il est assez crucial, pour ma part c'est une lecture d'importance, en dépit de la crainte d'être passé à côté d'une partie sans doute non négligeable de ce riche ouvrage.  

Quelques dérangeantes curiosités formelles n'aident pas à la navigation dans ces pages, la plus pénalisante pour le lecteur (francophone ? je ne sais pas si elle est due à la traduction), est qu'on n'identifie pas toujours très clairement, en tous cas du premier coup, quel est le "il" dont on parle, et qui peut être l'un ou l'autre des protagonistes du chapitre.

Cette Parabole constitue sûrement une tentative très ambitieuse de la part de l'auteur, et plutôt risquée, casse-figure, si l'on considère qu'au moment de parution, Faulkner était à peu près au faîte de sa carrière et de sa notoriété.  
Au reste, il y travailla de décembre 1944 à novembre 1953, lui qui boucla pourtant certains de ses chefs-d'œuvre en six mois à peine.

Truffée de référents (plutôt que de références) bibliques, surtout néo-testamentaires, Parabole est l'histoire d'une tentation, le tentateur étant un maître du monde valant antéchrist, et le tenté, le rédempteur si l'on veut, un caporal engagé dans le conflit.

Faulkner emmêle les pistes quant aux passés des protagonistes, passe sous silence des pans entiers par suggestions, mais s'attache à des détails annexes. De longues tirades, monologues, émaillent le propos, même là où l'on attend plutôt des dialogues.

La démonstration parabolique, chacun peut bien entendu se risquer à l'interprétation ou au simple commentaire, est attendue, disons mieux supputée, depuis cent cinquante pages environ: peu sont ceux qui s'appuieront ces 620 pages dans l'attente du suspense final -tant mieux, qui sait si quelques lecteurs réduiraient le livre à cela, sinon ?  

Il est curieux de constater que les deux personnages principaux semblent désincarnés, tandis que décors, comme situations, comme personnages secondaires sont extrêmement tramés, fouillés.  

Bien sûr Faulkner n'oublie pas de parler de ce qu'il connaît, et là, il excelle comme jamais et fait ronronner d'aise tout amateur de littérature, ainsi l'aviation militaire de l'époque (il s'engagea dans l'aviation canadienne durant la Première Guerre mondiale, mais l'armistice de 1918 fut signé avant qu'il n'ait pu faire son premier vol), bien sûr "son" Sud de l'Amérique US du début XXème.

Mais aussi la France d'alors, qu'il sait camper avec altitude et justesse: se souvient-on qu'il vécut à Paris, et entreprit une tournée de certains d'entre les champs de bataille français (Rouen, Amiens, Compiègne, Dieppe), dans les années 1920 ?

Une fois le livre refermé, je méditais cet extrait de son discours de réception du Nobel de littérature, qui me semblait particulièrement bien convenir à cet ouvrage-là, bien que Parabole ne soit à l'évidence pas le seul dans ce cas:  

[le jeune écrivain] doit réapprendre [les problèmes du cœur de l’homme en conflit avec lui-même…] Tant qu’il ne le fera pas, son labeur sera maudit. Il ne parlera pas d’amour mais de désirs, de défaites où jamais l’on ne perd rien qui vaille, de victoires sans espoir et, pis que tout, sans pitié ni compassion. Sa peine devant la mort n’aura rien d‘universel, ne laissera nulle cicatrice. Il ne parlera pas du cœur, mais des glandes. Tant qu’il n’aura pas réappris cela, il écrira comme s’il avait devant lui et observait la fin de l’homme. Pour moi, je refuse d’accepter la fin de l’homme.  


Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Faulkn10
Faulkner avec le jockey-vedette Eddie Arcaro, mai 1955, alors qu'il couvre le Kentucky Derby d'Oxford pour Sports Illustrated.
Il est question d'une édition très antérieure de cette course dans Parabole.


mots-clés : #guerre #premiereguerre
par Aventin
le Mar 5 Sep 2017 - 20:21
 
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Sujet: William Faulkner
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Saša Stanišić

Ce qui est amusant en plus c'est que le souvenir que j'en ai colle avec ce que j'en avais trouvé, en avant la récup' :

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 97822510

Le Soldat et le gramophone

C'est donc l'histoire, des souvenirs romancés ? d'un double de l'auteur, Aleksandar, à l'enfance qui suit la fin du communisme et la montée des tensions dans le pays, à l'adolescence marquée par la guerre civile et un départ pour l'Allemagne. Et un retour d'un jeune adulte, allemand ? dans sa ville natale au bord de la Drina.

Le début du bouquin m'a fait un peu peur car il y a une part belle de cucul poético-enfantin très marqué. ça ne disparait jamais complètement mais se mue en une vision plus pop avec l'âge. Toujours est-il que parallèlement à ça il se passe des choses et des choses qui deviennent rapidement dramatiques... tempérées par l'humour et la douceur nostalgique du retour vers l'enfance et les ainé(e)s de la famille. Beaucoup d'allers-retours parfois redondants, quelques facilités aussi probablement mais bien emmenées par le rythme et l'inquiétude entretenue, ce qui serait un suspens historique, mais aussi par la rupture perpétuelle de ton. Un grand drame devenu pas si grave tout en restant une terrible question, et on y verra volontiers la rupture et la communion hasardeuse de l'expatrié "gâté" face aux ruines de son pays (il y a une culpabilité) et à une phase essentielle de son existence mise par la force des choses et après coup entre parenthèses.

On lui en voudrait si chaque fois qu'il est trop léger un élément ou une rencontre ne venait ancrer ce qui ne va pas dans le sourd et palpable.

Pas désagréable d'un point de vue humain et documentaire (c'est moche d'employer ce mot là), mieux construit que ça en a l'air, ce qui affirme des qualités de conteur... tout de même un peu de frustration dans la légèreté des pirouettes et de la pas toujours probable poésie.

Merci à Bédoulène pour cette proposition dans le cadre de la chaîne de lecture, ce n'est pas un livre que j'aurai lu autrement il me semble, et ce n'est pas une lecture que je regrette loin s'en faut, honnête et qui se positionne aussi comme un fragment de miroir de génération, et à plusieurs points de vue.

mots-clés : #autobiographie #contemporain #guerre #historique
par animal
le Lun 4 Sep 2017 - 20:17
 
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Sujet: Saša Stanišić
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Alexis Jenni

Alexis Jenni
Né en 1963

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Alexis Jenni, né en 1963 à Lyon, est un écrivain français. Il a reçu le prix Goncourt 2011 pour son premier roman, L'Art français de la guerre.

Alexis Jenni a passé son enfance et suivi sa scolarité à Belley, dans l'Ain. Titulaire d'une agrégation, il exerçait en tant que professeur de sciences de la vie et de la Terre au lycée Saint-Marc de Lyon.

Son premier roman publié, L'Art français de la guerre, reçoit un accueil souvent élogieux. Il figure dans la première sélection du prix Médicis, ainsi que dans celle du prix Femina. Il reçoit finalement le prix Goncourt le 2 novembre 2011.
Des réactions réservées, voire hostiles, sont néanmoins enregistrées, comme dans le magazine Les Inrocks où Nelly Kaprièlian écrit notamment : « Ce Goncourt 2011, l'avènement du toc contre la littérature  ».

source : Wikipédia

Bibliographie :

L'Art français de la guerre, Gallimard, 2011
Élucidations. 50 anecdotes, Gallimard, 2013
Le Monde au XXIIe siècle, utopie pour après demain (collectif), PUF, 2013
Son visage et le tien, Albin Michel, 2014
Jour de guerre, reliefs de 1914-18, Éditions du Toucan, 2014
La Nuit de Walenhammes, Gallimard, 2015
Les Mémoires dangereuses, (avec Benjamin Stora), Albin Michel, 2016




Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 5 Images46

Je referme L'art français de la guerre d'Alexis Jenni.
Quelqu'un l'a-t-il lu?

L'Art français de la guerre est un roman d'Alexis Jenni publié le 18 août 2011 aux éditions Gallimard et ayant reçu le prix Goncourt la même année.

L'histoire se concentre sur la vie du narrateur dont le nom n'est pas précisé, jeune homme désœuvré habitant la banlieue lyonnaise, et sa rencontre avec Victorien Salagnon, un vétéran des guerres d'Indochine et d'Algérie. Les deux hommes vont se lier d'amitié et Victorien Salagnon va initier le jeune narrateur à la peinture tout en lui livrant ses souvenirs sur son passé de militaire.
La narration alterne entre des passages se déroulant dans le passé racontant les expériences de Victorien Salagnon pendant la guerre et des passages dont l'action est contemporaine qui présentent l'évolution du narrateur ainsi que ses réflexions sur la France, ses rapports à l'armée, son héritage colonial ou encore son racisme ambiant.

Un livre touffu comme les forêts d'Indochine... Intéressant, mais je suis heureuse d'en sortir... vivante!


mots-clés : #colonisation #guerre
par Plume
le Sam 26 Aoû 2017 - 22:31
 
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Sujet: Alexis Jenni
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Arturo Pérez-Reverte

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Le Hussard

Premier roman d'Arturo Perez Reverde....et bien heureusement que je n'ai pas commencé par celui-ci, sinon je n'aurais peut-être pas poursuivi avec cet auteur.

L'Andalousie en 1808, guerre napoléonienne Français-Espagnols....la confrontation de jeunes officiers du corps des Hussards pour qui c'est le baptême du feu....tout juste sortis de l'école Militaire... avec la dure réalité du terrain.....leurs rêves de gloire vont s'effondrer tout comme leurs chevaux, leurs camarades...dans un torrent de sang, de boue...

Et la gloire. Merde à la gloire, merde au monde entier, merde à l'escadron..........Ils pouvaient bien tous la garder pour eux, leur maudite gloire, leurs drapeaux, leurs cris de "Vive l'Empereur"......  

Nous livrons une guerre étrange qui ne figure pas dans les livres que nous avons étudiés à l’École militaire. Tu te rappelles notre conversation de cette nuit ? Il est difficile de renoncer à des guerres loyales, contre des ennemis parfaitement identifiables et bien alignés en face de nous.
— Des guerres propres, résuma Bourmont.
— Oui. Des guerres propres, où les curés ne battent pas la campagne avec leur soutane retroussée et un tromblon à l’épaule, où les vieilles n’arrosent pas nos soldats d’huile bouillante. Où les puits contiennent de l’eau et non des cadavres de camarades assassinés.
— Tu demandes beaucoup, Frédéric.
— Pourquoi ?
— Parce qu’à la guerre, on hait. Et c’est la haine qui motive les hommes.



Bref, un réquisitoire contre l'absurdité de la guerre et son horreur...

Mais, ça n'a pas suffit pour que j'accroche...je trouve qu'il n'y a pas d'émotion...  Neutral

(commentaire récupéré)

mots-clés : #guerre #historique #xixesiecle
par simla
le Ven 12 Mai 2017 - 6:38
 
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Sujet: Arturo Pérez-Reverte
Réponses: 24
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Alessandro Manzoni

Les Fiancés (I Promessi Sposi)

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L’histoire se déroule en Lombardie à la fin des années 1620. Deux jeunes villageois, Renzo et Lucia veulent convoler. Hélas, un seigneur local, Don Rodrigue, à la suite d’un pari avec un parent, a jeté son dévolu sur la belle. Il va tout faire pour empêcher ce mariage, en premier lieu faire pression sur le curé du lieu. Cette situation va entraîner nos deux promis dans une série d’aventures toutes plus périlleuses les unes que les autres entre malfrats repentis, religieuse traîtresse, foule en colère, sans oublier la grande peste de Milan de 1630.  

Quel plaisir de lecture ! Pourtant, j’ai horreur des romans historiques ! Mais justement, le livre de Manzoni est bien plus que cela. Toutefois, sous ce simple aspect, le lecteur ne devrait pas être déçu. En effet, les péripéties s’enchainent les unes aux autres et maintiennent sans difficulté l’attention. Quel spectacle un Visconti, par exemple, aurait pu tirer de ce roman ! Ce qui m’a beaucoup plus intéressé est la psychologie des personnages qui n’a rien de caricaturale. Manzoni nous livre de beaux portraits d’hommes et femmes dont parfois les décisions sont surprenantes, le secours ou la détresse ne viennent pas forcément de ceux que l’on pense. Surtout, l’auteur en fin politique analyse remarquablement les relations sociales de l’époque. Dans un monde où les règlements ne sont pas respectés, ce sont de petits potentats locaux qui font la loi aidés de quelques hommes de main. Par leur parentèle plus élevée en noblesse, par quelques hommes de loi corrompus, ils arrivent toujours, ou presque, à leur fin. Don Rodrigue en est un parfait exemple. Heureusement, parfois un grain de sable déjoue leurs pronostics. Certaines situations sont clairement expliquées par Manzoni ; ainsi les causes de la disette à Milan liée à de mauvaises récoltes, et aggravée par une taxation du blé imposée par quelques « populistes » afin de calmer le peuple mais qui ne mènent qu’à l’émeute. Sur cela vient se greffer la fameuse épidémie de peste qui ravage le Milanais à la suite de la descente des troupes de lansquenets sur Mantoue. Nous retrouvons cette litanie de l’époque « a peste, a fame, a bello, liberere nos domine ». Manzoni montre parfaitement l’enchaînement de ces trois fléaux. « Les Fiancés », c’est aussi comment les appétits de puissance de quelques individus provoquent des ravages parmi le peuple ; heureusement, c’est aussi quelques hommes dévoués qui avec des moyens dérisoires tentent de remédier au pire, tentent de secourir et de soulager dans une ville de Milan ravagée par la peste dont Manzoni donne une description apocalyptique, mais malheureusement véridique. « Les Fiancés » est un très très grand livre.
Rien de mieux pour vous donner envie, je l’espère, que deux passages qui montrent toute la finesse d’analyse de l’auteur et aussi son humour, comme le souligne Quasimodo.
 
« Quant à ce qui forme la masse, et comme le matériel du tumulte, c’est une mixture accidentelle d’hommes qui tiennent plus, ou moins, selon une gradation infinie, de l’un ou de l’autre extrême : un peu échauffés, un peu fripons, un peu enclins à une certaine justice, telle qu’eux-mêmes l’entendent, un peu curieux aussi du spectacle d’une grosse affaire, prompts à la férocité et à la miséricorde, à détester ou à adorer, selon que se présente l’occasion de ressentir avec plénitude l’un ou l’autre sentiment ; avides à tout moment d’en apprendre, ou d’en croire de belles, avec le besoin de vociférer, d’applaudir quelqu’un ou de le conspuer. »


«Ayant tout bien pesé, le comte invita un jour à dîner le père provincial, qui trouva là un cercle de convives assortis entre-eux avec une intention raffinée. Quelques parents, des plus titrés, de ceux dont le seul nom patronymique était un titre , et qui par leur seul maintien, une certaine assurance native, une nonchalance hautaine, une manière de parler de grandes choses en termes familiers, réussissaient, sans même le faire exprès, à imprimer ou à rafraîchir, à tout moment, l’idée de la supériorité et de la puissance ; et quelques clients, liés à la maison par une dépendance héréditaire, et aux personnages par une servitude de toute leur vie ; lesquels, commençant, dès le potage, à dire oui, de la bouche, des yeux, des oreilles, de toute la tête, de tout leur corps, de toute leur âme, vous avaient, au dessert, réduit un homme à ne plus savoir comme on peut faire pour dire non. »
(traduction Yves Branca)




mots-clés : #guerre #historique #social
par ArenSor
le Mar 2 Mai 2017 - 19:06
 
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Sujet: Alessandro Manzoni
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