Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Ven 29 Mar - 1:48

42 résultats trouvés pour insularite

Patrick Chamoiseau

La matière de l’absence

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 La_mat10


Dans le prolongement des récits autobiographiques sur son enfance, et d’un essai comme Écrire en pays dominé, Chamoiseau reprend une fois encore cet héritage du passé fatidique, « le manque fondateur, l’effacé structurant », la Traite impossible à oublier, avec des mots et une verve renouvelés en variations lyriques.
Roman ? participe plus de l’essai, dans un va-et-vient des souvenirs à l’approfondissement des réflexions.
Sous forme de dialogues avec la Baronne sa sœur à propos de Man Ninotte, leur mère décédée, évocation de la mort dans le monde créole, superstitions, rituels, vide/ en-dehors/ mystère/ disparition :
« Il ne se passait pas un jour sans qu’on ne les remplisse, leur amenant des personnes décrochées des dernières espérances, à croire qu’à la manière de pêcheurs clandestins les cimetières envoyaient vers la vie des lignes chargées d’hameçons, et en ramenaient des trâlées de victimes. »

« Sauf circonstances extraordinaires, et même si les sépultures seront en certains lieux réservées aux personnages marquants, nulle part sur cette planète (sauf durant la Traite des nègres, l’esclavage américain ou dans les camps nazis) un mort ne se verra abandonné sans un bout d’enchantement, et sans qu’il ne serve à étayer une quelconque autorité. »
(Impact, Légendaire du retour)

…théorie de la « grappe » comme groupe de Sapiens ; les Traces, concept venu de Glissant, ce à quoi se résume la culture perdue des esclaves déportés (en parallèle avec la narration de Man Ninotte proie d’Alzheimer après avoir vaillamment combattu la déveine ‒ stratégie de survie dans la misère) ; le jazz, notamment celui de Miles Davis ; un beau passage à propos des plantes, « mémoires végétales » connues des « marchandes-sorcières », les herboristes (pp 187-188) ; dissertation sur les origines de la beauté, de la poésie (et Césaire sera à son tour rappelé) :
« Parlons du sentiment de la beauté.
Imagine cette conscience humaine balbutiante qui s’ouvre sur trois immensités : sur la menace de l’inconscient humain chargé de toutes les animalités ; sur l’omnipuissance de la nature et du vivant ; sur l’infinie désolation de la mort…
Imagine ce qui lui arrive…
Elle commence à se détacher de l’inconscient et d’une indistinction avec le monde. […]
Il faut appeler "présence" le rayonnement indéfinissable de la chose vivante ou minérale à son plus bel éclat. […]
La conscience archaïque percevra tout présence comme vivante : les éléments, les grottes, les pierres, la nuit, le vent, le soleil… Elle y soupçonnera un être imprévisible, secret, obscur, invisible et puissant ‒ je veux dire : une beauté. L’éclat du beau est dans l’intensité de la chose existante lorsque celle-ci inspire la sensation d’une présence. […]
La sacralisation qui donne du sens à l’existant est l’énergie première de la beauté.

Le sentiment du beau ouvre à l'état poétique : cette partie de la vie qui échappe aux obligations des survies immédiates. »
(Éjectats, Légendaire du langage)

Il y a d’ailleurs une réelle poétique chez Chamoiseau, quoiqu’il en dise ; ici, à un lever de jour :
« La ville perdait ses immobilités dans une marée d’éveils. »
(Impact, Légendaire de l’annonce)

Expérience déterminante du gouffre, la cale du navire négrier, d’où l’on doit se refonder, individu séparé du collectif vers la Relation au Tout-monde (notions de Glissant) ; puis le cimetière.

« Les nuits sont toujours enceintes, nous disent les Arabes, elles sont les seules qui, dans un même mouvement, peuvent dissiper les certitudes du jour et recharger le monde pour la splendeur d’une aube. C’est ce genre de nuits qui se vivait dans mes antans d’enfance. »
(Impact, Légendaire du retour)





mots-clés : #devoirdememoire #esclavage #fratrie #identite #insularite #lieu #mort
par Tristram
le Sam 20 Oct - 19:56
 
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Sujet: Patrick Chamoiseau
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Louis-Philippe Dalembert

Avant que les ombres ne s’effacent

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Proxy_67

J’ai appris dans ce livre que Haïti avait déclaré la guerre au « petit caporal » allemand, ouvert sa porte aux Juifs qui le fuyaient, offert la nationalité haïtienne aux apatrides et hébergé ainsi 300 familles fuyant le nazisme à l’heure où toutes les nations leur fermaient leurs portes.

C’est donc une histoire du XXème siècle, une de plus : Ruben , futur médecin fuyant enfant les pogroms polonais, installé à Berlin avec sa famille pour une adolescence heureuse, fuyant après la nuit des longs couteaux : diaspora familiale classique, l’une en Palestine et les autres aux Etats-Unis. Quant à Ruben, après avoir tâté des camps allemands et français, il fait le « choix » de Haïti.

J’ai beaucoup aimé toute la partie européenne qui est très réussi dans un secteur déjà souvent raconté, les personnages et les relations intrafamiliales sont touchants, l’humour toujours présent en  filigrane. Il y a une une légèreté dans la façon de raconter ces drames qui m’a parfois rappelé le Tabac Triezneck.

Curieusement, la partie haïtienne, qui commence à Paris dans la communauté haïtienne puis se poursuit dans l’île, voit apparaître quelques longueurs alors qu’elle devrait constituer  l’ "originalité" du livre. Celui-ci  perd en épaisseur, devient plus descriptif d’un mode de vie, le personnage se perd un peu.

Cela reste une bonne lecture, la découverte d’un fait historique que je ne connaissais pas, et d’une réelle verve littéraire.


Mots-clés : #communautejuive #exil #famille #historique #insularite #lieu
par topocl
le Ven 19 Oct - 11:22
 
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Sujet: Louis-Philippe Dalembert
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Patrick Chamoiseau

Écrire en pays dominé

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Ecrire10

Quatrième de couverture :
Écrire en pays dominé c'est l'histoire d'une vie, la trajectoire d'une conscience, l'intime saga d'une écriture qui doit trouver sa voix entre langues dominantes et langues dominées, entre les paysages soumis d'une terre natale et les horizons ouverts du monde, entre toutes les ombres et toutes les lumières. Écrivain, Marqueur de Paroles, et finalement Guerrier, Patrick Chamoiseau interroge les exigences contemporaines des littératures désormais confrontées aux nouvelles formes de domination et à la présence du Total-monde dans nos imaginaires.


Essai (1997) très structuré (égard de plus en plus rare, l’ouvrage bénéficie d’une utile table des matières).

Il se compose de trois « cadences », entrelardées de paroles du vieux guerrier sur la colonisation (« Inventaire d’une mélancolie ») et de brefs commentaires sur des lectures-phares (« Sentimenthèque »).

D’abord I, « Anagogie par les livres endormis » : les réflexions de Chamoiseau sur le comment écrire dominé par une autre culture, puis la révélation de la découverte des livres-objet (reprise des souvenirs de son autobiographie À bout d’enfance), puis lecture « agoulique », puis, à l’adolescence, découverte de Césaire, de la poésie lyrico-épique, du militantisme, du racisme ordinaire et de l’identité dans la négritude opposée à l’impérialo-capitalisme (qui tente d’imposer ses valeurs « universelles »), domination silencieuse du Centre avec passage pour ce dernier de la contrainte à la subjugation, l’ « autodécomposition » dans le « développement », le mimétisme, la consommation, l’assistanat et la folklorisation, enfin rôles de Glissant et Frankétienne dans son évolution du lire-écrire (Chamoiseau est alors éducateur dans les prisons métropolitaines).

II, « Anabase en digenèses selon Glissant » : après dix ans passés en métropole à rêver du pays, en anabase (expédition vers l’intérieur, voyage intérieur, cf. Saint-John Perse), en admiration libératrice du déprécié, il s’identifie successivement au premier colon (« carrelage » de l’ordre et de la mesure, de la rationalité sur leurs contraires), aux Caraïbes (Amérindiens), aux Africains puis à tous les autres apports ethniques. Marronnage et mer geôlière, danse, tambour, quimboiseurs, mentôs puis conteurs et autres « résistances et mutations ». « Ultimes résistances et défaites urbaines » : après le conteur des habitations-plantations dont l’oralité créatrice se réfugie dans les chansons et proverbes, le driveur errant en déveine et déroute folle se concentre dans l’En-ville, devenant djobeurs et majors, jusqu’au « Moi-créole », le Divers dans la mosaïque créole, sans origine ni unité : le « chaos identitaire » ; Lieu versus territoire.

III, « Anabiose sur la Pierre-Monde » : identité d’assimilation, départementalisation stérilisante, assistanat, modernisation aveugle, développement factice, consommation irresponsable, fatalité touristique (toujours au profit des békés). Domination furtive d’un Centre diffus, du rhizome-des-réseaux, « Empire technotronique où l’empereur serait le brouillard de valeurs dominantes, à coloration occidentale, tendant à une concentration appauvrissante qui les rend plus hostiles à l’autonomie créatrice de nos imaginaires [color=#2181b5]ains et artistes neutralisés « dans la dilution d'une ouverture au monde". Insularité vécue comme isolement versus la (notion de la) mer ouverte. Choix entre les deux langues, la reptilienne et résistante, et le français, par celui qui devient le Guerrier dans le Monde-Relié. Davantage épanouissement que développement de l’Unité se faisant en Divers : la Diversalité.

C’est donc l’historique du ressenti douloureux des (ex-)colonisés du « magma anthropologique », simultanément avec l’éveil par les livres (lus, relus, écrits) du Marqueur de paroles, pour relever le défi du Web.


mots-clés : #creationartistique #essai #identite #independance #insularite #mondialisation
par Tristram
le Sam 10 Mar - 0:23
 
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Sujet: Patrick Chamoiseau
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Mariusz Wilk

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 51xqms10

Le journal d’un loup


Original : Wilczy Notes. Zapiski sołowieckie 1996-1998 (Polonais)

Né en 1955 à Wroclaw/Pologne, Mariusz Wilk était entre autre très tôt actif dans le mouvement de « Solidarnosc ». Puis il travaillait comme reporter à Moscou, Berlin, les Etats-Unis. Un jour il sentait le besoin d’une distance et atterrissait, un peu par hasard, sur les Îles très reculés des Solovki, dans la Mer blanche, dans l’Extrême Nord de la Russie. C’est de là il commença à écrire régulièrement des articles pour le journal polonais « Kultura ».

Les semaines se prolongent en années et il se laisse toucher non pas plus comme un pur étranger, mais comme de l’intérieur, comme par empathie par les réalités de la Russie dans ces contrées lointaines des centres virevoltantes comme St. Petersbourg ou Moscou. Malgré ses origines polonaises (qui connaît l’histoire…) il arrive de devenir tout proche des gens, si souvent abandonnés par un pouvoir trop occupé par d’autres soucis. C’est de l’optique de ces lieux –là, qu’il regarde, observe et commente les développements de ce pays. Mais jamais cela devient une exercice d’enseignement sec, même si il nous fait partager une quantité de pensées et réflexions sur la culture, la foi et l’histoire de ce pays. Il part de la réalité concrète sur ces Ïles de Solovki, lieu si fameux dans l’histoire de la Russie, et cela à double titre : Cette île est historiquement et spirituellement célèbre pour son monastère fondé au XVème siècle, lieu qui a bien rayonné au-delà des environs. De l’autre côté, ce même lieu est devenu le premier « GOULAG » de l’Union soviétique, au tout début des années 20. C’est par ailleurs de là que Soljenitsyne a pris le titre de son investigation sur les camps : « Archipel de Goulag », c’était d’abord cet archipel de quelques îles dans la Mer blanche.

Quelques fois ses visions, ses descriptions prendront une allure apocalyptique, comme par exemple quand il parle de ce fléau qu’est l’alcoolisme ou les désastres écologiques… D’un coup l’animal humain n’est pas loin, purement historique, mais tout proche. Et pourtant… Qui connaît la Russie comme Wilk s’y laissait prendre, y discerne une force d’attraction qui peut dérouter dans son étrangeté ; mais qui ne nous lâche plus.

C’est un livre très varié de par ses sujets, idées, analyses, impressions évoqués, qui pourra donner des nouveaux perspectives à chaque russophile ancien et nouveau sur ce pays fascinant. Ayant été moi-même infecté par ce virus de l’amour pour ce pays, et ayant visité avec bonheur et respect cet archipel proche du Cercle polaire, je trouve dans les pages de Wilk mes impressions confirmées et nourries. Dans CE genre précis, avec cette lucidité et cet amour pour la Russie, j’ai rien trouvé de comparable.

Entre-temps Wilk est en train de se confirmer comme un explorateur/voyageur dans la meilleure tradition…

Il faut dire que les éditions « Noir sur blanc » ont eu une main magnifique en nous présentant Mariusz Wilk !


mots-clés : #campsconcentration #voyage #insularite
par tom léo
le Mar 8 Aoû - 7:48
 
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Sujet: Mariusz Wilk
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Philippe Lançon

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 41axar10

Les Îles


"J'avais passé une partie exagérée de ma vie à juger les autres. C'était une manière efficace de ne pas les comprendre, de ne pas m'oublier en m' échauffant  ; il était temps de nous laisser, eux et moi, à la liberté et au silence du récit."

Mais ce récit s'il est forcément, puisque décidé, en liberté, celle de l' écrivain et celle de l'homme, son silence raisonne de nombreuses voix, la sienne et celles des personnages qu'il côtoie au gré de sa vie et des nombreuses digressions qui la jalonnent. Car sa vie ne semble faite que de digressions  (au temps, aux lieux, aux sentiments, aux amours,  à la mémoire) : apport ou prélèvement ? les deux certainement.

Il a donc besoin de consolation et ce rôle sera celui de Cuba, l'île que le lecteur découvre au travers des personnages qui y vivent ou la visitent pour le meilleur ou le pire.

L'auteur nous amènera en voyage à Hong-Kong où il a séjourné à plusieurs reprises et qui est  l'île de l'enchantement et pourtant j'ai le sentiment qu'il préfère se consoler à Cuba ; à force de digressions il ne reconnait plus sa vie, s'il l'a jamais connue ? ses amies le trouvaient d'ailleurs immature.

Les îles dans ce récit sont décors, la pièce se joue sur la scène de la vie, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie...........

L'auteur s'est perdu souvent dans et par amour, mais s'est récupéré dans les amitiés, féminines tout spécialement.



La plume est affûtée, elle fait parfois des pâtés (certains détails de ses joutes sexuelles, inutiles à mon sens) les mots bien pesés, sans empathie toutefois (il n'aime pas cette qualité vulgarisée) donc je n'en userais pas avec lui, mais je lui accorde mon intérêt.


C'était tout de même une bonne lecture, et j’ai apprécié particulièrement les portraits des femmes

Ainsi que le personnage de « Rimbaud ».


(message récupéré)


mots-clés : #biographie #insularite #pathologie
par Bédoulène
le Dim 2 Avr - 11:21
 
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Sujet: Philippe Lançon
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Erik Orsenna

Deux étés.

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Images47

Heureux les enfants élevés dans l'amour d’une île. Ils y apprennent au plus vite certaines pratiques utiles pour la suite de l'existence : l’imagination, la solitude, la liberté, voire une certaine insolence vis-à-vis de la terre ferme ; et guetter l'horizon, naviguer à la voile, apprendre à partir…
Notre île.


Une île de Bretagne comme toutes les îles de Bretagne, avec ses maisons d e familles, où l’on revient annuellement se ressourcer, investi d’un sentiment d’appartenance, avec ses plages, ses bateaux, ses amours de vacances, ses parties de Monopoly. Là, débarque un traducteur, avec ses chats et sa machine à écrire, son souhait de ne pas trahir les auteurs qui cache un réel plaisir à flemmarder. Quand il doit traduire Ada, de Nabokov, , toute l’île va lâcher ses paniers à crevettes pour participer à l’effort de dompter la langue, de montrer à l’éditeur parisien de quel bois on se chauffe sur  cette fameuse île.

C’est un livre absolument délicieux. Charmant, délicat, plein de tendresse pour les vacances en famille, de moquerie drôle pour Nabokov qui joue les stars, d’humour facétieux. C’est un petit régal, un bel hommage à l’amitié, aux vacances, à la langue, aux livres et aux mots. On sent Orsenna se régaler à nous raconter tout cela, et une histoire n’est jamais aussi bien racontée que quand l'auteur se régale

Mais, deux pages plus loin, après les inévitables présentations généalogiques qui font ressembler les romans à des femmes boutonnées du col jusqu'aux chevilles, tant vous ronge l'impatience d'arriver au fait, l'auteur s'envolait, ricochait d'image en image, picorait les souvenirs


(commentaire récupéré)


mots-clés : #insularite
par topocl
le Lun 20 Mar - 18:23
 
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Sujet: Erik Orsenna
Réponses: 4
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Erik Orsenna

"En 1995, Érik Orsenna part sur les traces de ses ancêtres cubains. Bernard Matussière, photographe, l’accompagne. Ensemble, ils découvrent les vestiges d’un eldorado aussi désuet que délicieux. À Cuba, ils rencontrent Alvaro, ancien guide de la Révolution, Félix Savón, boxeur à la renommée mondiale, ou encore Teresa, monitrice de plongée désillusionnée... Vive le peuple cubain ! Quelle malédiction a frappé cette île dont Fidel Castro voulait faire un paradis et qui a fasciné Sartre, Beauvoir et même Hemingway ?

Érik Orsenna est écrivain. Ses voyages tiennent une place essentielle dans sa vie et dans son œuvre. Il est notamment l’auteur de L’Exposition coloniale (prix Goncourt), Madame Bâ et Mali, ô Mali. Il a été élu à l’Académie française en 1998.

Bernard Matussière est photographe. Il est aujourd’hui reporter et sillonne le monde pour La Chaîne de l’espoir, une ONG de chirurgiens.

« Brillant, coloré, drôle, mais à l’écoute d’un peuple trahi, ce reportage illustré est un modèle du genre. »

L’Express"
source
Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 419weg10

A propos de «Mésaventures du Paradis, mélodie cubaine» :

D’Orsenna je n’avais rien lu, jusqu’à ce jour, je connaissais le personnage comme homme de télé et comme tout un chacun pour son emploi auprès de Mitterand. Son livre m’a interpellé, l’occasion de savoir ce qu’un descendant de cubains avait pu ressentir au cours de son voyage sur les traces de ses ancêtres. D’ancêtre, il s’agit de Gabriel, le père d’Augustino né en 1875, marié à une Havanaise. Gabriel était papetier (tiens, tiens ..?)et surtout, surtout, excusez moi de causer crûement, un frénétique «queutard» comme en parle un descendant de témoin qualifié de «la momie» :

«Les jambes lyonnaises, à peine débarquées, se sont mises à obéir au doigt de votre aïeul. A son doigt d’en bas. L’île a l’habitude. Depuis le XV° siècle, elle en a reçu, des frénétiques ! Mais, comme lui, rarement. Il n’arrêtait pas. Des femmes, encore des femmes ! La nuit, comme tout le monde, mais le matin, l’après-midi, au beau milieu d’une phrase, il s’enfuyait entre deux pages d’un contrat…»

Qui peut lui jeter la pierre lorsque l’on connaît la beauté des cubaines..? C’est ainsi que Erik Orsenna s’est retrouvé sur la piste de «très nombreux» cousins cubains, alors qu’il s’attendait à une lignée il se retrouvait avec des «cousins» pour lesquels il se pose la question :

«Peut on appeler «cousins des êtres humains nés d’une seule copulation..?»

Ainsi il rencontre Alvaro, Guide de la Révolution, l’occasion  de retrouver la grande histoire, celle de la Révolution Cubaine et surtout de la venue à La Havane de Sartre et Simone de Beauvoir, Alvaro fut leur chauffeur et le témoin  de leur rencontre avec le Che, mais là je n’en dirai pas plus…

Juste un voyage dans le temps des illusions...ponctué par des pannes d’électricité...(l’occasion de lire : «Ouragan sur le sucre» de Sartre..?)
Et ces questions de la foule au passage de Fidel :"Fidel, notre truie est stérile ; Fidel, comment faire quand un toit fuit..?  Fidel, est-ce socialiste, une femme infidèle..?»
Et Erik continue avec une cousine plongeuse, l’occasion de se poser des questions sur les lieux de pêche d’Hemingway et où se trouve la vraie marina..? personnellement j’y ai déjà répondu sur le fil «La Havane».
Puis c’est au tour du Pilote du Port dont le bateau est à quai, éternellement envasé dans le bloquéo, l’occasion de parler de la Santeria.
Puis la cousine, patronne d’un Paladar illégal, où Erik Orsenna redevient «touriste» (ce que tout étranger sera toujours aux yeux des cubains, un peu comme les corses des caraïbes).

Ce livre, enfin, est une plongée au coeur du Cuba que les années qui viennent feront oublier, est-ce un bien, est ce un mal, personnellement c’est le Cuba qui me manque, bien que ce soit aussi le Cuba de la souffrance pour ses habitants, le Cuba qui vous donne mauvaise conscience et qui m’a fait partir, car il y a un moment où voir souffrir les autres sa ns ne pouvoir rien faire devient intolérable, enfin, lorsque l’on réfléchit un minimum.D’où cette question sur le titre : «Mésaventures du Paradis» ou «Mésaventures de l’Enfer»..?
Je reprendrai bien de cet Orsenna aficionado de Alejo Carpenter et du Partage des Eaux comme il le dit lui-même.

(commentaires rapatriés)


mots-clés : #famille #insularite
par Chamaco
le Lun 20 Mar - 17:52
 
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Sujet: Erik Orsenna
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Vassili Golovanov

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Captur21

ELOGE DES VOYAGES INSENSES

A l'extrême nord de la Russie, dans la mer de Barents, il est une île « presque ronde ; légèrement relevée sur les côtés comme une pièce de monnaie ancienne et usée. Verte : relief de plaine. Et aussi, quelques rivières, quelques lacs, des collines. D'étranges étendues de sable... » Cet âpre bout de terre émergée, tout près du pôle, c'est Kolgouev, où survivent, livrés à la pauvreté, dans un village crasseux, quelques centaines d'habitants, descendants des Nenets, éleveurs de rennes. Avant de débarquer à Kolgouev, au début des années 90, le journaliste et écrivain russe Vassili Golovanov en avait longtemps rêvé - rêvé d'une île, quelle qu'elle soit, où qu'elle soit, pourvu qu'elle soit le support de son besoin de mystère et d'enfance, pourvu qu'elle lui soit une échappatoire à une vie insatisfaite, un mariage en miettes, un dégoût général, un début de folie peut-être. « C'est l'idée de l'île que j'ai aimée, bien avant d'y mettre le pied », confesse Golovanov, qui y est bel et bien allé, plusieurs fois et, de ces séjours austères aux confins oubliés de la Russie postsoviétique, a nourri cet ouvrage d'un lyrisme sans mesure. Un Eloge des voyages insensés, insensé lui-même, tant il brasse d'informations, de réflexions et de descriptions. Tout ensemble autofiction, récit de voyage très physique, méditation exaltée sur la place de l'homme dans la nature et le monde, le sens de la vie de l'individu, la destinée collective des peuples..., ce gros livre baroque semble avancer sans fil directeur, mais jamais ne s'égare. Il digresse du côté de la mythologie et de l'histoire, il est secoué parfois d'accès de fièvre, mais sait s'arrêter longuement devant d'admirables paysages septentrionaux, déclinant dans l'air sec et transparent toutes les nuances du gris, du vert, du blanc.


Verdier

Nathalie Crom, Télérama

J' ai lu ce livre il y a près de dix ans mais j' en ai gardé un grand souvenir.
Entre fiction et reportage. Philosophie et onirisme.
Un livre inclassable mais superbe. B



mots-clés : #insularite #voyage
par bix_229
le Ven 24 Fév - 16:54
 
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Sujet: Vassili Golovanov
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David Vann

Sukkwan island

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Tylych33

Commentaire écrit dans le cadre d'une relecture. Toujours ébloui par la justesse des descriptions de David Vann, que cela soit en termes de paysages ou de sentiments. Il existe une palette de nuances, d'émotions si variées que nous sommes réellement plongés dans la complexité de l'être humain, de son ontologie, mais également de son existence au sein d'une nature mystérieuse.
Style parfois lapidaire, parfois plus construit, la simplicité des mots et de la syntaxe donne plus de force au propos et au récit.
j'ai été choqué et vulnérable au cours de cette lecture l'enfant en moi s'identifiant au fils, le père que je suis s'identifiant au père également. Il fut traduit un procès en crédibilité et en réalisme à l'encontre  de ce livre te de cet auteur. Ayant vécu par le passé des conflits et des relations tragiques avec un pathos au sens propre du terme je ne peux qu'être personnellement convaincu par cette histoire et par sa tenue, sa cohérence. Un livre qui me marqua et me marque toujours.


mots-clés : #famille #insularite
par Hanta
le Jeu 9 Fév - 14:45
 
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Sujet: David Vann
Réponses: 12
Vues: 1170

LIM Chul-Wo

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 41uync10

Je veux aller dans cette île

De sa morne cité de banlieue, un homme regarde les étoiles. Elles lui rappellent les légendes que sa grand-mère lui racontait autrefois, et de fil en aiguille, c'est toute son enfance, passée avec elle sur une île, qui lui revient en mémoire.
Le roman est constitué d'une suite de récits ayant pour protagonistes les différents personnages qui ont marqué sa jeunesse. La vie est rude : les hommes sont pauvres, les terres rares et peu fertiles, la pêche n'est en rien miraculeuse. Les femmes sont souvent battues, les filles sont délaissées sciemment au détriment des garçons, infiniment plus précieux. Les infirmes et les simples d'esprit sont moqués. Et puis, les rumeurs et autres ragots vont bon train, gare à celle qui aura le regard un peu trop aguicheur et la cuisse un peu trop légère !
A priori donc, aucune raison d'être nostalgique de cette vie.
Et pourtant… Il règne là une atmosphère bien particulière, faite de prises de bec mémorables suivies de réconciliations rieuses, de moments de pure amitié, de belles preuves de solidarité. Ici tout le monde se connaît, et les lieux sont si exigus que la vie de chacun se déroule sous les yeux des autres. Ce qui ne se fait pas sans heurts, ni sans amour... L'auteur, aussi lucide que tendre et malicieux, ressuscite sous nos yeux ce microcosme îlien, pour notre plus grand bonheur.

La traductrice s'est retrouvée face à un défi de taille : traduire en français le dialecte parlé dans cette région de Corée. Dans la préface, on nous explique qu'elle s'est inspirée du travail du traducteur de Camillieri et je dois dire que bien lui en a pris : ces dialogues sont tellement vivants qu'on s'y croirait. Là où j'avoue avoir eu plus de mal, c'est avec le choix de retranscrire systématiquement "de" par "eud", à la "picarde". Ce parti pris m'a gênée, pour moi il alourdit inutilement le récit, déjà chargé de tournures syntaxiques inhabituelles, et au début, j'ai peiné sur certaines phrases.

« Fi !  Tu crois que je connas mâme pas ça ! Tu me prends vraiment pour une idiote, ou quoi ! Le matin du 15 du mois, après qu'on s'a lavée proprement, il suffit d'aller devant le pavillon Tang, eud se prosterner devant Grand-Mère Tang et eud lui demander : « Grand-Mère, donnez-moi seulement un beau bébé. » Tu sas mâme pas ça ? Uhihi !

Heureusement, très vite, tout s'est mis à couler de source, et ce bémol mis à part, j'ai été conquise par la fluidité et la cohérence de l'ensemble.
Seul les dialogues sont retranscrits en patois. Le reste du récit respecte le langage d'un narrateur désormais citadin et débarrassé de son dialecte natal. Mais son style n'en reste pas moins vivant et imagé, alerte, et terriblement authentique.

La mère Opsun était une pauvre femme. Pour ce qui était du bonheur, elle ne devait pas être née avec seulement autant que la petite queue d'un cochon. Elle vivait tellement accablée de larmes et de soupirs que même des gosses comme moi en éprouvaient de la pitié.
(…)
Vraiment, les rossées du père Nam étaient terrifiantes. On avait du mal à croire que la mère Opsun pouvait encore respirer après avoir reçu tant de coups, au point d'être  aplatie comme un gâteau de riz.  Pas un seul jour le corps de la mère ne fut épargné. Décharné comme celui d'un fantôme, il était abîmé autant qu'il pouvait l'être. Même quand elle marchait, c'était le dos voûté. Et c'était la terreur qui dominait toujours dans son regard à moitié perdu.


Et puis, quelle heureuse idée que d'avoir conservé les onomatopées coréennes qui ponctuent le récit ! Cela contribue vraiment à plonger le lecteur dans l'ambiance. Encore une fois, on s'y croirait...

Et si les gens ne s'étaient pas jetés sur lui pour le retenir, la mère Nopto serait certainement morte sous les coups. Pourtant, elle ne poussa pas un seul cri de douleur, kkik et, comme un merlan jaune séché, p'ok p'ok, elle subit la rossée. En la voyant, les femmes du village trépignaient, tongtong, de colère et les hommes secouaient la tête en se disant que c'était une femme vraiment forte.

Je ressors conquise de cette lecture. La nostalgie et la tendresse du narrateur pour ces êtres imparfaits mais ô combien humains transparaît à chaque ligne, le portrait qu'il fait d'eux est à la fois juste, plein d'humour, et terriblement touchant. Vraiment, je me suis régalée.

(Ancien commentaire remanié)

PS : Maintenant, topocl, tu peux le dézinguer ! Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 1390083676


mots-clés : #insularite #nostalgie
par Armor
le Dim 29 Jan - 11:17
 
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Sujet: LIM Chul-Wo
Réponses: 4
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Franco Vegliani

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 41mhuf10

La frontière

En repos sur l’ile Dalmate un sous-officier de l’Armée Italienne (en 1941) sympathise avec un vieil homme Simeone qui se trouve être un parent éloigné car la famille de notre sous-officier était native de l’ile et lui-même y a passé ses vacances d’enfance. Cette rencontre et l’histoire d’un autre sous-officier de l’empire Austro-Hongrois, Emidio, que lui confit Simeone intrigue, puis passionne le soldat Italien.

À 20 ans d’intervalle des interrogations, des doutes similaires assaillent les deux sous-officiers engagés dans les deux guerres mondiales dans cette région de Croatie et d’Istrie.
Le destin de la Dalmatie, dont la frontière » mouvante » au gré des possesseurs, des « maîtres » comme les appelle le vieux Simeone , contraint celui des habitants et plus sûrement des soldats engagés dans la guerre. Aussi c’est dans l’âme de ces deux soldats que la frontière est la plus difficile à franchir, de la raison ou du cœur , quel choix engagera leur destin ; quelle sera leur Patrie ?

Un récit maîtrisé qui pose la question du choix qui détermine un destin ; l’auteur ne porte aucun jugement si ce n’est celui auquel se condamne eux-mêmes les personnages. Un sujet intéressant, honnêtement exprimé. Une très bonne lecture.
   
extraits

«En vertu de l'éducation qu'il avait reçu dans sa famille, m'avait expliqué Simeone, Emidio était croyant, sincèrement croyant, mais sans la moindre ferveur. Une foi tranquille, reposante, selon l'expression du vieil homme, capable de procurer une certaine paix de l'esprit, sans imposer de devoirs trop coûteux, ni soulever d'épineux problème. Bref la foi que lui avait inculquée sa mère lorsqu'il était enfant et que, précisément parce que lénifiante, si rassurante et si peu porteuses de grands engagements, il ne s'était jamais soucié de réexaminer.»

«L'orgueil national était précisément la justification dont je ne voulais pas entendre parler. Et je ne voulais pas en entendre parler car c'était la première, la plus facile, la plus naturelle qui me fût venue à l'esprit. Quel autre sentiment, sinon, pouvait bien avoir armé la main de ces hommes, les poussant à tirer et à tuer, sans ordre exprès, d'autres hommes qu'ils n'avaiet jamais vus ?»

«C'était donc bien cela : l'orgueil national mortifié, humilié par notre victoire, par la supériorité de nos armes, qui maintenant relevait la tête et se révoltait ainsi.»

«Cette embuscade ne pouvait que se parer en moi, j'allais dire malgré moi, d'une lumière éclatante, d'une sombre mais indéniable noblesse, d'une aura romantique au charme de laquelle, en dépit de tous mes efforts, je ne parvenais pas à me soustraire.»

«En effet, si, sans le vouloir, en agissant simplement selon sa raison, sa conscience et peut-être aussi, mais de façon plus secrète et moins apparente, son intérêt, le soldat slovène avait révélé à Emidio un aspect insoupçonné et même nié, refoulé de l'idéal patriotique et de la soumission au devoir, combien différent de tout ce qu'on lui avait enseigné, Melania avait fait de même pour ce qui était de l'amour.»


mots-clés : #deuxiemeguerre #insularite
par Bédoulène
le Sam 7 Jan - 10:57
 
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Sujet: Franco Vegliani
Réponses: 1
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Henning Mankell

Les chaussures italiennes

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Images16

Depuis douze ans, Fredrik Wellin vit sur une île suédoise, dans la maison qui appartenait autrefois à ses grands-parents, perdu au milieu de la glace et de la neige. Son seul contact avec le monde extérieur est le facteur, qui vient trois fois par semaine dans son hydravion, n'apportant jamais aucun courrier. Pour cet ancien chirurgien, cet isolement glacé est sa protection face à la vie qu'il a voulu fuir, parce qu'il y a douze ans justement, une catastrophe est survenue. Il observe les oiseaux, nourrit son chat et son chien, note d’anodins petits faits quotidiens dans son journal, et la vie passe ainsi… Au moins elle ne risque pas de le blesser.

 
 Dans les villes, on ne voit plus les étoiles, c'est pour ça que j'habite ici. Quand j'étais en ville, le silence me manquait, mais plus encore la lumière des étoiles. Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n’attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer ?
   Je comprenais ce qu'elle voulait dire. Pour beaucoup de gens, le silence, la nuit étoilée, peut-être aussi la solitude n'étaient plus des biens accessibles. J’ai pensé que Louise me ressemblait peut-être, malgré tout.



Mais Hariett, un amour de jeunesse qu'il avait autrefois abandonnée dans des circonstances pas très flatteuses pour lui, vient le sortir de sa retraite paresseuse. Il va lui falloir se confronter au monde, à la réalité, aux émotions qui font que la vie est à la fois heureuse et douloureuse,. Elle est sacrément décidée, Hariett, malgré son cancer en phase terminale et son déambulateur…

Ce retour au monde l'amène à des rencontres. Des femmes (sur lesquelles je ne dirai pas plus), qui contrairement à lui, ont choisi leur destin, ont trouvé à se protéger autrement que dans le retrait.


   « - Pourquoi n'y a-t-il personne de normal ici ? Pourquoi tous les gens sont-ils si étranges ? (…)
   - Il n'y a pas de gens normaux. C'est une fausse image du monde, une idée que les politiques veulent nous faire avaler. L’idée que nous ferions partie d'une masse infinie de gens ordinaires, qui n'ont ni la possibilité ni la volonté d'affirmer leur différence. Le citoyen lambda, l'homme de la rue, tout ça - c'est du flan. Ca n' existe pas. C'est juste une excuse que se donnent nos dirigeants pour nous mépriser. »


Il apprend qu'on peut exister sans fuir la responsabilité et les sentiments. Quoique fasciné par ce qu'il rencontre, il adopte une fois de plus sa technique favorite de la fuite, pour se retrouver à nouveau seul, isolé dans son île, décontenancé, mais tenté cette fois-ci par le monde extérieur

   « Comment j'allais me débrouiller avec ma vie, après tout ce qui s'était passé, je n'en avais aucune idée.
   Là, tout à coup, sur la jetée, j'ai fondu en larmes. Chacune de mes portes intérieures battait au vent, et ce vent, me semblait-il ne cessait de gagner en puissance. »

Et ce monde auquel il s’est confronté le rattrape peu à peu, des liens se tissent, douloureux ou réconfortants, mais au moins des liens sont là, des chemins se présentent, des décisions sont à prendre. Il est confronté à la vie, à la souffrance et à la mort, c'est peut-être douloureux mais il redevient maître de ses choix.

   « J'ai vu ma vie.
   J'étais parvenu à ce point de l'existence. Il restait peut-être un ou deux carrefours en perspective, mais pas beaucoup plus. Et pas beaucoup de temps. »


Les personnages de Henning Mankell refusent tous notre monde moderne et violent, chacun à sa façon. Fredrik n'est pas le plus adroit, ni le plus sympathique, c'est un perdant, un rustre déboussolé, auquel les femmes ouvrent peu à peu les yeux. Ce livre nous parle de lâcheté, du pardon, de la solitude et de la mort. D’un certain cheminement que l'on peut faire pour se réconcilier avec soi-même, sans pour autant devenir un héros et trouver des solutions à tout. Pas forcément trouver la paix, mais souffrir un peu moins, s’ouvrir à l'autre. La nature sauvage est un refuge, une nourriture pour l’homme égaré. Fredrik a trouvé ce bout du monde perdu dans les glaces, cette maison de l'enfance qu’il croyait être un rempart face a ses propres vérités. Il a bien failli se perdre lui-même ; les femmes déterminées qu'il rencontre lui montreront qu’un rapprochement est possible avec lui-même et les autres. Malgré les erreurs, malgré la douleur de vivre parfois, il faut savoir accueillir des émotions autres que celles du vent qui passe. La vie reste une impasse mais on aura su la rendre plus légère.

Les chaussures italiennes est le roman d'éducation d'un homme adulte, qui a failli, s'est puni lui-même, mais va entrer dans la vieillesse après que des femmes l’aient non pas sauvé, mais apaisé.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #insularite #nature #psychologique
par topocl
le Ven 30 Déc - 10:53
 
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Sujet: Henning Mankell
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J.Maarten Troost

J. Maarten Troost
Né en 1969

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Troots10

J. Maarten Troots est né en 1969, aux Pays-Bas. Il voyage pour rendre visite à son grand père à Prague, puis sa famille déménage au Canada et aux États-Unis où il poursuit des études dans le domaine des relations internationales.  Partagé entre les États-Unis et le Vieux Continent où habite son père, il explore l’est de l’Europe, de la Pologne à la Turquie.

Il a écrit des essais pour l’Atlantic Monthly, le Washington Post et pour le Prague Post alors qu’il était étudiant. Après plusieurs petits boulots décevants, le voyage lui paraît la meilleure alternative à un travail qu’il considère comme ennuyeux et une vie un peu trop tranquille. C’est ainsi qu’à 26 ans, il prend la décision de suivre sa femme à Kiribati, une petite île du Pacifique Sud où il passera deux ans. De cette expérience, il tire un premier roman, Sex life of the Cannibals (2004) (La vie sexuelle des cannibales).

Après ses deux ans passés dans les Kiribati, à son retour aux États-Unis, il a été engagé comme consultant par la Banque mondiale.  Après avoir passé plusieurs années aux îles Fidji, il est revenu vivre assez récemment aux États-Unis, où il s’est installé en Californie avec sa femme et son fils.


Ouvrage traduit en français :

La vie sexuelle des cannibales

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Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 41yu2210

La vie sexuelle des cannibales

Paru dans la Collection "Etonnants voyageurs"....parfaite pour le récit de cette aventure ....

J.Maarten Troost est un journaliste, entre autres. Il a passé deux années dans les Kiribati :

«Les Kiribati se trouvent à cheval sur l'équateur et sur l'antiméridien 180 °, à la fois en Polynésie et en Micronésie, au sud des îles Marshall et de Hawaii et au nord des Tuvalu, des Samoa, des îles Cook et de la Polynésie française.

Les Kiribati sont constituées par trois archipels principaux, comprenant en tout 32 atolls et une « île haute », Banaba, située un peu à l'écart, plus proche de Nauru.»


Il en a tiré un livre très drôle. Sa compagne Sylvia et lui-même fatigués de leur vie à Washington, décident de tenter l'aventure dans ce petit archipel où Sylvia a décroché un job, directrice locale de la Fondation pour les peuples pour le Pacifique sud. Enfin, la vraie vie les attend ! La mer, les couchers de soleil, les cocotiers, etc. En fait : chaleur intense, mer polluée (servant apparemment de toilettes publiques), poissons toxiques, peu ou pas de produits frais... électricité par intermittence...voisins pour le moins (très) curieux... etc. Bref, les aventures quotidiennes relatées par J. Maarten qui, lui, ne travaille pas sur place mais est en quelque sorte un homme au foyer (!) sont très amusantes. Un bon moment de lecture. Evidemment, le titre alléchant du livre, n'a rien à voir avec le contenu de celui-ci  Laughing


mots-clés : #humour #insularite #voyage
par simla
le Mer 28 Déc - 5:45
 
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Sujet: J.Maarten Troost
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Monika Fagerholm

La fille américaine

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Un roman qui sort de l'ordinaire, dérangeant et envoûtant. Nous sommes au sein d'une petite communauté de familles qui vivent sur une presqu'île à quelques kilomètres d'Helsinki. La vie des enfants s’organise par petits groupes, très intimement soudés, qui vont être perturbés à l'occasion de la mort de la « fille américaine », noyée sur la plage commune. Les adultes sont des personnages lointains l'étranger. Désespoirs intenses, conciliabules secrets, recherche désespérée d’explications, complots adolescents… La vie de chacun va être marquée pour des décennies.

L'histoire en elle-même est très étrange, faite d’alliances indissolubles, de secrets insondables, d’amours innocentes ou moins innocentes. Le désespoir, la solitude et la solidarité de l'adolescence sont parmi les ingrédients forts de ce roman. Ce qui est encore plus étrange, c'est le style très particulier de Monica Fagerholm, haletant, envoûtant, fait de retours en arrière, d’ incursions dans l'avenir, de répétitions incantatoires… Qui laisse planer un mystère et une tension tout au long du livre. Très difficile à décrire, tout à fait à part, ce livre peut tout aussi bien fasciner que rebuter. Il faut accepter de ne pas toujours tout comprendre, mais ce livre laissera en moi une empreinte durable.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #initiatique #insularite
par topocl
le Lun 26 Déc - 15:39
 
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Robert Louis Stevenson

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CEUX DE FALESA

Je connais Stevenson depuis l'enfance et j'ai lu et relu l'Ile au trésor avec beaucoup de plaisir.
J'ai lu ensuite des nouvelles, dont le superbe Ollala, Un mort encombrant, Le voyage en âne dans les Cévennes.
Docteur Jekyll et Mr Hyde m' a paru plutôt caricatural. Mais j'ai beaucoup apprécié ses récits de voyage en Amérique : Sur la route de Silverado.
Même si Stevenson n' avait écrit que cela, il aurait déjà beaucoup apporté, tant son style est fluide et nouveau.
Et enfin j' ai lu -et relu- Le Maitre de Ballantrae qui est un chef d' oeuvre d' ambiguité et de fascination.

Et ces jours-çi, Ceux de Falesa.

On sait que Stevenson est allé vivre aux Iles Samoa et son regard sur ces îles est étonnamment neuf. Ces îles étaient déjà ravagées par le colonialisme, l'aculturation et le trafic de copra, et Stevenson jette un coup d' oeil étonnament empathique sur leur population.

Le narrateur du livre est un traficant de copra et il a tous les préjugés et défauts du métier : cynique, brutal, cruel. Il change peu à peu sous l'influence d' une femme, une indigène, qu'il "épouse" fictivement d' abord, puis réellement. Ses sentiments changent, son regard sur les indigènes, leur culture aussi.
Je ne raconterai pas ce roman étonnant qui recèle un mélange de subtilité, de mystère et de violence qui en font un livre vraiment beau et nouveau.

Mais il faut dire un mot sur l'histoire du livre. Stevenson n'a pu voir de son vivant son livre publié. Le manuscrit provoqua un véritable scandale chez ceux qu' il pensait être ses amis. L'histoire du "mariage", mais aussi le fait qu' un blanc vivait maritalement avec une indigène et s'en trouvait bien. Et parvenait même a avoir une opinion sans trop de préjugés sur la société où il vivait. Etc.
Bref, le manuscrit fut sabré, censuré, retouché et publié de façon immonde sans que Stevenson puisse intervenir.
Michel Le Bris aime beaucoup Stevenson, et s'est livré à un travail d'archives considérable pour publier un manuscrit complet et digne de ce nom, ce qui n'a pas encore été fait en Angleterre, du moins en 1994 quand il a fait éditer le manuscrit.

Ceux de Falesa. - La Table ronde. Coll. La petite Vermillon


mots-clés : #insularite #minoriteethnique

par bix_229
le Sam 24 Déc - 17:02
 
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Jean-Paul Kauffmann

L'arche des Kerguelen – Voyage aux îles de la Désolation

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   Pour le survivant, tout livre a un sens. Peu importe son contenu. La moindre histoire est stimulante parce qu'elle donne l'illusion d'être libre. Nous ne sommes plus seuls. Ce qui dans des circonstances ordinaires paraissaient obscur ou insignifiant  ne l'est plus. Contraint à l'élémentaire, l'esprit extrait d'emblée l'essence des choses, élucide ce qui est hermétique, pourvoit à ce qui est indigent. Avec le presque rien, on invente presque tout.



Jean-Paul Kauffmann a toujours rêvé des îles Kerguelen, cet archipel de l'Océan Indien à la limite du continent antarctique, possession française depuis sa découverte par Kerguelen en 1772, peuplé de quelques militaires et scientifiques et de milliers de lapins, éléphants de mer et manchots. Les paysages sont fabuleux, chaos premiers aux évocations bibliques.


  Entre la  page blanche et l'achevé d'imprimer, les Kerguelen donnent l'illusion d'approcher des origines ou des fins dernières.


Quatre ans après sa libération de captivité, c'est chose faite, il s'embarque sur le Marion-Dufresne  se confronter à cet archipel désertique, battu par la pluie et les vents, mi- mystère, mi-vérité. À côté des découvertes naturelles, géologiques, botaniques, zoologiques, à côté des paysages fantastiques, il teste cette nouvelle forme de solitude, où, cette fois encore, le temps ne se compte pas, mais à laquelle l'espace donne une ouverture pour lui salutaire.

   Je suis heureux d'affronter de mon plein gré l'extrême solitude et l'élémentaire clarté d'une nature hostile.



Pas un mot de sa captivité, mais au travers des phrases, au-delà du récit de voyage, du rapport des nombreuses connaissances historiques ou géographiques accumulées , du recensement scrupuleux des noms de lieux et des morts, célèbres ou obscurs, Kauffmann poursuit une réflexion qu'il a intégrée à tout son être, qui s'est construite dans le cachot, et l'a sans doute sauvé, sur le temps, le silence, l'attente, la solitude.

   Existence cloîtrée, sans véritable but : pour moi la vérité à l'état pur.Désolation, terre de l'attente. Attente du chaland, attente d'une meilleure météo, attente du Marion, attente de l'arche que je n'ai pu rallier par Val Travers. C'est l'espoir sans l'impatience.
   Le temps est un espace que le ciel et le vent laissent ouvert. Nul besoin de combler ce vide. L'attente ne s'épuise pas en efforts inutiles, en signes dérisoires que d'ordinaire l'on s'impatiente à interpréter. Dans le désœuvrement kerguélénien, il entre une indolence qui est le contraire de l'apathie, une sorte d'insouciance ardente, tendue vers rien. L'esprit ne dépend ni des faits ni des instants, il n'est captif  ni du passé ni de l'avenir. L'ordre des jours est aboli.



Dans cette expédition, Kaufmann court après des chimères, peut-être. Il s'imprègne du vent (« la singulière complicité entre le silence et le vent »), de la lumière, des odeurs qu'il partage avec ces explorateurs et aventuriers dont les pas l'ont précédé sur l'île.


   Les tombes sont l'une des rares traces d'humanité de la désolation, pays sans arbres que la mort à reboisé de ces stèles plantées en plein vent.


 
 Je déteste la marche. Mes amis pensent que j'aime la nature parce que je possède une maison dans la forêt landaise. Je passe à leurs yeux pour une sorte de  François d'Assise interpellant les fleurs et les oiseaux. Je me garde bien de les contredire. Ils m'imaginent en promeneur solitaire errant sur les chemins forestiers alors que je ne bouge jamais de chez moi. Une vie d'homme ne saurait suffire à explorer l'arpent que je possède.



   Plus que la souffrance le désœuvrement n'est-il pas l'épreuve suprême ? Qui sait combler le vide de l'âme quand plus rien ne l'absorbe est tiré d'affaire. Il triomphe du supplice le plus cruel : le temps sans mesure ni terme. La douleur occupe ; l'être souffrant se contemple dans son tourment. L'ennui ne connaît ni la nuance ni la satiété.



(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #insularite #voyage
par topocl
le Dim 18 Déc - 15:30
 
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Sujet: Jean-Paul Kauffmann
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Boris Chiriaev

La veilleuse des Solovki

Tag insularite sur Des Choses à lire - Page 2 Image109

   « Etant enfant, je me suis retrouvé un jour dans un abattoir. J'y ai vu, dans un coin, un tas de viscères provenant d'animaux que l'on venait d'abattre. Entre les poumons rosâtres et les boyaux blanchâtres se détachaient en sombre les petites masses des cœurs d'où s'échappait un épais sang noir... Les cœurs palpitaient encore ; on les voyait se contracter et se dilater dans un rythme irrégulier. La force d'inertie de la vie en allée les possédait encore et les forçait à battre. Les uns se mouraient, les autres s'activaient encore, mais à vide, car arrachés à l'organisme qu'ils servaient, jetés sur le sol maculé et inondé de sang.
   Telles m'apparurent les Solovkis des années 1923-927, comme un tas d'entrailles arrachées, mais encore palpitantes et sanguinolentes. Ils n'avaient ni avenir ni présent, ces rebuts jetés sur la grande décharge russe, ils n'avaient qu'un passé. Et ce passé puissant faisait encore frémir leurs cœurs vidés de leur sang.
   Ils étaient déjà morts, mais leur cœur battait encore… »



Boris Chiriaev a été déporté aux îles Solovki de 1923 à 1930. C'était l'époque initiale où on y trouvait surtout des aristocrates, des intellectuels, des  religieux,où l'empreinte du monastère valeureux et rayonnant qui avait habité ces îles depuis des siècles était encore marquée, et où N A Frenkel n'avait pas encore soumis le travail forcé à ses vues stakhanovistes.
La veilleuse des Solovki a été écrit sur 25 ans, et forcément, au fil du temps, Chiriaev et son livre ont évolué. Il n'a pas écrit le livre vengeur qu'il projetait initialement, il a fait le choix non des soviétiques, mais de « l'âme russe ».


  « A travers les ténèbres vers la lumière ; à travers la mort vers la vie »



Les Solovki sont en effet à cette époque un amalgame intime de la tradition  russe historique, avec ce que cela importe de jouissance, de fidélité au tsar, de religiosité et de l'austérité de l'esprit révolutionnaire le plus extrême. Mais tout n'est pas encore tout à fait noir et blanc, des échappées sont encore possibles.

   « Ainsi s'entremêlaient et s'entrelaçaient bizarrement les délicats fils de soie du passé et la toile rêche des temps nouveaux ».



La veilleuse des Solovki, c'est cette veilleuse qu'a maintenue allumée jusqu'à sa mort un moine ascète retiré dans les forêts voisines, c'est aussi la flamme de l'enthousiasme, de la culture et de la dignité, entretenue par les hommes, malgré le travail exténuant, la peur, les coups et la mort qui rôdait. Cette flamme a revêtu de nombreux aspects, par l'entretien de la culture russe (théâtre, journaux et publications diverses, bibliothèque, musée du monastère astucieusement camouflé sous l' appellation « musée anti-religieux », recherche scientifique...), de la religion, et de divers petits actes d'honneur et de rébellion plus ou moins cachée, dont la célébration secrète de Noël, autour d'un sapin interdit, par six détenus de six religions différentes, est un des points culminants.


   « La veilleuse de la conscience morale réveillée, ranimée, la Veilleuse  incandescente de l'Esprit »



L'idée de Chiriaev n'est  pas de cacher l'épouvantable quotidien, qui trouve bien le moyen d'apparaître dans toute son horreur au fil de son récit. Mais ce qu'il veut, c'est transmettre depuis son exil italien  un message d'espoir, traquer  l'humain au cœur de ces détenus avilis. Son récit s'appuie sur de nombreux portraits d'hommes et de femmes qui ont tous su trouver quelque chose à opposer à la barbarie et à l'injustice. Ce n'est pas un roman, mais cela se lit comme un roman entre la truculence du conte populaire et le souffle de la tradition littéraire russe. L'écriture est à la fois attentive et habitée, y convergent la tolérance, l' absence de jugement, la malice par moments, et aussi une grande humilité, puisque de Chiraiev lui-même, on entendra très peu parler.

(commentaire rapatrié)



mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #insularite
par topocl
le Sam 17 Déc - 9:34
 
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Sujet: Boris Chiriaev
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John Burnside

L'été des noyés

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Plein de choses séduisantes a priori dans ce livre : une île de la Norvège septentrionale, qui vit dans une longue nuit ou dans un  jour sans fin, peuplée d'originaux, qui ont en commun  leur solitudes et leurs folies au sein de ces paysages immenses, battus par la mer, aux lumières déroutantes . Tout cela baigne dans une ambiance étrange, avec un arrière-fond de légendes mystérieuses. Le retrait, la disparition, les limites entre la réalité et toutes ses distorsions : visions, rêve, croyances et divers jetages de sort….sont les fils rouges de ce roman où rien n’est sûr, et qui flirte l'air de rien avec le fantastique.

J'aurais pu pleinement apprécier la façon de John Burnside de prendre son temps dans ces  paysages sauvages, de ne donner de solution à rien, s'il avait choisi la légèreté pour entrecroiser ses mystères multiples autour de l'étrangeté, l'hypersensibilité de l'héroïne, sa capacité à comprendre les autres et soi-même à travers un frémissement de sourcils, ou un simple coup de vent qui fouette ses intuitions. Son lyrisme poétique, souvent brillant,  m'a finalement  paru d'un sérieux un peu bourratif.


mots-clés : #insularite
par topocl
le Ven 16 Déc - 16:15
 
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Sujet: John Burnside
Réponses: 16
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Henri Bosco

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Le mas Théotime

C’est tellement de sentiments, d’émotions, la lecture de ce livre, mais c’est avant tout un grand amour pour la Terre et tout ce qu’elle offre à l’être humain ; Terre nourriture du corps mais aussi de l’âme.
Sortant de ma lecture de Simone Weil, j’ai retrouvé dans ce livre sa pensée :  le salut par le travail, le travail salvateur de la Terre et qui conduit vers  la sérénité, la pureté  et plus, vers Dieu.
« Or dans la solitude des champs, des bois et des collines, si quelque aliment pur ne nous soutient, il peut nous arriver d’abandonner, sans le savoir, l’exercice des facultés humaines et de perdre le sentiment et la jouissance des biens intérieurs. Ce sont de vieux biens, depuis longtemps déposés en nous par la patiente communauté des hommes, et qu’ ils nous ont légués pour nous permettre justement de passer sur la terre, sans trop de terreur ni de désespoir. Quand nous les perdons, il ne nous reste plus que notre chair à opposer au monde, et nous savons trop le peu qu’elle pèse. »
« Le travail qui nous occupait du matin au soir, rudement, maintint notre souci commun dans les lieux solides et sains de l’âme. »

« Ils savaient simplement de père en fils, que ces grands actes agricoles sont réglés par le passage des saisons ; et que les saisons relèvent de Dieu. En respectant leur majesté,  ils se sont accordés à la pensée du monde, et ainsi ils ont été justes, religieux. »


Mais comme l’Homme et la Femme  ne sont que des humains ils ont aussi des bonheurs et des malheurs terrestres ; l’amour en est un. Celui qui unit Geneviève et Pascal est malheur par la force de leur cœur sauvage, et bonheur  quand ils comprennent et acceptent qu’il ne vive que dans leur âme,  en le consommant ils le perdraient.

Il y a beaucoup de respect et d’amitié dans les relations entre Pascal et les Alibert, cette famille représente avec honneur la vie de l’homme de la terre,  celui qui  sait s’en faire une alliée.  Le lecteur sent  dans les mots de l’auteur tout le respect que lui-même accorde à ces paysans :
« Elle respirait le bonheur. Et de la voir ainsi je me sentais heureux, parce qu’elle  était grande, belle, et qu’elle marchait près de moi, avec la confiance, à pas lents, comme une vraie femme de la terre. »

Quand Clodius est assassiné à la lecture du testament Pascal découvre la justesse avec laquelle le disparu  l’a jugé puisqu’il lui lègue tout ses biens, à lui alors que tant de haine les  a fait ennemis, mais dont le même sang coule dans les  veines ; c’est avec humilité et honneur qu’il acceptera les devoirs qui y sont rattachés.

« Dans la pièce il y avait Clodius, et il était vivant. On venait d’entendre sa voix, dure, ironique, mais mâle et d’une sorte de grandeur qui nous dominait, même moi, qui l’avais haï, et qui savais pourtant ce que peut inspirer un cœur sauvage. Du mien, une sorte d’amour aussi farouche partait vers lui, et je me disais, tout en moi, avec un orgueil chaud et sombre, que c’était mon sang qui venait de parler. »

Difficile de comprendre, à part au premier abord, dans les premières minutes où Pascal comprend que celui qu’il abrite est l’assassin, la raison de la non-dénonciation.  C’est qu’il ne faut pas oublier l’hospitalité dû à celui qui la réclame, l’asile en quelque sorte.

« Le sens de l’hospitalité l’avait emporté sur le sens moral. »

Quel désarroi ensuite pour Pascal lorsqu’il comprend qu’il se trouve complice de cet homme, mais Théotime le sauve de  l’acte vil, la dénonciation qu’il s’apprête à faire alors que la décision de Geneviève le bouleverse  et qu’il comprend que la séparation est définitive :

« Je fis un pas ; mais, quoique je n’eusse pas honte , tant je brûlais de douleur et de jalousie, je fus arrêté. Une brise m’avait apporté une odeur de fumée que je connaissais bien. Il était six heures, et Marthe venait d’allumer du feu à Théotime pour mon déjeuner du matin.  Malgré moi je me retournais pour regarder ma maison. »

Geneviève qui vivra désormais dans la sérénité qu’offre la piété, donne à Pascal un dernier gage d’amour, en lui offrant l’Ermitage de St-Jean, en tant que Maître il redonnera vit à la fête de Noël « le feu des bergers ».
Pascal vivra ses obligations envers la Terre, ses gens, Théotime  dans la solitude, le respect et l’amitié des Alibert,  avec l’apport de tous les » Vieux  Biens » légués par ses ancêtres.

Une lecture qui illumine, qui apporte la sérénité, les bienfaits de la Terre et un espoir en et pour  l’Homme.
Beaucoup de poésie dans les mots, l’auteur  fouille au plus secret des cœurs et des âmes, n’en cache pas la noirceur mais sait en élever aussi le meilleur.

l'Ermitage de St-Jean du Puy à l'heure d'aujourd'hui

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Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour soi est un esclave. » Friedrich Nietzsche
par Bédoulène
le Sam 10 Déc - 17:09
 
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Jean-Baptiste Labat

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Voyage aux Iles de l'Amérique (présenté par Daniel Radford)

Ce sont les mémoires du R.P. J.B. Labat qui a séjourné aux Antilles plusieurs années .
Ce moine dominicain est un personnage des plus actifs doué pour édifier, structurer, gérer un village, outre de donner les bénéfices qu’il pense, de la religion aux hommes qui peuplent ces îles, plus particulièrement la Martinique et la Guadeloupe. Mais il visitera aussi la Dominique, Saint Martin etc… au gré des acquisitions françaises et les îles coloniales de l’Espagne au gré des alliances des  pays.
Il dresse un inventaire étonnant des végétaux (forme, utilité, culture) des animaux (les nourriciers, les dangereux), cite même des recettes pour le manger et le boire, car le R.P. apprécie la bonne chère ( il y a d’ailleurs des accommodements à la règle du Carême) et il apparait que les îles étaient giboyeuses et poissonneuses.

Il consacre un chapitre aux cultures qui font la richesse des îles  : le sucre de canne et les sucrières, le cacao et le coton.

Il présente aussi pour les diverses communautés de gens leurs qualités et défauts, leurs mœurs et usages, les civilités  : les propriétaires sont français, les esclaves des noirs et les Caraïbes sont les indiens (ou sauvages comme certains les appellent)

Il ressort de ce récit que la mentalité des hommes, y compris le R.P. était très « macho »(les femmes ont été créées pour servir !)  et que l’esclavage était une chose normale, accepté comme nécessaire(le paiement des esclaves se fait en nature, le plus souvent le sucre en est la monnaie)
« Jamais les épouses ne doivent manger avec leur mari. Cette coutume, toute extraordinaire qu’elle paraisse d’abord, n’est pas trop sauvage.  Après quelque réflexion, elle m’ a paru remplie de bon sens et fort propre pour contenir ce sexe superbe dans les bornes du devoir  et du respect qu’il doit aux hommes. »
« Cependant, elles (les femmes Caraïbes)savent si bien leur devoir et le fond avec tant d’exactitude , de silence, de douceur et de respect  qu’il est rare que leurs maris soient obligés de leur en faire souvenir. » Grand exemple pour les épouses Chrétiennes , que l’on prêche inutilement. »
(dur à lire cela)
La sorcellerie est vivement réprouvé et le R.P. cite d’ailleurs des évènements passés et  certain qu’il a eu l’occasion de voir .

« A la fin pour leur faire voir que je ne craignais, ni le diable, ni les sorciers je crachais sur la figure (le marmouset) et la rompis à coups de pied.
Enfin je le fis mettre aux fers (l’esclave noir) après l’avoir fait laver avec une pimentade, c’est-à-dire avec de la saumure dans laquelle on a écrasé des piments et des petits citrons. Cela cause une douleur horrible à ceux que le fouet a écorchés, mais c’est un remède assuré contre la gangrène qui ne manquerait pas de venir aux plaies. Je fis aussi étriller tous ceux qui s’étaient trouvés dans l’assemblée. »

La guerre avec les Anglais était quasi permanente et les deux pays  avaient besoin de l’aide des Caraïbes pour faire pencher la balance en leur faveur.
Sur l’île de Saint Christophe le Sieur Coullet su convaincre les Caraïbes et les noirs  : « Après les avoir régalés et leur avoir offert maints présents, il les convainquit de rompre leur alliance avec les Anglais.  Ils s’empressèrent  alors de massacrer quelques uns de ces derniers qui tombèrent entre leurs mains et d’apporter leurs membres boucanés pour faire voir qu’ils avaient entièrement rompu avec nos ennemis. »

Déjà le R.P. me parait parler de surconsommation et d’écologie  :  La difficulté de leur chasse (il s’agit des oiseaux appelés diables) en conserve l’espèce qui serait détruite entièrement depuis fort longtemps, selon la mauvaise habitude des français, s’ils ne se retiraient pas dans des lieux qui ne sont pas accessibles à tout le monde. »
« La nonchalance ordinaire de nos insulaires qu’ils communiquent hélas aux européens »
(ceci est, toujours en vigueur)

Le R.P fut à plusieurs reprises atteint de la maladie de Siam (la fièvre jaune)il fut bien soigné et assez fort pour s’en sauver. Il n’hésite pas plus tard alors qu’il souffre de fièvre, d’enflure à se soigner lui-même avec des plantes.(teinture de Scamonée, raclures de mahot-cousin, tisane de bois de gayac et de fguine
Les Européens ont apporté en amérique des maladies comme la petite vérole notamment.

Un chapître évoque le tabac qui devient médicament, et parait-il soigne beaucoup de maux – le R.P. averti toutefois de se garder de tout excès, il est mentionné d’ailleurs qu’il est interdit en Turquie, en Perse.  Cette culture du tabac participera à l’établissement  de nos colonies et l’enrichissement pour le roi.
Café : à présent répandu dans le monde comme boisson  le RP.  A  un avis  laconique sur son utilisation « drogue nouvelle »  cependant sa culture a « sauvé » la Martinique qui ne disposait que de sucreries et peu nombreux étaient ceux qui savaient  bien faire.

Cacao : l’usage du cacao est très répandu aux Iles, les habitants le consomme à l’ordinaire ; en France c’est l’Infante d’Espagne qui a introduit cette boisson.

L’écriture  fait souvent sourire, le R.P. a-t-il un humour involontaire ?
« Cette femme était toute nue et tellement nue qu’elle n’avait pas deux douzaines de cheveux sur la tête. »
« Mais ce qui est bien plus admirable, c’est que sans discours et sans querelle ils se massacrent et se tuent  fort souvent. »
« l’arbre tomba enfin, sa curiosité fut satisfaite, mais il en porta la nouvelle en l’autre monde car il en sentit tout le poids. »
« Cette cérémonie (je leune de 30 à 40 jours) ne se pratique que pour le premier né ; autrement les pauvres maris qui ont cinq ou six femmes pourraient s’attendre à jeûner plus de Carêmes que les Capucins. »

C’est un récit très vivant, intéressant même s’il date, peut-être d’ailleurs  pour cette raison et parce que c’est l’Histoire des Iles, de cette France lointaine.
C’ est aussi une aventure, faune, flore, Caraïbes, Esclaves, hommes d’église, pirates……………


"message rapatrié"


mots-clés : #autobiographie #esclavage #historique #insularite
par Bédoulène
le Sam 10 Déc - 10:02
 
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