Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Ven 29 Mar - 9:03

93 résultats trouvés pour solitude

Hanya Yanagihara

Une vie comme les autres

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Cvt_un13

C’est la vie de ce pauvre Jude, avocat brillant, si tendre en amitié et en amour, Jude qui garde pour lui son enfance traumatisante ô combien, qui fait qu’il ne sera jamais comme les autres. Si personne ne veut y croire, il le sait. Il vogue de souffrance en détestation de soi, se scarifie, affronte comme il peut - souvent mal - ce bonheur que la vie a cru lui offrir, auquel il a cru un temps, mais auquel il ne saura jamais se confier totalement.

C’est l’histoire de l’incroyable amitié qui lie 4 garçons devenus des hommes brillants, chaleureux, sensibles,  depuis leur première année de fac, de leur succès et enthousiasmes, de leurs brouilles et découragements. Et de l’amour unique de deux d’entre eux, si tendre, si indispensable.

Il y avait eu des périodes entre ses vingt et ses trente ans où il regardait ses amis et il éprouvait un contentement si pur et si profond qu’il aurait souhaité que le monde autour d’eux s’arrête tout simplement, qu’aucun d’eux ne quitte plus cet instant, où tout avait atteint un équilibre et son affection pour eux était parfaite. Mais bien sûr, cela ne devait jamais être : un battement de plus et tout ce modifiait, et l’instant se volatilisait en silence.


Bon ça a l’air tout à fait cucu, mon résumé. Et ça l’est, sans doute. En fait j’ai passé mon temps à osciller entre cela et l’incroyable force de ce livre, la description de ce garçon, de ce jeune homme, de cet homme mur puis vieillissant, perpétuel écorché, à qui la vie, avant de le cajoler, a appris à se détester, assailli par les doutes et le syndrome post-traumatique, de ses modes de défense, de ses fractures intimes. L’auteur montre  au-delà de l’apparence la solitude de celui qui sera perpétuellement un étranger aux autres, malgré la bienveillance.

Mais il est vrai que l’enfance de Jude aurait été 10 fois moins sordide que cela eut suffit, qu’il aurait gagné 10 fois moins d’argent aussi. Qu’importe, l’humanité de ce jeune homme, de tout son entourage déterminé à le sauver sans y parvenir, cela m’a scotchée, j’ai adoré. Ce livre m’a fortement évoqué cet excellent souvenir qu’est La puissance des vaincus, de Wally Lamb. Et qu’importent les faiblesses.

Je dois un remerciement tout particulier à Tom Léo drunken drunken

Mots-clés : #amitié #amour #psychologique #solitude
par topocl
le Jeu 6 Juin - 16:45
 
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Sujet: Hanya Yanagihara
Réponses: 2
Vues: 585

Nuala O'Faolain

Best Love Rosie

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Rosie10

La cinquantaine passée, Rosie qui a parcouru le monde pour son travail décide de quitter celui-ci et de revenir vivre en Irlande auprès de sa tante Min qui l'a élevée.

Les deux femmes n'ont pas eu la même existence, n'ont pas les mêmes idées, et le retour de Rosie s'accompagne pour celle-ci d'une multitude de questions concernant sa vie passée et celle qui l'attend.

Je n'en dirai pas plus parce qu'il faut découvrir les choses petit à petit. Les paysages de l'Irlande, la vie de ce pays, son Histoire et la présence de l'"écrit"- des livres et des auteurs cités - font de ce roman un réel bonheur de lecture.
C'est le livre à lire quand les jours paraissent tristes et que la nostalgie envahit tout.

On en sort ragaillardi, "dépoussiéré" par le vent irlandais et plein de projet pour l'avenir !


Je n'ai pu m'empècher de murmurer en refermant ce livre, la même phrase que j'avait dite en ayant regardé La vie est belle de Franck Capra : "la vraie vie n'est pas si simple que cela...."

Mots-clés : {#}contemporain{/#} {#}famille{/#} {#}nostalgie{/#} {#}solitude{/#} {#}vieillesse{/#}
par Invité
le Dim 26 Mai - 15:43
 
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Sujet: Nuala O'Faolain
Réponses: 12
Vues: 1178

Milan Fust

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Histoi10

Milan Fust : L'Histoire d'une solitude. - Cambourakis

Le narrateur de cette histoire n'a vraiment pas de chance.

Il a hérité d'une nature rêveuse et vulnérable. Et pire encore, d'une mère odieuse, un véritable dragon venimeux. Stupide, méchante, elle tyrannise son fils qui, quoique conscient de la nature véritable de sa mère ne lui oppose, au mieux, qu'une résistance passive.
Pour mieux asseoir son pouvoir, elle habite chez lui et tout en le critiquant, elle lui dicte sa ligne de conduite. Et la liste des interdits est longue. Par exemple, elle décide ainsi que son fils ne doit pas s'intéresser aux filles, surtout si elles sont jolies.

Par extraordinaire, elle se laisse amadouer par une jeune inconnue qu'elle trouve ravissante et va jusqu'à la présenter à son fils. Le jeune narrateur est tout à fait séduit par la jolie fille et il le lui fait savoir. Malicieuse et aguichante, elle lui fait savoir qu'elle est fiancée et va se marier.
Elle est en fait venue à la ville pour s'acheter des fringues en vue de la cérémonie.. Mais voilà elle n'a pas assez d'argent et le narrateur sollicité sent se refroidit son ardeur. Pas sa mère qui accepte de lui prêter. Exit la ravissante. On ne la reverra pas. Enfin pas immédiatement.

Déçu, désorienté, il s'engage chez les hussards. On est alors en pleine guerre, celle de 14-18. En attendant d'être envoyé au combat, il fait ses classes, et subit lors les mêmes tribulations comico-tragiques que le pauvre soldat Schveik.
On pourrait dire que les militaires de l'ex empire austro-hongrois ont des similitudes. Mais non,  la stupidité militaire est universelle et éternelle. Un jour, il a une altercation avec un adjudant soul. On en vient aux coups et le voilà le narrateur dans un très mauvais cas. Il y échappera grâce à des aides diverses, mais surtout celle de la jolie fille qui l'a filouté jadis. Non seulement elle l'aide activement et de toutes les façons, mais comme elle bénéficie du respect de tous, elle obtient qu'on le relâche. Raide amoureux, il lui demande aussitôt de l'épouser, mais elle refuse et il vivent ensemble quelques temps. Heureux.

Jusqu'au moment où la foutue mère ne supporte plus qu'il lui échappe. Elle trouve le moyen de jeter le ver du doute sur la jeune fille. La jeune fille est sensible, elle le sent et quitte le narrateur. après l'avoir remercié sincèrement.
                                         
**********

Cette histoire serait presque banale, s'il n'y avait l'"obscur objet du désir," cette jeune femme énigmatique, mystérieuse,  insaisissable, mais totalement séduisante. Une véritable héroïne russe, comme en trouve chez Tourgueniev ou Pouchkine.

Et puis la langue de Fust est naturelle, une langue avec laquelle il s'efforce de capter la banalité mesquine et l'ennui permanent.
Il y a enfin cette histoire tout entière sous le double signe de la solitude et du fantasme. Celle du narrateur qui peut indisposer le lecteur pour sa faiblesse. Mais c'est un rêveur impénitent qui ne peut aimer vraiment que si l'objet de son amour est à distance ou lui échappe. Il peut alors se désoler sincèrement, mais en même temps jouir de sa solitude. Et de ses fantasmes.

Et moi de tout mon coeur aujourd'hui encore je lui crie tu étais adorable, belle et inoubliable (…)"

Il se souvient de tout ce qu'il lui doit. Elle l'a sauvé. Elle l'a aimé. Elle lui a appris à rire, à s'alléger. Mais voilà, il a besoin d'aimer et il est en même temps voué à être seul.
Enfin c'est ce qu'il dit et c'est ce qu'il croit.


Mots-clés : #amour #relationenfantparent #solitude
par bix_229
le Ven 10 Mai - 19:06
 
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Sujet: Milan Fust
Réponses: 8
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Claudio Morandini

Le chien, la neige, un pied

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Cvt_le14


Il était une fois…….. un vieil homme qui vivait seul dans  l’alpage, l’ étable est vide, il n’y a plus de bêtes, seulement de la nourriture, assez pour lui permettre de tenir tout l’hiver ; depuis des années il ne descend plus dans la vallée qu’une fois par an pour compléter son approvisionnement, la viande c’est la nature qui lui fournit. Il s’est isolé depuis que pendant la guerre il avait trouvé  un refuge là-haut dans une mine abandonnée. Il y a donc quelques années, quand il descendait plus souvent il aimait bien écouter la musique :

« La musique monte indistincte, un brouillamini d’échos de grosse caisse, de tubas et de sons aigus de clarinette qui oscillent dans le vent, mais ça lui suffit, et parfois il lui arrive de reconnaître une mélodie et il lui vient même l’envie de la fredonner, alors il le fait, mais tout bas, parce qu’il ne voudrait pas être découvert par quelqu’un qui passe par là, prêt à venir vers lui et à lui serrer la main et à ne plus la lâcher et à lui demander des choses qu’il ne sait pas, ne se rappelle pas ou ne veut pas savoir ou ne veut pas dire. »

Au fil des  saisons, il s’est éloigné, isolé, encore plus de la ville, du bruit, des gens, il jette des pierres aux touristes qui s’aventurent en été dans « son » vallon.

« Il n’a rien à cacher l’homme qui parle tout seul. Ce chalet est à lui. Cette civette est à lui. Et tout le vallon est à lui. Il peut y faire ce qui lui chante. Les animaux sont à lui, de même que les roches, l’herbe, l’eau, la glace. Et si, parfois, il a tiré sur des chamois pour se procurer un repas, il n’a de compte à rendre à personne. Les chamois sont à lui. Peau, viande, os, cornes, tout est à lui. Il a acheté tout ça avec son frère en même temps que la terre, il y a des  années avec l’argent de la vente de l’autre vallon, plus beau, où une grosse agence immobilière de la ville a fait construire des infrastructures et des hôtels. »

IL a la tête embrouillé à présent, ne se souvient plus qu’il est descendu au magasin hier, et sur le retour voilà qu’un chien, aussi pouilleux que lui,  le suit, s’accroche à ses pas, même les coups de pieds ne l’éloignent pas ;  il persiste à rester à côté de l’homme, Almedo, et ce dernier cèdera à ce  compagnon, lui ouvrira la porte,  s’amusera de son habitude de renifler les odeurs dans le chalet, même celles de l’homme  lequel ne se lave plus depuis des années.

Almedo parle à ce chien et celui-ci lui répond. Une certaine complicité s’installe, le chien est prêt sur commande à éloigner le garde-champêtre qui rode dans l’alpage depuis quelques jours ; il m’espionne dit Almedo, il pense que je braconne.

« Où est le problème, dit-il au chien qui est enfin réapparu. Ces bêtes mourraient de toute façon. Tu vois comme elles sont, elles sont faibles, elles boitent, elles se plaignent. Je leur rends un service.
- Et puis ajoute le chien, tout le monde doit mourir tôt ou tard, non ? Tu le disais l’autre jour. Mais si on parlait d’autre chose ?

Le chien n’aime pas parler de ça. La dernière fois qu’ils ont aborder ce thème, Adelmo Farandola a fait allusion au fait que, s’il n’avait pas d’autres bêtes à portée de tir, il n’y réfléchirait pas à deux fois avant de tuer le chien pour le manger.

Et puis, s’il n’y avait pas ces bêtes, qu’est-ce que je ferais ? Je serais obligé de te manger, dit en effet l’homme avec un bref ricanement.
- Ecoute, ce n’est plus très drôle, dit le chien. Ce n’était déjà pas très drôle au début.
- Non, c’est vrai ce n’est pas drôle.
- Voilà. »


L’hiver est là des mois durant, l’homme, le chien ne peuvent plus sortir du chalet enseveli sous la neige ; ils sont isolés et cet hiver et particulièrement dur car la nourriture fait défaut, le chien est une part de plus, même si les repas sont chiches.

« Les pas crissent avec difficulté sur la neige fraîche, et chaque pas ressemble à un sanglot. Chaque flocon frappe les fenêtres et toute  surface avec un petit bruit nerveux, similaire à celui de pages tournées dans un livre trop long. Et quand la température s’adoucit, voilà que les blocs de glace hurlent jusqu’à fissurer, ils sont en proie à des quintes de toux, ils se laissent aller à des éclats de tonnerre ou de flatuosité. »

Puis vient la délivrance, ils peuvent enfin sortir, et le chien renifle une forte odeur, il en parle à Almedo et ils font une macabre découverte, sous la neige.

« Ce n’est pas un sabot, mais un pied humain que l’homme et le chien voient pointer de l’avalanche. Il pointe exactement comme une jeune pousse qui aurait traversé des épaisseurs de terre, au prix d’effort et d’obstination, et se déploierait à l’air et au soleil, pour grandir avec plus de force. Il est gris et violacé »

Lorsqu’ils s’aperçoivent que vraisemblablement le cadavre a reçu des coups de fusil, Almedo tente de voir clair dans sa pauvre tête embrouillée, il croit possible que ce soit lui qui ait tiré sur cet homme. Il demande au chien s’il est fou ? le chien convient qu’il est bizarre. C’est à cause des fils à haute tension dit Almedo, toujours suspendu au-dessus du village de son enfance.

Almedo décide de cacher dans l’ancienne mine où il s’était réfugié durant la guerre, le cadavre, le chien est sceptique, il préférerait que les gendarmes soient prévenus, mais Almedo  refuse. Le chien attendra devant l’entrée de la mine que son compagnon, dont il ne veut pas être séparé, sorte.

Tous nous connaissons la fidélité du chien, celui-ci restera aimant jusqu’à la fin.

***

Je sors bouleversée de cette lecture ! Ces deux êtres enfermés, isolés durant un hiver et qui dialoguent, se cherchent et se méfient à la fois,  on passe du conte au drame. Drame de la solitude ? peut-être, mais là cette solitude est voulue, alors pourquoi la société croit devoir ramener cet homme parmi les « siens » ?
En fait on ne connait pas grand chose de la vie de cet homme, à quel moment a-t-il décidé de sa solitude ? pourquoi ?

je vous engage à lire ce petit livre, puissant.

L'auteur explique comment il a eu l'idée de ce sujet, je ne vais rien dévoiler, sauf qu'il cite Ramuz, Chessex, notamment.


Mots-clés : #contemythe #solitude
par Bédoulène
le Ven 10 Mai - 17:53
 
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Sujet: Claudio Morandini
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Tim Winton

La femme égarée :

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 La_fem10

Fred Scully et sa femme Jennifer ont décidé de quitter l'Australie pour une vie nouvelle en Europe. Ils tombent amoureux d'une vieille maison dans le sud de l'Irlande. Les jours sont longs dans cette maison inconfortable au bas du château de Leap hanté par les cavaliers fantômes, que Scully retape en attendant sa femme et sa fille reparties régler quelques affaires en Australie. Leur retour est annoncé mais, à l'aéroport, Scully ne voit que sa fille Billie. Sa femme a disparu et sa fille est muette. Alors commence pour Scully et Billie une cavale désespérée à travers l'Europe, dans les lieux où ils avaient vécu en famille. Plus la traque avance, plus la disparition de Jennifer est mystérieuse, plus Scully se sent torturé, seul. Billie le sauvera.

Présentation de l'éditeur.


Autant le dire tout de suite, j'ai adoré ce livre que je n'ai pas su lâcher avant de tourner la dernière page.

Quand Scully accepte de comprendre que Billie est seule à descendre de l'avion, c'est comme si sa vie, sa raison se perdaient.
Et c'est ce cataclysme que raconte ce livre : les situations les plus banales deviennent terrifiantes pour ce père et sa fille car celui-ci, ivre d'incompréhension, décide de se lancer à la recherche de sa femme.

C'est un roman d'atmosphère, où règne un sentiment de perte inconsolable, un sentiment de solitude immense. Scully, dans son chagrin,  ne sait pas voir tout l'amour que lui porte sa fille.

Et de croiser une kyrielle de personnages qui ont connu la petite famille soudée et qui donnent désormais leurs opinions sur les acteurs de cette séparation : ce qui nous fait découvrir les uns et les autres avec des yeux différents.

J'ai été happée par le récit et suis curieuse d'en découvrir un autre, histoire de voir si le sortilège opérera encore. Je l'espère vraiment.

Mots-clés : {#}famille{/#} {#}relationenfantparent{/#} {#}solitude{/#}
par Invité
le Jeu 18 Avr - 21:07
 
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Sujet: Tim Winton
Réponses: 6
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Dominique Fabre

Photos volées

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 41xkst10

C’est l’histoire d’un quinquagénaire avancé qui n’a pas réussi grand-chose dans la vie. Mal aimé par sa mère célibataire, son mariage s’est délité dans la souffrance de l’enfant non venu. Photographe de profession, il a dû abandonner son métier pour un travail de bureau sans intérêt, et le voila licencié. C’est comme un grand vide que viennent combler des visites amicales, des bières solitaires à la terrasse de cafés, des ballades, souvent nocturnes, le long de la Seine, des rencontres à Pôle Emploi; il reprend quelques photos ; il ressort son stock de milliers de photos qu’il classe et regarde, sa vie se déroule par petits bouts au gré des images, le passé répond au présent, la vie avance à tous petits pas au fil des mois.

Il y a une petite musique douce–amère dans ce bouquin, dont j’ai longtemps cru qu’il était l’image d’un désenchantement hésitant avec le désespoir, mais où au fil des pages, des petits moments, de la bienveillance de tous et de la modestie du héros, la douceur va finir par l’emporter, au moins pour un temps, et, un temps, c’est déjà ça.

On suit sans discontinuer la pensée de Jean, qui va et vient, fait des détours, rappelle des choses oubliées ou des souvenirs obsédants, observe des détails cocasses ou sans intérêt (ah ! l’importance du détail!) , s’intéresse aux autres - qui le lui rendent, un peu – et  se contente finalement de ce peu là, qui pour lui est beaucoup.

Les photos qu’il avait un temps reléguées sont la preuve que sa vie, si ordinaire, n’en était (est) pas moins une vie singulière, irremplaçable. Ce ne sont pas  les illusions perdues de la jeunesse, car il en avait finalement peu, d’illusions. C’est la vie qui passe avec son cortège de bons et de mauvais moments, l’idée que trois ans de bonheur justifient bien tout le reste, sans doute, et que le reste est finalement vivable, peut-être même un peu plus par moments, c’est déjà ça.

Le mot clé "couverture ridicule" n'existe pas?
Mots-clés : #contemporain #nostalgie #solitude
par topocl
le Mer 10 Avr - 16:20
 
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Sujet: Dominique Fabre
Réponses: 4
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Henri Thomas

La Nuit de Londres

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Nuit_d10

Encore un écrivain passé aux oubliettes ! Toutes les références à Henri Thomas que j’ai trouvées sur le net insistent sur les qualités d’écriture d'Henri Thomas, mais aussi sur le fait qu’il soit resté inconnu du grand public. Pourquoi ? Probablement en raison d’une profonde modestie ; peut-être également par un style d’écriture qui peut dérouter de prime abord.
En effet, il m’a fallu un certain temps pour entrer réellement dans « La Nuit de Londres ». Et ne vous demandez surtout pas où veut en venir l’auteur ? à rien justement, si on prend pour critères le roman traditionnel ; mais à beaucoup de choses si on cherche un peu plus.
De quoi s’agit-il ? d’un modeste employé, désargenté, employé à Londres dans une agence et qui passe ses nuits à parcourir la ville. Oh, il ne fait pas de rencontres exceptionnelles, mais chacune est une vraie aventure, la pièce de monnaie avec laquelle il joue dans sa main, la feuille morte plantée sur le poteau d’une grille ! Il se pose aussi beaucoup de questions, se voit à l’intérieur de la foule, puis à l’extérieur, en observateur soi-disant impartial. Il se demande ce qu’est cette foule, anonyme et pourtant constituée d’individus, ce qui l’anime, la fait vivre, ce qu’est le vide quand elle a disparue ? Pourquoi certaines images, aussi insignifiantes soient-elles, se fixent et d’autres non ? Qui sont ces visages croisés, ces enseignes lumineuses, à peine entrevues, mais qui sont inhérents à la déambulation nocturne ? Quel rapport entretenons-nous avec toutes ces choses ?
Vous voyez, combien de sujets passionnants Henri Thomas peut aborder, mais de manière discrète, à la marge, sans insister. En marchant quoi ! libre à nous d’en faire ce que nous voulons.
Il y a un peu de l’esprit du Nouveau roman dans « La Nuit de Londres » ; description minutieuse des choses, rapport entre l’individu et le monde extérieur ; mais sans le carcan d’une construction rigoureuse. Il s’agit plutôt d’une divagation poétique.
C’est un livre à recommander à tous les grands arpenteurs de pavés nocturnes, de Rétif de la Bretonne à Léon-Paul Fargue, et beaucoup d’autres.
Un beau coup de cœur en ce qui me concerne.


« Tout ce qu’un pauvre, élevé dans notre civilisation, désire voir, peut surgir à ses yeux, amené du fond de la nuit par le mouvement perpétuel qui fait qu’un visage est presque aussitôt remplacé par un autre, alors que dans la vie quotidienne, les mêmes visages vous entourent, et que leur disparition s’appelle la mort. Le dernier des hommes, plongeant dans la foule, entre dans un monde où la disparition n’est pas une cause d’inquiétude, où elle n’est plus la mort, ni même l’absence ; elle est ressentie comme un battement de cil dans la vision ; elle est chaque fois comme l’enlèvement d’un obstacle, à peine aurait-il surgi : ce visage, ce regard une seconde rencontré, ces façades où toutes les ombres basculent au passage. »


« Je suis depuis quelque temps déjà la ligne qui se trace devant moi à mesure que j’avance ; bien quelle me soit invisible, je ne peux l’imaginer que blanche, - d’un blanc presque gris, comme tracée à la craie depuis assez longtemps pour qu’elle soit devenue par la pluie et la poussière presque indistincte sur le trottoir ; je ne sais jamais quand je fais les premiers pas sur cette ligne, qui n’existe plus derrière moi ; subitement, elle est là, sa fin m’échappe comme son commencement.»


« … la pluie tombe si fort que je l’entends crépiter sur le toit du taxi ; et par instants je sens des gouttes sur mon visage ; la vitre de mon côté n’est pas complètement fermée : il y a une mince bande de nuit noire avec des lueurs comme une toile cirée qui semble bouger tout près de mes yeux ; toutes les nuits seront de plus en plus comme cela, maintenant, et c’est par une nuit pareille que je suis arrivé à Londres il y a … trois, quatre ans. Je dirais dix ans, ce serait pareil : il y aurait le même espoir, celui du premier soir et de maintenant. Libre et à bout de force, et heureux, - et attendre de comprendre pourquoi je suis heureux, attendre que le taxi trouve ma rue, et puis dormir, et me réveiller à un certain moment de la fin de l’automne, non pas demain ni les jours qui viennent, mais après des années, et pas dans cette ville ; il y aura encore beaucoup de nuits encore à traverser ; j’ai eu tout le temps et tout l’espace, et je n’ai gardé que cette petite bande de ciel noir si proche qui glisse au haut de la vitre ; c’est le sommeil de la foule peut-être. »


« Pour pouvoir porter longtemps la fatigue, il faut marcher d’un pas égal ; la fatigue est alors comme un fardeau qui s’équilibre peu à peu, jusqu’à ne plus être senti comme fatigue, mais comme un état nouveau, un état de corps et d’âme qui peut durer, durer, durer… autant que nous-même. »


« Les traces de pas sont partout nombreuses, mais plus ou moins confondues ; il y a des piétinements par endroits, comme si l’on s’était battu ; mais partout c’est comme une écriture – la foule de cette nuit a écrit tout cela, chaque passant a prononcé quelque chose là. »


« Je ne sais pas bien regarder, je ne suis pas à ce qui est rare et beau ; quatre ans de Londres sans en sortir, et je n’ai vu que des murs qui sont comme des buvards ayant tellement servi qu’ils sont noirs de toutes sortes d’encres. »


« C’était facile, il y avait abondance de repères de tous côtés, la rose des vents était toute marquée autour de moi dans la brume, en un grand cercle qui était Londres, jusqu’à l’horizon, comme si les nuages, un peu soulevés au-dessus de Saint-Paul, retombaient là-bas pareils à une tente de cirque bien fermée. Tout était dans ce cirque, et j’allais y redescendre bientôt ; j’avais froid, j’étais fatigué, et la pluie recommençait. Alors j’ai repensé à la feuille accrochée à sa grille : dans cette espèce de gouffre, il y avait donc cela – une feuille morte, immobile, noyée, oubliée de tout, et je savais le chemin qui me mènerait exactement à elle. Je n’étais pas seulement orienté vers le pourtour du cercle et par-delà, je savais ma route aussi vers le centre, vers quelque chose qui était là – ou qui n’y était plus peut-être, mais le chemin passait là, descendait plus loin vers le centre – et ce ne serait jamais le centre, mais toujours mon chemin, image après image, ma vérité de fonctionnaire et de chien mouillé. »


(petit aparté : le livre trouvé à Emmaüs porte de petites annotations au crayon, comme "Les Eaux étroites" de Gracq et "L'Arrêt de mort" de Blanchot. J'ai donc commencé la lecture de ce dernier. Soyons fous !  Very Happy )


Mots-clés : #autobiographie #autofiction #lieu #solitude #viequotidienne
par ArenSor
le Sam 23 Mar - 19:18
 
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Sujet: Henri Thomas
Réponses: 17
Vues: 1570

Bernhard Schlink

Olga

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Produc11

Orpheline qui devient institutrice à la force de sa volonté et de son travail, Olga aime Herbert, le fils de l’aristocrate du coin. Herbert aime Olga, aussi. Mais c’est un homme écartelé entre son devoir familial, son amour têtu, et ses aspirations existentielles qui le poussent à flirter avec l'infini, le lointain, les immensités. Ainsi Olga va vivre avec son amant en pointillé, mais son amour puissamment accroché au cœur, et cela même quand Herbert se sera perdu dans les immensités glaciales de l’Arctique sans espoir de retour. Elle va poursuivre sa route, femme vieillissante avec cet homme au cœur, alors qu’autour d'elle le nazisme monte, dans une autre aspiration mortifère à capturer l’immortalité. Elle reste cette femme secrète et résolue, cultivant son indépendante, ouverte aux autre malgré la surdité qui l'isole.

Très beau portrait d'une femme fidèle, qui tout à la fois aimé et détesté cette force qui, certes, pousse Herbert loin d'elle, mais qui aussi lui donne ces yeux pétillants et ces enthousiasmes enchanteurs. Comment garder son indépendance quand on aime, rester fidèle à ses sentiments et ses idées, mener une vie digne quand on appartient plutôt au clan des réprouvés?

Schlink construit magistralement ce roman, d’une grande richesse, impeccablement  maîtrise, dont la réserve apparente cache un lyrisme emporté. Sous ses dehors terre à terre, il interroge sur le destin des hommes, des femmes et des peuples. C’est un récit en trois temps, où interviennent un jeune homme "ennuyeux" et des lettres  (quelles lettres! ) qu’il va miraculeusement retrouver.

Quel beau titre que ce titre, Olga (contre une couverture un peu niaiseuse), qui dit une femme, qui mène son chemin tragique sans drame, pour elle-même, d'un pas tranquille et assuré, confiante en ses certitudes, dans un siècle pourtant  déboussolant.


Mots-clés : #amour #portrait #solitude #voyage
par topocl
le Sam 23 Mar - 10:30
 
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Sujet: Bernhard Schlink
Réponses: 17
Vues: 1273

Pierre Jourde

Pays  perdu

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 41f6ni10

« C’est un pays perdu », dit-on : pas d’expression plus juste. On n’y arrive qu’en s’égarant. Rien à y faire, rien à y voir. Perdu depuis le début peut-être, tellement perdu avant d’avoir été que cette perte n’est que la forme de son existence. Et moi, stupidement, depuis l’origine, je cherche à le garder. Je voudrais qu’il soit lui-même, immobilisé dans sa propre perfection, et qu’à chaque instant puisse s’en emplir.


Ce pays perdu auvergnat, il faut des heures pour le rejoindre par de petites routes tortueuses au-delà de l’autoroute. Pierre Jourde y a passé de grands temps de son enfance, y a fait les foins avec les paysans, pris des cuites en sa jeunesse. Il y est retourné au fil des années dans la ferme familiale désormais confiée à un métayer, nourrissant les liens d’amitié, visitant les vieux solitaires accrochés à leur terre, à leur maison.

Lorsqu’il y arrive avec son frère pour deux jours, il apprend le décès de la jeune Lucie, 15 ans, dont la leucémie avait vaincu la chevelure mais pas le sourire. Chez les parents de Lucie, ses amis, chacun « entre » l’un après l’autre pour un dernier salut à la jeune morte, un moment de silence et d ‘émotion partagés.Aux obsèques, tout le village est là.

C’est l’occasion de parler de ce pays sauvage, dresser un portrait  de chacun, de ces hommes et femmes qui vivent dans ces vallées  pleines de rudesse , des gens dont les citadins ne savent même pas qu’ils existent - et qui ignorent comment vivent les citadins.  

Pierre Jourde livre dans une très belle écriture  ces portraits qui n’épargnent personne mais font transparaître la tendresse, mêlée  de compassion,  qu’il éprouve pour eux, ces gens en voie de disparition dont on parle moins que des pandas et des dauphins. Ils sont pour Pierre Jourde un élément indispensable de son paysage intérieur, un lien avec quelque chose de solide, d’attachant, des hommes et femmes qui vivent de plein pied dans leur milieu, dans la nature, alors que la société les ignore, et impose de ce fait un jugement, une exclusion, une souffrance.

Les morts aussi sont là, tout aussi présents que les vivants, au cimetière , sur le monument au mort, dans les pensées et dans les cœurs, ils sont là comme s’ils étaient dans la pièce. Son père qui dit si peu sur lui-même de son vivant, si présent dans ce paysage, que, comme beaucoup, il regrette de n’avoir pas assez questionné.

La petite stèle qui énumère les morts de la Première Guerre mondiale a été érigée, comme d’habitude, devant l’école qui sert peut-être encore de mairie. Bessègues, à peu près inhabitée, est une commune. Commune à l’étrange territoire, composé de vallées parallèles, séparées par des arêtes montagneuses, et sans communication entre elles. La stèle anodine, au fond de ce grand calme, diffuse tranquillement sa  double ironie funèbre : dérisoire parcours, de l’instituteur à l’adjudant et puis à rien, quelques décimètres de l’école communale au cénotaphe collectif ; dérisoire population de morts, une quinzaine, pour ce village qui compte un habitant. Ils sont là, tous ensemble, serrés sur la même pierre, leurs maisons s’effondrent, leur noms n’ont plus de sens et ne sont plus lus par personne.


J’ai moins aimé les deux passages plus « sociologiques », sur l’alcoolisme endémique et sur la merde où, c’est le moins qu’on puisse dire,il n’y va pas de main morte. Il s’éloigne des gens gens spécifiquement,  j’ai trouvé ça long et lourds, - regardez comme je suis sans tabous, comme j’écris bien sur les différents états des bouses,  de leurs éclaboussures, des murs et culs de vaches embrenés. Comme quoi, la limite est subtile, et c’est sans doute ainsi qu’il l’ a franchie, avec les conséquences que l’on sait, la complicité s’y est perdue, un pas était franchi pour attiser la haine de certains villageois, qui déclencha le caillassage familial à son passage suivant. j’ai essayé de mener ma lecture à l’écart de ce fait divers, c’est quand même le plus souvent un  très beau texte, Zola en zone rurale, la poésie en plus.

mots-clés : #autofiction #lieu #nature #ruralité #solitude #vieillesse
par topocl
le Ven 15 Mar - 11:58
 
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Sujet: Pierre Jourde
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Claudie Hunzinger

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 La-sur10

Claudie Hunzinger : La Survivance

A l'époque d'Amazon et des librairies en ligne, peut on encore faire vivre une librairie de livres d'occasion  et accessoirement en vivre ? Pour Sils et Jenny la réponse est négative. La librairie en faillite, ils sont contraints de partir.
Mais où aller ?
Jenny se souvient d'une maison désaffectée dont elle a héritée. Une ruine en fait et perchée à 1000 mètres dans les Vosges. A 20 ans ils y passaient les vacances. Y retourner 40 ans plus tard pour y vivre est une épreuve totalement inconnue. D'autant qu'ils ont embarqué tous leurs livres et quelques rares objets personnels.
Les accompagnent Betty, la chienne et Avanie, l'ânesse, compagnons d'infortune mais pas seulement.

Ce qu'ils vont découvrir c'est que le vieux monde n'est plus pour eux, il les a rejetés et continuera à le faire. Et de plus, c'est un monde fini ou en voie de l'être.
Continuer c'est tenter de survivre en autarcie, en cachette, avec la seule compagnie de quelques cerfs. Mais s'adapter à la solitude et à la promiscuité, à l'isolement et aux intempéries est une forme de révélateur inéluctable de leur condition humaine  et de leur absence d'avenir.
Ils sont au bout du chemin.

Sils et Jenny sont des survivants d'une époque où les illusions et les utopies tenaient lieu d'avenir. Où les livres comblaient tout ce qui manquait dans une société matérialiste et anonyme.
Ce qu'ils vont vivre va les souder mais aussi leur faire comprendre qu'ils ont perdu la partie.
Ce sont ces perdants magnifiques dont parle Leonard Cohen.
Si nous les aimons c'est parce que le coeur n'est pas qu'un muscle ou un homme de coeur une simple métaphore.
Ces personnages sont inoubliables et l'écriture de Claudie Hunzinger nous entraine et nous transporte loin des clichés et des sentiers battus.
Et nous les suivons.


mots-clés : #amour #nature #solitude #universdulivre
par bix_229
le Jeu 24 Jan - 19:53
 
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Kate Tempest

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 97827410

Ecoute la ville tomber

Kate Tempest évoque dans ce roman la fuite en avant d'une jeunesse plongée dans une solitude urbaine à Londres...confrontée aux doutes, à l'échec et à une absence apparente de promesses, de perspectives. Le contexte peut sembler familier voire prévisible, mais l'écriture se révèle avant tout dans sa tonalité expressive et poétique, symbole d'une révolte intérieure et d'une recherche intime.

Le fait que Kate Tempest soit également musicienne et rappeuse renforce ainsi la singularité de ce livre parfois inégal dans ses développements, mais souvent poignant dans sa perception d'une détresse, d'une tristesse, d'une tentative d'affirmation. Les mots deviennent alors le reflet d'un mouvement, d'une parole, d'un rythme...A découvrir.


mots-clés : #intimiste #jeunesse #solitude
par Avadoro
le Lun 24 Déc - 11:49
 
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Sujet: Kate Tempest
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Romain Gary

Gros-Câlin

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Gros-c10

Je ne le fait pas exprès, mais je suis actuellement dans une veine de lecture à tendance humoristique : Svevo, Durrenmätt et maintenant Emile Ajar, alias Romain Gary, l’une des plus grandes supercheries dans l’histoire des Lettres.
Monsieur Cousin, trentenaire au « style anglais », est statisticien. Il adopte dans son deux-pièces parisien un python de 2m 20 de long et rédige un traité d’herpétologie, consacré particulièrement aux pythons, en l’occurrence le sien, et qui doit faire date dans l’histoire des sciences.
Monsieur Cousin présente d’étranges affinités avec son animal familier. Surtout, M. Cousin crève de solitude dans une ville surpeuplée. Bien sûr, il y a sa collègue de travail, mademoiselle Dreyfus, une jeune guyanaise, mini-jupe et bottes de cuir, « seins sincères ». Il prend avec elle l’ascenseur chaque matin et traverse amoureusement chaque étage baptisé Bangkok, Singapour etc… Leurs relations ont du mal à dépasser ce stade. Il faut dire que monsieur Cousin est timide, délicat et scrupuleux. Alors, il trouve parfois réconfort auprès du serpent Gros-Câlin qui s’enroule autour de lui.
M. Cousin va chercher à résoudre ses problèmes existentiels successivement auprès d’un curé, d’un psychiatre, d’un thérapeute ventriloque, de voisins... 
A l’image de Gros-Câlin, M. Cousin a une pensée serpentiforme faite de circonvolutions, d’enroulements et de nœuds. Il manie la langue française avec une originalité certaine.  En voici quelques exemples qui montrent l’humour d’un Romain Gary jouant sur les mots, les dérivations et glissements de sens, l’absurde:

Je pense que le curé a raison et que je souffre de surplus américain. Je suis atteint d’excédent. Je pense que c’est en général, et que le monde souffre d’un excès d’amour qu’il n’arrive pas à écouler, ce qui le rend hargneux et compétitif. Il y a le stockage monstrueux de biens affectifs qui se déperdissent et se détériorent dans le fort intérieur, produit de millénaires d’économies, de thésaurisation et de bas de laine affectifs, sans autre tuyau d’échappement que les voies urinaires génitales. C’est alors la stagflation et le dollar.


Il hésita un moment. Il ne voulait pas être désagréable. Mais il n’a pas pu s’empêcher pour sortir.
-Vous savez, il y a des enfants qui crèvent de faim dans le monde, dit-il. Vous devriez y penser de temps en temps. Ca vous fera du bien.
Il m’a écrasé et il m’a laissé là sur le trottoir à côté d’un mégot. Je suis rentré chez moi, je me suis couché et j’ai regardé le plafond. J’avais tellement besoin d’une étreinte amicale que j’ai failli me pendre. Heureusement Gros-Câlin avait froid, j’ai astucieusement fermé le chauffage exprès pour ça et il est venu m’envelopper, en ronronnant de plaisir. Enfin, les pythons ne ronronnent pas, mais j’imite ça très bien pour lui permettre d’exprimer son contentement. C’est le dialogue.


Il ne me reste plus, pour faire le pas décisif, qu’à surmonter cet état d’absence de moi-même que je continue à éprouver. La sensation de ne pas être vraiment là. Plus exactement, d’être une sorte de prologomène. Ce mot s’applique exactement à mon état, dans « prologomène » il y a prologue à quelque chose ou à quelqu’un, ça donne de l’espoir ? Ce sont des états d’esquisse, de rature, très pénibles, et lorsqu’ils s’emparent de moi, je me mets à courir en rond dans mon deux-pièces à la recherche d’une sortie, ce qui est d’autant plus affolant que les portes ne vous aident pas du tout.



cest ce qu’on appelle justement des prologomènes, de l’anglais, prologue aux men, hommes, au sens de pressentiment.


La vérité est que je souffre de magma, de salle d’attente, et cela se traduit par un goût nostalgique pour divers objets de première nécessité, extincteurs rouge incendie, échelles, aspirateurs, clés universelles, tire-bouchons et rayons de soleil. Ce sont des sous-produits de mon état latent de film non développé d’ailleurs sous-exposé. Vous remarquerez aussi l’absence de flèches directionnelles.


Par exemple, elle [la société] ferme les bordels, pour fermer les yeux. C’est ce qu’on appelle morale, bonnes mœurs et suppression de la prostitution par voies urinaires, afin que la prostitution authentique et noble, celle qui ne se sert pas de cul mais des principes, des idées, du Parlement, de la grandeur, de l’espoir, du peuple, puisse continuer par des voies officielles.


J’ai parfois l’impression que l’on vit dans un film doublé et que tout le monde remue les lèvres mais ça ne correspond pas aux paroles. On est tous post-synchronisés et parfois c’est très bien fait, on croit que c’est naturel.


Lorsqu’on tend au zéro, on se sent de plus en plus, et pas de moins en moins. Moins on existe et plus on est de trop. La caractéristique du plus petit, c’est son côté excédentaire. Dès que je me rapproche du néant, je deviens en excédent. Dès qu’on se sent de moins en moins, il y a à quoi bon et pourquoi foutre. Il y a poids excessif. On a envie d’essuyer ça, de passer l’éponge. C’est ce qu’on appelle un état d’âme, pour cause d’absence.


Je passai une journée sinistre, au cours de laquelle je remis tout en cause. J’étais plein de moi-même avec bouchon.


Je n’ai pas compris et j’en fus impressionné. Je suis toujours impressionné par l’incompréhensible, car cela cache peut-être quelque chose qui nous est favorable. C’est rationnel chez moi.


Je n’écoutais pas ce que le père Joseph disait, je laissais faire, il poussait à la consommation. Il paraît que dieu ne risque pas de nous manquer, parce qu’il y en a encore plus que de pétrole chez les Arabes, on pouvait y aller à pleines mains, il n’y avait qu’à se servir.


-Monsieur le commissaire, dans ces affaires-là, on ne choisit pas, vous savez. C’est des sélectivités affectives. Je veux dire, des affinités électives. Je suppose que c’est ce qu’on appelle en physique les atomes crochus.


On rit beaucoup, bien sûr, en lisant « Gos-Câlin », mais c’est un rire tendre car se trouve toujours présent chez l’auteur cette profonde humanité. Romain Gary traduit avec humour le drame de l’individualisme, la misère affective des grandes villes.  

Les gens sont malheureux parce qu’ils sont pleins à craquer de bienfaits qu’ils ne peuvent faire pleuvoir sur les autres pour causse de climat, avec sécheresse de l’environnement, chacun ne pense qu’à donner, donner, donner c’est merveilleux, on crève de générosité, voilà. Le plus grand problème d’actualité de tous les temps, c’est le surplus de générosité et d’amitié qui n’arrive pas à s’écouler normalement par le système de circulation qui nous fait défaut, Dieu sait pourquoi, si bien que le grand fleuve en question en est réduit à s’écouler par voies urinaires. Je porte en moi en quelque sorte des fruits prodigieux invisiblement qui chutent à l’intérieur avec pourrissement et je ne puis les donner tous à Gros-Câlin, car les pythons sont une espèce extrêmement sobre et Blondine la souris, ce n’est pas quelque chose qui a de gros besoins, le creux de la main lui suffit.
Il y a autour de moi une absence terrible de creux de la main.


Quand j’étais gosse au dortoir je faisais venir la nuit à l’Assistance un bon gros chien que j’avais inventé moi-même dans un but d’affection et mis au point avec une truffe noire, de longues oreilles d’amour et un regard d’erreur humaine, il venait chaque soir me lécher la figure et puis j’ai dû grandir et il n’y avait plus rien. Je me demande ce qu’il est devenu, car celui-là, il ne pouvait vraiment pas se passer de moi.


J’ai même regardé dans le dictionnaire, mais il y avait une faute d’impression, une fausse impression qu’ils avaient là. C’était marqué : être, exister. Il ne faut pas se fier aux dictionnaires, parce qu’ils sont faits exprès pour vous. C’est le prêt-à-porter, pour aller avec l’environnement. Le jour où on s’en sortira, on verra qu’être sous-entend et signifie être aimé. C’est la même chose. Mais ils s’en gardent bien.



Mots-clés : #absurde #humour #solitude
par ArenSor
le Dim 23 Déc - 20:08
 
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Sujet: Romain Gary
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Juan Gabriel Vásquez

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 51th8y10

Les amants de la Toussaint

Originale : Los Amantes de Todos los Santos (Espagnol/Colombie, 2001)

Sept nouvelles de 10-44 pages

CONTENU:

-  Cachettes: Un écrivain colombien, se trouvant entre France et Belgique, deviendra témoin d’un drame familiale. Communiquer la douleur, ou la taire, en faire un secret ?

- Les amants de la Toussaint: La vie d’un jeune couple se trouve en crise. Brièvement l’homme cherche une consolation chez une veuve solitaire, craintive, marquée encore par des souvenirs de son mari défunt. Tandisque qu’il comprend de vouloir sauver son couple, sa femme prend une décision….

- Le Locataire : Pendant une chasse le vieux Xavier commet le suicide. Depuis longtemps il avait été amoureux de la femme de son meilleur ami. Il y a vingt ans, avec presque un enfant à venir de cette liaison, ils avaient même projeté de s’en aller. Et maintenant ? Comment Georges et Charlotte s’en sortent ?

- Le retour : Après quarante ans d’incarceration après l’assassinat de son beau-frère, Madame Michaud, presque 80 ans, retourne à la domaine immense et labyrinthique qu’elle avait été la seule à connaître comme sa poche auparavant. Mais les temps ont changé… Où est-ce qu’on trouve une « maison », un « chez soi » ?

- Au café de la République : Viviane et le narrateur en début de maladie grave sont séparé depuis six mois. Mais pour visiter son père à lui, le couple se reforme. Faire semblant ? Se donner une deuxième chance ?

- La solitude du magicien : Enceinte de son mari Léopold, Selma le trompe néanmoins avec le « magicien », homme presque sans histoire à lui ? Où est-ce que cela va finir ? Quel avenir ?

- La vie sur l’île de Grimsey : Grand héritier d’un harras, Oliviera passe une nuit avec une véterinaire et comprend pourquoi celle-ci a tellement peur du noir et de la solitude...

REMARQUES :
Toutes ces histoires jouent dans les Ardennes belges ou le Nord de la France. Certains motifs reviennent dans certaines histoires : des chevaux, la chasse, les noms de villages… Souvent y-at-il une sorte de vue en avant sur l’histoire avant que celle-ci ne soit reprise en détail, donc pas juste narration linéaire. Souvent il y a un narrateur actif.

Même dans leur diversité certains sujets reviennent en étant variés : Des histoires de couples, soit en « fin de relation », ou en situation éphémère, soit dans des constellations triangulaires avec des situations de tromperie. Les protagonistes semblent seuls et désireux de rompre cette solitude à la fois. Parfois la perte, le deuil, la question de culpabilité

Des sujets universels ? Ô, quand ils sont traités d’une certaine façon cela ne pourrait pas forcement m’attirer outre mesure, mais Vasquez en fait plus que du pur romance. Les personnes derrière ces histoires sont en recherche, elles apparaissent fragiles et parfois pauvre, presque toujours : seules même au milieu du couple. Certains restent dans la tête et dans le coeur dans leur désir et leur quête. Parfois il ne semble pas y avoir d’issue, ou seulement passagèrement. La solitude reste.

Bien écrit avec parfois des tournures inattendues.

mots-clés : #amour #nouvelle #solitude
par tom léo
le Sam 15 Déc - 8:01
 
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Sujet: Juan Gabriel Vásquez
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Jean Mattern

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Les bains de Kiraly

Le narrateur Gabriel avait perdu – quand il avait dix ans – sa sœur Marianne suite à un accident. Cet apparent Français, avec des origines d’ailleurs, mais jamais trop explicités et expliqués par ses parents, n’arrivera pas à vraiment digérer ce traumatisme. Vite il est aussi clair que son père, lui, avait aussi vécu à pareille âge, mais en 1938, une perte : sa mère. Là aussi : mutisme, absence de pouvoir mettre en parole un deuil, de partager en paroles et en gestes le vide intérieur. Et l’absence de sentiments exprimés devient pour ainsi dire la suite logique de ce vide, de la non-communication d’une tristesse. Seul parole donnée par le Père ? Un incompréhensible, un irrecevable « il a donne – il a repris », pourtant tiré du livre de la perte par excellence : le livre de Hiob, Job. Signe d’un ailleurs ? Quels appartenances seront cachés aussi ???

La vie de Gabriel semble une longue conséquence de ce qu’on a raté lui transmettre : une appartenance, une capacité de mettre en parole. Le jeu du traducteur qu’il est devenu, est encore de mettre entre soi et la réalité une langue, des mots « étrangers ». Des choses non-dites ne peuvent pas créér des êtres qui seraient des « pages blanches ». Enfermé dans le silence et la non-communication c’est comme une mort à la vie.

Je trouvais cela assez fort ! Et ce roman s’intègre dans ceux qui traitent des traumatismes (divers) transmis de génération en génération, capables de laisser des êtres muets… L’allusion à une réponse est à mon avis assez pertinente.


mots-clés : #mort #relationenfantparent #solitude
par tom léo
le Jeu 15 Nov - 16:41
 
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Thierry Murat

Les larmes de l'assassin
d'après un roman jeunesse de Anne-Laure Bondoux


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Une maison isolée et battue par les intempéries dans le sud-sud de la Patagonie. Un infâme assassin recherché par toutes les polices arrive pour s'y cacher et tue sauvagement les parents de Paolo. Un curieux attachement se tisse entre cet homme et cet enfant qui partagent leurs solitudes.

l'histoire est déchirante, toute en non-dits, les dessin sont d'une sobriété à la beauté époustouflante.
La grande classe  bounce !

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 97827511
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mots-clés : #amitié #enfance #lieu #solitude
par topocl
le Jeu 13 Sep - 8:18
 
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Sujet: Thierry Murat
Réponses: 3
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Marie Sizun

La gouvernante suédoise

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A travers des photos de famille, quelques témoignages tronqués et un journal intime censuré, Marie Sizun reconstitue une tranche de son histoire familiale, un secret moyennement gardé qui a fait peser son empreinte sur les générations suivantes. Cela, on le subodore à quelques allusions au fil de son récit, et elle le confirme dans l'épilogue. Au-delà de ce côté intime, le livre se présente comme le sempiternel roman de la petite bourgeoisie, entre la Suède et Meudon, le mari qui trompe la jeune épouse avec la gouvernante, la grossesse cachée et l'enfant en pension, le mystère, les faux secrets, les apparences sauvegardées. Ces gens se dressent un carcan de conventions et de conformisme, ils se refusent le courage de leurs émotions au prix d'une bienséance mortifère.

Marie Sizun fait le choix d'un récit distancié, d'un classicisme quasi glacial, à l'image de ces cœur congelés.Elle gomme l'émotion comme celle-ci se doit d'être gommée au profits du paraître dans la vie de ses protagonistes déchirés par leurs amours socialement inacceptables. Un temps, dans une ambiance un peu sulfureuse, on se  demande si la gouvernante va s'approprier son maître ou sa maîtresse, mais non, le récit retrouve vite cette banalité des amours ancillaires, cette loi du bon vouloir des hommes,  si souvent décrites dans les romans du XIXème siècle. Cet aspect lisse et retenu est assez frustrant, n'aurait-il pas mieux valu assumer le pathétique, faire couler les larmes plutôt que s'en tenir à la petitesse des sentiments bridés par les conventions bourgeoises, à la réserve de cette histoire sagement bien racontée?

Petite pensée pour Carl Larson

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mots-clés : #amitié #conditionfeminine #famille #solitude #xixesiecle
par topocl
le Mer 12 Sep - 20:45
 
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Sujet: Marie Sizun
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Dino Buzzati

Bàrnabo des montagnes

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Bref roman (ou novella), le premier publié par Buzzati, et propre à ravir ceux qui ont apprécié Le Désert des Tartares.
Bàrnabo, un des gardes forestiers commis à la surveillance d’une poudrière perdue dans les montagnes, évite par peur et lâcheté un affrontement avec de mystérieux brigands. Il est renvoyé, et revient cinq ans plus tard affronter son destin dans ce lieu vertigineux et fascinant.
Histoire à la limite de l’irréel (et de l’absurde, de l’étrange ; c’est pratiquement du réalisme magique), elle est austère comme la montagne.
Divulgâchage:

Avec l’inquiétude existentielle, la quête de sens, un autre des thèmes majeurs de cette œuvre (pas que de ce texte) avec l’attente (et bien qu’on ne puisse le contenir en une citation) :  
« Il semble que le temps n’en finisse jamais de passer, pourtant il fuit comme le vent. »

Comme pour les autres livres de Buzzati, prétendre le résumer ou le penser objectivement enlèverait assurément la part indicible qui en fait de la littérature.

Je proposerais bien le mot-clé "fantastique", mais il pourrait légitimement être jugé inapproprié, et surtout induire en erreur le lecteur intéressé…



mots-clés : #fantastique #solitude
par Tristram
le Sam 1 Sep - 16:40
 
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Sujet: Dino Buzzati
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Larry Brown

Sale boulot

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Braiden est là, dans ce lit d’hôpital, sans bras ni jambes depuis la guerre du Viet-Nam il y a 22 ans. Il tient le coup grâce à ses rêveries qui le mènent en compagnie de ses ancêtres africains, ses bavardages avec Jésus, et l'aide complice d'une infirmière noire comme lui, qui le livre en bière et en canabis.
Il voit débarquer un jour Walter, un petit blanc élevé dans la misère, défiguré depuis la même guerre, en proie à de bizarres "crises", qui ne sait pas trop pourquoi il est là, et traîne avec lui une histoire d'amour mi-glauque mi-pure avec une jeune femme dont le corps a été défiguré par des morsures de chien.

Ils vont peu à peu s'apprivoiser, se confier jusqu'à un épilogue où tout s'explique plutôt tragiquement, et qui témoigne de la compassion qu'ils ont partagée.

C'est plutôt aigu dans la critique de la guerre : qu'est ce qui y a mené ces deux jeunes gars qui n'ont vraiment aucune raison de vouloir se battre pour une patrie qui n'a pas été tendre avec eux, et les conséquences dramatiques de cet engagement qui a gâché leur vie au-delà du descriptible. C'est présenté en courts chapitres où ils parlent alternativement, dans un style oral réaliste,  très frustre et inélégant, qui m'a beaucoup gênée.


mots-clés : #guerre #huisclos #mort #solitude
par topocl
le Jeu 9 Aoû - 18:13
 
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Sujet: Larry Brown
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Claire Messud

La fille qui brûle

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C'est l'histoire du passage à l'adolescence entre deux amies de la toute petite enfance, celle qui  raconte, et s'en sort pas mal, et l'autre moins bien dotée au départ, qui s'éloigne, s'enfonce dans des comportements que plus personne ne comprend, entraînant un rejet qui ne fait qu'aggraver sa détresse.

C'est très finement observé, cette fragilité d'une période où se révèlent les carences de l'enfance jusque-là masquées, où explosent les questionnements, et tout est si difficile si on ne trouve pas les bonnes alliances.

Le récit est tout en nuance, en bonnes trouvailles, c'est parfaitement maîtrisé, presque trop, les sentiments sont pour ainsi dire remplacés par cette acuité. C'est une bonne lecture, d'un roman bien structuré, qui  remue des périodes de trouble que nous avons vécues, mais où, peut-être, justement, il manque un certain trouble.

Tag solitude sur Des Choses à lire - Page 3 Sanato10



mots-clés : #amitié #conditionfeminine #enfance #identite #initiatique #psychologique #relationenfantparent #solitude
par topocl
le Mer 8 Aoû - 9:27
 
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Sujet: Claire Messud
Réponses: 26
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Ramuz Charles-Ferdinand

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Adam et Eve (1932)

Pas de grande surprise quant à la thématique ? Côté décor on se trouve peut-être à mi-chemin, dans un petit village pentu avec quelques champs, une rivière, un café. Très peu de personnage, les principaux se trouvant au nombre de 5 si on voit large. Je ne sais pas si ça suffit à dire le roman atypique ? On peut aussi relever qu'il est très intérieur, la couche d'hallucination collective, ou partagée, ne pouvant se trouver que par ricochet ou extrapolation.

C'est que le drame de Bolomey, sorte de vieux garçon, est que sa jeune épouse est partie. Rumination, mélancolie, espoir, acharnement, sur fond de lecture du "livre". Lydie, déçue d'âge plus... intermédiaire ? (tiens, on peut le recaser celui-là !) est la fille de la patronne du café, elle en pince pour Bolomey ou du moins ferait bien sa vie avec, mais lui... sous l’œil de deux plus âgés, l'un itinérant local et l'autre la mère de Lydie et la patronne du café.

On peut aussi voir et entendre les voitures passer, à distance, sur la route, le phonographe aussi est là.

Il y a de beaux passages, on sait s'y attendre, mais je l'ai trouvé assez plombant ou plombé, au sens  simple mais qui peut peser sur le moral. Dans le reste de l'oeuvre, que je ne connais pas toute, je le trouve particulier, à la fois très resserré et "décroché". On n'est jamais au bout de ses surprises dans ce monde.

Le lac est gris clair comme du fer-blanc, lisse comme un toit de tôle.
Il faut voir comment c'est ici et que c'est assez désert et peu peuplé, pendant que Gourdou vient à travers le vignoble, qui est là-haut comme beaucoup de serpillières mises à sécher au soleil ; puis, au moment où la pente faiblit, la couleur du pays change.
Le pays noircit. Le pays tout à coup se couvre de vergers pleins d'arbres assez petits et bas, des pruniers, des poiriers, des cerisiers surtout, qui font de loin comme une branche de persil. Et il y a peu de monde dans les champs ; mais Gourdou parle à ce monde de près ou de loin, tout en venant.
- Ah! éparpillés ! leur dit-il. Ah ! posés les uns à côté des autres ! Ah ! appliqués quand même pour pas grand chose à un travail toujours le même ! ah ! couchés tard ! ah ! levés tôt !
Il lui arrive de parler tout seul, disant des choses tristes d'une voix gaie.
- Rien ne nous est donné qu'on ne le prenne, c'est-à-dire qu'il faut y mettre tout son temps et toute sa peine pour le morceau de pain qui fait besoin et l'assiette de soupe qui fait besoin, couchés tard, et levés matin, est-ce vrai ?
Maintenant il parle tout haut.
- Séparés et collés ensemble. Unis par le dehors, par les lois, par les habitudes, désunis du dedans : frères et étrangers, père et fille et étrangers, mère et fils, mari et femme...
Il repousse sa sacoche, il lève celle de ses mains qui tient la canne ; à qui est-ce qu'il parle, est-ce que c'est au vallon ? Le soleil est devenu rouge comme de la cire à cacheter derrière le brouillard ; on peut le regarder en face. Rouge et rond comme un cachet sur une lettre. Et le lac à présent est comme du papier sale.


Mots-clés : #amour #contemythe #solitude
par animal
le Dim 8 Juil - 21:28
 
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Sujet: Ramuz Charles-Ferdinand
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