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Alice Zeniter

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Message par topocl Sam 4 Mar - 8:58

Alice Zeniter
Née en 1986


exil - Alice Zeniter Alice_10

Alice Zeniter est une romancière, et dramaturge française née en 1986 à Alençon.

Ancienne élève de l'École normale supérieure (promotion L2006), Alice Zeniter est, en 2013, chargée d'enseignement à l'université Sorbonne Nouvelle. Elle a également enseigné le français en Hongrie, où elle a vécu plusieurs années.

Alice Zeniter a publié son premier roman, Deux moins un égal zéro (Éditions du Petit Véhicule), à 16 ans.

Son second roman, Jusque dans nos bras, publié en 2010 (Albin Michel), est traduit en anglais sous le titre Take This Man.

Lorsqu'elle était enseignante en Hongrie, Alice Zeniter fut assistante-stagiaire à la mise en scène dans la compagnie théâtrale Kreatakor du metteur en scène Arpad Schilling. Puis elle a collaboré à plusieurs mises en scène de la compagnie théâtrale Pandora, et travaille en 2013 comme dramaturge pour la compagnie Kobal't. Elle collabore à l'écriture du long métrage Fever, une adaptation du roman éponyme de Leslie Kaplan, réalisé par Raphaël Neal et sorti en 2015.
Wikipedia

Œuvres

Romans

   Deux moins un égal zéro, 2003,
   Jusque dans nos bras, 2010,
   Sombre Dimanche, 2013 : Page 1
   Juste avant l’oubli, 2015
   L'art de perdre, 2017 : Page 1
   Comme un empire dans un empire, 2020 : Page 1

Nouvelles

   Sur les Ewoks, paru dans le hors-série Télérama sur Star Wars, 2015,

Pièces de théâtre

   Spécimens humains avec monstres, 2011

màj le 27/09/2020

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Message par topocl Sam 4 Mar - 9:01

Sombre dimanche

exil - Alice Zeniter Images34

Est-ce que la vie pouvait être que ça ? cette succession d'espoirs et de dépressions, l'un faisant toujours oublier l'autre, malgré les années et le peu de sagesse qu'on pouvait en tirer ? Est-ce que c'était possible qu'il n'y ait pas plus ?

C'est, paraît-il, totalement hongrois.
Alors la Hongrie est un bateau qui prend désespérément l'eau depuis un siècle, et si on ne le quitte pas, on ne peut que se noyer avec lui. Les personnages sont englués dans un immobilisme atone et mélancolique, pris dans le carcan des non-dits familiaux, étouffés par le climat politique, par l'enchaînement d'une histoire malsaine qui leur a confisqué leur identité.

Elle était née à la fin du conflit, tout comme Pàl, et elle avait compris très tôt que ne pas avoir vécu la guerre constituait une frontière inamovible entre sa génération et celle de ses parents, celle du grand-père. Ils n’habiteraient jamais le même monde, ils n'auraient jamais les mêmes yeux.

C'est joliment raconté et plutôt bien construit : on suit le parcours d’Imre , garçon en retrait, jeune homme désenchanté, homme désespéré, et quelques allers-retours temporels racontent les épisodes douloureux et enfouis qui ont marqué les membres de sa famille. Il y a une poésie désenchantée, qui mène les personnages tels des marionnettes désincarnées, de désillusions en désillusions, de désespérance en tristesse.

Leur relation était pleine de la gêne et de la maladresse des corps qui ne sont pas habitués à marcher côte à côte.

Prise dans une mélancolie languide, Alice Zeliter ne cède ni au misérabilisme ni au pathétique, elle sait instaurer une distance. C'est sans doute pourquoi je ne peux pas dire que ce roman m’ait réellement enthousiasmée.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #famille #regimeautoritaire

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Message par Nadine Ven 13 Oct - 18:39

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L'art de perdre

Je découvre cette auteure avec cette sortie toute récente. J'ai souhaité lire ce livre parce que j'ai lu qu'il se construisait sur les questions de l'immigration algérienne en France lors de la guerre d'indépendance. Je vis dans l'Hérault, une grande communauté de Harkis a dû s'installer ici à l'époque, j'avais donc entendu ce terme, il y avait eu aussi à l'époque de Frêche une cabale , si certains s'en souviennent sur ces questions communautaires etc.

J'ai voulu lire ce livre pour trouver une parole avertie et j'ai eue raison de le faire, j'ai beaucoup de joie à avoir lu une analyse romancée mais avertie, qui n'ait pas de caractère "ethnographique", ce livre raconte plusieurs générations prises dans la violence géopolitique malgré elles . J'ai reconnu dans la figure de la grand mère ou du grand père beaucoup de mes propres ascendants, l'auteur sait niveler les présupposés, et explose avec brio tout caractère culturel au profit des caractères universels, et c'est de cela que j'avais soif,
le style d'écriture est assez discret, fluide, sans fioriture, Alice Zeniter sait raconter, orchestrer, aussi. J'ai beaucoup appris. Le récit est mené sans prétention, avec un ton clair, assez à l'image de l'auteure elle même, que j'ai écouté en interview depuis, elle sait passer beaucoup de choses, n 'est pas dans la concession mais privilégie l'approche subtile,
encore une fois je reste très peinée de devoir comprendre que les guerres, sans cesse, et les dominations, entourent tant de destins individuels de leur immonde cruauté.

Je dirais enfin, sur le plan purement littéraire, que Zeniter se place dans la lignée des auteurs conteurs, elle ne travaille la matière des mots, je crois, qu'avec pour exigence d'être exacte, et sincère. ça pourra décevoir des lecteurs, pour ma part j'ai aimé qu'elle puisse transmettre sa vision de toute cette complexité sans effets de style trop pompiers.Je trouve déjà énorme qu'elle nous offre des moyens de comprendre et relier des facettes de réalité si brûlantes encore de gifles.


mots-clés : #guerre #historique #immigration
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Message par Bédoulène Ven 13 Oct - 18:53

merci Nadine, je comprends que tu soies sensibilisée. J'ai le livre dans ma pal donc un jour prochain (ou plus lointain) ce sera une lecture.

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Message par Quasimodo Ven 13 Oct - 20:22

Merci Nadine !
C'est une personne qui m'est très sympathique Smile (personne, parce que comme auteur je ne l'ai pas lue)
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Message par Armor Ven 13 Oct - 21:13

Tu m'intrigues... encore un que je note.

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Message par églantine Lun 13 Nov - 14:02

Une ancienne tradition kabyle veut que l'on ne compte jamais la générosité de Dieu .On ne compte pas les hommes présents à une assemblée . On ne compte pas les oeufs de la couvée . On ne compte pas les grains que l'on abrite dans la grande jarre de terre . Dans certains replis de la montagne , on interdit tout à fait de prononcer des nombres . Le jour où les Français sont venus recenser les habitants du village , ils se sont heurtés au silence des vieilles bouches : Combien d'enfants as-tu-eu ? Combien sont restés vivre avec toi ? Combien de personnes dorment dans cette pièce ? Combien, combien , combien...Les roumis ne comprennent pas que compter , c'est limiter le futur , c'est cracher au visage de Dieu .
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Message par Tristram Lun 13 Nov - 15:20

Et oui, quand on aime, on ne compte pas...

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Message par églantine Lun 13 Nov - 15:42

Et je continue ....
      A l'école on n'apprend rien , ou en tous cas rien qui ait trait à la terre , à laquelle est irrémédiablement lié le futur d'Hamid (Pourquoi faire naître d'autres possibilités ? ) .Or ce métier de la terre est si dur , même lorsqu'il apporte la richesse , qu'il vaut mieux laisser les enfants courir là où ils veulent jusqu'au jour où ils auront à travailler . Ce n'est pas une vie de les forcer à s'asseoir sur un banc pendant les seules années dont ils peuvent profiter en toute liberté . Hamid est encore à l'âge où la participation au groupe ( famille , clan , village ) ne passe pas nécessairement par le travail . De l'enfant , on tolère qu'il ne fasse rien , qu'il joue . De l'homme adulte adulte , en revanche , on méprise l'inoccupation . Celui qui ne fait rien , dit-on au village , qu'il taille au moins sa canne . L'art de perdre
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Message par églantine Lun 13 Nov - 16:03

    "Choisir son camp n'est pas affaire d'un moment et d'une décision unique , précise . Peut-être d'ailleurs , que l'on ne choisit jamais , ou bien moins que ce l'on voudrait . Choisir son camp passe par beaucoup de petites choses , des détails. On croit n'être pas en train de s'engager et pourtant , c'est ce qui arrive . Le langage joue une place importante . Les combattants du FLN par exemple tour à tour appelés "fellaghas" et "moudjahidines, Fellag", c'est le bandit de grand chemin , le coupeur de route , l'arpenteur des mauvaises voies , le casseur de tête . Moudjahid, en revanche , c'est le soldat de la guerre sainte . Appeler ces hommes des fellaghas , ou des fellouzes , ou des fels , c'est-au détour d'un mot-les présenter comme des nuisances et estimer naturel de se défendre comme eux . Les qualifier de moudjahidines , c'est en faire des héros .
Chez Ali , la plupart du temps , on ne les appelle que le FLN, comme si lui et ses frère sentaient que choisir entre fellag et moudjahid, c'était déjà aller trop loin. Le FLN a fait ci .Le FLN a fait ça . On pourrait presque croire que ce ne sont pas des hommes qui composent ce front , que le FLN est une émanation étrange , une pensée politique qui se serait solidifiée en un corps tentaculaire , capable de tenir les armes ou de voler des moutons . Mais lorsqu'un mot vient sous la langue parce que le besoin se fait sentir de parler de quelques hommes distincts , et non de la pieuvre ou de l'aigle , ou du lion énorme dans son entier , alors c'est fellaghas qu'ils emploient , Ali et ses frères , sans mépris ni colère , c'est juste ce qui leur vient . Mais qui peut dire si le mot découle d'une position politique déjà campée ou si c'est lui , au contraire , qui va former peu à peu cette position en se sédimentant dans le cerveau des hommes en une vérité inaliénable : les combattants du FLN sont des bandits .
L'art de perdre  
 
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Message par églantine Ven 17 Nov - 20:58

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Terminé L'art de perdre : il est sûrement très bon .
Il m'a appris des tas de choses sur la guerre d'Algérie .
Il m'a donné envie de lire sur les Harkis . J'ai d'ailleurs passé quelques soirées à chercher des vidéos sur youtube .
Il m'a fait réfléchir autrement ; il m'a ouvert des portes .
Il m'a aussi un peu ennuyée : je ne suis pas rentrée dans l'histoire , les personnages ne se sont pas incarnés vraiment  : c'est tellement "écrit" , comme un trop bon devoir scolaire .
Pourtant la sensibilité est là , la finesse d'analyse exceptionnelle :
On sent volonté d'embrasser son sujet dans les moindres recoins , balayant toutes les idées reçues et partis-pris  sur cette douloureuse histoire .
On sent une documentation solide en amont pour écrire ce roman en forme de saga et de pèlerinage , on devine Alice Zeniter avançant pas à pas au fil de l'écriture sur un fil tendu en quête de son "Algérité" , et c'est peut-être ce devoir de mémoire tout personnel et peut-être encore englué dans toute sa documentation qui m'a laissée un peu en dehors de la trame romanesque . Manque aussi à mon goût une écriture un peu plus "déchirante-saillante": le livre est long et j'ai langui .

Malgré tous ces bémols , c'est un livre riche , plein , subtil, au coeur de l'actualité par toutes les réflexions qu'il suscite , sincère , limpide et tranquille comme un ruisseau qui murmure l'histoire .
Au final :
"Personne ne t'a transmis l'Algérie ? Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'un pays ça passe dans le sang ? Que tu avais la langue kabyle enfouie quelque part dans tes chromosomes et qu'elle se réveillerait quand tu toucherais le sol ?
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Message par Chamaco Sam 18 Nov - 8:12

Un auteur que j'aimerai lire sur une periode de déchirement d'un pays rêvé par certains comme un prolongement du notre où des peuples se sont affrontés avant de s'embarquer et jouer les prolongations  en traversant la mer, j'aimerai connaître les paroles, le ressenti de ses descendants...
C'est un crève-coeur, j'ai une tonne de livres dans ma PAL, aurai-je le temps de tout lire, va falloir que j'établisse un ordre de priorité (beurk j'aime pas ça..!) Zenifer me tente beaucoup cependant, affinités selectives...?? exil - Alice Zeniter 2042282828 exil - Alice Zeniter 2042282828 Années passées dans le grand Sud (et dire que j'ai failli me réfugier au Mas Thibert, mais j'y ai pas trouvé d'atelier de mosaïque proche...), il va falloir que vous m'emballiez plus ami(e)s lectrices zé lecteurs.... Very Happy
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Message par Nadine Sam 25 Nov - 14:28

Merci Eglantine pour les beaux passages cités. Ce sont eux qui m'ont le plus nourrie , j'espère que cela ne provoquera pas une déception chez les futurs lecteurs de les avoir déjà découverts, paradoxalement, par contre, car ils sont le sel de ce que j'ai eue de plaisir , à la lecture. Mais ils ne sont pas nombreux, puisque le récit se déroule dans un ton plutôt sobre et factuel par ailleurs.
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Message par Nadine Sam 25 Nov - 14:50

Heureuse d'avoir rencontré cette intelligence au service de la modestie, j'ai voulu lire un autre roman de Zéniter.

Jusque dans nos bras

exil - Alice Zeniter 97822510

Décidément elle assure cette jeune femme :  littérature populaire, sobre, engagée,
avec cette discrétion propre aux élégances innées.

Je suis de la génération qui a fêté ses dix ans avec le génocide rwandais, je suis de la génération qui a perdu Bertrand Cantat et découvert la Lituanie par la même occasion, je suis de la génération qui n’aura plus de pétrole alors qu’elle commence à peine à s’amuser avec les low-cost, je suis de la génération qui ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

ça commence ainsi, et l'auteur nous raconte dans ce livre un mariage blanc, et les raisons et questions qu'il suppose et entraine.
C'est aussi  l'occasion de voir confirmée la maîtrise de l'auteur. Ici le ton de la narration mime l'effervescence adolescente des années 90, son humour et son inventivité, on dirait "un ton djeun's", mais auquel serait ajouté un vrai brin de talent. La bande d'amis que l'on suit a ses codes, communs à ceux que notre mémoire ou notre vécu peuvent avoir gardés de ce microcosme de l'adolescence, mais aussi ses vraies trouvailles et cosmogonies qui rendent ce livre plus complet qu'un simple document transcriptif d'une époque et d'un milieu.
Zeniter brosse les liens forts et si particuliers que la jeunesse a la générosité de rendre superlatifs et y ajoute son don de passeuse pour nous faire toucher à l'empathie de la situation.

Je n'aime pas particulièrement frayer avec les codes de l'adolescence , en littérature, ceux qu'elle exhume restent surtout universels avant que d'être exceptionnels, mais c'était une chouette lecture, qui donne davantage la place à son talent d'écrivain que dans "L'art de perdre", où elle ne se permet pas de jeu stylistique réel. Ici, par le jeu du rythme, des mimétismes nécessaires pour mobiliser notre empathie, j'ai trouvé du brio. Ceux-ci sont habiles et fantasques. Ce roman constitue aussi certainement un beau morceau autobiographique où se dessine la spécificité d'une intelligence, et je me répète, à mon avis, humble , aux accents sobres,  mais aigus : l'intelligence altruiste.

mots-clés : #immigration
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Message par Bédoulène Sam 25 Nov - 17:50

merci Nadine ! je commencerai par celui dont je dispose, l'art de perdre, mais je note

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Message par topocl Jeu 17 Mai - 10:38

L'art de perdre

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Il y a Ali, le maître incontesté du clan, un kabyle qui a trouvé un certaine richesse. Il a donné deux ans de sa vie pour la France, pendant la guerre. il n'en a jamais parlé. Au moment de la guerre d 'Algérie, il a choisi le "mauvais" côté (choisi? le "choix" d'être "protégé d'assassins qu'il déteste par d'autres assassins qu'il déteste") et il a du fuir la vengeance du FLN en 62, avec sa famille et guère de bagages.
La France l'a "accueilli" dans un camp, sous une tente, puis dans des baraquements , et des années après, quand on lui a attribué un appartement, c'était à des centaines de kilomètres de là. Il a continué à se taire.

Son aîné Hamid a grandi dans cette misère et ce renoncement, puis  s'est peu à peu détaché, "émancipé" dit-on, il a mis une distance, a construit autre chose, l'islam se perd en route.. Mais lui aussi s'est toujours tu sur son passé et ses blessures. "Il a confondu l'intégration avec la technique de la terre brûlée".

Sa fille ainée Naïma, qui a été nourrie à ce silence, a longtemps fait comme si de rien n'était. mais c'était là, évidement, l'histoire était là, incrustée d'Histoire,  les haines autour d'elle persistaient, et il a bien fallu une espèce de retour, même si

-Ce qu'on ne transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n’est pas chez toi.

Il s'agit donc du récit de ces pertes diverses mais semblables, auxquelles  chaque génération donne sa problématique propre. Ces pertes chacun  les mène  avec son art propre, silence ou parole, avec ou sans bonheur, mais vaille que vaille, chacun à sa façon.

Tout cela donne un beau roman, quoique un peu appliqué dans le style, sans doute un peu trop sage dans la forme, mais dont l'intelligence humaine et géopolitique portant sur tout un siècle font que je lui "pardonne". Il y a pas mal de maladresses, surtout dans la première partie où, comme églantine, j'ai du mal à entrer et sentir les personnages incarnés. Dans ce début,  Alice Zeniter ne sait pas trop jouer de l’œil de Naima sur l'histoire de ses ascendants (soit trop soit pas assez présent) , adopte par moments un discours plus documentaire que romanesque. Et puis,, quand la révolte de Hamid se construit, la sauce a fini par prendre pour moi, et je me suis attachée à ces hommes et ces femme que je ne connaîtrai jamais (même si je les ai parfois ne face de moi), mais que l'auteur m'apprend à connaître au delà de mes  (nos)idées toutes faites.

Il y a beaucoup à apprendre, bien au delà des seuls faits dans l'art de perdre.
Car  l'extrême talent  d'Aiice Zeniter est  de faire de cette histoire que d'aucuns pourraient trouver simple (les harkis, l'immigration maghrébine, et les générations suivantes) ou en tout cas plus simple qu'elle n'est, tout un nœud de complexités,  de contradictions, de nuances, un nœud inextricable mais qui permet de voir l'autre aussi différent qu'il soit, comme un possible - et un possible souffrant.  C'est un appel vivant à une compréhension mutuelle.

mots-clés : #colonisation #devoirdememoire #exil #guerredalgérie #historique #identite #relationenfantparent

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Message par Bédoulène Jeu 17 Mai - 16:40

je te lirai plus tard topocl, après ma lecture

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Message par Bédoulène Dim 9 Juin - 15:56

L'art de perdre

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Ce titre est tiré d'un poème d'Elizabeth Bishop "L'Art" qui nomme toutes les pertes qu'un individu peut subir dans sa vie, les pertes infimes comme les plus grandes, les plus douloureuses.

Spoiler:

Voici donc l'histoire d'une famille qui débute en Algérie, dans la Kabylie plus précisément, avec le grand-père (Ali) de la narratrice, NaÏma. La famille a dû quitter l'Algérie au moment où le pays accède, après une guerre contre la France, colonisatrice, à l'Indépendance. Et comme dans toutes les guerres, quand les combats cessent ceux qui sont considérés comme des traîtres le payent de leur vie et il semble qu'on soit toujours le traître de quelqu'un.

Arrivée en France la famille est "installée" dans un camp, puis un autre avant d'accéder enfin à un logement décent, des bâtiments construits pour eux les "harkis", ghetto qui n'est pas propice à l'intégration puisque  y vivent uniquement que des hommes, des femmes de même langue,de même culture, de même religion.
Evidemment les enfants scolarisés échangeront avec les "français", les hommes travailleront à l'extérieur du ghetto mais pour les femmes, comme Yema la femme d'Ali, aucune alternative, leur vie s'écoulera dans ce lieu avec au coeur et à l'esprit l' absence d'un pays.
Hamid le fils aîné s'externalisera,  de sa famille, mais sans jamais la perdre,  de cette religion et de cette culture. Il se mariera avec Clarisse et aura 4 filles dont Naïma qui cherche son algérité mais qui malgré un voyage qui la conduira dans le village de son grand-père, ne la trouvera jamais qu' en la personne de sa grand-mère Yema.

L'exemple de Naïma est significatif dans le ressenti de son voyage en Algérie : "Elle ne veut plus partir d'ici. Elle veut absolument rentrer chez elle."

Pourquoi Ali a-t-il décidé de quitter l'Algérie ? Qu'a-t-il fait ? Ni Hamid, ni personne ne le saura jamais, chacun d'imaginer ou de ne pas s' en soucier.

Et Ali a fait silence !

"Personne ne sait ce que les autres vont faire de notre silence."

"Ce qu'on ne transmet pas ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n'est pas chez toi."

Son fils Mohammed a revendiqué cette absence nommée Algérie, Hamid ne revendique pas son algérité et Naïma porte l'Algérie sur son corps.

"Tous ceux dont je te parle, ils n'ont pas vraiment le choix d'être tiraillés. Au moment où ils naissent, l'Algérie dit : "Droit du sang : ils sont algériens." Et la France dit : "Droit du sol : ils sont français. Alors eux, toute leur vie, ils ont le cul entre deux chaises et de manière très officielle."

***

Tout est bien traité de manière simple, en suivant l'histoire d'une famille d'exilés Algériens, dans la grande Histoire, celle de l'Algérie avec et hors la France.
L'histoire continue de l'immigration, de la difficulté d'intégration de personnes de culture et de religion différentes ; conditions propices à l'ostracisme, au racisme. L'histoire et le devenir de l'immigration toujours en recherche de solution en France, en Europe, en Amérique ................... Mais c'est pourtant bien de personnes qu'il s'agit, de vies.

Je comprends aussi que Naïma se sentent agréablement à l'aise avec Rachida et Mehdi, Ifren plutôt qu'avec la famille "traditionnelle" de la montagne, celle d'Ali.

A noter aussi que le fossé entre générations est d'autant plus visible et destructeur pour les immigrés :

"Ali et Yema regardent l'arabe devenir langue étrangère pour leurs enfants, ils entendent les mots qui échappent de plus en plus, les approximations qui se multiplient, le français qui vient truffer la surface des paroles. Ils voient l'écart qui se creuse et ils ne disent rien, à part - peut-être - de temps en temps, parce qu'il faut dire quelque chose : - c'est bien mon fils."

La conjoncture économique difficile pour tous les travailleurs, à la fin des "trente glorieuses" devient dramatique pour les Harkis, l'auteure ne masque rien; les dettes, le chômage, l'état déplorable des immeubles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.Ce n'est pas de la fiction et, à mon avis, cette situation annonçait ce qui se passe de nos jours dans certaines de nos cités.

C'était une lecture utile pour la compréhension du présent que de connaître plus profondément le passé, la colonisation française en Algérie.

Je suis un peu brouillonne mais j'ai en tête bien des images, des situations dans les années 60.






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Message par Armor Dim 9 Juin - 19:15

Un ami me l'a offert ; il faut absolument que je le lise, vous semblez unanimes sur la qualité de ce livre !

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Message par topocl Dim 27 Sep - 13:27

Comme un empire dans un empire

exil - Alice Zeniter Cvt_co10

L est une hackeuse qui a fait partie des tous premiers, l’équipe de Anonymous à sa grande époque. Son compagnon se fait arrêter un beau matin pour avoir laissé quelques maladresses dans on dernier piratage.
L part peu à eu à la dérive ; elle rencontre Zntoine, sage attaché parlementaire d’un député socialiste beau parleur, mais qui garde sous le vernis policé un côté un peu anar remontant de son enfance provinciale et partagé avec Xavier, l’ami d’enfance retranché sur une espèce de ZAD.
Deux personnes et deux mondes qui se rencontrent, d’une façon assez joyeusement moelleuse, et qui ne vont pas aller où on aurait pu le croire.

Bref c’est un roman qui séduit par sa contemporaineté, ses personnages ancrés dans le monde d’aujourd’hui et ses problématiques. C’est un livre courageux dans son modernisme car il risque de décourager certains publics peu avertis,

C’est bien mené comme sait le faire Alice Zeniter, surtout le point de vue de la hackeuse. La description du monde politique parait un peu naïve et n’apporte pas grand chose. Et il y a ce vilain penchant de beaucoup de nos écrivain·es actuel·les de se donner des allures de pédagogue en copiant des pages d’encyclopédie ; cela n’aide pas à rythmer le récit.

Bref, de bons moments, de moins bons, un roman irrégulier, où la lectrice parfois s’attache et parfois se détache, et qui séduit surtout par un magnifique portrait d’une jeune femme d’aujourd’hui.

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