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Message par Tristram Mar 11 Juil - 23:16

Hélas, plus trop lu _ et d'ailleurs jamais très lu en France...

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 11 Juil - 23:26

Tristram : Il s'agit d'une volonté de le rééditer un moment donné. À mon sens, le Nouveau Roman aura toujours une pertinence lorsque vient le temps d'étudier les patterns et les avant-gardes en écriture. Je trouve dommage que les Butor, Robbe-Grillet et autres auteurs des maisons d'éditions plus confidentielles ne soient plus relayés à l'état neuf...
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Message par ArenSor Lun 17 Juil - 12:55

Alain Robbe-Grillet - Page 2 Les_go10

Les Gommes
Rien à ajouter aux commentaires approfondis de shanidar et de Tristram si ce n'est que j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à livre ce roman. J'ai particulièrement apprécié les déambulations urbaines avec la description minutieuse des lieux caractéristique du Nouveau Roman. Beau jeu de piste dans un univers spatio-temporel piégé !
Tout de même quelques passages un peu durs pour le Areng, comme :

... harengs roulés et déroulés, salés, assaisonnés, crus ou cuits, sauris, frits, confits, découpés et hachés
Shocked
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Message par Tristram Dim 15 Oct - 14:41

Le voyageur

Alain Robbe-Grillet - Page 2 Le_voy10

Recueil de textes (articles, préfaces), causeries et entretiens (intervious) revus par Robbe-Grillet :
défense et illustration du Nouveau Roman (avec la place prééminente de Nathalie Sarraute) ;
explicitations éclairantes (et intelligibles) sur sa démarche romanesque et, à l’opposé, la contrainte de la réalité dans son écriture cinématographique (il faut ici rappeler l’œuvre de Robbe-Grillet comme scénariste et réalisateur) : littérature et cinéma, deux langages sans rapport entr’eux (l’un s’adresse à l’esprit, l’autre aux sens de la vue et de l’ouïe, etc.) ;
aperçus pertinents sur Sade, Balzac, Flaubert, Proust, Queneau, Barthes, Beckett, Blanchot, Camus, Husserl, Godard, les critiques littéraires, les universitaires, les éditeurs (Minuit) ;
fin de la psychologie et des « vieux mythes de la profondeur », du drame et de la tragédie, de l’âme et de « l’humanisme transcendant » ‒ voire même du sens ? ;
dépravation des thèmes-objets, représentés dans leur superficialité d’images (de mode) stéréotypées, de fantasmes affichés sans mystère (refus de croire aux « profondeurs cachées »), « littérature conflictuelle, c'est-à-dire une littérature de tensions non résolues » entre objectivité des phénomènes et intériorité/ subjectivité/ inconscient : son « objectivisme » (extrait d’Un écrivain non réconcilié, critique de La maison de rendez-vous, publiée en 1972 sous le pseudonyme de Franklin J. Matthews !) ;
le Nouveau Roman comme étape après « le roman de type balzacien, c'est-à-dire d’un système d’ordre [ou classement] reposant sur la chronologie, la continuité causale et la non-contradiction » ;
le Nouveau Roman comme « entreprise d’évacuation de l’auteur hors de son texte » ;
son passage du monde scientifique au littéraire par « perte de confiance définitive dans la vertu et dans la possibilité de faire une œuvre ronde, fermée, propre et nette », c'est-à-dire "total(itair)e" (et suite à la révélation de la face cachée des totalitarismes nazi et stalinien) ;
rejet de « l’idéologie réaliste » normative, commun à tous les arts modernes,
par un intellectuel retors, pervers, humoriste, maître romancier, grand inventeur et créateur.

« Si le voyageur fait apparaître le paysage, le romancier à son tour réinvente le voyageur, qu’il a pourtant été. Le lecteur ensuite ne peut faire autre chose que créer le romancier, c'est-à-dire lui rendre sa vie véritable, et disparaître en elle comme faisait le voyageur dans le paysage… »

« Engagé, le romancier l’est, certes ‒ mais il l’est de toute façon et ni plus ni moins que tous les autres hommes ‒ en ce sens qu’il est le citoyen d’un pays, d’une époque, d’un système qu’il vit au sein d’habitudes et de règles sociales, religieuses, sexuelles, etc. En somme, il est engagé dans l’exacte mesure où il n’est pas libre. »
« Quant à nous, pauvres romanciers, auteurs dramatiques, ou cinéastes […] nous ignorons à l’instant de la création ce que ces formes signifient, et à plus forte raison ce à quoi elles pourront servir [… »
« "Formalistes" ? Bien sûr, nous savons que les formes littéraires sont le vrai contenu des livres, et celles que vous prônez nous paraissent justement représenter le monde que vous [le réalisme socialiste] êtes sensés combattre. »
« Pour nous, la littérature n’est pas un moyen d’expression, mais de recherche. Et elle ne sait même jamais ce qu’elle cherche. Elle ne sait pas ce qu’elle a à dire. "Poétique", pour nous, cela signifie invention, invention du monde et de l’homme, invention constante, et perpétuelle remise en question. "Politique", nous le voyons trop tous les jours, cela ne veut dire, à l’Est comme à l’Ouest, que respect des règles, réduction de la pensée à des stéréotypes, crainte panique de toute contestation. »

« L’écrivain, par définition, ne sait pas où il va, et il écrit pour essayer de comprendre pourquoi il a envie d’écrire. »

« Ce qui caractérise le genre romanesque, c’est qu’il a besoin d’être à chaque instant dans l’impasse. »

« Mais le mouvement de la littérature est ce glissement d’une scène à la même scène qui se répète sous une forme à peine détournée, à peine contournée, à peine retournée… »

« Il s’agit en fin de compte de réduire le réel lui-même, le réel vivant, à une trame rassurante, homogène, linéaire, réconciliée, entièrement rationnelle, d’où toute aspérité choquante aura disparu. Disons-le tout net : le réalisme n’est en aucune façon l’expression du réel, c’est même exactement le contraire. Le réel est toujours ambigu, incertain, mouvant, énigmatique, sans cesse traversé de courants contradictoires et de ruptures. En un mot, il est "incompréhensible". Sans doute aussi est-il inacceptable. Le réalisme, en revanche, a pour première fonction de le faire accepter. Il devra donc, et de façon impérative, non seulement donner du sens, mais donner un seul sens, toujours le même, et le consolider sans relâche par tous les moyens techniques, artifices et conventions qu’il sera possible de mettre à son service. »
« …] la reconnaissance et l’exploration (jusqu’à l’angoisse) de son étrangeté [le réel] constitueront le point de départ nécessaire à l’élaboration d’une conscience libre. Et l’une des fonctions essentielles de l’art est justement d’assumer ce rôle de révélateur. Ce qui explique que l’art ne vise pas à rendre le monde plus supportable (comme le fait sans doute le réalisme), mais moins supportable encore, son ambition finale étant non pas de faire accepter le réel, mais de le changer. »

« La liberté ne pouvant être qu’un mouvement de conquête de la liberté, la liberté ne se conquiert pas une fois pour toutes, elle n’existe que dans le mouvement de sa conquête. »

« Le sens, s’il est unique, est toujours totalitaire. Ce qu’on appelle forme, dans un roman, ce sont, en fait, les déviations de sens ; les interventions formelles du romancier, ce sont les moments où il change de de système de sens, les articulations où s’opèrent des glissements… »

« Quelquefois, des critiques ont remarqué cette contradiction fondamentale, qui existe dans tous mes livres et films, entre une apparence de froide rigueur mathématique, un projet avoué de mise en ordre, et d’autre part l’invasion progressive de la narration par des fantasmes et des spectres. […]
Ce qui m’intéresse, justement, c’est l’impossibilité de concilier l’univers fabuleux qui habite l’homme avec son esprit méthodique. Tout mon travail repose ainsi sur des systèmes de contradictions insolubles, qui forment dans le récit des pôles de tension entre lesquels va pouvoir se déplacer la lecture. »
« …] le texte fuit la signification mais reste ouvert et perméable au sens. »

« Un texte n’est pas le dévoilement progressif d’une vérité, c’est l’aventure d’une liberté. »

« De la même façon que le romancier invente la littérature, le livre invente le public. […]
Le public est créé par l’art, par la littérature. »

« J’y étais. J’ai connu ces gens et ces lieux. Je peux témoigner de leur existence réelle, puisque c’est moi qui les ai créés. »

Clés, notamment pour Les Gommes :

« Il n’est pas rare en effet, dans ces romans modernes, de rencontrer une description qui ne part de rien ; elle ne donne pas d’abord une vue d’ensemble, elle paraît naître d’un menu fragment sans importance ‒ ce qui ressemble le plus à un point ‒ à partir duquel elle invente des lignes, des plans, une architecture ; et on a d’autant plus l’impression qu’elle les invente que soudain elle se contredit, se répète, se reprend, bifurque, etc.
Pourtant, on commence à entrevoir quelque chose, et l’on croit que ce quelque chose va se préciser. Mais les lignes du dessin s’accumulent, se surchargent, se nient, se déplacent, si bien que l’image est mise en doute à mesure qu’elle se construit. Quelques paragraphes encore et, lorsque la description prend fin, en s’aperçoit qu’elle n’a rien laissé derrière elle : elle s’est accomplie dans un double mouvement de création et de gommage, que l’on retrouve d’ailleurs dans le livre à tous les niveaux et en particulier dans sa structure globale ‒ d’où cette "déception" inhérente aux œuvres d’aujourd’hui. »

« Tout l’intérêt des pages descriptives ‒ c'est-à-dire la place de l’homme dans ces pages ‒ n’est donc plus dans la chose décrite, mais dans le mouvement même de la description. »

« Le projet d’adapter cet ordre mathématique [les nombres premiers formant le serpent ouroboros aux 108 anneaux] à une structure narrative était en soi très intéressant, mais il est rare qu’un échafaudage [générateur] de cette sorte (comme tous les échafaudages structurels) survive au travail d’un texte. Le travail du texte part de cette conception plus ou moins abstraite, mais le texte est nourri concrètement par le travail de l’écriture, si bien que l’échafaudage éclate très rapidement. »

« J’étais donc arrivé à l’histoire d’un policier qui enquête sur un crime, sans savoir que le crime n’a pas été commis, et qui, par la logique de son enquête, est amené à commettre le crime à la fin du texte (un nouveau policier peut donc venir pour reprendre l’enquête, etc.) ; c’est donc une structure circulaire telle qu’on en rencontre fréquemment dans la littérature moderne.
Après au moins six mois de travail, j’ai pensé que j’étais en train de récrire Œdipe roi de Sophocle, mais sous une autre forme, qui était circulaire au lieu de linéaire. Œdipe enquête sur un crime, et s’aperçoit qu’il est le meurtrier. »

« …] l’activité de l’écriture allait donner un sens, et non pas découvrir un sens préalable (alors que dans le cas d’Œdipe roi de Sophocle, le sens existe avant, puisque Œdipe a tué son père et découvre qu’il est le criminel). »

Étourdissante, agrémentée d’humour, sans grande complexité lexicale, cette compilation est un complément théorique à Pour un Nouveau Roman, qui ravira les fascinés du renouveau littéraire apporté par Duras, Sarraute, Claude Simon, Ricardou, Perec, Butor, Pinget, Ollier, Cayrol, Duvert, Le Clézio, Beckett et bien sûr Robbe-Grillet.

Ces éclairages m’ont conduit à visionner Trans-Europ-Express ‒ une œuvre saisie en pleine élaboration comme fin en soi ‒, et L’homme qui ment ‒ boucles récursives avec variantes, comme des hypothèses qui buttent dans des impasses, du menteur qui joue comme un comédien ‒ ou l’inverse.

Mots-clés : #creationartistique #nouveauroman

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Message par Bédoulène Dim 15 Oct - 20:58

de longs extraits qui assoient ton commentaire. merci Tristram (j'ai les Gommes, mais j'hésite un peu à me lancer finalement ?)

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Message par Nadine Sam 21 Oct - 10:12

J'ai rdv avec ce fil, depuis qu'Arensor m'a fais passer Les gommes. Je me retiens de lire vos commentaires. A bientôt
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Message par Tristram Sam 21 Oct - 12:10

Je ne sais pas s'il faut lire les clés pour Les gommes avant, simultanément ou après _ après sans doute, en tout cas l'exégèse (par l'auteur lui-même) non seulement ne retire rien au charme que j'ai trouvé au roman, mais le décuplerait plutôt.

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Message par Nadine Sam 21 Oct - 12:27

A suivre donc... Smile
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Message par animal Dim 6 Mai - 11:19

Un extrait des Gommes, c'est surtout le début qui me plait (jusqu'à peinture ou géométrie, j'hésite).
Il attend, immobile sur ce siège inconfortable, très droit, les mains croisées sur les genoux, les pieds vissés au sol ne trahissant aucune impatience. Il regarde, devant soi, les petites taches laissées par les pluies sur la poussière des carreaux, et au-delà, par-dessus l'immense verrière bleuie des ateliers qui occupent l'autre côte de la rue, les constructions irrégulières des faubourgs, moutonnant vers un horizon grisâtre hérissé de cheminées et de pylônes.
En temps ordinaire, ce paysage paraît de profondeur très modeste et plutôt dépourvu d'attrait, mais ce matin le ciel gris-jaune des jours de neige lui confère des dimensions inhabituelles. Certains contours s'accusent, d'autres s'estompent ; ça et là des espaces se creusent, des masses insoupçonnées surgissent ; l'ensemble s'organise en une série de plans découpés où le relief, soudain mis en lumière, semble du même coup perdre son naturel - et peut-être sa réalité - comme si cette netteté trop grande n'était possible qu'en peinture. Les distances en sont tellement affectées qu'elles en deviennent à peu près méconnaissables, sans que l'on puisse dire exactement dans quel sens elles se sont transformées : étirées, ou bien réduites - ou les deux à la fois - à moins qu'elles n'aient acquis une qualité nouvelle ne relevant plus de la géométrie... Ainsi parfois en advient-il des cités perdues, pétrifiées pour des siècles par quelque cataclysme - ou seulement pour quelques secondes avant l'écroulement, un clignement comme d'hésitation entre la vie et ce qui déjà porte un autre nom : après, avant, l'éternité.

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Message par animal Mer 9 Mai - 21:41

Alain Robbe-Grillet - Page 2 6df17410

Les gommes

En guise d'intro cet extrait de la préface au Trafiquant d'épaves qui doit être une citation de Stevenson (et pensée supplémentaire pour Shanidar qui aimait les ricochets) :

Nous étions depuis longtemps tout à la fois attirés et rebutés par la forme, toute moderne, du roman dit policier ou à énigme, qui consiste à entamer le récit n'importe où sauf à son début et à le faire se terminer n'importe où sauf par la fin ; attirés par son intérêt particulier lorsque bouclé et par les contraintes particulières qui accompagnent sa rédaction ; rebutés par cette apparence d'insincérité et cette superficialité de ton qui semblent en être les inévitables inconvénients. Car le lecteur, toujours soucieux de relever des indices, n'en retire nulle impression de réalité ou de vie, et y voit plutôt une mécanique aussi minutieuse que confinée ; et si le livre demeure captivant, il n'en est pas moins insignifiant, et ressemble plus à une partie d'échecs qu'à une production artistique.

Les Gommes c'est l'hybride du policier et du nouveau roman. Une ville sur la Mer du Nord avec son boulevard circulaire et ses canaux, un ou des presque meurtres et beaucoup de pensées qui reviennent, des redites au goût changeant.

Non sans humour nous nous retrouvons à côtoyer victimes, acteurs et témoins d'une étrange affaire qui a surtout l'air de manquer de relief. Juste ce qu'il faut pour mieux nous faire profiter de celui des banalités un peu paranoïaques de nos gens qui arpentent la ville, attendent, se perdent en conjectures et dans les rues, s'égarent devant les possibles.

Le suspense existe réellement cependant, dédoublé si on veut par l'étrangeté de cette cuisine au doux goût de reviens-y. En chipotant j'avouerai avoir trouvé des miettes de facilités (comme dans l'extrait de l'autre jour peut-être ?) mais l'essentiel est que j'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture.

Léger inconfort du propos, capacité à piquer la curiosité, à entretenir l'attente, sens du recul et de la construction, jolis développements urbains, sens des marges et de l'humour... plein de bonnes choses.

Vif, fluide, stimulant, c'est une belle découverte en plus du plaisir particulier de ce titre là particulièrement.

Et effectivement on a vite l'impression qu'il y a beaucoup de tiroirs à ouvrir (sans que ça gêne la lecture !).

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Message par Tristram Mer 9 Mai - 22:03

Je suis heureux que ce livre t'ai plu, Animal, comme le prouve ton commentaire particulier.
Plaisir d'être plusieurs à l'apprécier, et bientôt aussi Nadine ?

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Message par Nadine Jeu 10 Mai - 10:33

Oui bientôt j 'espere. cette lecture commencée il ya quelques mois mérite d'être reprise en bonne et dûe forme. RDV avant juillet j espere !
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Message par Tristram Mer 8 Aoû - 14:35

Un régicide

Alain Robbe-Grillet - Page 2 Un_rzo10

C’est un bref roman, le premier d’Alain Robbe-Grillet, mais publié près de trente ans plus tard. L’auteur précise à cette occasion que c’est un « livre plus difficile d’accès » que Les gommes, son second ouvrage…
Lecture au charme inexplicable, expérience difficile à expliciter sans renvoyer à la lecture du texte : transitions en fondus enchaînés de scènes comme juxtaposées, tels deux univers s’interpénétrant : Boris est à la fois habitant d’une petite île écartée et employé dans une grande usine de la capitale, suivant vaguement la politique au travers des journaux et simulant/ répétant l’assassinat du roi.
Images d’immersions/ engloutissements aquatiques, passages du "il" au "je", étrangeté certes, mais la seule composante fantastique semble être (à part peut-être l’inconnu vivant dans une tour) les sirènes estivales qui, comme son amante Aimone, viennent chaque année visiter l’île autrement dérobée dans la brume avec ses tourbières et ses moutons.
Caractéristiques du Nouveau Roman on retrouve le vague suspense, l’objectif réalisme neutre, mais aussi de l’absurde, du fantasmatique poétique et onirique. Quelques légères contradictions ne sont pas évitées, peut-être même voulues.
Il y a également une certaine dimension politique dans ce livre ; Boris vit dans une société peu politisée (sauf son amie Laura), monarchie surtout aux mains des politiciens (dominée par le Parti, « l’Eglise », qui achète les votes des pauvres) :
« Par surcroît, aucun des chefs ne se faisait faute de supposer implicitement dans ses discours que l’ensemble des abstentionnistes appartenait "de cœur" à son groupe, si bien que chacun d’eux prenait la parole à la Chambre au nom de la nation tout entière, et cela sans risquer le moindre démenti. »

« D’une façon générale, les politiciens considéraient les idées comme dangereuses et ne les utilisaient que dans des discours rares et confus, relégués en dernière page par les quotidiens d’information. »

« Boris, d’ailleurs, ne pouvait s’empêcher de penser qu’il n’y avait rien derrière cette agitation, que ce bruit constituait une fin en soi, de même que ce travail ne visait aucune production ; c’était cela qui lui faisait horreur. »
Mais l’essentiel à mes yeux, ce sont les oscillations entre les deux mondes, répliques des allers et venues de la mer sur l’estran, jeu d’alternances, d’interférences et de reprises dans la zone de balancement des marées (bretonnes).
Voici un échantillon exemplaire du style, mais aussi d’une transition, ici dès le premier chapitre :
« Boris s’assit à la terrasse, posa sans les ouvrir les journaux sur la table, commanda du café et des croissants, et attendit, la tête inoccupée, laissant aller ses yeux au hasard à travers la foule, sans rien y découvrir qui déclenchât en lui le moindre courant d’attention. Les gens avaient l’air fatigué, c’était tout ce qu’on pouvait en dire. Indistincts, sans expression, ils passaient. Le décor, que plus rien ne retenait, glissa peu à peu vers le pays des brumes, où la mer étale baigne le pied des roches, sous une lumière grise. »
Un peu plus loin, au tout début du second chapitre, on retrouve la foule (phénomène amorphe qui m’a toujours fasciné), avec l’encore plus nette influence métaphorique de la mer :
« Dehors, sur l’avenue, la foule de plus en plus compacte perdait, à mesure qu’elle s’épaississait, les mouvements qui semblaient, ce matin, la diriger dans un sens ou dans l’autre. On ne pouvait guère encore parler de circulation, mais plutôt d’une agitation flasque, sans orientation précise, laissant des zones de stagnation entre lesquelles, coulaient, par intermittence, de petits courants hésitants qui se perdaient aussitôt dans la masse.
Boris avançait avec peine, se frayant un chemin au milieu des cadavres, profitant comme il pouvait des intervalles mouvants qui subsistaient entre les agglomérats. L’effort qu’il accomplissait pour progresser le ramena bientôt vers ses réflexions ordinaires et, comme toujours, il fut bien obligé de reconnaître que lui non plus n’allait nulle part. Il sentit en même temps le flot visqueux qui pénétrait rapidement dans son corps, entrant en bourdonnement assourdi par le nez et les oreilles, encombrant les poumons de membres cachectiques et de visages verts. »
Signe, indice, clin d’œil (coquille ?!), parlant du roi qu’il a(urait) poignardé (chapitre 10/14) :
« …] il fallait un coup qui mette vraiment en cause le corps de son auteur. »
(son père ?!)

J'oubliais encore de tagger : je ne vois que Nouveauroman qui convienne...

mots-clés : #nouveauroman

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Message par animal Mer 8 Aoû - 21:06

ça donne envie d'y retourner pas tard ! Alain Robbe-Grillet - Page 2 1252659054

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Message par Tristram Mer 8 Aoû - 21:25

Comme tu as apprécié Les gommes, tu devrais aimer aussi ! C'est vrai que ça taquine bien la réflexion...

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Message par animal Mer 8 Aoû - 21:31

je trépigne Alain Robbe-Grillet - Page 2 1798711736

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Message par Bédoulène Jeu 9 Aoû - 8:01

je tenterai un jour cet auteur ; merci Tristram

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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par Tristram Mar 11 Déc - 20:08

"Mais prenez La Jalousie, de Robbe-Grillet : voilà un très beau roman d'amour. Un des livres les plus poétiques que je connaisse, qui donne ce petit frisson dont nous parlions.
- Vraiment ?
- Oui, le plus beau roman d'amour depuis Proust."
Entretien avec Nabokov sur Lolita, L'Express du 5 novembre 1959

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Mar 11 Déc - 20:18

ah ? il est dans ma pal, mais je n'ai pas encore fait la rencontre avec Robbe-grillet.

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Message par Tristram Ven 5 Avr - 15:52

Poussons à la roue :
« Je me souviens que le projet du livre était de travailler sur deux registres, de montrer quelqu’un qui vit deux réalités en même temps. Le héros d’Un régicide mène une vie schizoïde. »
Alain Robbe-Grillet, entretien dans Le Monde du 22 septembre 1978, portant sur le roman éponyme

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