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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


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Ramuz Charles-Ferdinand

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Message par Nadine Mer 9 Aoû - 8:56

Je t'en prie Bédoulène, merci de t'y intéresser, surtout ! Et le ressenti est offert par Ramuz en premier lieu. ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 3157204030 (Ah, 9h , un peu tôt pour trinquer, zut)
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Message par animal Mer 9 Aoû - 12:43

(je jubile discrètement).

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Message par animal Sam 11 Nov - 22:06

Avec un bel extrait de Une main pour conclure :


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Message par Hanta Mer 29 Nov - 11:40

Joie dans le ciel

ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 Sfddsg10

Synopsis a écrit:Les habitants d'un village vaudois ressuscitent et regagnent leurs maisons, remises à neuf. Adèle, retrouve, son bâtard, qu'elle avait, dans une autre vie, noyé dans la rivière ; l'aveugle voit ; l'amputé marche. L'oppression, l'argent n'existent plus. Ramuz chante un monde rustique, idéal et transparent, d'où le temps s'est absenté... Mais comme il n'y plus de passé, plus d'avenir, il n'y a plus de souvenirs, plus de projets. Bientôt, l'ennui mord les âmes. Il faudra que l'infernale cohorte des punis, restés dans leur tombeaux et qui veulent s'en évader, revienne menacer le village pour que ses habitants mesurent enfin leur félicité. Le message de l'auteur est clair comme ses mots, violent comme ses images : pas de bonheur, pas d'éternité sans souvenir du mal.

Quel roman magnifique !

Des personnages avec une psychologie d'une finesse remarquable, des descriptions de paysages faites de ravissantes métaphores, des sentiments qui prennent au coeur, des dialogues touchants, des sentiments exprimés avec une humanité si rare que l'on en ressent un vertige, une histoire d'une beauté et d'une mélancolie renversante.
Lisez ce livre ! Ce n'est ni un ordre ni une injonction mais un conseil vital.

il se rajoute à mon top des livres  que je conserverais toute ma vie, île déserte ou non.
Le style de Ramuz est si poétique, si simple, si authentique, si vrai, si beau... Sa narration d'une clarté cristalline.

C'est un coup de foudre littéraire et littéral et un message philosophique à diffuser partout dans les écoles comprises.
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Message par Quasimodo Mer 29 Nov - 12:00

Ton enthousiasme fait plaisir à voir Smile C'est ton premier Ramuz ?
Je repousse Derborence depuis trop longtemps... Bien sûr, je note celui-ci.
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Message par Hanta Mer 29 Nov - 13:12

Oui mon tout premier et j'ai été subjugué.
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Message par Nadine Mer 29 Nov - 14:47

Super !
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Message par animal Mer 29 Nov - 21:53

Pas bête de commencer par là tiens !

Et sa palpable collectivité...

Un commentaire qui fait plaisir ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 1798711736

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Message par colimasson Jeu 30 Nov - 13:39

Ah oui ça fait envie ! Je vais même conseiller à la bibliothèque d'investir pour une nouvelle édition... la leur date de 1925...
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Message par tom léo Dim 24 Déc - 18:32

Le passage du poète:

« On dirait que Besson prend avec les yeux les choses qui sont et les arrange, de sorte qu’elles sont à nouveau, et elles sont les mêmes et sont autrement. »

et ailleurs:

Elle dit au corbier : « C’est joli... »
Besson : - Vous trouvez ?
Elle : - C’est un joli métier.
Besson a dit : - Tous les métiers sont jolis.
Elle a dit : - C’est vrai.
Elle a réfléchi. Elle a dit :
- ça dépend de la manière dont on les fait. Vous, le vôtre, vous le faites bien.
Elle a ri.


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Message par animal Dim 24 Déc - 23:09

Le plus beau morceau de la journée ?

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Message par églantine Dim 31 Déc - 1:26

Le passage du poète

ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 51gkbc10

Et la poésie Ramuzienne , si elle ne fait que passer , c'est un hymne à la vie , un chant qui prend sa source dans les racines de la terre et s'élève au plus haut des cieux ...Sans apparats , dans quelques moments de suspension du racloir où la conscience soudain s'éclaircit, comme un ciel lavé par un orage d'été , pur , lumineux et offert dans son rayonnement ...qu'on dirait presque surnaturel , vous savez , vous ressentez , et puis vous oubliez .
C'est dans les mains d'un vannier ambulant , homme de tous les temps et de tous les cieux , de passage le temps de la belle saison , sur ces terres en terrasse ,ces terrasses , écritures laborieuses de l'homme pour gagner son pain à la sueur de son front comme on dit si bien nous les chrétiens , c'est dans les mains artistes , dansantes sur les tiges souples de l'osier jaune , rouge et tout vivant , que la poésie ouvre l'écluse , et laisse déverser les pensées retenues , empêchées , rougissantes peut-être , ou juste parce qu'elles n'ont pas appris à éclore .
Alors oui l'homme du vent , souple et libre , venu de nulle part , ou de partout , éveille l'homme du tertre à sa condition , à sa liberté , à son inscription spatio-temporelle , à sa dignité et à un rêve fugitif d'ailleurs pour mieux sentir la terre sous ses pieds , à son identité , son unité au sein de son collectif sans lequel il n'est rien .
Ramuz et son parlé , son phrasé unique , rauque , du dedans des gens qui voient avec les yeux de l'agir , et nourris dans l'âme par la lecture de l'espace immense qui s'offre le temps d'une pause, entre deux coups de pioche , avec le haut et le bas , montagnes et lacs embrassés quelquefois dans une vibration allégorique surgie du fond des âges , trêve à peine ressentie mais renforçant l'homme du labeur , Ramuz l'inclassable , il est bon de le lire dans les mots propulsés , jaillis , poésie des sources vives , sonore , exultante comme une saignée médicinale , et on reprend tranquillement le petit chemin qui sent la violette ou le soufre , régénéré , oublieux à nouveau , parce que le labeur envahit , sainement . Ainsi va la vie . Chez Ramuz .

  "Elles ont à présent des costumes noirs quand elles se montrent, ou bien plus de costumes du tout tellement ils collent de partout, - nues comme le commencement du monde. Avec leurs hanches à elles, et seulement leurs choses à elles, et non pas ce qui est dessus. Et puis des rires, et puis se montrant entières, et puis disparues , et puis tout se tait .Il y a sur l'eau comme quand quand le pêcheur vient de lancer sa ligne et l'hameçon avec l'appât descend, mais pas le bouchon. Avec la main on dérange une étoile, et on ôte une étoile comme si on cueillait une fleur. Doucement, les bras, les jambes. Du bout du pied on tâte le moelleux d'en bas, connaissant qu' il n'a pas de fin, et on est perdues dans de l'épaisseur, s'étant débarrassées du poids de sa personne. Une à présent qui fait la planche ; une autre qui s 'est mise debout. Et on entend un bruit alors comme une bataille de cygnes : c'est quand elles s'envoient des paquets d'eau l 'une à l'autre et le beau miroir autour d'elles est cassé en cent mille morceaux. "    

   "
Et Lambelet est avec eux , Lambelet est au milieu d'eux. Il n'y a plus eu de Lambelet. Il est entré dans les trois qu' ils étaient, ce qui fait en quatre, mais un .Ils marchent l'un à côté de l'autre, tenant toute la largeur de la route, on ne les a plus distingués ; c est la ressemblance des corps et c est la communication des coeurs et ils ne sont plus séparés..."
   

      "Il y a une porte verte qui est au bas de l 'escalier de sept ou huit marches , par où on descend sous la terre quand on est mal sur la terre. Et tout à coup, on sent venir contre soi la bonne tiédeur qui règne là, une espèce de saison non terrestre et toujours la même, et toujours le même climat qu' on y tient prisonnier par le moyen des voûtes ; une nuit qui n'est dissipée que quand l'homme veut et il vient , il vient avec sa lumière à lui , son soleil à lui, sa lune à lui.
Alors toutes les autres choses sont quittées. On quitte les choses de là-haut qui se tiennent sous l'éclairage de l'injustice et de l'erreur. Et de la méchanceté. Les choses de là-haut où tout change continuellement : et ici pas , et ici rien, ou quoi? Il prend premièrement soin de refermer la porte bien exactement et rien ne pourra plus entrer, pas le plus petit gramme de jour, se refabriquant une nuit complète, après quoi il a frotté une allumette qui a été un point vert comme si une très lointaine étoile se levait à un nouveau ciel, puis elle s'avance avec un feu rouge qu' elle communique. Un horizon à nous, occupé seulement par des choses à nous : il regarde ; et le devant des gros tonneaux ovales est à sa gauche comme à sa droite sous la voûte où quand il lève la main c est encore sa main qui y est.
Parce que le voilà alors qui tend le bras, après avoir rempli son verre , vidé son verre.
Il l'a vidé tout d'un coup, puis le remplit de nouveau, faisant aller de côté la manette du petit robinet de cuivre qu' ils appellent guillon ; - et dans le verre se tient la vérité. "  


Dernière édition par églantine le Dim 31 Déc - 14:07, édité 2 fois
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Message par Bédoulène Dim 31 Déc - 7:31

waouh quel bel hommage à Ramuz ! merci églantine !

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Message par animal Dim 31 Déc - 9:04

Voilà qui fait du bien à lire. drunken

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Message par Aventin Lun 1 Jan - 19:06

Merci beaucoup pour ce splendide commentaire-hommage Églantine  ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 3245407319  !






Aimé Pache
Peintre Vaudois
ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 Aimy_p10
Roman, 270 pages environ, écrit, selon les sources, sur une douzaine d'années ou bien entre 1905 et 1910, publié en 1910.



Livre sans doute touchant à l'intime pour son auteur, des questionnements, une démarche parfois sans doute pas très éloignés de l'autobiographie.
Le propos est la genèse d'un peintre.

Le talent d'Aimé Pache est décelé par un professeur cabossé de la vie, marginal, moqué, miséreux, raté comme il est dit dans le roman, Vernet, celui par qui notre héros arrive à la peinture, ce Vernet prend l'initiative d'en parler aux parents et de donner des leçons de dessin et de peinture à Aimé.

L'autre fréquentation de type marginal d'Aimé est le savoureux personnage de Rose la Folle (on peut adjoindre aussi, mais il se cantonne à l'arrière-plan le plus éloigné, Pointet le taupier), profil(s) socialement situé(s) à l'extrême marge, qui rend(ent) compte de l'auto-ostracisme volontaire de l'enfance et de l'adolescence d'Aimé, âges longuement décrits, sur fonds de père inaccessible (in-tuable diraient les freudiens), de mère aimante et si proche (on est dans un fusionnel "à la Marcel Proust"), et de fratrie distante.

L'envol du jeune artiste hors de la campagne-nid natal, la phase parisienne d'apprentissage-accomplissement, enfin le retour douloureux au pays forment la trame du roman.

A l'intime de l'art de Ramuz disais-je, on trouve ce grand questionnement entre l'enchevêtrement de l'inné et l'acquis, du culturel et du naturel, de l'action de la contemplation, avec cette conception que le terroir façonne l'être, le marque au sens marqueur.
Chapitre VIII a écrit: Je me représente tout ce que je dois au pays, et, de cette dette, il faudra m'acquitter aussi.
(NB: je relisais cet automne Vie de Samuel Belet, publié peu de temps après Aimé Pache Peintre Vaudois et des thématiques similaires s'y retrouvent.)

La part d'autobiographie tient au fait que le héros est un créateur, un artiste, dans un lieu, un temps et un milieu social où cela ne se fait guère.

L'exercice -tenant de l'improbable funambulisme- de quête intérieure (recherchée ardemment, but positif) sans repli sur soi (sa face sombre, négative) ainsi que les affres de la création lorsque l'artiste lui-même est son seul et exigeant censeur donnent de la profondeur aux pages.
Pache est-il davantage appelé à être peintre qu'il ne choisit de l'être ?

Notre héros est né en 1874, il est donc à Paris aux alentours de -mettons- 1894 et jusqu'à environ 1904, et tout le bouillonnement intense du milieu de la peinture de ce Paris-là n'est ni narré, ni suggéré.

Chapitre VIII a écrit: Dans le repos, Chardin, et le sens du repos et l'intimité; dans le geste et l'allure, et la signification du geste, Delacroix; incomplètement, je vais à Corot, et pas tout à fait à Millet, pourquoi ?

Chapitre IX a écrit: Il passait son dimanche au Louvre. Il y retournait à Chardin et au grand Gille de Watteau, tout blanc, debout, de face, avec les mains qui pendent; Rubens le retenait peu, mais le Mantegna du Parnasse l'habituait à la discipline des formes; et la Pietà d'Avignon au pathétique contenu.

On pressent du conventionnel dans l'art de Pache, un aspect je passe à côté du meilleur de ce que l'avant-garde avait à proposer à un peintre à Paris, pour extirper ce que l'artiste a au fond de lui, sans influence extérieure de l'époque ni positionnement: effort, apprentissage, sérieux et discipline, mais pas d'effet de mode, pas de courant ni d'école auquel se rattacher, pas d'émulation avec d'autres peintres.

Pourtant, il semble bien que ça ne soit pas tout à fait le cas, Pache "digère" dans son coin les nouveaux apports et les inclut dans sa peinture.
Sans que cela ne constitue un faisceau d'éléments probants, ce que disent ses modèles des toiles nous donne en effet une piste de réflexion pour le type de peinture de Pache:
Chapitre V a écrit: - Est-il possible que je sois si vilaine ?
Car elle pensait que sur les portraits il faut qu'on soit plus beau que dans la vie, pour donner confiance aux gens.

Chapitre XIX a écrit: - Si tu faisais mon portrait. Mais, tu sais, pas avec ces vilaines lignes et ces grimaces dans la figure, comme tu m'en a mis l'autre fois,  je n'osais pas te le dire, mais à présent j'ose. Dis, veux-u ?

Chapite XXV a écrit: - Charrette ! dit enfin Ravessoud. C'est-y Adrien, ça ? et c'est-y sa bête ? Et puis, c'est vif dans la couleur... Seulement on n'y connaît rien.

Difficile de ne pas y voir une similarité avec l'art de Ramuz, le paradoxe d'un dépouillement scintillant, d'une simplicité chatoyante, qui se coupleraient avec une exploration intérieure, sur les fondements matriciels du biotope, littéralement essentiel:
L'auteur a appui sur des générations couplées à un terreau très précis pour racines, mais, loin que cela ne l'enferme, c'est -via son art- on ne peut plus propice à l'ouverture aux autres.
Au reste, au cas où nous n'aurions pas voulu voir Ramuz en Pache, l'auteur nous le dit on ne peut plus clairement:
Chapitre IX a écrit: Parler, comme ils ont fait, la véritable langue, mais, eux, c'était sans le savoir. Peindre comme ils ont peint sur les portes des granges, comme ils ont peint sur les vieux coffres, et ils ont aimé les petits bouquets !
Parler (...) la véritable langue (est le propre de l'art de Ramuz) peindre comme ils ont peint (le propre de l'art de Pache).

Ramuz prolonge (sciemment, je pense) ce je passe à côté en nous posant un Paris tel qu'on n'a pas trop tendance à le figurer à cette époque, plutôt villageois, intime pour un presque huis-clos avec les rares personnages qui peuplent le quotidien de Pache, un Paris où l'on ne sort de son quartier que pour aller à la campagne.

Un mot, sans raconter l'histoire, de l'amour d'Aimé et d'Émilienne, pour souligner que ce n'est pas qu'une histoire entre le peintre et son modèle, encore moins une passade de jeunes gens.  
Là aussi Aimé sort grandi en intériorité, disons qu'il a cheminé. Le voilà mûr pour une décision douloureuse, déflagrante autant qu'évidente, entachée d'un poids de culpabilité et d'impossibilités, autant d'impasses sur la quête d'une harmonie qu'il attend et dont on pressent qu'elle s'éloigne sans cesse.

Le final - je me défends bien sûr de le dévoiler - est une apothéose inattendue, et douce au lecteur (comme notre auteur sait être si doux au lecteur), je ne soupçonnais vraiment pas, à peine à quelques chapitres de la fin, que Ramuz tirerait le livre vers une conclusion de ce type.

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Message par animal Lun 1 Jan - 21:08

Une lecture que j'attends avec impatience (et patience à la fois ?). Paris notes d'un vaudois ça vaut le détour aussi. (On peut aussi se risquer aux Critiques d'art !).

Il est doué pour parler de lui-même sans se rendre envahissant ?

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Message par Tristram Lun 1 Jan - 21:11

En tout cas, cette oeuvre occasionne de beaux commentaires !

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Message par Aventin Mar 2 Jan - 19:24

animal a écrit:Une lecture que j'attends avec impatience (et patience à la fois ?).  Paris notes d'un vaudois ça vaut le détour aussi. (On peut aussi se risquer aux Critiques d'art !).

Il est doué pour parler de lui-même sans se rendre envahissant ?

Ah j'ai peut-être imprudemment exprimé mon ressenti: ceci n'est pas une autobiographie de Ramuz (même si un spécialiste comme toi décèlera des éléments autobiographiques qui ne m'ont même pas effleuré  Cool ).
Sinon, pour te répondre, comme le livre n'est pas écrit au "je" le risque d'envahissement est tempéré sinon complètement écarté: on entre dans le personnage Aimé Pache.
(NB: D'ailleurs, je n'ai pas l'habitude de suggérer des mots-clefs, mais accomplissement me semble préférable à autobiographie, qu'en pensez-vous ?)

Je n'ai pas souligné combien Ramuz s'est appliqué à écrire des passages picturaux, l'occasion était belle il faut en convenir.
Par exemple ceux-ci (pris un peu au hasard, le livre en fourmille):

chapitre II a écrit: On voit tout le lac du village. Étendu en longueur, déroulé de l'est à l'ouest, ses deux extrémités se perdent dans la brume. Il a la forme d'un croissant. D'ordinaire, il est lisse et pâle, dans le gris et le blanc d'argent. Mais parfois, quand souffle la bise, il se fonce et se ride, et devient tout à coup comme un grand labourage bleu. La rive qu'on a sous soi se déroule largement, avec ses petits golfes, avec ses mille pointes, les taches des arbres et des murs; mais, sur l'autre rivage, aussi loin qu'on peut voir, à droite comme à gauche, il y a les montagnes. Il y en a une grande, qui est là assise dans sa robe bleue, à gros plis cassés de rochers, sous son bonnet blanc qu'elle ôte l'été; et au-dessus d'elle vient tout le ciel, ouvert de toute part, en rond, - où l'on voit de loin s'approcher les nuages, et de très loin le mauvais temps s'annonce, et les gens regardent le ciel, et disent: "C'est la pluie pour après-demain".

 Ils se trouvent bien dessous, à la place où le Bon Dieu les a mis. On ne peut pas dire qu'ils soient riches, seulement ils ne sont pas pauvres, comme on voit vite à leurs maisons et à la grosseur des fumiers. Ils sont placés à la limite de la vigne et du blé, paysans avant tout, mais un peu vignerons, et on est bien content d'avoir un tonneau dans sa cave, quand il fait soif, par les chaleurs. Un tonneau dans sa cave, en même temps la grange pleine, cinq ou six bêtes à l'écurie: ils sont ainsi trois cents, ils se ressemblent tous entre eux. Ils ont le teint rouge, avec des moustaches, et d'être trop souvent trempées dans le vin elles se sont déteintes, elles ont tourné au vert. Ils aiment rire, mais le cachent.  

Chapitre V a écrit:Là, subitement, on a devant soi la cathédrale qui se dresse, et à gauche la crête de la colline qui fuit, couronnée de grands murs et de vieux toits à pente raide, jusqu'au château carré, en briques roses, avec ses quatre tourelles d'angle.

 Il grimpait l'escalier couvert, aux marches de bois rongées. Cela faisait comme un petit tunnel. En haut, un rond de jour brillait, appliqué au porche en molasse, avec ses petits personnages et l'usure du temps dessus. Ils lui sautaient à l'œil d'en haut, vivement marqués là par leur relief luisant et leurs trous d'ombre mate. Les pigeons allaient à petit pas de dames sur les pavés pointus, le long de la ruelle, qu'il fallait suivre ensuite jusqu'à la grande cour.

Chapitre VIII a écrit: C'étaient 5 mètres en longueur sur 4 en largeur et 5 en hauteur; une sorte de caisse parfaitement carrée, aux parois grises peintes à l'huile: plus une galerie où on grimpait par une échelle, et dans le fond un grand vitrage; quelque chose de nu, mais de très clair et d'aéré. Par le vitrage on voyait des arbres et tout un grand ciel.

Chapitre XIV a écrit: [...] et, dans le soleil bas, les arbres du trottoir, aux minces feuilles transparentes, dégouttaient de claire lumière, tandis que de partout, le long de la chaussée où les tramways et le camions roulaient, une poudre dorée montait flottant à mi-hauteur entre les maisons alignées, où les fenêtres étaient ouvertes et les stores déjà baissés.

  Sur l'asphalte, des petites filles avaient dessiné à la craie des carrés bien égaux, avec des noms écrits: Europe, Asie, Amérique, et jouaient et faisaient leurs jeux, criant et sautant sur un pied. Les concierges étaient assis au seuil des portes; les marchands de vin devant leurs zincs versaient à boire; [...]
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Message par églantine Mar 2 Jan - 19:37

C'est terriblement tentant Aventin ! Je vais craquer je crois ! cat
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Message par animal Mar 2 Jan - 21:47

Aventin a écrit:Ah j'ai peut-être imprudemment exprimé mon ressenti: ceci n'est pas une autobiographie de Ramuz (même si un spécialiste comme toi décèlera des éléments autobiographiques qui ne m'ont même pas effleuré  Cool ).
Sinon, pour te répondre, comme le livre n'est pas écrit au "je" le risque d'envahissement est tempéré sinon complètement écarté: on entre dans le personnage Aimé Pache.
(NB: D'ailleurs, je n'ai pas l'habitude de suggérer des mots-clefs, mais accomplissement me semble préférable à autobiographie, qu'en pensez-vous ?)
C'est bien ta manière de le présenter qui me le fait sentir comme entre autres choses biographique, le rapport à la création, le passage parisien. De toute façon même en parlant de Cézanne il arrive à parler de lui-même. ruralité - Ramuz Charles-Ferdinand - Page 2 1390083676

Accomplissement c'est joli, approximativement proche d'initiatique ? (c'est qu'on essaye de garder la liste des mots-clés au régime) .

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