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Mathias Enard

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Message par Bédoulène Ven 2 Déc - 22:45

Mathias Énard
Né en 1972

Mathias Enard Enard_10


Mathias Énard, né le 11 janvier 1972 à Niort, est un écrivain et traducteur français, prix Goncourt 2015 pour son roman Boussole.

Mathias Énard, après une formation à l'École du Louvre, suit des études d’arabe et de persan à l'INALCO. Après de longs séjours au Moyen-Orient, il s’installe en 2000 à Barcelone. Il y anime plusieurs revues culturelles. Il traduit deux ouvrages, l'un du persan, et l'autre de l'arabe. Il participe aussi au comité de rédaction de la revue Inculte à Paris et, en 2010, il enseigne l'arabe à l'université autonome de Barcelone.

La Perfection du tir, son premier ouvrage, paraît en 2003, roman narratif d'un tireur embusqué durant une guerre civile — d'un pays non évoqué, mais qui pourrait être le Liban — et son obsession de la mort : « Je ne savais plus si j'étais celui qui tirait ou celui sur lequel on tirait. »4. L'ouvrage est récompensé l'année suivante par le Prix des cinq continents de la francophonie, et Prix Edmée-de-La-Rochefoucauld. Il est aussi sélectionné au Festival du premier roman 2004.
Il est pensionnaire de la Villa Médicis en 2005-2006.

En 2008, Actes Sud publie son roman Zone, caractérisé par une seule phrase à la première personne, de cinq cents pages (avec pour exceptions trois chapitres, extraits de l'ouvrage que lit le narrateur), et récompensé par plusieurs prix, dont le Prix Décembre, le Prix Candide et le Prix du Livre Inter.

Il publie en 2010 aux éditions Actes Sud un petit conte, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, sur un épisode probablement fictif de la vie de Michel-Ange, une escapade à Constantinople, où il débarque le 13 mai 1506 à l'invitation du sultan Bajazet II. Ce court récit montre la Constantinople tolérante et européenne qui a su accueillir les juifs chassés d'Espagne par les rois catholiques. L'ouvrage est couronné par le prix Goncourt des lycéens 2010, et par le 25e Prix du livre en Poitou-Charentes & La Voix des lecteurs en 201211, décerné par le Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes.

Féru d'art contemporain, Mathias Énard a par ailleurs créé en 2011 les éditions d'estampes « Scrawitch », et sa galerie homonyme, dans le 11e arrondissement de Paris, créée avec Thomas Marin, lithographe, et Julien Bézille, philosophe de formation.

En 2012, il publie Rue des voleurs chez Actes Sud, récit de voyage d’un jeune Marocain errant en Espagne lors des printemps arabes et du mouvement des indignés. Rue des voleurs est la réaction de l’écrivain à ces événements, ainsi qu’une réflexion plus large sur l’engagement et la révolte. Lors du Salon du Livre francophone de Beyrouth (26 octobre - 4 novembre 2012), il reçoit le premier prix Liste Goncourt : Le choix de l'Orient décerné par un jury composé d'étudiants d'universités du Liban et d'autres pays du Proche-Orient, sur le modèle du prix Liste Goncourt : le choix polonais. Le prix de l'Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire a également été décerné à cet ouvrage en 2013.

En 2015, il se voit décerner le prix Goncourt pour son roman Boussole qui traite de la vision de l'Orient par l'Occident.
(sources wikipedia)

Bibliographie :

2003 : La perfection du tir : Page 2, 3
2005 : Remonter l'Orénoque page 3
2007 : Bréviaires des artificiers
2008 : Zone ; page 1, 2
2010 : Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants ; page 1, 2
2011 : L'Alcool et la Nostalgie ; page 1, 2, 5
2012 : Rue des voleurs ; page 1, 4
2013 : Tout sera oublié ; page 1
2015 : Boussole ; page 1, 2
2016 : Dernière communication à la société proustienne de Barcelone (poésie) ; page 1, 2
2018 : Désir pour désir ;
2020 : Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs ; Page 4, 5
2023 : Déserter ; Page 5

màj le 20/12/2023

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Zone

Mathias Enard 41-2bc10


Juste quelques mots, sur ce livre dense et complexe

Une plongée en apnée ce livre et quelques bouffées d'air juste pour survivre.
Quel travail d'écriture pour relier, comparer les guerres depuis l'Antiquité jusqu'à notre siècle, l'analogie des bourreaux, des victimes ; véritable archéologie de la guerre.
Les révélations sur de nombreux écrivains pointent les comportements individuels dans le conflit.
Les villes aussi me sont apparues comme des "personnages", tantôt bourreaux tantôt victimes.
Le narrateur est d'une lucidité et d'une franchise terrible dans ses sentiments, j'ai particulièrement retenu le passage - lors de l'enterrement de son père - qui lui permet en évoquant Malcom Lowry de découvrir la sauvagerie dont son père l'accusait.
Avoir choisit le trajet en train, a permis le rythme et les pauses de l'écriture.

Une lecture ineffaçable et hélas actuelle !


mots-clés : #criminalite #guerre #historique #voyage


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Message par Nadine Sam 3 Déc - 1:05

Bédoulène a écrit:


En 2015, il se voit décerner le prix Goncourt pour son roman Boussole qui traite de la vision de l'Orient par l'Occident. (sources wikipedia)

 Celui-ci m'interpelle. Si quelqu'un le lis, j'ai hâte d'en savoir plus.

(Dis donc quel érudit cet auteur !Shocked J'ai ris nerveusement en lisant qu'il contribuait à la revue Inculte Embarassed C'est en effet bien trouvé.)
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Message par topocl Sam 3 Déc - 8:54

Fan d'Enard, persuadée que c’est un des très grands écrivains français de notre temps, je l'avais lu en son temsp, Boussole. Un peu lourd et complaisant pour moi, il n'en avait pas moins biee des qualités:

Boussole

Mathias Enard Images85

J'aurais aimé vous dire que j'ai adoré cette errance intérieur de  Franz Ritter,  musicologue autrichien trop sage. Inféodé à sa Maman, il a pourtant parcouru l'Orient, d’Istanbul à Damas ou Téhéran, frayé, dans la réalité et dans les livres, avec les orientalistes les plus illustres, passés ou contemporains, à commencer par l'insaisissable  Sarah dont la fascination hante cette nuit hallucinée. Tout au long de ces dix heures d'insomnie, menacé par une maladie mortelle à laquelle il oppose un fatalisme plein d'humour, il se vautre  dans une jouissance tant érudite que sensuelle de l'érudition et de l'amour, dans un délice noir et torturé qui rappelle celui du fumeur d'opium .

Cette narration débordante, intelligente, obsessionnelle, cache  un homme-enfant qui n'a  su  s'ouvrir à l'amour, et qui voit arriver tout à la fois la fin de sa vie et la fin d'une époque. De Vienne, première porte ouverte sur l'Orient, il assiste, faute de fondations , à l'effondrement d'un rêve : l'Occident fasciné par l'Orient . L'Occident ayant tellement déchu que l'Orient se défend de lui, maintenant, et s'émancipe dans un rejet dont la violence est terrifiante.

Projet séduisant, magnifique, érudit, brillant. Mais c'est trop. Beaucoup trop. Même pour les mélomanes. Même pour les passionnés d'Orient.

Enard s'écoute écrire, écumant, logorrhéique, démesuré. Il se laisser aller au name-dropping ( qui a certes plus de classe avec Liszt et Wagner qu'avec Pujadas et Beigbeder),  s'emporte dans des anecdotes dont l'accumulation sature, multiplie les personnages, les entrées, les péripéties, se perd sur des chemins détournés. Il y a de nombreux moments magiques, des atmosphères torrides ou drôles, des épisodes passionnants, de splendides phrases à rallonge, mais cette accumulation devient fatras orgiaque et  envahissant, on est totalement submergé, l'indigestion arrive peu à peu (très vite à vrai dire) et l’intérêt se perd pour ce qui se voulait un trésor chatoyant et n'est qu'un capharnaüm  irrespirable .

Je regrette , je regrette beaucoup car de nombreux passages m'ont plu voire emportée, que cette nuit d'insomnie comme écrin à ce noir désespoir était une idée assez géniale, mais ces joyaux ont été totalement noyés comme par un tsunami. Je regrette aussi parce que Mathias Enard a écrit avant des romans magnifiques, où il avait su mettre des limites à sa démesure.



(commentaire rapatrié)


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Message par Bédoulène Sam 3 Déc - 18:34

il est dans ma tablette il va patienter un peu !

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Message par Armor Sam 3 Déc - 20:48

Oui il me tentait vraiment, celui-là, le sujet est passionnant.
Mais je vais passer mon tour, trop d'avis négatif, et ce que j'ai feuilleté en librairie ne m'a pas incitée à passer outre.

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Message par topocl Dim 4 Déc - 9:29

Alors tu peux essayer Zone, un truc géant, mais un pavé énAUrme , un sacré monument qui demande un lecteur prêt à s'investir

Zone

Mathias Enard 41-2bc10

J’ai  l’impression de sortir de ce livre comme rouée de coups. Sortie d’une épreuve douloureuse mais qu’il était juste de traverser.
Encore un livre immense.
Qui a travers un homme nous parle de l'Homme, de l'Histoire et du siècle, en faisant le choix du chaos, puisque ce monde est chaos. Tout comme l’était le monde des légendes des héros et dieux grecs qui nous accompagnent tout au long du récit.

On est dans la tête de Francis, baroudeur du monde européen et méditerranéen, militaire en ex-Yougoslavie puis espion dans la « zone », et on suit, d'associations d'idées évidentes  en associations d'idées obscures, son périple à travers un monde de guerre, de haine, de décombres fumantes.

(…) flux, reflux, exilés qui en chassent d'autres, au gré des victoires et des défaites de la puissance des armes et du tracé des frontières, une ronde sanglante, une vendetta éternelle et interminable, toujours, qu'ils soient républicains en Espagne fascistes en France palestiniens en Israël tous rêvent du destin d’Enée le Troyen fils d'Aphrodite, les vaincus aux villes détruites veulent détruire à leur tour d'autres villes, récrire leur histoire, la changer en victoire, ailleurs, plus tard, (…)

Ce monde dont toute humanité semble absente, tâche de supporter son propre spectacle en l'occultant à travers une inconscience aveuglante, peuplée de plaisirs dérisoires, noyée dans l'alcool  dévastateur, assourdie par le vacarme de boîtes de nuit où l'on danse sur un sol peuplé de cadavres à peine refroidis, apaisée dans la frénésie sordide des bordels. Le monde jouit, brille, consomme, s’éclate pour effacer les souvenirs insoutenables .
Francis partage avec nous l’horreur et la jouissance mêlées qu’il ressent à la folie furieuse du  combat. Il est  las d’essayer de se sauver par la chaleur de l'amitié, le réconfort de la lecture dans une quête perpétuelle de livres qui lui ressemblent, ou dans les bras de quelques femmes splendides et idéalisées,. Mais ces idylles fabuleuses chez un homme aussi meurtri par la vie, ne peuvent mener qu’à des éclats aussi irrémédiables que dérisoires.

On accompagne ainsi Francis dans un interminable voyage en train entre Paris et Rome, qui, il l’espère sans y croire, l’amènera à tourner la page et laisser derrière lui les décombres d'un monde insupportable, à poser définitivement son costume de monstre, dans un dernier geste désespéré et salvateur.
Citation :
Vais–je pouvoir me débarrasser de moi-même comme on enlève un pull-over dans un train surchauffé ?

(…) je monte à mon tour dans l'express transitalien qui devait être le sommet du progrès et de la technologie il y a dix ans car les portes en étaient automatiques et il dépassait les deux cent kilomètres à l’heure en ligne droite par beau temps et aujourd'hui, un peu plus près de la fin du monde, ce n'est qu'un train : il en est de toute chose comme des trains et des automobiles, des étreintes, des visages, des corps leur vitesse leur beauté ou leur laideur paraissent bien ridicules quelques années plus tard, une fois putrides ou rouillés, (…)

C'est un amalgame hallucinant d’histoires, d'une description souvent insoutenable. Dans ce « chaudron du diable », on erre d’un lieu de mort vers un lieu de désespoir. Le mal est partout, nous sommes tous victimes et bourreaux dans une spirale sans fin.

(…) qu'il soit utilisé par l'un ou l'autre camp ne retire pas sa véracité au témoignage, attestée par la force de la vengeance, de la haine de celui qui y croit, haine qu’il va purger, des dizaines d'années plus tard, contre ses ennemis, par peur, peur de la tradition, par de la  légende qui le pousse lui aussi à aller vers l'autre le couteau en avant, comme les récits d'atrocités serbes nous poussaient, dans la peur, à découper leurs cadavres en morceaux, effrayés sans doute que de tels guerriers n’aient le pouvoir de ressusciter, les enchaînements de massacres serbo-croates donnaient toujours raison aux récits antérieurs, sans que personne n'ait tort, puisque chacun, à l'instar des Autrichiens en Serbie, pouvait citer un cas d'atrocité commise par l'autre camp, l'autre en soi, il fallait gommer son humanité en lui arrachant le visage, l'empêcher de procréer en lui coupant les couilles, le contaminer en violant ses femmes, annihiler sa descendance en tranchant les seins et les poils pubiens, revenir à zéro, annuler la peur et la douleur, l'histoire est un conte de bêtes féroces, un livre avec des loups à chaque page, Tchedo va t’égorger mon enfant, et il le fera sûrement, aussi sûrement que toi-même, croit-il, tu as déjà brûlé ses rejetons braillards dans la fosse ardente, chez nous le  collectif procède du récit de la douleur individuelle, de l'emplacement des morts, des cadavres, ce n'est pas la Croatie qui saigne ce sont les Croates, notre pays est là où sont nos tombes, nos assassins, les assassins de l'autre côté du miroir attendent leur heure, et ils viendront, ils viendront parce qu’ils sont déjà venus, parce que  nous sommes déjà allés leur tailler les oreilles en pointe, mettre nos pieux dans le ventre de leurs femmes et leur arracher les yeux, une grande vague d'aveugles hurlants va crier vengeance, va venir défendre ses tombeaux et les ossements de ses morts aussi sûrement que la marée, descendue, remonte au rythme des mouvements de la lune, (…)

(…) rien ne revient de ce qui a été détruit, rien ne renaît, ni les hommes disparus, ni les bibliothèques brûlées, ni les phares engloutis, ni les espèces éteintes, malgré les musées les commémorations les statues les livres les discours les bonnes volontés, des choses en allées il ne reste qu'un vague souvenir, une ombre qui plane sur Alexandrie douloureux fantôme parcouru de frissons, et c'est tant mieux sans doute, tant mieux, il faut savoir oublier, laisser les hommes les animaux les choses partir, (…)

Mathias Enard est un écrivain qui pourrait me raconter n'importe quoi, sa prose prend aux tripes et convainc que si ce monde est un enfer, il peut, au moins, être raconté et écouté. On  a dit et redit que Zone était un livre sans point. C'est un aspect finalement tout à fait anecdotique, une performance stylistique à laquelle il serait dommage de réduire la prose de Mathias Enard. D’ailleurs il suffit de trois pages pour n’y plus prêter attention, se prendre au rythme d’un récit magistralement mené, et comprendre que, non seulement les points ne manquent pas, mais que leur absence crée une espèce d'urgence, une jouissance à lire, où se détache l’idée que puisqu'il n'y a pas de point, il pourrait ne pas y avoir de fin : on restera perpétuellement dans ce bouleversement du chaos, dans cette beauté magique de l’ici et maintenant du récit.

Pour ceux qui se sentiraient candidat à la lecture, je peux dire que j'ai mis à peu près 100 pages à me sentir à l'aise dans le livre, j'ai cru au début me noyer, submergée par ce rythme infernal du récit, sans bouée pour me rattraper face aux vagues répétées des digressions et des enchaînements, désespérée de l'immensité de ma méconnaissance géopolitique aux prises permanentes avec l’immense érudition de Mathias Enard. Que  le charme m’a peu à peu gagnée, et que, franchement, cela valait la peine de lutter, pour ressentir ensuite un tel choc de lecture, une telle intensité.
J'ajoute que c'est un livre éminemment sérieux et sombre, mais où, de façon sporadique il est vrai, il y a quelques notes d’humour, totalement noir évidemment.

(…) Nathan le fils de survivants de Lodz regardait tout ceci avec amusement, c'est le folklore, disait-il, tu sais, c'est le folklore de Jérusalem, comme le ski à Megève, ici nous avons les religions, Jérusalem vit de cette rente depuis des millénaires ça ne va pas changer du jour au lendemain(...)



J’ai été emportée par la litanie de ces exactions (extra-)ordinaires, révulsée et fascinée à la fois par tant de violences et  de haine. Ce livre n’est que l’appel au secours éblouissant d’un homme face à la sauvagerie du monde et de lui-même, « un cri dans la nuit » .


(...) Vlaho est un mulot, un loir, une souris ou un rat, et surtout un enfant mâle, la guerre était son élément, car elle était simple, drôle et virile dans un monde où devenir un homme ne signifie pas grandir mais s’affûter, se réduire, se tailler comme une vigne ou un arbre auquel on retire petit à petit les branches, la partie femelle, ou la partie humaine, allez savoir, un buis de jardin classique sculpté en forme de guerrier, on aurait aussi bien pu dire en forme de phallus, de fusil, d’archétype du mâle auquel nous cherchions tous à ressembler, fort, adroit, chasseur préhistorique écervelé capable de toutes les forfanteries, bravache, orgueilleux mais soumis au plus fort et au supérieur hiérarchique, méprisant les faibles, les femmes et les pédés, tout ce qui ne lui ressemble pas, en fait, Vlaho, Andrija, les autres et moi petit à petit nous nous sommes transformés en soldats, en professionnels, bien sûr nous écrasions une larme de temps en temps, mais elle était vite cachée et effacée déguisée en sueur ou fumée dans l’œil, une accolade et voilà, ou du moins c'est ce que nous aurions souhaité, parfois tout s'effondrait, le bouclier d'Achille percé, les belles cnémides arrachées, la lance brisée, et il restait alors juste un enfant nu recroquevillé appelant sa mère ou ses frères gémissant pleurant dans son sac de couchage ou sur son brancard (…)



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Message par topocl Dim 4 Déc - 9:33

Ou un autre genre, court et flamboyant:

L'alcool et la nostalgie  

Mathias Enard Images20
Longtemps que je n'avais rien lu aussi beau, et si triste.
À Moscou où Jeanne est partie étudier à la recherche de « l'âme russe », elle a formé avec Mathias jeune écrivain français paumé, jeune homme seul et désespéré : « ma vie à moi était bien vide », et Vladimir/Vlako/Volodia, russe brillant et cultivé, un trio infernal. Éperdus de drogue et alcool, ces trois se sont aimés, et déchirés, courant après d’inatteignables  chimères. Fuyant à Paris cette relation aussi passionnelle que délétère,  Matthias y apprend un an après la mort de Vladimir, et saute dans un avion. Plutôt que de rester à Moscou pour protéger  Jeanne (ou s’en faire protéger ?), il voyage trois jours le transsibérien, à la recherche vaine du village natal de Vladimir, dans un huis clos terrible. C’est une descente aux enfers solitaire, où il se remémore cette histoire, s'adressant désespérément à son ami mort. On est bien loin de l’exotisme sentimental habituel de ce genre de voyage. Malgré les bois de bouleaux qui défilent aux fenêtres  et le samovar au fond du wagon, il se laisse submerger par les forces maléfiques de ce pays qu’il a  adoré autant qu’haï, ses écrivains déchirés, son histoire sanglante.

Il ne s’agit pas, on s’en doute, d’une banale histoire d’amour à trois. C’est la rencontre désespérée de trois êtres en perdition, conscients de la déchéance que leur imposent les drogues, dans un pays lui-même en déliquescence. L’histoire marque son sceau par ses événements les plus terribles et Mathias Enard, adepte d’une commémoration intime et littéraire, nous parle de la révolution, du communisme, de la Kolyma, et des dérives du libéralisme. On croise au passage, et cela prend tout son sens après avoir lu Tout sera oublié, le mausolée de Lénine, le musée de la Kolyma, la cathédrale où on rend un culte aux Romanov, le monument qui marque la limite de l’avancée allemande . On est plongé comme dans beaucoup de ses autres livres, dans un monde terriblement violent qui écrase  des peuples impuissants.

Enard se dépeint en écrivain débutant stérile, ne sachant plus s’il se drogue pour écrire ou et parce qu'il ne peut écrire. C'est l'occasion de réflexions sur la littérature, les auteurs qui nous ont construits, les grands Américains, les géants Russes, ce que les livres nous ont apporté, comment ils nous font grandir, et nous protègent .

Quand je l'ai rencontré à Paris nous avions dix huit ans à peine, je débarquais de ma province j'avais l'impression de sortir de prison, de rentrer du Goulag, de Magadan ou d'ailleurs et de retrouver une liberté qu'en réalité je n'avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangereux pour un adolescent que les armes, puisqu'ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d'un infini départ, d'amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n'avions plus de révolution, il nous restait l'illusion du voyage, de l'écriture et de la drogue
.

L’écriture de Mathias Enard est proprement époustouflante. Il a un rythme, fait de grandes phrases entrecoupées, de répétition, on croirait entendre ce train, qui ne s’arrête jamais, ne reprend pas souffle, et la résonance rythmée que donnent les traverses. À moins que ce ne soit les chocs que la vie envoie  dans la figure de Mathias. Ecoutez ça.

Le café me remet dans les narines l'odeur de l'opium, j'ai une demi-tablette de rohypnol dans ma valise, mais je les garde en cas de coup dur, maintenant je préfère me laisser aller à la drogue douce du souvenir,  percé par les errances de ce train qui danse comme un ours sur ses retraverses, des arbres, des arbres de haute futaie, des arbres à abattre, holzfallen,  holzfallen, comme criait ce personnage de Thomas Bernhard dans son fauteuil à oreilles, en maugréant contre les acteurs et la bonne société de Vienne, jamais je n'écrirai comme ça, Vlado, tu sais, jamais jamais, cette langue inouïe, répétitive jusqu'à l'hypnose, méchante, incantatoire, d'une méchanceté, d'une méchanceté hallucinée, j'avais vingt ans quand j'ai lu ce livre Vlad, vingt ans et j'ai été pris d'une énergie extraordinaire, d'une énergie fulgurante qui explosait dans une étoile de tristesse parce que j'ai su que je n'arriverais jamais à écrire comme cela, je n'étais pas assez fou, ou pas assez ivre, ou pas assez drogué, alors j'ai cherché dans tout cela, dans la folie, dans l'alcool, dans les stupéfiants, plus tard dans la Russie qui est une drogue est un alcool j'ai cherché la violence qui manquait à mes mots Vlad, dans notre amitié démesurée, dans mes sentiments pour Jeanne, dans la passion pour Jeanne qui s'échappait dans tes bras, dans la  douleur que signifiait la voir dans tes bras, dans mon absence apparente de jalousie, dans cette consolation joyeuse que ce soit toi dans ses bras, je savais qu'elle faisait ce que je ne pouvais pas faire, par éducation, par volonté, par destin, par goût tout simplement, elle occupait la place que je ne pouvais pas prendre et je vous regardais sans vous voir comme Thomas Bernhard  dans son fauteuil à oreilles, et c'était bien comme ça.

Parfois, Enard  donne la parole à Jeanne, et le ton est plus calme, fragile, presque humble. Quant à la forme, ce petit livre de 88 pages, Enard ne l’a sans doute pas choisie (c'était la copie qu'il devait rendre pour remercier d’avoir été invité avec une vingtaine d’écrivains, pour un voyage de deux semaines en transsibérien, une résidence mouvante en quelque sorte). Et certes,  j’aurais apprécié un énorme pavé, qui m’aurait laissé le temps de me morfondre et m’ennuyer à plaisir, comme Mathias dans son compartiment. Cependant, cette forme brève aussi m’a énormément séduite, avec une intensité, une violence, qui n'aurait peut-être pas été soutenable sous un plus grand format.



C’est un roman follement romantique c’est à dire romantique à la folie, d’un romantisme  des plus terribles et des moins mièvres.


(commentaire rapatrié)



mots-clés : #mort #psychologique #regimeautoritaire #voyage


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Message par Bédoulène Dim 4 Déc - 9:44

ah faut que je revienne à Enard, merci Topocl pour tes excellents commentaires

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Message par topocl Sam 17 Déc - 15:53

Rue des voleurs

Mathias Enard Image159

Attention, chef d’œuvre !
Lakhdar est un jeune garçon futé et cultivé, un amoureux des livres qui s’essaye à reluquer les filles.
Pace qu’il est né au Maroc dans une famille musulmane rigoriste, que l’islamisme rôde, que la révolution gronde, sa vie se heurte à la cruauté de l’ errance et du chaos ; les rêves d’amour et d’émigration sont autant de cauchemars traversés par la violence et la mort.
Mais qu’importe l’histoire…
Mathias Enard, virtuose de la langue ne se laisse aller à aucun apitoiement, aucun misérabilisme, mais construit un récit d’un lyrisme sobre et d’ un doigté sans concession. On est envoûté par le foisonnement des personnages, des ambiances, la complexité des expériences.
Histoire magnifique, prose magique, claque magistrale, Rue des voleurs pourrait se lire à haute voix. Il devrait séduire celles et ceux qui désespèrent da la littérature française .



mots-clés : #immigration

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Message par shanidar Jeu 22 Déc - 11:05

Mathias Enard Enardm10

Dernière communication à la société proustienne de Barcelone

Un recueil de poésies.

Mathias Enard serait-il non seulement un formidable prosateur mais également un fin poète ? Pour tout dire et le dire franchement, ce recueil m'a semblé bien peu convainquant. Si on y retrouve les thèmes importants de l'auteur : la guerre, les voyages, le Liban et la Russie, le souvenir des morts et la recherche de paradis alcoolisés, il faut se rendre à l'évidence , en dehors de quelques pages l'ensemble manque de relief... Bien sûr, n'étant pas très adepte de poésie, je suis sans doute passée à côté de la plupart des références (en particulier aux poètes arabes) mais si j'ai pu goûter certains passages, teintés par cette noire nostalgie qui semble toujours hanter l'auteur, je reste sur ma faim (et mon enthousiasme total envers Enard quoique non écorné reste sur la réserve).

On dira donc que le meilleur du recueil se tient peut-être dans la farceuse préface d'Olivier Rolin qui y dit son admiration pour l'auteur et ajoute ces mots qui disent mieux que moi ce qui fait la grande beauté et le grand bonheur de lire Enard :

Mathias, c'est comme un petit frère (même s'il est maintenant bien plus médaillé que moi). J'ai lu tous ses livres, il n'y a rien de médiocre, il y a la curiosité du vaste monde, des langues, des styles, des pensées, des gueules. De l'histoire et de la géographie. Mathias, c'est un écrivain comme je les aime, qui connaît Joyce et Proust, et Homère et Claude Simon, mais aussi Kessel et Cendrars. C'est le savoir, ce qu'on appelait autrefois la culture, du temps où tout n'était pas prétendument, culture, mais aussi la générosité, ce qui ne va pas toujours ensemble. La délicatesse et la puissance. C'est un écrivain pas assignable, qui échappe aux contrôles. Un intellectuel et un explorateur, un homme des livres qui a goûté aussi à "la mélancolie des paquebots" et ce qui s'ensuit, je ne sais plus comment Flaubert dit ça mais vous connaissez (...)

Et voici les premiers mots du premier poème intitulé Beyrouth

J'ai allumé mon carnet mécanique
C'est le matin de Pâques
J'ai un livre à dix sous
Qui me raconte des histoires de fantômes
De marins et d'Asie Centrale
Mon ombre
Une légère toux
Et un peu d'argent emprunté

(...)

mot-clef : #poésie
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Message par topocl Jeu 22 Déc - 11:20

je l'ai vu en librairie l'autre jour et je l'ai réposé, pas très courageuse: trop peur de me confronter à la poésie...

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Message par shanidar Jeu 22 Déc - 11:30

je pense qu'on peut faire l'impasse... mais si tu veux je te l'envoie !
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Message par topocl Jeu 22 Déc - 11:35

Je vais faire l'impasse, merci !
(et je vais poster chez Olivier Rolin ce que Enard écrit de lui)

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Message par shanidar Jeu 22 Déc - 12:00

Du coup, j'ai ressorti L'alcool et la nostalgie, dont je garde un souvenir ébloui et comme halluciné (opiumisé ?)
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Message par tom léo Ven 23 Déc - 11:17

Mathias Enard 31m8iq10

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants


CONTENU:
En printemps 1506 Michelangelo fuit Rome, où le Pape Jules II attend ses services pour la construction de son monument funéraire, mais ne veut pas trop payer. A Florence il reçoit une invitation du sultan Bayezid II de Constantinople d’y construire le pont si désiré à la Corne d’Or, projet qui avait été retiré de Léonardo da Vinci, de vingt ans l’ainé. Ainsi Michelangelo arrive le 13 Mai 1506 à Constantinople et travaille pendant quelques semaines en hâte à un dessein, un projet. Il va être jeté dans et confronté avec la vie orientale et débordante, tout en couleur et exotisme.

REMARQUES:
Voilà qu’on y trouve réuni les ingrédients d’une belle petite histoire, oui, même d’une sorte de « conte » (le titre français faisant allusion à une citation de Kipling qui peut se référer à deux, trois façons de « conter » dans le livre) : un génie en contact avec un autre monde, voir un avant-goût de l’Orient dans tous ces couleurs et plénitude, musique, et finesse. Et qu’on y ajoute une prise d’amour, d’érotisme et ça marche !

Enard part d’un épisode moins connu de la vie de Michelangelo qu’on connaît partiellement par ses lettres à lui, quelques documents et desseins, ainsi que des conclusions de ses œuvres ultérieurs et par des poèmes du poète qui le traduit et l’accompagnait apparemment pendant son bref séjour dans l’Istanbul d’aujourd’hui. L’auteur remplit les vides par son imagination. Et chacun qui s’intéresse à la vie de Michelangelo ou par exemple Constantinople va se sentir bien diverti.

Les passages de travail sur le projet sont entrecoupés de temps en temps par des passages poétiques partant de l’optique d’une danseuse et chanteuse qui commente les nuits passées auprès du Florentin.

Il profite pour donner quelques coups, quelques leçons à un monde occidentale, ressenti comme intolérant (l’expulsion des maures et des juifs de l’Espagne avait juste eu lieu) et même sale, sans raffinement par comparaison à ce monde apparemment plus tolérant, plus colorié, plus soigné. En outre le grand et indiscutable génie du maître italien est quand même aussi présenté dans des tourments, des regrets, des craintes (réligieuses), voir de la pruderie, du rejet de ‘amour. Lui, si fin, est ainsi d’une grande rudesse, d’un manque de finesse.
On peut, si on est un peu attentif et sceptique à ces jugements, regretter cela.

Mais on ne va pas se faire regretter cette lecture agréable et vite faite !

Le livre a en outre reçu le PRIX GONCOURT DES LYCEENS 2010.


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Message par topocl Ven 23 Déc - 11:23

Il ne m'avait pas époustoufflée, celui-là:

Parlez-leur de batailles, de rois et d’éléphants

Mathias Enard 31m8iq10

Je ne sais pas trop quoi dire sur cette lecture. Un sujet géant : un artiste qui a traversé les siècles, Michel-ange, dans une fascination-répulsion pour une ville mythique, Istanbul. Un homme d’une grande sensualité, tourmenté, se perdant dans les méandres de son génie.

Reste un roman d’une beauté un peu formelle, qui m’est presque indifférente alors qu’il se voudrait sauvage et éblouissant, un texte vraiment court, qui ne fait qu’effleurer son sujet au détriment de l’intensité émotionnelle. Un peu dommage, je sens que n’est pas loin le roman qui m’aurait passionnée.

(commenatire récupéré)

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Message par Chamaco Ven 23 Déc - 12:43

Boussole est toujours sur mon étagère... Mathias Enard 3734321889
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Message par topocl Ven 23 Déc - 16:40

Tout sera oublié illustré par Pierre Marquès

Mathias Enard Aaa7410

Je pense qu’on appelle cela un roman graphique.
Un artiste français est pressenti pour concevoir à Sarajevo un monument commémoratif de la guerre des Balkans. La tâche lui est insurmontable. Un monument aux morts, aux survivants, aux enfants qui ont grandi dans cette guerre, aux balles perdues, aux hommes blessés à vie? Qu’est ce que la mémoire et qu’est ce que l’oubli ? Construire, reconstruire, honorer, se souvenir ? Quelle réponse à toutes ces souffrances ? Quelle singularité pour cette guerre ? Quel regard pour les hommes ? En quoi l’art peut-il se mesurer à la souffrance et à la guerre ? Ou se situe l’indécence ?

Un texte d’une sobriété parfaite, à la fois d’une intelligence subtile et porteur d’une émotion contenue, accompagne l’artiste dans ses réflexions et ses errances.
Quant aux images. dans une réserve de couleurs atténuées, elle font ressentir comme un choc la grande tristesse du sujet, la mélancolie désabusée et les interrogations du narrateur. Mi-peintures, mi-photos, elle constituent une galerie magique et puissante. Je vous remets le lien ici de kenavo, car ce serait dommage que vous l’ayez loupé.

Un livre magique, superbe, d’une tristesse désespérée dans son humanité profonde, à lire, regarder et visiter une fois encore.

Mathias Enard Contra10   Mathias Enard Pag8-t10   Mathias Enard Pag11-10   Mathias Enard Pag18-10


mots-clés : #bd

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Message par ArenSor Lun 20 Mar - 15:59

Mathias Enard 31m8iq10

Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants.

Quel beau titre, déjà . C’est le premier livre d’Enard que je lis.
Tout de suite, j’ai été séduit par la qualité de la langue, extrêmement pure, débarrassée de toute scorie. Elle se balade aux limites de la poésie dans une suggestion parfaite pour moi, ne parlant ni trop ni trop peu. Effectivement, comme le dit Tom Léo, c’est une sorte de « conte ». Maintenant je m’interroge sur la remarque de topocl : fallait-il en rester à ce format court ou le développer en un opus plus étoffé. J’avoue ne pas avoir d’opinion bien définie là-dessus, si ce n’est que j’aurais bien aimé continuer à me promener dans la Constantinople du 16e siècle.
J’ai pris un très grand plaisir avec ce livre qui m’a donné envie de continuer avec cet écrivain. Smile
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Message par topocl Lun 20 Mar - 17:19

ArenSor a écrit:
J’ai pris un très grand plaisir avec ce livre qui m’a donné envie de continuer avec cet écrivain. Smile
C'est l'essentiel Very Happy !

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