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Russell Banks

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Message par topocl Lun 5 Déc - 9:46

Russel Banks
1940/2023

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Né le 28.03.1940, dans le Massachusetts. Il passe son enfance dans le New Hampshire. Vit quelques temps en Jamaïque. Et habite désormais dans le New Jersey.

Il est très actif politiquement, notamment il fonde le Cities of refuge North America, qui a pour mission d'établir aux Etats-Unis des lieux d'asile pour les écrivains menacés ou exilés, et adhère au comité de parrainage du Tribunal Russel sur la Palestine.
©Wiki et Evene

Bibliographie en français

Romans
1975 : Vie de famille
1978 : Hamilton Stark
1980 : Le livre de la Jamaïque
1983 : La Relation de mon emprisonnement : Page 1
1985 : Continents à la dérive : Page 2
1989 : Affliction
1991 : De beaux lendemains
1995 : Sous le règne de Bone  
1998 : Pourfendeur de nuages
2005 : American darling 
2008 : La Réserve
2012 : Lointain souvenir de la peau : Page 1
2022 :  Oh, Canada, Actes Sud Page2

Recueils de nouvelles
1975 : Survivants
1975 : Le Nouveau Monde
1981 : Trailerpark : Page 1, 2
1986 : Histoire de réussir : Page 3
2000 : L'Ange sur le toit : Page 2
2015 : Un membre permanent de la famille : Page 1

Autres
2017 : Voyager : récits de voyage : Page 1

màj le 20/07/2023

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Message par topocl Lun 5 Déc - 9:49

Lointain souvenir de la peau

captivite - Russell Banks Banksp10

Le Kid, 22ans , un homme (ou un gamin?) qui n’ a plus de nom, et plus d’existence aux yeux de la société, mais marqué à vie et fiché sur internet. Condamné pour déliquescence sexuelle, il a purgé une peine de prison, et est assujetti pour 10 ans au port d ‘un bracelet électronique, à l’interdiction d’habituer dans un lieu où il pourrait côtoyer des enfants et figure  sur un site répertoriant les délinquants sexuels des Etats Unis, accessible à tous. Rejeté et quantité négligeable dans le monde réel, suivi et surveillé dans le monde virtuel... Dans cette presqu’île de Calusa noyée sous le béton, le seul lieu habitable est un espace vague sous une bretelle d’autoroute , en compagnie d’autres délinquants sexuels. Ayant grandi dans un désert affectif puis une misère sexuelle complets, n’ayant jamais eu pour  ami qu’un iguane apprivoisé, il a intégré cette image de lui que la société veut donner, et fini par accepter comme juste et logique cette exclusion absurde.

Sa vie va cependant être bouleversée, durant les quelques jours que dure le roman, par une descente de police, une tempête qui ravage la ville et son lieu de vie, mais surtout parce que quelques individus, par intérêt et/ou ( ?) compassion vont le regarder autrement que s’il était une chose (repoussante qui plus est), le regarder, l’écouter, lui parler : un Professeur de sociologie géant et obèse qui élude en gloussant les questions d’ordre privé, un couple dont le femme n’est autre que Dolorès, l’attachante conductrice du bus de De beaux lendemains, qui a refait sa vie et garde sa vision du monde lumineuse et chaleureuse, et l’Ecrivain, un type qui ressemble à Hemingway (et peut-être bien aussi à Russell Banks ?). Avec eux , le Kid va se découvrir une identité, s’expliquer à lui-même, mieux comprendre le monde ; il va découvrir , et nous avec, le sens profond de la vérité , du mensonge et du secret, un autre rapport au bien et au mal que par la culpabilité ou la honte

Voilà un livre d’une grande intelligence, peut-être parfois un peu trop grande et qui peut par moment glacer. La première partie est distante et froide, lisse d’une certaine façon, comme le Kid qui n’a jamais appris à vivre et à aimer. Puis l’intrigue se noue, les affects se déchaînent, et Russell Banks  nous propose une démonstration magistrale où rien n’est jamais acquis, tout est perpétuellement remis en question, au contraire du monde simple mais inhospitalier du début. L’émotion monte au fur et à mesure que les personnages gagnent en complexité , au delà de leur aspect premier et des étiquettes qu’on leur   attribue . Il y a quelques moments un peu glauques, mais parfaitement justifiés par le sujet.

Un roman qui gagne en ampleur au fil des pages, des personnages uniques, un style narratif ciselé, des descriptions de paysages , de sites urbains, de phénomènes naturels… Russell Banks revient à son meilleur avec un roman d’aventure personnelle plein de messages et de profondeur.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #discrimination #identitesexuelle #social


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Message par Bédoulène Lun 5 Déc - 9:59

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Lointain souvenir  de la peau

Sous le viaduc de Claybourne – dans la ville de Calusa en Floride – vivent relégués loin de la société , les délinquants sexuels, bracelets aux chevilles, sous la menace éventuelle d’un retour en prison à la moindre incartade.

Kid un jeune homme de 21 ans est de ceux-là ; il vit isolé parmi tous ces réprouvés avec pour ami un iguane nommé Iggy. Ce « camp » dérange les « honnêtes » gens de la ville, bien qu’il soit situé en dehors, et les élections qui s’annoncent  forcent la répression policière.

La plupart de ces délinquants sexuels trouvaient leurs « proies » sur Internet, là où figurent d’ailleurs leurs coordonnées , lieu de vie, degré de leur condamnation et leur photo, ce qui fait dire au Kid qu’un jour quand il aura rejoint la société des Hommes  et  sera libre de ses pas, qu’enfin il sera en 3 D. Comme tous les citoyens. Il sera visible aux yeux de tous et surtout de lui-même.

Un professeur d’université qui souhaite étudier ces délinquants convaint Kid de se prêter à des interviews et d’ accepter son aide. Il veut prouver que les délinquants sexuels sont les victimes de leur situation sociale, le Kid devrait être guéri de son addiction à la pornographie grâce à une position sociale où il serait dominant .

Le Professeur a un passé trouble qu’il confiera à Kid auquel il demandera un service : donner en mains propres à sa femme une video dans le cas, qu’il prévoit, où il disparaitrait.

Ce  récit est  clairvoyant, l’auteur sait montrer sans charge la vie « en suspens » de ces délinquants sexuels qui sont évidemment contraints par la société à vivre en marge des villes.
C’est vrai que Kid dans l’échelle de cette délinquance particulière  ne fait pas partie des  cas les plus graves, les plus répugnants  ( d’ailleurs son enfance auprès d’une mère nymphomane a certainement contribué à son addiction). Il s’en rend d’ailleurs compte et s’isole des autres.  Si l’attention que lui porte le Professeur  a contribué à façonner son univers et pour un temps celui du « camp » c’est quand Kid prendra conscience, notamment grâce aux paroles de l’écrivain rencontré brièvement, que ses à priori, son jugement sur les autres  ne s’appuient pas sur des réalités mais sur ce qu’il veut croire vrai, qu’il pourra se dessiner un avenir pour  rejoindre les gens « normaux » à la fin de sa peine.

Le Professeur est  addict lui à la nourriture et par sa stature, son intelligence on peut le considérer aussi en dehors de la normalité.

Extraits :

« ….personne ne le croira innocent de quoi que ce soit. Ne serait-ce que d’être en vie. De ça aussi il est coupable. D’être en vie. »

Propos des délinquants le Professeur dit :
« il y a quelque chose dans notre civilisation en général qui s’est modifié au cours des dernières années, et ces hommes là sont comme le canari dans le puits de la mine, ce sont les premiers d’entre nous à réagir à la modification, comme si leur système immunitaire social et éthique, ainsi que ce qui régule leur comportement, avait été endommagé ou rendu vulnérable d’une façon ou d’une autre. »
« pour lui, les forces sociales sont les premiers déterminants du comportement humain. »

« chacun de ses passés a été conçu à son heure strictement pour nier l’existence des autres, de même que sa vie présente nie l’existence de toutes ses vies antérieures, ce qui lui donne la liberté  de les inventer à son gré. »

« Il déroule un câble électrique fin et noir, en introduit une extrémité dans la prise du bracelet et l’autre dans une prise vissée au mince cadre en bois de la table. Le bracelet en métal comprime la peau nue de sa jambe, et le Kid sent le courant s’écouler, non pas de la batterie vers l’intérieur de son corps, mais de son corps vers la batterie, comme si au lieu de le remplir de courant électrique, c’était lui qu’on drainait. »
« Il se peut qu’Internet soit le Serpent et que la pornographie soit le fruit défendu, parce que la première chose à propos de laquelle le Kid se rappelle avoir menti, c’est sur le fait de regarder des trucs porno sur Internet. »

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Message par topocl Ven 16 Déc - 9:35

Un membre permanent de la famille

captivite - Russell Banks Images20
 
 Elle a compris. « On se sent un peu seul, a-t-elle dit.
   -Ouais, bon. On peut se sentir seul n'importe où, je suppose. Même dans une foule comme ici.
   -Peut-être surtout dans une foule. Les foules peuvent te pincer le cœur quand tu es seule au monde. Comme moi. »
   (…)
   « Allez, tu n'es pas vraiment seule au monde. Une belle femme indépendante financièrement, dans une ville aussi exotique que Miami, et cetera.
   - Pas mariée, pas d'enfants, pas de famille proche dans le coin, et cetera. Pas de vrai petit ami. Rien qu'un  chat du nom de Spooky pour m'accueillir quand je rentre du travail. Ça veut dire être seule au monde, Stanley.
   -Et ça ne te pèse pas, la solitude ? »
   Elle a haussé les épaules : « Pas plus que toi, je pense, avec ta femme,  tes gosses et ton monospace.
   -Peut-être bien »


Russell Banks nous propose douze nouvelles qui parlent de la classe moyenne américaine, arrivant à l'âge de la retraite, l'âge des bilans, des regrets, l'âge où de derniers projets peuvent encore changer quelquechose, espère t'on.

Je me suis identifiée à ce barman de la dernière nouvelle, celui qui dit :


 
 Je suis barman, je prends les gens comme ils viennent. Je ne crois rien de ce qu'ils racontent, et je les oublie quand ils s'en vont.


Oui, pour moi, décidément, un recueil de nouvelles c'est un peu comme les gens qui passent pour ce barman. Un moment d'attention portée, mais qui ne peut s'ancrer en moi. Et j'ai du mal, en littérature, à me contenter de ce plaisir de l'instant, chassé par un autre. Ce livre me laissera donc sans doute peu de traces même si j'ai souri à certains traits d'humour,  admiré sa façon d'être au cœur des gens, de ce qu'ils ont raté et qui fait qu'ils sont eux-même, si j'ai vu quelques belles étincelles avec des  gestes simples et des non-dits.
Par contre, pour les amateurs de nouvelles, c'est puissamment troussé.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #nouvelle

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Message par Bédoulène Ven 6 Jan - 23:03

captivite - Russell Banks 97827415

"Trailerpark"

une très bonne lecture où se retrouve effectivement la vision pessimiste et les sentiments dont parle l'auteur lors d'une interwiew  (Télérama)


[…] j’ai une vision très pessimiste de la capacité des hommes à contrôler leur existence, à dépasser les entraves que la vie oppose à leurs désirs et à leurs actions, accablés qu’ils sont par les conditions économiques dans lesquelles ils vivent et par la marche de l’histoire. Sans doute ce pessimisme traverse-t-il toute mon œuvre romanesque. Mais elle est aussi habitée par la colère – la colère de voir l’inhumanité avec laquelle les hommes agissent les uns envers les autres.


[…] je crois de moins en moins à la capacité de l’homme à vaincre ces forces insurmontables qui l’oppressent. Chacun de nous prend la mesure du monde en fonction de ses origines, de sa propre expérience. C’est peut-être, d’ailleurs, la seule façon de dépasser ses propres limites.

Ce livre de 13 nouvelles forme dans sa construction un véritable roman. En effet dans la première nouvelle le lecteur découvre l'ensemble des habitants des caravanes de ce park à travers plus précisémment la locataire du n° 11 surnommée par cette communauté "'la Dame aux cochons d'inde"
Le parcours de vie des habitants du park se dévoile dans les autres nouvelles. Le lecteur rencontre chaque locataire et a connaissance alors des évènements qui les ont conduit à vivre dans les caravanes de ce park situé en dehors de la ville de Catamount.


mots-clés : #nouvelle


Dernière édition par Bédoulène le Jeu 18 Mai - 14:56, édité 1 fois

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Message par Tristram Ven 6 Jan - 23:52

Pas (encore) lu les livres ci-dessus, mais Le Livre de la Jamaïque, Affliction, De beaux lendemains, Sous le règne de Bone, American darling et La Réserve.
Tous de bons livres, à tendance pessimiste, critiques d'une certaine société américaine (donc une anticipation à court terme de la nôtre dans la mesure où elle est généreusement exportée et imposée). Des personnages très attachants, et complexes :

Voici une citation de Bone, le petit jeune égaré dans les rues et le monde (le titre me paraît particulièrement mal traduit) :
« Et je me disais qu’étant donné mon passé, le fait que je sois blanc, américain et tout ça, j’avais particulièrement besoin d’un peu de sagesse si je voulais en grandissant vivre un peu mieux ma vie que la plupart des adultes que j’avais connus jusqu’alors. »
Russell Banks, « Sous le règne de Bone », 18, « Bone l’indigène »

Et deux autres, d'une ex-révolutionnaire déchirée entre son passé et ses convictions d'une part, et la réalité du Liberia de l'autre (pour info, c'est un pays créé par les Etats-Unis pour y installer des esclaves noirs libérés _ d'où le nom ; sans risque d'exagérer, on peut dire que c'est aussi un pays où il n'a jamais vraiment fait bon vivre, y compris pour les indigènes et les singes) :
« En vain. Tout cela en vain. Les choses se sont toujours passées de la même façon, et pourtant nous continuons. Depuis des dizaines de millénaires, bien avant les temps bibliques, depuis que notre espèce a appris à fabriquer des armes et à apprivoiser le feu, les femmes ont fui les carnages et sont revenues plus tard contempler les décombres de leurs maisons pillées ; et là, abasourdies par la violence de la destruction et par sa force, elles ont essayé de comprendre pourquoi, s’il n’y a rien d’autre à voir en ces lieux, nous, les femmes, y retournons quand même ; et en premier lieu pourquoi nous avons fui, puisque nous ne pouvons faire autrement que de revenir et que rien ne nous attend là qu’un chagrin éternel et l’évidence de ce que nous avons perdu. »
Russell Banks, « American Darling », I

« Mais si l’on compare les relations entre hommes et femmes aux relations entre Blancs et Noirs, ou entre handicapés et non-handicapés, ou entre primates humains et primates non humains, on peut établir d’utiles parallèles. Nous, qui avons davantage de pouvoirs dans le monde que d’autres et sommes bien intentionnés, nous tentons d’entrer en empathie avec ceux qui ont moins de pouvoir. Nous essayons de vivre le racisme comme si moi, qui suis blanche, je pouvais être noire ; de percevoir le monde comme si moi, dont la vue fonctionne, j’étais aveugle ; de raisonner et de communiquer comme si moi, qui suit un être humain, je ne l’étais pas. »
Russell Banks, « American Darling », IV

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Message par simla Mer 15 Mar - 4:50

captivite - Russell Banks Banksp10

Lointain souvenir de la peau

Je ne détaillerai pas le sujet du livre ça a été très bien fait ci-dessus.

Un très bon roman sur l'exclusion notamment....tous ces parias mis au ban de la société, qui essaient de survivre comme ils le peuvent.

Il semble que la société américaine soit très dure envers, notamment, les pervers sexuels...contraints à vivre quasiment en reclus, traqués, leur profil mis en ligne..pas beaucoup de chance de s'en sortir.

Néanmoins, je note que Russel Banks a pris soin de choisir comme principal personnage de son roman (excellent) le Kid, un jeune homme évidemment élevé par une mère quelque peu irresponsable....et ayant comme principale occupation le visionnage de films pornos en dehors des soins prodigués à son iguane Iggy, son seul véritable ami, un personnage très attachant, mais n'ayant pas commis d'actes criminels vraiment ignobles comme les hommes qui l'entourent sous le viaduc, le seul emplacement qu'ils peuvent occuper, loin de toute structure pouvant abriter des enfants....à savoir, des pédophiles en puissance...

Un roman qui dénonce cette société punitive, mais que je qualifierais plutôt de protectrice envers les plus faibles...je n'aime pas que l'on s'apitoie davantage sur les coupables que sur les victimes, un des gros travers de notre société actuelle.

Néanmoins, j'ai beaucoup aimé ce roman, très bien documenté, très bien écrit, mais après tout...c'est du Russel Banks  Wink
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Message par églantine Sam 12 Aoû - 17:19

Un membre permanent de la famille

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Douze nouvelles aussi décapantes les unes que les autres , qui enchanteront les amateurs du genre !
Rares sont les recueils de nouvelles où l'on peut s'accorder le droit de penser qu'elles sont toutes de même qualité :J'étais sceptique donc en me lançant dans cet ouvrage , Russels Banks n'a pas une réputation assise de nouvelliste , il est davantage connu pour ses romans .
Agréable surprise donc !
Si l'écriture de Russells Banks ne brille pas d'un éclat ostentatoire ,cet effacement conduit à mieux toucher le lecteur qui s'immerge immédiatement dans ses tranches de vie douloureuses de ces héros du banal dont nous faisons partie ......
Chaque nouvelle apporte un éclairage particulier , soulignant les faiblesses et blessures de ces personnages parvenus à l'automne de leur vie .
Des fragments de vie de monsieur tout le monde , choisis pour appuyer sur les failles de l'homme , sa noirceur , sa fragilité , souvent sur le fil du rasoir ...........
Comment l'être humain est acculé à des retranchements irréversibles ,
comment le regard d'autrui peut définitivement vous isoler ,
combien l'être humain est prisonnier du "politiquement correct " ,
combien l'effet miroir peut devenir douloureux lorsque le temps n'est plus là pour laisser encore un peu de chance de reprendre sa vie en main et échapper à la médiocrité ,
combien il est difficile d'assumer la puissance de la gloire et la notoriété acquise avec l'ostracisme en prime qui vous isolera sous les feux des projecteurs ....
comment nous passons à côté de nous mêmes sans en avoir conscience alors que le temps se chargera de vous rappeler cette opportunité jamais saisie et qu'il est définitivement trop tard ,
comment la cohésion d'un groupe et son bon fonctionnement peut être anéanti en un quart de seconde par un souffle de vent qui aura l'effet d'un tsunami ,
et combien l'être humain est désespérément seul, victime de lui -même , victime d'un système , tout autant que bourreau de lui-même et des autres ...
Russels Banks enlève le masque de ces personnages , et nous voilà dérangés par un effet miroir violent de nos propres démons , nos propres manques , la boue que l'on tente de cacher pour "faire propre sur soi " .
Point de psychologie là-dedans ,juste la nécessité de montrer sans jugement , mais avec beaucoup d'empathie , ce que nous sommes, au delà du masque social : Russels Banks de par sa position de retrait bienveillante semble vouloir bercer ses personnages comme "dieu le père là haut au plus haut des cieux ".........
Finalement on en ressort lavés , comme sous l'effet d'une absolution .
J'ai adoré !

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Message par Tristram Mar 12 Sep - 0:21

La relation de mon emprisonnement

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Actes Sud a écrit:Dans sa Relation de mon emprisonnement, Russell Banks utilise la forme, hautement codée, du récit de captivité imaginaire tel qu’en rédigeaient les docteurs puritains du XVIIe siècle afin d’édifier leurs frères en la foi par leur lecture au cours de l’office. Il poursuit ainsi de l’intérieur, et en remontant à une figure archétypale, l’investigation du héros tel qu’il l’entend : obstiné, indifférent aux injonctions du monde, mi-saint, mi-fou. Il en démonte cette fois les rouages en présentant de l’intérieur sa perpétuelle reconstruction de soi, et le récit relate les épreuves que subit le narrateur, les tentations qu’il repousse, les errements auxquels il se laisse aller, les mortifications qu’il s’impose et, surtout, le complexe écheveau de ses débats de conscience. Un récit singulier qui donne de l’Amérique profonde une image inhabituelle.

10-18 a écrit:" Récit de captivité imaginaire, voici un livre hors du commun, un texte singulier où l'on découvre une image tout à fait inhabituelle de l'Amérique profonde. Nous sommes au XVIIe siècle, le narrateur est charpentier, il appartient à une communauté puritaine. Or, sans que l'on sache pourquoi, son activité principale, la construction de cercueils, est soudain déclarée illégale, " hérétique " et poursuivie avec rigueur. Notre héros, dont nous ne saurons jamais le nom, conte avec minutie les péripéties de son emprisonnement, de son procès, de sa condamnation. Obstiné, indifférent aux injonctions du monde, il poursuit son idée : " Faire charité aux morts ", c'est-à-dire parvenir à les doter d'un cercueil. Son ardeur est telle qu'il parvient à convaincre même son geôlier et surtout, au prix de mille ruses, à obtenir pour lui-même un cercueil. A quel prix... Il faut lire ce texte étrange, faux récit d'édification, souvent touchant malgré l'aspect un peu ridicule de cet entêtement frisant la folie, ou la sainteté. Et admirer l'auteur, Russell Banks, un Américain bien de notre siècle, d'avoir su retrouver la forme et le ton utilisés jadis par les docteurs puritains. " S. W., Libertés !

Étrange exercice de style puritain du XVIIe états-unien que cette novella, une uchronie en forme d’allégorie (on peut par exemple remplacer le culte des morts par celui des ancêtres, des Anciens). La méditation dans un cercueil est attestée en mystique, notamment extrême-orientale (il s’agit d’une sorte de memento mori qui permet de s’abstraire du siècle). Notre hérétique passe par tous les maillons de la chaîne de l’illusion (sexe, gourmandise, argent, etc.) en homme du temps qui échappe finalement à la nostalgie de la vie.
N’ayant fait l’objet d’aucune décision de justice, et donc non formellement condamné, il ne peut bénéficier des périodiques amnisties en sa prison...

« Je tombai à genoux, comme je le fais maintenant, et remerciai les morts imperturbables, objectifs, éternellement détachés de m’apporter la liberté de penser clairement et, par là, de me libérer de l’esclavage de la finitude, de la chaîne de la vie, des chaînes du désir né du souvenir. »

Décidé à ne pas plus résister à la vie qu’à abjurer sa foi, même malade, il survit en guise de pénitence, et témoigne en écrivant sa relation aux vivants _ dans son cercueil enfin recouvré.

mots-clés : #captivite #religion

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Message par Bédoulène Mar 12 Sep - 6:52

merci Tristram à tenter parce qu'une écriture inhabituelle de l'auteur ?

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Message par Tristram Mar 12 Sep - 12:11

Tout à fait Bédoulène, cet ouvrage se démarque nettement des autres que je connais. Franchement, je ne le recommanderais pas comme entrée chez Banks...

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Message par Invité Mar 12 Sep - 15:06

Et vous recommandez quoi comme entrée ? (j'ai dans ma PAL : American darling, et Lointain souvenir de la peau)

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Message par bix_229 Mar 12 Sep - 16:14

Je n' ai pas aimé ses premiers livres.
Mais à partir de Continents à la dérive et d' Affliction, c' est nettement mieux.
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Message par Tristram Mar 12 Sep - 20:34

Je confirme pour Affliction :

« La réponse, évidemment, est que s’il s’agit de "savoir" dans le sens conventionnel du mot, il y a un bon nombre de ces choses que je ne sais pas. Pourtant je ne les invente pas. Je les imagine. La mémoire, l’intuition, l’interrogation et la réflexion m’ont donné une vision, et c’est cette vision que je  rapporte ici.
[…] Les souvenirs que j’en garde, très nets, détaillés et obsédants − comme il est normal s’agissant de quelqu’un qui s’est aussi difficilement extirpé du passé comme moi −, sont dignes de foi et riches de nombreuses associations. Chaque détail retrouvé en appelle un autre à la manière d’un cristal qui élabore sa structure. »
Russell Banks, « Affliction », IV

J'ai apprécié aussi Sous le règne de Bone et American Darling.

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par topocl Mer 13 Sep - 7:35

Tristram a écrit:J'ai apprécié aussi Sous le règne de Bone et American Darling.
Pareil.

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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
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Message par Nadine Sam 21 Oct - 10:52

captivite - Russell Banks 51dvhc10

Voyager

Premier écrit lu de Banks, pour moi.
C'est une suite de récits dont le premier, nommé "voyager" est le plus construit et scénarisé. Les suivants sont des récits de voyage ou d'alpinisme. Pour ceux qui s'intéressent à ces domaines, allez-y, car cette lecture est tres agréable, l'auteur maitrise bien la distanciation nécessaire à ce genre, il sait entre intime et général porter par son style et sa personnalité une transmission qualitative de l'expérience.
Le premier récit est très intéressant car il y introduit avec beaucoup d'adresse une trame introspective , il résoud ce fameux bémol de la subjectivité dans le récit, l'inclue, la pare et la tient à distance tout à la fois.
C'est un beau portrait de l'artiste lui même.
Mais exécuté, sinon avec humilité dumoins avec une indulgence assez spirituelle et riante.

J'ai le sentiment d'avoir rencontré sa personnalité, elle est assez attachante, en tous cas solidement plantée, j'en ferais pas mon mentor, mais sa maîtrise dans l'écriture m'intéresse. Je le relirai.C'était bien.
Je pense que les lecteurs qui l'ont commenté ci dessus aimeront aussi.
Mots clefs, quant au contenu "voyage" : Caraïbes, Himalaya, Andes.

ps : Une réflexion intéressante sur le couple lui sert aussi de fil rouge, ici et là. De ce point de vue il a fait un très beau texte , avec le 1er, "Voyager". Beau menteur sincère.

mots-clés : #alpinisme #autobiographie #voyage
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Message par Bédoulène Sam 21 Oct - 11:13

merci Nadine, ayant apprécier l'auteur, je vais noter car le sujet m'intéresse et oui j'ai le livre dans ma PAL !

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Message par Nadine Sam 21 Oct - 11:54

C'est très agréable tu verras, aucun risque si tu aimes bien déjà, je pense. C'est un genre agreable en plus le recit de voyage, et son premier , "voyager", tu verras, est bien chouette, assez sentimental et sympa.
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Message par Tristram Lun 20 Nov - 0:10

Lointain souvenir de la peau

captivite - Russell Banks Lointa10

Quelques commentaires en sus de ce qui a déjà été exposé plus haut.
D’emblée ce roman m’a ramentu America, de T. C. Boyle, par la même proximité empathique avec un paria de la société, une porte entrouverte sur l’univers parallèle au nôtre des exclus du système.
Le sujet est osé. De nos jours, on ne rencontre guère un tel autre consensus que celui qui rejette les délinquants sexuels, particulièrement ceux qui ont violenté de jeunes personnes, ne serait-ce que parce que leurs pulsions nous sont étrangères, parce que nous ou nos enfants peuvent devenir leur proie. Ne fut-ce que rationnellement, on admet les autres déviants de la norme, mais ceux-là nous paraissent objectivement indéfendables ‒ la question ne se pose même pas, ce sont les ultimes parias, des malades incurables, dangereux et particulièrement révoltants.
Kid et le Professeur, les deux principaux personnages, sont les portraits-type de deux possibles conséquences fort différentes de l’isolement exclusif dans l’enfance. Le premier est un délinquant sexuel avec bracelet électronique, donc incurable, et condamné à ne pas s’approcher d’enfants, et de facto sdf banni de la ville, qu’il n’a pas le droit de quitter… Porno-addict, il s’est fait piéger avant de passer à l’acte (il est d’ailleurs toujours puceau ‒ et peut-être pas très représentatif de cette population).
« C’étaient les parias absolus, les intouchables américains, une caste d’hommes classés bien au-dessous des simples alcooliques, des toxicomanes ou des malades mentaux sans abri. Des hommes inaccessibles à la rédemption, aux soins ou aux traitements, méprisables mais impossibles à éloigner, et donc des hommes dont la majorité des gens souhaitaient simplement qu’ils cessent d’exister. »

Les théories du Professeur sont intéressantes :
« Ces hommes-là sont des êtres humains, pas des chimpanzés ni des gorilles. Ils appartiennent à la même espèce que nous. Et nous ne sommes pas câblés pour commettre de tels actes. Si, comme cela semble être le cas, la proportion de la population masculine responsable de tels actes a augmenté de manière exponentielle au cours des dernières années, et si ce n’est pas simplement parce qu’on a criminalisé certains comportements et que, par conséquent, on médiatise ces crimes davantage, il s'ensuit qu'il y a quelque chose dans notre civilisation en général qui s'est modifié au cours des dernières années, et ces hommes-là sont comme le canari dans le puits de la mine, ce sont les premiers d'entre nous à réagir à la modification, comme si leur système immunitaire social et éthique, ainsi que ce qui régule leur comportement, aurait été endommagé ou rendu vulnérable d'une façon ou d'une autre. Et si nous n'identifions pas les changements qui, dans notre civilisation, attaquent nos systèmes immunitaires sociaux et éthiques ‒ systèmes auxquels nous nous référons d’habitude en parlant de tabous ‒ il ne faudra pas longtemps avant que nous succombions tous. Nous deviendrons tous des délinquants sexuels, Gloria. Il est possible que, dans un certain sens, nous le soyons déjà. »

« Pour savoir quels crimes fleurissaient à une période donnée, les chercheurs en sciences sociales examinent le code légal de la période en question. […] Les lois spécifiques contre la piraterie, l’esclavage, l’infanticide, la sédition, la pollution des sols ou de l’air ou contre les fumeurs nous disent quelles activités antisociales sont le plus susceptibles d’attirer, à une période donnée, tel ou tel individu, homme ou femme, irresponsable, avide, apeuré, mentalement déséquilibré ou simplement faible. Avant l’époque moderne, post-industrielle, il existait très peu de lois contre la pédophilie, raisonne le Professeur, et cela parce qu’on n’en voyait pas la nécessité. »

« Les théories du Professeur sur la pédophilie sont en train d'évoluer rapidement. Quand une société réifie ses enfants en les transformant en groupe de consommateurs, quand elle les déshumanise en les convertissant en un secteur économique crucial fermé sur lui-même, quand elle érotise ensuite ses produits pour les vendre, les enfants en viennent peu à peu à être perçus comme des objets sexuels par le reste de la communauté mais aussi par eux-mêmes. Et sur l'échelle du pouvoir, quand le pouvoir en vient à être interprété en termes de sexualité et non plus d'économie, les enfants se trouvent relégués à l'échelon le plus bas. »
J’éprouve beaucoup de plaisir à lire cette prose mesurée (loin des percutantes jaculations trash coutumières à beaucoup d’écrivains états-uniens contemporains), qui nous rend progressivement les personnages si proches, des caractères très fouillés, même si la volonté politico-prosélyte de l’auteur est évidente. À ce propos, quand même un peu agacé par des reprises "didactiques" et, vers la fin, de légères incohérences, trop de coïncidences et invraisemblances. Mais demeure un portrait pertinent et dérangeant de la société occidentale, et des questions qu'elle pose.

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Message par Bédoulène Lun 20 Nov - 7:36

merci Tristram, j'avais relevé aussi le passage sur le canari. Donc au final une lecture intéressante.

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