Geneviève Brisac
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Geneviève Brisac
Geneviève Brisac
Née en 1951
Née en 1951
Geneviève Alice Angeline Brisac née à Paris le 18 décembre 1951, est écrivaine et éditrice.
Son adolescence est marquée par une longue période d'anorexie qu'elle décrit dans un livre autobiographique intitulé Petite, sorti en 1994 .
Ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure de Fontenay et agrégée de lettres, elle est enseignante pendant six ans en Seine-Saint-Denis.
Elle devient éditrice chez Gallimard, où elle publie son premier roman, Les Filles, qui obtient le prix Roland-de-Jouvenel de l'Académie française en 1987. Elle crée en 1987 la collection littéraire « Page blanche » destinée aux adolescents et la dirige jusqu'en 1989.
Elle dirige les collections Mouche, Neuf et Médium à L'École des loisirs depuis 1989.
Elle collabore longtemps au Monde des livres et intervient régulièrement sur France Culture.
Depuis janvier 2007, elle s'engage aux côtés de Bibliothèques Sans Frontières, une ONG française qui vise à faciliter l'accès au savoir dans les pays en développement.
Œuvres
Romans, essais, biographies
Les Filles, Gallimard, 1987 (prix de l'Académie française)
Madame Placard, 1989
Loin du paradis. Flannery O'Connor, 1991
Petite, , 1994
Week-end de chasse à la mère, , 1996 (Prix Femina)
Voir les jardins de Babylone, 1999
Pour qui vous prenez-vous ?, 2001
La Marche du cavalier, 2002
Les Sœurs Delicata, 2003
La vie ne suffit pas 2003
ABC 2004
52 ou la seconde vie 2007 ( Les filles sont au café)
Une année avec mon père, 2010 : Page 1
Moi, j'attends de voir passer un pingouin, 2012
Dans les yeux des autres, 2014
Vie de ma voisine, 2017 : Page 1
participation à l'ouvrage collectif Qu'est-ce que la gauche ?2017.
Ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse
Olga, illustrations de Michel Gay - 1990
Olga n'aime pas l'école, illustrations Michel Gay - 1991
Monelle et les baby-sitters - 1992
Les Amies d'Olga, illustrations de Michel Gay - 1992
Les Champignons d'Olga, illustrations de Véronique Deiss - 1992
Le Noël d'Olga, illustrations Véronique Deiss - 1993
Olga et les traitres, illustrations de Michel Gay - 1996
Olga s'inscrit au club, illustrations Michel Gay - 1998
Olga va à la pêche, illustrations Michel Gay - 1998
Si l'ascenseur ne s'arrêtait pas, illustrations Michel Gay - 2000
Monelle et les footballeurs - 2000
La Craie magique, illustrations Michel Gay - 2000
Olga et les marionnettes, illustrations Michel Gay - 2001
Le pique-nique des ours, illustrations Michel Gay - 2001
Olga et le chewing gum magique, illustrations Michel Gay - 2001
Olga fait une fête, illustrations Michel Gay - 2002
Monelle et les autres - 2002
Violette et la mère Noël - 2003
Violette et le secret des marionnettes, illustrations Nadja - 2004
Violette et la boîte de sable - 2004
Olga et le decision maker - 2004
Petite - 2005
Angleterre - 2005
La Cinquième saison [collectif] - 2006
Le grand livre d'Olga [anthologie] - 2008
Je vois des choses que vous ne voyez pas, illustrations Nadja - Actes Sud-Papiers / Heyoka jeunesse, 2009
La Mère Noël, avec Alice Buteaud - 2012
màj le 3/11/2017
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Geneviève Brisac
Vie de ma voisine
L'histoire de vie de la voisine de Geneviève Brisac est tragiquement banale, et évidemment unique. Ses parents, juifs laïques, ont émigré de Pologne pour fuir les pressions de la tradition et vivre à Paris leur idéal socialiste, qui va rapidement rompre avec l'horreur soviétique. Ils élèvent leurs deux enfants sans beaucoup d'argent mais pleins d'amour et d'attention, et un désir de leur transmettre culture, dignité, liberté et ouverture d'esprit.
Les enfants, nés en France et donc français, échappent à la rafle qui mènera les parents à leur tragique destin de fumée.
La jeune femme de 17 ans se bat matériellement et intellectuellement pour obéir à la consigne que son père a jetée sur un papier chiffonné, du wagon qui l'emmenait de Drancy, et qui lui est miraculeusement parvenue : Vivez et espérez. Elle devient une institutrice aux méthodes innovantes, militante lors de la guerre d'Algérie et en mai 68, femme ouverte, pudique et cultivée.
Je n'ai pas bien compris le choix de Geneviève Brisac de s'impliquer elle-même dans le récit (le "je" désigne alternativement l'auteur et sa voisine ce qui ne simplifie pas toujours la compréhension) soit pour étayer les propos de ses propres références littéraires, soit pour raconter une histoire assez lourdement métaphorique où, grâce à sa voisine, elle arrive enfin à faire pousser des impatiences…
La partie sur la vie avant et pendant l'occupation est complètement bouleversante, à la fois pudique et précise, et mérite qu'on s'attache à ce petit livre, par ailleurs assez brouillon, et dont la deuxième partie est malheureusement inaboutie.
Si le destin de cette femme est tout à fait poignant, il manque une cohérence (et une humilité?) pour que Vie de ma voisine soit un objet littéraire réellement performant.
mots-clés : #deuxiemeguerre #politique
L'histoire de vie de la voisine de Geneviève Brisac est tragiquement banale, et évidemment unique. Ses parents, juifs laïques, ont émigré de Pologne pour fuir les pressions de la tradition et vivre à Paris leur idéal socialiste, qui va rapidement rompre avec l'horreur soviétique. Ils élèvent leurs deux enfants sans beaucoup d'argent mais pleins d'amour et d'attention, et un désir de leur transmettre culture, dignité, liberté et ouverture d'esprit.
Les enfants, nés en France et donc français, échappent à la rafle qui mènera les parents à leur tragique destin de fumée.
La jeune femme de 17 ans se bat matériellement et intellectuellement pour obéir à la consigne que son père a jetée sur un papier chiffonné, du wagon qui l'emmenait de Drancy, et qui lui est miraculeusement parvenue : Vivez et espérez. Elle devient une institutrice aux méthodes innovantes, militante lors de la guerre d'Algérie et en mai 68, femme ouverte, pudique et cultivée.
Je n'ai pas bien compris le choix de Geneviève Brisac de s'impliquer elle-même dans le récit (le "je" désigne alternativement l'auteur et sa voisine ce qui ne simplifie pas toujours la compréhension) soit pour étayer les propos de ses propres références littéraires, soit pour raconter une histoire assez lourdement métaphorique où, grâce à sa voisine, elle arrive enfin à faire pousser des impatiences…
La partie sur la vie avant et pendant l'occupation est complètement bouleversante, à la fois pudique et précise, et mérite qu'on s'attache à ce petit livre, par ailleurs assez brouillon, et dont la deuxième partie est malheureusement inaboutie.
Si le destin de cette femme est tout à fait poignant, il manque une cohérence (et une humilité?) pour que Vie de ma voisine soit un objet littéraire réellement performant.
mots-clés : #deuxiemeguerre #politique
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
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Localisation : Roanne
Re: Geneviève Brisac
rien que pour "La partie sur la vie avant et pendant l'occupation est complètement bouleversante, à la fois pudique et précise, et mérite qu'on s'attache à ce petit livre,"
je note
merci topocl
je note
merci topocl
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
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Localisation : En Provence
Re: Geneviève Brisac
Oui, merci pour ton retour.
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Geneviève Brisac
Une année avec mon père
Un récit , ou plutôt des impressions qui demeurent ,d'une année de vie, d'un automne à un autre , après la mort de sa mère dans un accident, laissant leur père ,quelqu'un de très indépendant ,seul .
En exergue:
Dans toute parole donnée, dans toute parole reçue, dans chaque geste et la moindre pensée, dans tout fragment même bref et aléatoire, de notre vie et celle d’autrui, il y a quelque chose de précaire et quelque chose d’inéluctable, quelque chose de caduc et quelque chose d’indestructible.
Marisa Madieri
Malgré les deux morts qui marquent chaque automne- le père est mort en novembre, 14 mois après son épouse- ce n'est pas du tout un livre tragique. Mais tourmenté plutôt par le souci de , pour la narratrice, rester à sa place , veiller sans prendre en charge, il ne le permettrait pas de toutes façons, et c'est très difficile.
"Je déteste mon nouveau rôle. La vie privée de mon père ne m’intéresse pas, ne me regarde pas. D’ailleurs, il ne veut pas que nous nous en mêlions. Je voudrais en être dispensée. Etre loin, à l’autre bout du monde. Je le suis davantage pourtant que je ne le crois.
Le docteur Chaïm se moque de moi.
Vous vous accordez tellement d’importance!
Quelle injustice encore.
Que savez-vous de ce que pense votre père? De sa vie? De ses désirs, de ses principes, de ses peurs?
Presque rien, mais trop encore.
Et je ferme les yeux en versant l’eau du thé pour ne pas voir la rouille, les paquets de pâtes périmés, le calcaire, le vieux pain.
Vous regardez quand même.
Je ne veux pas verser l’eau à côté du pot.
J’essaie de faire des visites plus légères, des visites qui ne seraient plus des visites, des je-passais-juste-par là qui ne trompent personne, ni moi, mais je ne veux pas être l’infirmière, je ne suis pas la garde-malade, éloignez de moi la fille répressive, jamais je n’ai voulu priver mon père de quoi que ce soit, elles tournent autour de moi, ces figures hostiles, ô Cordelia, prête moi ton sourire! J’essaie de ne pas prendre trop d’habitudes filiales.
Je relis Le Roi Lear, Le Père Goriot,et le si beau David Golder pour me vacciner contre l’intimité si décriée des filles et de leurs pères. Je lis Anna Freud, Camille Claudel, Jenny Marx, Virginia Woolf. Les Antigones aux pieds englués dans les traces trop fraîches des semelles de leurs pères.
Je relis le Journal de Virginia Woolf. 1928.
« Anniversaire de Père. Il aurait eu quatre-vingt-seize ans. Oui, quatre-vingt-seize ans aujourd’hui,comme d’autres personnes que l’on a connues. Mais, Dieu merci, il ne les a pas eus. Sa vie aurait absorbé toute la mienne. Je n’aurais rien écrit. Pas un seul livre. »
Ce n’est pas votre vie, dit le docteur Chaïm, grandissez donc un peu. "
C'est une année pendant laquelle chacun recherche de nouvelles marques ,et leurs rapports sont:"un mélange de pudeur, d'admiration de frustration et de tendresse. Il y a tout ce qui ne se dit pas, les loupés ou les espoirs décus que l'on se camoufle parce qu'il est trop tard."
Une année traversée de beaucoup de chagrin, qui s'exprime très peu ,même entre soeurs:
"Je ne peux savoir ce que pensent mes sœurs. Un mur de chagrin nous sépare comme nous sépareraient des chutes d’eau. ( Je pense à une image d’Hitchcock, l’héroïne est cachée sous les chutes, un abri, une grotte impensée. La peine ressemble à cela.)"
Et de moments cocasses, dont du moins Geneviève Brisac, avec son humour, cherche à retranscrire la cocasserie.
Et aussi des moments joliment qualifiés d'apnées de l'optimisme..
Un ou deux règlements de compte, aussi faits avec finesse, mais quand même! Un extrait, j'aime assez la façon de raconter de Geneviève Brisac:
"J’ai invité les Butor, dit mon père. J’irai d’abord l’écouter à la Sorbonne, il reçoit une chose honorifique, il fait un discours, ils m’ont gentiment envoyé une invitation. Puis nous dînerons à la Closerie des Lilas. Voudrais-tu être des nôtres?
…
La soirée est belle et douce, je les trouve tous les trois en train de boire l’apéritif, Michel Butor a les joues roses, le ventre rond sous l’empiètement de sa cotte grise, une salopette du soir, il sourit aux anges, il évoque les hommages qui lui ont été rendus aujourd’hui. Elle en profite pour rappeler quelques réjouissances récentes, des colloques en l’honneur de ce même Butor, qui est son époux depuis plus de cinquante ans, peut être cinquante-cinq, cet heureux temps, ce temps si ancien, une exposition que nous ne devrions manquer sous aucun prétexte. Ils ont l’air heureux.
Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’universités qui réclament Michel partout dans le monde. Et nous adorons voyager.
Nous partons vers la Closerie des Lilas. Mon père a l'air épuisé, il est pâle. Il vacille sur sa canne...
L'Inde nous a éblouis, raconte Butor, une civilisation étonnante, des civilisations plutôt, des mythes passionnants, le Gange, les temples, les crémations, sans parler des singes qui nous volaient nos affaires ...
Si on commandait le dîner? propose mon père dont je crains qu'il ne défaille d'ennui.
Je crains aussi que les Butor ne sortent des photos, mais ils ont changé de sujet, et, en mangeant d'excellent appétit, ils évoquent les joies que leur donnent leurs enfants, les étés dans le Sud-Ouest avec leurs petits-enfants, les travaux dans la maison.
Ils resplendissent.
Ils ne posent aucune question.
Ils sont à leur affaire.
Mon père est maintenant jaune citron. Il paie le dîner, attrape sa veste, se prend les pieds dans les lanières de son sac, au revoir, au revoir, et nous marchons dans la nuit, clopin-clopant.
Quelles âmes desséchées, dis-je, quelle aura de vanité efficace, comme on dit la grâce efficace.
Ta mère avait raison, murmure mon père, la littérature durcit le coeur, les écrivains sont des monstres d'indifférence.C'est ce qu'elle disait toujours.
Il y a des boulangers d'une cruauté extrême, dis-je, et des fleuristes nazis.
Mon père trébuche une fois encore, l'alcool, la fatigue, le chagrin, nous sommes devant sa porte, je pianote pour l'ouvrir.
Michel Butor était son meilleur ami, et il n'a même pas prononcé son prénom, murmure-t-il.
Par pudeur, peut être, dis-je.
Mais j'ai des doutes. "
Beaucoup aimé, vraiment.
mots-clés : #autobiographie #famille #mort #vieillesse #viequotidienne
Un récit , ou plutôt des impressions qui demeurent ,d'une année de vie, d'un automne à un autre , après la mort de sa mère dans un accident, laissant leur père ,quelqu'un de très indépendant ,seul .
En exergue:
Dans toute parole donnée, dans toute parole reçue, dans chaque geste et la moindre pensée, dans tout fragment même bref et aléatoire, de notre vie et celle d’autrui, il y a quelque chose de précaire et quelque chose d’inéluctable, quelque chose de caduc et quelque chose d’indestructible.
Marisa Madieri
Malgré les deux morts qui marquent chaque automne- le père est mort en novembre, 14 mois après son épouse- ce n'est pas du tout un livre tragique. Mais tourmenté plutôt par le souci de , pour la narratrice, rester à sa place , veiller sans prendre en charge, il ne le permettrait pas de toutes façons, et c'est très difficile.
"Je déteste mon nouveau rôle. La vie privée de mon père ne m’intéresse pas, ne me regarde pas. D’ailleurs, il ne veut pas que nous nous en mêlions. Je voudrais en être dispensée. Etre loin, à l’autre bout du monde. Je le suis davantage pourtant que je ne le crois.
Le docteur Chaïm se moque de moi.
Vous vous accordez tellement d’importance!
Quelle injustice encore.
Que savez-vous de ce que pense votre père? De sa vie? De ses désirs, de ses principes, de ses peurs?
Presque rien, mais trop encore.
Et je ferme les yeux en versant l’eau du thé pour ne pas voir la rouille, les paquets de pâtes périmés, le calcaire, le vieux pain.
Vous regardez quand même.
Je ne veux pas verser l’eau à côté du pot.
J’essaie de faire des visites plus légères, des visites qui ne seraient plus des visites, des je-passais-juste-par là qui ne trompent personne, ni moi, mais je ne veux pas être l’infirmière, je ne suis pas la garde-malade, éloignez de moi la fille répressive, jamais je n’ai voulu priver mon père de quoi que ce soit, elles tournent autour de moi, ces figures hostiles, ô Cordelia, prête moi ton sourire! J’essaie de ne pas prendre trop d’habitudes filiales.
Je relis Le Roi Lear, Le Père Goriot,et le si beau David Golder pour me vacciner contre l’intimité si décriée des filles et de leurs pères. Je lis Anna Freud, Camille Claudel, Jenny Marx, Virginia Woolf. Les Antigones aux pieds englués dans les traces trop fraîches des semelles de leurs pères.
Je relis le Journal de Virginia Woolf. 1928.
« Anniversaire de Père. Il aurait eu quatre-vingt-seize ans. Oui, quatre-vingt-seize ans aujourd’hui,comme d’autres personnes que l’on a connues. Mais, Dieu merci, il ne les a pas eus. Sa vie aurait absorbé toute la mienne. Je n’aurais rien écrit. Pas un seul livre. »
Ce n’est pas votre vie, dit le docteur Chaïm, grandissez donc un peu. "
C'est une année pendant laquelle chacun recherche de nouvelles marques ,et leurs rapports sont:"un mélange de pudeur, d'admiration de frustration et de tendresse. Il y a tout ce qui ne se dit pas, les loupés ou les espoirs décus que l'on se camoufle parce qu'il est trop tard."
Une année traversée de beaucoup de chagrin, qui s'exprime très peu ,même entre soeurs:
"Je ne peux savoir ce que pensent mes sœurs. Un mur de chagrin nous sépare comme nous sépareraient des chutes d’eau. ( Je pense à une image d’Hitchcock, l’héroïne est cachée sous les chutes, un abri, une grotte impensée. La peine ressemble à cela.)"
Et de moments cocasses, dont du moins Geneviève Brisac, avec son humour, cherche à retranscrire la cocasserie.
Et aussi des moments joliment qualifiés d'apnées de l'optimisme..
Un ou deux règlements de compte, aussi faits avec finesse, mais quand même! Un extrait, j'aime assez la façon de raconter de Geneviève Brisac:
"J’ai invité les Butor, dit mon père. J’irai d’abord l’écouter à la Sorbonne, il reçoit une chose honorifique, il fait un discours, ils m’ont gentiment envoyé une invitation. Puis nous dînerons à la Closerie des Lilas. Voudrais-tu être des nôtres?
…
La soirée est belle et douce, je les trouve tous les trois en train de boire l’apéritif, Michel Butor a les joues roses, le ventre rond sous l’empiètement de sa cotte grise, une salopette du soir, il sourit aux anges, il évoque les hommages qui lui ont été rendus aujourd’hui. Elle en profite pour rappeler quelques réjouissances récentes, des colloques en l’honneur de ce même Butor, qui est son époux depuis plus de cinquante ans, peut être cinquante-cinq, cet heureux temps, ce temps si ancien, une exposition que nous ne devrions manquer sous aucun prétexte. Ils ont l’air heureux.
Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’universités qui réclament Michel partout dans le monde. Et nous adorons voyager.
Nous partons vers la Closerie des Lilas. Mon père a l'air épuisé, il est pâle. Il vacille sur sa canne...
L'Inde nous a éblouis, raconte Butor, une civilisation étonnante, des civilisations plutôt, des mythes passionnants, le Gange, les temples, les crémations, sans parler des singes qui nous volaient nos affaires ...
Si on commandait le dîner? propose mon père dont je crains qu'il ne défaille d'ennui.
Je crains aussi que les Butor ne sortent des photos, mais ils ont changé de sujet, et, en mangeant d'excellent appétit, ils évoquent les joies que leur donnent leurs enfants, les étés dans le Sud-Ouest avec leurs petits-enfants, les travaux dans la maison.
Ils resplendissent.
Ils ne posent aucune question.
Ils sont à leur affaire.
Mon père est maintenant jaune citron. Il paie le dîner, attrape sa veste, se prend les pieds dans les lanières de son sac, au revoir, au revoir, et nous marchons dans la nuit, clopin-clopant.
Quelles âmes desséchées, dis-je, quelle aura de vanité efficace, comme on dit la grâce efficace.
Ta mère avait raison, murmure mon père, la littérature durcit le coeur, les écrivains sont des monstres d'indifférence.C'est ce qu'elle disait toujours.
Il y a des boulangers d'une cruauté extrême, dis-je, et des fleuristes nazis.
Mon père trébuche une fois encore, l'alcool, la fatigue, le chagrin, nous sommes devant sa porte, je pianote pour l'ouvrir.
Michel Butor était son meilleur ami, et il n'a même pas prononcé son prénom, murmure-t-il.
Par pudeur, peut être, dis-je.
Mais j'ai des doutes. "
Beaucoup aimé, vraiment.
mots-clés : #autobiographie #famille #mort #vieillesse #viequotidienne
Marie- Messages : 641
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Geneviève Brisac
Un certain temps que je n' ai pas lu Genevève Brisac.
Un rappel, donc !
Un rappel, donc !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Geneviève Brisac
La lecture date un peu, et je ne saurai plus en parler convénablement. Mais son livre sur Flannery O'Connor "Loin du paradis", me paraissait assez important, pour les amateurs de l'Américaine!
Editions de l'Olivier a écrit:
Flannery O'Connor (1925-1964) est considérée comme le plus grand écrivain du Sud depuis Faulkner. Son œuvre brève et intense - cinq ouvrages de fiction, un recueil d'essais et un volume de correspondance - est pourtant méconnue en France. En mêlant sa propre voix à celle de Flannery O'Connor, Geneviève Brisac nous rend infiniment proche cette femme qui consacra sa vie à scruter le mystère de la Grâce et la folie des mœurs, sans jamais perdre son sens de l'humour.
tom léo- Messages : 1353
Date d'inscription : 04/12/2016
Localisation : Bourgogne
Re: Geneviève Brisac
Oui Tom Léo, je confirme, il m'a beaucoup intéressée celui-là. On en a parlé quelque part, déjà, ici, d'ailleurs. Je ne sais plus où.
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
Re: Geneviève Brisac
Un année avec mon père
De la mort de sa femme dans un accident de voiture (sa femme qu'il a en quelque sorte tuée) jusqu'à son propre décès, Geneviève Brisac a vécu une bonne année proche de son père, dans un compagnonnage subtil. Auprès de cet homme vaillant mais fragile, exigent et secret, il fallait une bonne louche de délicatesse pour que l'exercice, sur la corde raide, reste léger et confortable.
Ni grands discours, ni déballage d'émotions, ce n'est pas le genre de la maison, tout passe en fierté et non-dits. Il faut un œil et une oreille acérés pour détecter l'épaule qui tombe de fatigue, le rare mot tendre (« ma grande »), la paupière qui cligne d'exaspération, cachés derrière la crânerie et le brio revendiqué. Et une bonne dose de doigté et de patience pour faire accepter le coup de main, sans amputer sur un territoire et une liberté farouchement revendiqués. Quelques souvenirs émergent, quelques confidence, assez rares, car nos parents, ces êtres parmi les plus proches de nous, restent aussi parmi les plus mystérieux.
Sous la désinvolture apparente du récit, sous la tendre ironie, Geneviève Brisac cache des sentiments qui la (nous) prennent à la gorge.
mots-clés : #autobiographie #famille #mort #vieillesse #viequotidienne
De la mort de sa femme dans un accident de voiture (sa femme qu'il a en quelque sorte tuée) jusqu'à son propre décès, Geneviève Brisac a vécu une bonne année proche de son père, dans un compagnonnage subtil. Auprès de cet homme vaillant mais fragile, exigent et secret, il fallait une bonne louche de délicatesse pour que l'exercice, sur la corde raide, reste léger et confortable.
Ni grands discours, ni déballage d'émotions, ce n'est pas le genre de la maison, tout passe en fierté et non-dits. Il faut un œil et une oreille acérés pour détecter l'épaule qui tombe de fatigue, le rare mot tendre (« ma grande »), la paupière qui cligne d'exaspération, cachés derrière la crânerie et le brio revendiqué. Et une bonne dose de doigté et de patience pour faire accepter le coup de main, sans amputer sur un territoire et une liberté farouchement revendiqués. Quelques souvenirs émergent, quelques confidence, assez rares, car nos parents, ces êtres parmi les plus proches de nous, restent aussi parmi les plus mystérieux.
Sous la désinvolture apparente du récit, sous la tendre ironie, Geneviève Brisac cache des sentiments qui la (nous) prennent à la gorge.
mots-clés : #autobiographie #famille #mort #vieillesse #viequotidienne
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 64
Localisation : Roanne
Re: Geneviève Brisac
Vie de ma voisine
Je viens de finir ce livre, il est court, aisé à lire. Il m'a beaucoup touchée.
C'est raconté sobrement,
plus haut topocl émet quelques réserves sur la structure narrative, je ne partage pas sa perception : j ai trouvé que l'inclusion de l'auteur dans la trame était faite à bon escient et qu'elle renforçait justement la sobriété narrative,
la dernière partie, qui concerne la vie adulte de sa voisine, ses engagements, n'a, en effet, pas la même couleur narrative,
elle semble plus condensée, plus aride puisqu'elle élargit l'expérience aux idées et prises de positions, mais là encore j'ai plutôt eue le sentiment d'une grande fidélité à ce qu'un récit peut avoir d'inégalement nourri. L'auteur se fait passeuse avec le minima d'orchestration, c'est bien ainsi je trouve.Un beau livre de témoignage, qui m'a attristée profondément. Le propos en est dur.
Nadine- Messages : 4832
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 48
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