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Lafcadio Hearn

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Message par Bédoulène Dim 1 Jan - 1:23

Lafcadio Hearn
(1850-1904)

Lafcadio Hearn Lafcad10

Lafcadio Hearn (Leucade, République des Îles Ioniennes, 27 juin 1850 - Tokyo, Empire du Japon, 26 septembre 1904) est un écrivain irlandais qui prit ensuite la nationalité japonaise sous le nom de Yakumo Koizumi (小泉八雲?, Koizumi Yakumo).
Le deuxième prénom, Lafcadio, sous lequel Patrick Lafcadio Hearn se fera connaître, tire son origine de l'île de Leucade, en grec Lefkada (Λευκάδα), qui fait partie du groupe des îles Ioniennes grecques.

Jeunesse
Né d'un père irlandais, chirurgien militaire dans l'armée britannique, et d'une mère grecque, Patrick Lafcadio Hearn est élevé par sa tante à Dublin à la suite de la mort de ses parents. Il perd un œil à 16 ans dans un accident en jouant avec des camarades de classe. C'est pour cette raison qu'il évite de faire apparaître le côté de sa tête sur les portraits et photos de l'époque. Rejeté par sa famille, il fait un passage à Londres, puis à Paris.

Aux États-Unis
Lafcadio s'installe ensuite à 19 ans en Amérique à New York puis à Cincinnati, et devient journaliste. Il y découvre la culture japonaise par l'intermédiaire de contacts avec l'ambassadeur de l’empire du Japon.
En 1874, il épouse en cachette Althea « Matthie » Foley, une cuisinière métisse, alors que les mariages mixtes sont illégaux. Lorsque cette union est découverte, il est renvoyé de son journal l’Enquirer et rejoint le journal rival, le Cincinnati Commercial.
En 1877, il quitte Cincinnati et part en Louisiane, à La Nouvelle-Orléans. Il s'intéresse alors à la culture créole de La Nouvelle-Orléans et publie en 1885 un dictionnaire de proverbes créoles, Gombo Zhèbes et un recueil de cuisine, La Cuisine créole.

En Martinique
En 1889, le journal Harper's Monthly où travaille Hearn, l'envoie comme correspondant aux Antilles. Il restera deux ans à Saint-Pierre en Martinique. L'île qu'il qualifie de « Pays des revenants » lui inspire son roman, Youma. S'intéressant de près aux contes traditionnels martiniquais, il en recueillera un grand nombre et publiera plusieurs ouvrages (Trois fois bel conte…, Contes créoles II).

Au Japon
Sur l'invitation de son ami ambassadeur du Japon, Hearn débarque à Yokohama en 1890 et trouve un emploi de journaliste pour la presse anglophone. Au Japon, Hearn fait la connaissance de la fille d'un samouraï, Koizumi Setsuko. Il l'épouse et prend en 1896 la citoyenneté japonaise et le nom de Koizumi Yakumo.

Hearn commence alors à rédiger ses œuvres sur le Japon et la culture japonaise. Il s'intéresse notamment aux histoires traditionnelles de fantômes japonais (yōkai). Grand voyageur, il déménage souvent et s'installe successivement à Kobe, Matsue, puis Tokyo, où il est nommé professeur d'université. Il effectue également l'ascension du Mont Fuji.

Il meurt à Tokyo d'une attaque cardiaque en 1904 et est enterré selon les rites bouddhiques. L'écrivain Natsume Sōseki lui succède à la chaire de littérature anglaise de l'université de Tokyo.

Par ailleurs, Hearn est l'importateur du judo en Amérique, ayant convaincu son ami Theodore Roosevelt, alors président, d'inviter aux États-Unis l’un des principaux experts du Kodokan, Yoshiaki Yamashita (en). Cette visite japonaise déclenche alors une mode pour ce sport en Amérique. Grand admirateur de Pierre Loti, Hearn est également le traducteur en anglais de Maupassant, Théophile Gautier, Flaubert, Mérimée, Hugo, Zola, de Nerval et Anatole France.
(wikipedia)

Traduits en français

Études créoles :

La Cuisine creole
Youma. Roman martiniquais
Esquisses martiniquaises
Contes des Tropiques
Un voyage d'été aux Tropiques
Fantaisies créoles, suivi de Rêveries floridiennes
Trois fois bel conte

Études japonaises :

Chita-Koroko Chita. Un souvenir de l’Île Dernière
Esquisses japonaises
Fantômes du Japon. Six légendes
Feuilles éparses de littératures étranges
Kokoro. Au cœur de la vie japonaise
En glanant dans les champs de Bouddha
Le Roman de la Voie Lactée
La Lumière vient de l’Orient. Essais de psychologie japonaise
Au Japon spectral
Le Japon inconnu. Esquisses psychologiques
Pèlerinages japonais
Voyage au pays des dieux. Fêtes religieuses et coutumes japonaises
Kwaidan ou Histoires et études de choses étranges
Le Japon
Lettres japonaises
Écrits sur le bouddhisme japonais

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Message par Bédoulène Dim 1 Jan - 1:25

Lafcadio Hearn 00710010

Kwaïdan

Je connais si peu  la culture Japonaise, mais d'après les nombreux contes et légendes qui figurent dans ce livre je pense que la puissance des Morts (fantômes ou autres) est reconnue, qu'il s'agisse d'esprits malins (le plus souvent) ou aimables (notamment par Amour).

Le 16ème jour est souvent évoqué, il semble bénéfique ; un extrait

"Après l'enterrement d'O-Sodé, les parents d'O-Tsuyu plantèrent un jeune cerisier, le plus beau qu'ils purent trouver, dans le jardin de Qaihjöji. L'arbre grandit et s'épanouit. Le seizième jour de la deuxième lune de l'année suivante, jour anniversaire de la mort d'O-Sodé, il fleurit de manière miraculeuse.
Et chaque année depuis deux cent cinquante-quatre ans, il continue à fleurir, toujours le seizième jour de la deuxième lune, et ses fleurs, roses et blanches, sont semblables aux mamelons d'une femme où perle une goutte de lait. Les habitants de la région ont appelé cet arbre Ubazakura, le "Cerisier de la Nourrice".

"Le vieil homme pleura désespérement son arbre chéri. Ces bons voisins lui procurèrent un jeune plant de cerisier magnifique et le plantèrent dans son jardin dans l'espoir de le consoler. Il les remercia chaleureusement et feignit d'oublier son chagrin. En réalité, son coeur était gonflé de tristesse, car il avait tant aimé le vieil arbre que rien ne pouvait le consoler de sa perte.
Finalement il lui vint une heureuse idée : il se souvient d'un moyen par lequel l'arbre condamné pourrait reprendre vie. C'était le seizième jour du premier mois.
Il se rendit seul dans son jardin, s'inclina devant l'arbre sec et s'adressa à lui en ces termes :
A présent, daigne refleurir une fois de plus, je t'en conjure, Ô beau cerisier, car je vais mourir à ta place. ..............
Et chaque année, il refleurit encore, le seizième jour du premier mois, à la saison des neiges."


Il y a de la poésie, de la magie, de la morale dans ces contes ; flotte le parfum des cerisiers, le vol des papillons.

En fin de livre l'auteur présente une étude sur certains insectes, notamment les papillons, les fourmis et les moustiques. C'est très intéressant car il y a comparaison sur leur mode de vie, leur évolution par rapport à notre société d'Humains. De quoi réfléchir.

"Le seul fait que notre société s'entoure de commandements religieux et lois morales ne prouve-t-il pas que nous n'en sommes encore qu'à un degré très primitif de l'évolution sociale ?"

mais inquiéter aussi (? !)

"Il ne me paraît donc pas improbable qu'une humanité plus évoluée et plus haute sacrifie avec joie l'essentiel de sa vie sexuelle pour le bien commun, surtout si l'on prend en considération certains avantages que l'on peut y gagner, notamment une prolongation importante de la durée de la vie humaine. Les éléments supérieurs d'une humanité qui contrôlerait la vie sexuelle selon le modèle naturel fourni par les fourmis, pourraient peut-être alors réaliser le rêve ancestral de vivre mille ans!"

Je note que l'auteur n'était pas encore assez évolué car il a eu 4 enfants      
C'était une bonne lecture.


mots-clés : #contemythe #nature

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Message par Tristram Dim 1 Jan - 13:42

Merci pour ce fil Bédoulène ! J'ai été attiré par le prénom Lafcadio, qui me disait quelque chose (mais quoi ?)
Quelle vie d'expatrié éclectique (tout ça en 54 ans) ! Quelles perspectives dans ton compte-rendu (demain les fourmis ?)
Je file garnir ma LAL (déjà pléthorique, merci à tous) _ mais j'hésite : Kwaïdan, ou La Cuisine créole ?

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Message par bix_229 Lun 2 Jan - 15:38

A noter que Kwaidan a été adapté au cinéma par Mazaki Kobayashi.


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Message par Tristram Lun 2 Jan - 16:46

Bix a écrit:A noter que Kwaidan a été adapté au cinéma par Mazaki Kobayashi.


Je le visionne ce soir ! En dirai plus si judicieux...

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Message par Ouliposuccion Mar 31 Jan - 22:46

Fantômes du Japon

Lafcadio Hearn Tylych20

La cinquantaine d'histoires recueillies par Lafcadio Hearn (1850-1904) d'après le folklore japonais révèlent un éventail thématique très ouvert, allant du conte de fées aux histoires d'ogres et de vampires... Mais l'imaginaire japonais ne force pas seulement les portes de la mort, il entrouvre aussi celles de la réincarnation, thème ignoré du folklore occidental, où s'affirme la coloration religieuse qui caractérise le fantastique japonais. Des réincarnations à l'apparence de métamorphoses qui laissent à leurs victimes un espoir immense, à échelle de l'infini dans lequel elles se perdent. Un sentiment de tragique inséparable de l'espoir, telle est la morale que Lafcadio Hearn invite le lecteur à tirer. Comme il l'avait tirée lui-même en trouvant au Japon l'apaisement.


Quelle grâce que ces lignes, quel onirisme autour de ces fables et du folklore japonais. Les fantômes et mythes font  partis d’un paysage, ils sont le tronc qui soutient les feuillages de vie, de croyances, la floraison  légendaire, les germes de l’imaginaire. Le crépuscule de chaque vie ne mène qu’à l’aube de la prochaine, qui ou quoi que nous soyons, le cœur de toute chose a une âme. Une philosophie  honorable, bien loin de nos contes  qui nous délivrent un espoir d’éternité, bien loin de la chambre noire de notre propre interprétation de la mort.

La délicatesse des personnages, leur richesse, leur bonté forcent à la révérence, les mauvais esprits, souvent aux visages féminins d’une pureté époustouflante nous transportent sur le bord de la route, nous promettent  le fabuleux, nous invoquent cette ouverture d’esprit sur cette autre culture.  
Un formidable échantillon d’histoires, au nombre de 50,  qui nous fait voyager au cœur du Japon et de ses traditions.


mots-clés : #contemythe #genocide #mort
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Message par Bédoulène Mar 31 Jan - 23:21

je tenterai ! merci Ouli !

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Message par bix_229 Dim 5 Fév - 21:32

Lafcadio Hearn Hearn110

Celui-là me tente bien !

"C'est dans ses Lettres japonaises qu'il est assurément le témoin, à la fois le plus intelligent et sensible, de la vie et de la culture du Japon traditionnel avec son héroïsme, sa courtoisie, ses raffinements, un pays encore indemne de toute occidentalisation.

Outre les Lettres déjà publiées par la Revue des Deux Mondes en 1924, cet ouvrage offre des lettres inconnues, ainsi que deux textes, inédits en français, consacrés à l'auteur, signés Hugo von Hofmannsthal et Stefan Zweig."

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Message par Tristram Dim 5 Fév - 22:29

Voici un intéressant extrait de Le sourire japonais (in Le Japon inconnu), qui témoigne d'un regard japonais sur l'Occident (fin XVIIe - Début XIXe), et qui nous éclaire paradoxalement sur les deux civilisations  :

« Un écrivain japonais a son jugement sur les choses d'Occident une forme qui mérite l'attention d'un cercle de lecteurs plus étendus que celui pour qui il fut écrit. Cette étude est particulièrement intéressante en ce qu'elle a pour auteur un savant japonais, le vicomte Torio ; tout à fait étranger à la pensée occidentale, il a prédit exactement les troubles politiques et sociaux qui ont sévi sur le Japon depuis la création du Parlement.

"L'ordre ou le désordre, chez les nations, ne dépendent pas du hasard ; ils ne tombent pas du ciel, ils ne jaillissent pas du sol, ils sont déterminés par les tendances du peuple. L'orientation de ce peuple, vers l'ordre ou le désordre, se décide à l'heure même où l'intérêt privé se sépare de l'intérêt général. Si la nation se laisse, surtout, diriger par les considérations publiques, l'ordre est assuré ; le désordre est inévitable si l'intérêt personnel la gouverne.
Ce que nous connaissons de la civilisation européenne nous apprend qu'elle a, pendant de longs siècles, lutté dans le trouble et la confusion pour aboutir, finalement, à un certain état d'ordre mais que cet ordre même, n'étant pas fondé sur la distinction naturelle et immuable entre sujets et souverains, enfants et parents, avec leurs droits et devoirs respectifs, est exposé à de perpétuels changements, selon le progrès de l'ambition et des intérêts humains. Admirablement approprié aux besoins de ce que guide, dans leurs actes, l'ambition personnelle, l'adoption de ce système, au Japon, est naturellement réclamée par une certaine classe de politiciens ; considérée d'un point de vue superficiel, la forme de société occidentale est d'autant plus séduisante que, laissant toute liberté au développement des éternels désirs des hommes, elle réalise le maximum d'une jouissance sans limite et sans frein.
Les Japonais épris des mœurs européennes souhaiteraient-ils de voir écrire en pareils termes l'histoire de leur pays ? Verraient-ils d'un œil tranquille leur nation s'engager en un chant nouveau d'expérience ?…
En Orient, le gouvernement national s'est, depuis des siècles, inspiré des principes du bien, et employé au bien-être au bonheur du peuple. Aucun credo politique n'a jamais soutenu que la force intellectuelle dût être cultivée dans le but d'exploiter l'infériorité et l'ignorance.
Les habitants des pays occidentaux vivent, pour la plupart, du travail manuel. Pour peu qu'ils ne soient pas très industrieux, ils gagnent à peine de quoi suffire à leurs besoins en moyennant 20 sen [environ 1 franc] par jour. Il ne saurait être question pour eux de porter de riches vêtements, d'habiter des maisons luxueuses. Ils ne peuvent pas non plus aspirer aux hautes fonctions ni aux honneurs. Quelle offense ont donc commise ces pauvres gens pour qu'ils ne puissent, eux aussi, bénéficier des avantages de la civilisation ?…
On allègue, il est vrai, pour expliquer leur condition, que leurs désirs ne les portent pas à améliorer leur situation. C'est là une supposition gratuite ; ils ont les désirs, et ils cherchent à les contenter autant que le leur permettent les circonstances mais la nature a restreint leur moyen d'y satisfaire ; ils sont limités par leurs obligations d'homme, et par l'impossibilité de dépasser une somme de travail supérieure aux forces physiques de tout être humain.
Les plus beaux et les meilleurs produits de leur labeur, ils les réservent aux riches ; ils gardent pour eux les moins bons et les plus grossiers. Cependant, il n'est rien, dans la société humaine, qui ne proviennent du travail humain ; or, pour satisfaire aux besoins d'un homme-de-luxe, la fatigue de milles autres hommes est nécessaire. Il est réellement monstrueux que ceux qui doivent à ce travail les plaisirs que leur rapporte la civilisation oublient ce qu'ils doivent au travailleur, et le traitent comme s'il n'était pas une créature humaine. En effet, la civilisation, comprise comme elle l'est en Occident, ne sert qu'à la satisfaction des hommes de grands besoins, mais elle n'est d'aucun profit à la masse ; ce n'est qu'un simple système par lequel les ambitions se coalisent pour atteindre leur but…
L'adoption de ces principes de liberté et d'égalité, au Japon, vicierait les bienfaisantes et paisibles coutumes de notre pays, déformerait sa nature, en la rendant insensible et dure et, finalement, attirerait sur les masses une source de calamités…
Les nations occidentales sont devenues ce qu'elles sont au prix des conflits et des vicissitudes les plus graves ; leur destinée est de continuer la lutte. À l'heure actuelle, les forces qui les mettent en mouvement sont en équilibre partiel, et leur condition sociale est à peu près ordonnée ; mais que ce léger équilibre vienne à être rompu, et elles seront, une fois encore, lancées dans les révolutions et la confusion, jusqu'à ce que, après une période nouvelle de combats et de souffrances, elles atteignent à une stabilité temporaire ; les pauvres et les impuissants d'aujourd'hui seront les riches et les forts de l'avenir, et vice versa. Des troubles perpétuels, tel est leur lot. Une paisible égalité ne pourra s'établir en Occident que sur les ruines de ses Etats détruits et les cendres de ses peuples disparus."
Avec une telle perception des choses, peut-être sera-t-il donné au Japon d'éviter quelques-uns des périls sociaux qui le menacent. Toutefois, il semble inévitable qu'avec sa transformation prochaine coïncide sa déchéance morale. Forcé d'entrer dans la vaste compétition industrielle des peuples dont les civilisations n'eurent jamais l'altruisme pour base, il lui faudra développer certaines facultés dont l'absence relative faisait tout le charme exquis de sa vie. Le caractère national se fera de plus en plus rigide et dur, ainsi qu'il a déjà commencé ; mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, c'est que le Japon est en avance morale sur le XIXe siècle, autant qu'il en est loin au point de vue matériel. D'abord rationnelle, la moralité chez lui est devenue instinctive. Il a réalisé, bien qu'en des limites restreintes, quelques-unes des conditions sociales que nos penseurs les plus autorisés estiment les plus heureuses et les plus élevées.
L'effacement moral, même, qui lui est devenu propre, n'est que l'excès de ce que toutes les religions civilisées ont toujours proclamé "vertu" ; le sacrifice de l'individu au profit de la famille, de la société, de la nation.
C'est cette sorte d'effacement qu'a signalée Percival Lowel dans son Âme de l'Extrême-Orient, livre dont le génie consommé ne peut être équitablement jugé sans quelque connaissance personnelle de ces pays. Le progrès accompli par le Japon, en morale sociale, quoique plus considérable que le nôtre, s'est surtout dirigé dans le sens de la dépendance mutuelle, et ce sera son devoir de l'avenir de garder présent l'enseignement du puissant penseur dont il a sagement accepté la philosophie, Herbert Spencer : "L'individualisme le plus développé peut s'allier à la plus grande dépendance mutuelle" et (si paradoxal que semble l'argument) "la loi du progrès consiste, à la fois, dans la séparation complète et la complète union."

Et pourtant, vers ces temps disparus, que la jeune génération affecte maintenant de mépriser, le jour viendra, sans doute, où le Japon détournera les yeux, comme nous faisons nous-mêmes vers la vieille civilisation grecque ; une tristesse lui viendra au souvenir des plaisirs simples à jamais perdus, des joies pures de la vie, de sa communion tendre et divine avec la nature, de l'art merveilleux qu'il les reflétait. Il se rappellera combien, alors, le monde était plus lumineux et plus beau. Que de chose ne pleurera-t-il pas ? L'antique patience et l'ancien dévouement, la vieille courtoisie, la profonde poésie humaine des croyances d'autrefois. Que de surprises. Que de regrets aussi ? Mais ce qui l'étonnera bien davantage, ne sera-ce pas l'image des anciens dieux, dont le sourire était semblable au leur ? »
Lafcadio Hearn, « Le sourire japonais » in « Le Japon inconnu »

Avec un grand merci à Armor qui a permis de récupérer cet extrait ! sunny

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Message par Barcarole Lun 27 Nov - 20:52

Lafcadio Hearn Cvt_ma10

Ma première journée en Orient suivi de Kizuki le sanctuaire le plus ancien du Japon

C’est une invitation à une promenade magique que nous propose Lafcadio Hearn accompagné de son guide japonais. J’ai été la spectatrice de cette agréable ballade en pousse-pousse, dans les petits villages typiques du vieux Japon, dans les temples à l'architecture tarabiscotée et aux rites complexes. Une longue promenade mais de courte durée, car ces deux textes sont extraits de Pèlerinages japonais, dans Le Japon. Court mais plaisant.

Un extrait :

« Ce que je vois devant moi est infiniment plus intéressant : un bosquet de cerisiers couvert de quelque chose d’inexprimablement beau – le brouillard éblouissant de fleurs blanches qui s’accrochent à chaque branche, à chaque rameau, comme des nuages d’été. Le sol au-dessous, le sentier devant moi, sont tout blancs de la neige épaisse, douce et odorante, de pétales tombés. Au-delà de cette splendeur, on aperçoit des corbeilles de fleurs entourant de petits sanctuaires ; des rocailles merveilleuses ciselées dans le roc, des paysages miniatures avec de petits bosquets d’arbres nains et des lacs lilliputiens, des ruisseaux microscopiques, des ponts et des cascades. »

mots-clés : #voyage #xixesiecle
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Message par Bédoulène Lun 27 Nov - 21:10

merci Barcarole ! je note

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