Carlo Levi
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Carlo Levi
Carlo Levi
(1902/1975)
Source: Wikipédia...Carlo Levi (1902-1975) est un écrivain, médecin, peintre, journaliste et homme politique italien.
Il est né à Turin de Ercole Levi, médecin d'origine juive et d'Annetta Treves, la fille de Claudio Treves.
Il étudie la médecine et reçoit son diplôme de l'université de Turin en 1924. Il n'a cependant pas pratiqué la médecine, choisissant de devenir peintre et de poursuivre une activité politique commencée à l'université où il a eu comme ami Piero Gobetti.
En 1929, il participe au mouvement anti-fasciste "Giustizia e Libertà" créé par Nello et Carlo Rosselli et il devient l'un des chefs de la branche italienne avec Leone Ginzburg, un juif russe d'Odessa qui avait émigré avec ses parents en Italie.
Adversaire du fascisme, il devient également membre du Parti d'action. Arrêté en 1935, il est condamné par le régime au confino (résidence surveillée) dans une région désolée du Mezzogiorno, à Grassano, puis à Aliano (Gagliano), en Basilicate, expérience dont il tirera le livre "Le Christ s'est arrêté à Eboli" et qui marqua profondément sa peinture.
Retrouvant sa liberté, il part en France et y vit de 1939 à 1941. En 1941, de retour en Italie, il est arrêté à Florence et emprisonné dans la prison de Murate. Il est libéré après l'arrestation de Benito Mussolini et cherche refuge dans le palais Pitti, où il a écrit son ouvrage "Cristo si è fermato a Eboli".
Après la Deuxième Guerre mondiale, il s'installe à Rome où il devient pendant un certain temps rédacteur de "Italia libera", la publication du "Partito d'Azione", une organisation anti-fasciste.
Il continue d'écrire et de peindre, exposant en Europe et aux États-Unis. Ses écrits se composent de "L'orologio" (La montre) (1950), "Le parole sono pietre" (Les mots sont des pierres) (1955), et "Il futuro ha un cuore antico" (Le futur a un cœur antique) (1956).
En 1963, il est élu au Sénat en tant qu'indépendant, sous l'étiquette du Parti Communiste, et réélu en 1968.
Il meurt d'une pneumonie à Rome le 4 janvier 1975, mais ses dernières volontés sont d'être inhumé à Aliano (Gagliano en dialecte local comme il la nomme dans ses écrits). La maison qu'il y occupa peut encore être visitée.
Traductions en français
Le Christ s'est arrêté à Eboli, éd. Gallimard, 1948 (Cristo si è fermato a Eboli)
La Montre (1952) éd. Gallimard - NRF (L'orologio)
La Peur de la Liberté éd. Gallimard - NRF, 1955 (Paura della libertà)
Les mots sont des pierres - Voyages en Sicile, traduction de Laura Brignon, éd. NOUS, 2015 (Le parole sono pietre).
Cliniou- Messages : 916
Date d'inscription : 06/12/2016
Age : 53
Re: Carlo Levi
Le Christ s'est arrêté à Eboli.
« Confinati » - c-à-d mis en résidence surveillée – de 1935 à 1936, pour antifascisme, à Gagliano, petit village de Lucanie (Basilicate actuelle), Carlo Levi a rapporté de son séjour forcé dans « cette terre sans consolation ni douceur, où le paysan vit, dans la misère et l’éloignement, sa vie immobile sur un sol aride en face de la mort ».
Pourquoi ce titre ?
« Nous ne sommes pas des chrétiens, disent-ils ; le Christ s’est arrêté à Eboli. » Chrétien veut dire, dans leur langage, homme – et ce proverbe que j’ai entendu répéter si souvent n’est peut-être dans leurs bouches que l’expression désolée d’un complexe d’infériorité : nous ne sommes pas des chrétiens, nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes pas considérés comme des hommes, mais comme des bêtes, moins que les gnomes qui vivent leur libre vie, diabolique ou angélique, parce que nous devons subir le monde des chrétiens, au-delà de l’horizon, et en supporter le poids et la comparaison.
Carlo Levi, dans la lenteur et la langueur du temps qui passe, des journées qui paraissent interminablement calmes et vides, observe et peint, découvre et décrit, comprend et analyse.
Sans jamais tomber dans l’apitoiement misérable, Carlo Levi nous confie son vécu dans une écriture qui coule comme une source claire et fraîche, nous livre ses réflexions d’une profonde humanité, nous bouleverse avec ses mots simples. Les descriptions des paysages y sont certes très belles mais ce qu’il réussit à merveille c’est de nous approcher de ses paysans, de leur monde. Le texte sobre donne une telle dimension à la souffrance et au désespoir que l’on frissonne tant on finit par aimer ces paysans.
Carlo Levi fait la lumière sur la réalité de ce qu’était le sud de l’Italie, un pays oublié vivant toujours comme à l’époque féodale où les propriétaires et les fascistes (la petite bourgeoisie) régnaient sur une population décimée par la malaria.
A la fin du roman, Levi expose une sorte de réquisitoire où sont développées les réelles solutions à apporter pour que cette région et ses paysans et leurs enfants se sentent intégrés dans leur propre pays, « créer une nouvelle forme d’Etat qui soit aussi l’Etat des paysans ».
Grande émotion.
(carnet retrouvé...)
mots-clés : #autobiographie #exil #politique #ruralité #social
Cliniou- Messages : 916
Date d'inscription : 06/12/2016
Age : 53
Re: Carlo Levi
Merci Cliniou pour ce livre vraiment exemplaire.
Militant anti fasciste, Carlo Levil fut exilé dans un village de Lucanie totalement misérable et dénué de tout.
Comme hors d'un monde "civilisé."
Curieux de nature et plutot optimiste, il parvint à s'intégrer et exercer son métier de médecin. Et donner à sa compassion et ses dons d'observation la volonté de rendre justice à ces oubliés d'une façon concrète.
Il écrivit donc un livre témoignage qui éclaira brusquement l'opinon publique comme le fit un autre Levi pour son expérience dans les camps nazis.
Citations :
« Nous ne sommes pas des chrétiens, disent-ils ; le Christ s'est arrêté à Eboli. » Chrétien veut dire, dans leur langage, homme - et ce proverbe que j'ai entendu répéter si souvent n'est peut-être dans leur bouche que l'expression désolée d'un complexe d'infériorité : nous ne sommes pas des chrétiens, nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes pas considérés comme des hommes, mais comme des bêtes, des bêtes de somme, encore moins que des bêtes, moins que les gnomes qui vivent leur libre vie, diabolique ou angélique, parce que nous devons subir le monde des chrétiens, au-delà de l'horizon, et en supporter le poids et la comparaison."
"Ce vieux avait un pouvoir mystérieux, il était en rapport avec les forces souterraines, il connaissait les esprits, il domptait les animaux. Son ancien métier, avant que les années et les péripéties l'aient fixé ici à Gagliano, était charmeur de loups. Il pouvait, à volonté, faire descendre les loups au village, ou les éloigner : ces bêtes sauvages ne pouvaient lui résister et devaient suivre sa volonté. On racontait que quand il était jeune, il allait de village en village dans ces montagnes, suivi de hordes de loups féroces. Voilà pourquoi il était craint et honoré."
Dernière édition par bix_229 le Lun 15 Jan - 16:36, édité 2 fois
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Carlo Levi
ces paysans me font penser à ceux de Silone.
Encore un livre que je vais noter, merci Cliniou
Encore un livre que je vais noter, merci Cliniou
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
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Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Carlo Levi
Et déjà un peu plus de quatre ans après la lecture que puis-je répondre à mon interrogation d'alors ? Que ça n'a pas l'air de faire quatre ans et que "ça" reste !
Le Christ s’est arrêté à Eboli
C'est un homme encore jeune, un intellectuel, un citadin, qui se retrouve en exil forcé au milieu de nulle part, dans le sud de l'Italie. Il est donc confronté à une certaine solitude et à un monde qui n'est pas, ou pas encore le sien. Pas encore au sens où lui pourrait être un futur "évolué" pour ce monde là.
Ce n'est pas du premier village où il est en résidence surveillé mais du second, encore plus pauvre, encore plus solitaire. Un monde de petite bourgeoisie où des paysans travaillent leurs maigres terres et payent quelques impôts et que les notables où seigneurs locaux vivent une vie meilleure mais pas forcément sans misère.
Tensions historiques, croyances locales et habitude, usage, font ce monde qui accueil avec curiosité et intérêt cet homme. A la peinture il joint malgré lui la médecine qu'il connait sans l'avoir pratiquée et qu'il se retrouve à pratiquer avec les moyens du bord.
Lentement, au fil de journées qui se répètent la découverte curieuse, teintée d'embarras parfois, se mue en une affection profonde pour ces gens qui ont fait de cet étranger, toujours un étranger mais avec un pied dans leur monde. Peut-être parce qu'il ne les a pas rejetés, ne les a pas utilisés, ne les a pas imités non plus mais leur a apporté, même maladroitement, ce qu'il pouvait leur apporter et accepté ce qu'ils donnaient.
La lecture a entretenu pour moi une assez grande distance pendant une grande partie du livre, la découverte ethnographique si on veut avec un point de vue de "civilisé". Il est l'objet des attentions, de la curiosité des enfants et décrit avec un certain humour et parfois de l'affliction mais comme en promenade ces gens. Cette posture pourtant est utile au lecteur tant elle met du temps à se transformer, à concrétiser le point de rencontre. Un point de rencontre qui est aussi un point de refus.
Le point de refus de ce que serait la société italienne (et pas que) et qui a été exacerbé par le fascisme. Son outil dans les dernières pages reste son monde à lui mais il voisine avec une réalité très concrète. Une grande peine dans cette réalité, des injustices, mais aussi son quota de violence, de ruse. Il y a un idéal de transformation qui est complexe et en fin de compte assez peu développé.
Reste la découverte d'un autre âge, d'une autre vie et des réflexions du quotidien sur le pouvoir et son exercice à travers le temps et à son échelle la plus simple, celle de l'individu.
(Récup')
Le Christ s’est arrêté à Eboli
C'est un homme encore jeune, un intellectuel, un citadin, qui se retrouve en exil forcé au milieu de nulle part, dans le sud de l'Italie. Il est donc confronté à une certaine solitude et à un monde qui n'est pas, ou pas encore le sien. Pas encore au sens où lui pourrait être un futur "évolué" pour ce monde là.
Ce n'est pas du premier village où il est en résidence surveillé mais du second, encore plus pauvre, encore plus solitaire. Un monde de petite bourgeoisie où des paysans travaillent leurs maigres terres et payent quelques impôts et que les notables où seigneurs locaux vivent une vie meilleure mais pas forcément sans misère.
Tensions historiques, croyances locales et habitude, usage, font ce monde qui accueil avec curiosité et intérêt cet homme. A la peinture il joint malgré lui la médecine qu'il connait sans l'avoir pratiquée et qu'il se retrouve à pratiquer avec les moyens du bord.
Lentement, au fil de journées qui se répètent la découverte curieuse, teintée d'embarras parfois, se mue en une affection profonde pour ces gens qui ont fait de cet étranger, toujours un étranger mais avec un pied dans leur monde. Peut-être parce qu'il ne les a pas rejetés, ne les a pas utilisés, ne les a pas imités non plus mais leur a apporté, même maladroitement, ce qu'il pouvait leur apporter et accepté ce qu'ils donnaient.
La lecture a entretenu pour moi une assez grande distance pendant une grande partie du livre, la découverte ethnographique si on veut avec un point de vue de "civilisé". Il est l'objet des attentions, de la curiosité des enfants et décrit avec un certain humour et parfois de l'affliction mais comme en promenade ces gens. Cette posture pourtant est utile au lecteur tant elle met du temps à se transformer, à concrétiser le point de rencontre. Un point de rencontre qui est aussi un point de refus.
Le point de refus de ce que serait la société italienne (et pas que) et qui a été exacerbé par le fascisme. Son outil dans les dernières pages reste son monde à lui mais il voisine avec une réalité très concrète. Une grande peine dans cette réalité, des injustices, mais aussi son quota de violence, de ruse. Il y a un idéal de transformation qui est complexe et en fin de compte assez peu développé.
Reste la découverte d'un autre âge, d'une autre vie et des réflexions du quotidien sur le pouvoir et son exercice à travers le temps et à son échelle la plus simple, celle de l'individu.
On apprend beaucoup de choses ou reçoit beaucoup d'impression de la complexité italienne (d'un genre qu'on oublie peut-être chez nous à force de vision très centralisée ?) et à rédiger ce petit commentaire je me rends mieux compte de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est certainement pas une lecture que je regrette mais pour je ne sais quoi dans la distance et le "statut" (essayons avec ce mot là, avec ce qu'il peut cacher d'une forme de légèreté) je n'ai pas été chamboulé ou émerveillé. A voir comment ça s'installe dans la mémoire...Je n'ai jamais connu les fonctionnaires de la police de Matera qui s'occupaient de nous, mais ce ne devaient pas être de mauvaises gens. Dans cette résidence ingrate on ne devait envoyer que de vieux policiers usés dans le métier, plein de scepticisme bourbonien et de routine. Certainement pas de jeunes enthousiastes. Ces vieilles cervelles de fonctionnaires n'étaient, Dieu merci, pas encore contaminées par la culture primaire, l'idéalisme des universités populaires, qui excitaient le zèle hystérique des jeunes et les faisaient s'imaginer que l'Etat - cet Etat indiscutablement éthique - était une personne faite à peu près comme eux, avec une morale personnelle semblable à la leur, qu'il fallait imposer à tous, livré aux mêmes petites ambitions, petits sadismes et petites combines qu'eux, mais en même temps incompréhensible aux profanes, énorme et sacré. A s'identifier avec l'idole ils éprouvaient la même jouissance physique qu'à faire l'amour. Tels étaient en partie les sentiments de don Luigino. Mais pour ce qui est de ces braves policiers de Matera peut-être savaient-ils seulement qu'il est dans les habitudes de l'administration de laisser dormir au moins trois mois tous les dossiers. Don Luigino me communiqua la nouvelle avec le sourire bienveillant d'un roi qui accorde une grâce à un de ses sujets. Il était l'Etat. Cette générosité tardive de la police était donc aussi la sienne et il était heureux de pouvoir se sentir ce jour-là l'âme d'un monarque paternel. Mais dans ce bonheur se glissait une pointe de jalousie pour la ville rivale et peut-être pour quelque autre vague sentiment désagréable qui l'assombrissait. Pourquoi avais-je l'air si heureux de m'en aller ne fût-ce que pour quelques jours ? Peut-être préférais-je Grassano à Gagliano ? Le fait est que si, en tant que personnification de l'Etat, don Luigino pensait que les confinati devaient être traités de la pire manière, et ne pas avoir lieu de se réjouir de leurs séjours, en tant que Gaglianese et premier citoyen de Gagliano, il avait la prétention qu'ils s'y trouvassent ou tout au moins proclamassent s'y trouver mieux qu'en tout autre endroit de la province.
(Récup')
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Keep on keeping on...
Re: Carlo Levi
Le Christ s'est arrêté à Eboli !
Misère ! que dire de ce livre ?
Eh bien justement que l'auteur (un confinato : en résidence surveillée pour antifascime) nous dépeint la misère physique, morale, sociale et spirituelle des paysans de ce petit village de Lucanie ; ces hommes qui se disent oublié de Dieu, pas considérés comme des "Chrétiens", c'est à dire pas comme des Hommes.
"Qu'avaient-ils à faire avec le Gouvernement, avec le pouvoir, avec l'Etat ? L'état, quel qu'il soit, c'est "ceux de Rome", et ceux de Rome, on le sait bien, ne veulent pas que nous vivions en chrétiens. Il y a la grêle, les éboulements, la sécheresse, la malaria, et il y a aussi l'Etat. Ce sont des maux inévitables, ils ont toujours existé et ils existeront toujours. Ils nous obligent à tuer nos chèvres, ils nous enlèvent les meubles de nos maisons, et maintenant ils vont nous envoyer faire la guerre. Patience !"
En face d'eux, le pouvoir de l'Etat en la personne du Podestat (qui est aussi instituteur), du brigadier de gendarmerie ; le pouvoir de la société soit celui des "seigneurs" ( propriétaires, petits bourgeois, médecins, pharmacien) lesquels se critiquent, se haïssent et ne s'entendent que sur le dos des paysans, les cafoni.
"La vérité est que dans tous les villages de Lucanie on retrouve, et sous la même forme, cette lutte sans répit entre les seigneurs."
"La petite propriété ne rapportant presque rien, cette classe dégénérée doit, pour vivre, dominer les paysans et s'assurer, au village, les postes rémunérés d'instituteur, de pharmacien, de prêtre, de maréchal des carabiniers, et ainsi de suite."
- Spoiler:
- le brigandage qui est évoqué par les anciens était une rébellion contre l'état
L' auteur qui a son diplôme de médecine mais n'a pas professé (car il a choisi de peindre)acceptera pourtant de soigner ces paysans qui lui accordent toute leur confiance, leur respect. Pour lui ils s'élèveront contre l'interdiction qui est faite à Carlo de donner des soins et faire une ordonnance. (il faut dire que les deux médecins autorisés sont des incapables)
(parce que Carlo calma leur colère, c'est par un spectacle que les paysans illustrèrent leur protestation)
C'est intéressant de connaître les réflexions de l'auteur face à la situation des paysans, leurs croyances et il faut le reconnaître leur archaïsme mais aussi leur curiosité, notamment celle des enfants qui s'accrochaient à ses pas quand il peignait ; ses communications avec les femmes, celle qui entretient son foyer, certaines patientes, malgré la rigueur des règles relationnelles.
L'attitude de l'auteur alors qu'il refuse les cadeaux que lui portent les paysans à Noël et que, plus encore, lui leur en fasse, stupéfie beaucoup ces hommes et ces femmes qui ont toujours suivi cet "hommage" obligé, mais cela montre le respect qu'il ont pour lui.
"Les paysans et les femmes allaient de maison en maison porter des dons aux seigneurs ; ici l'antique coutume veut que les pauvres rendent hommage aux riches et qu'ils leur fassent des cadeaux, lesquels sont reçus comme une chose due, avec suffisance, sans qu'on donne rien en retour."
Les marais de la région apportent la malaria, des nuées d'insectes, la situation géographique du village l'isole, les paysans doivent faire plusieurs kms pour cultiver leurs terres qui peinent à les nourrir.
"A gauche du Timbone, sur un parcours immense, jusque là-bàs, au fond vers l'Agri, où le terrain s'aplanissait à un endroit appelé le Pantano, c'était une succession en dégradé de monticules, de trous, de cônes d'érosion creusé par les eaux, de grottes naturelles, de criques, de fosses et de collines d'argile d'un blanc uniforme comme si la terre entière était morte et qu'il n'en était resté au soleil que le seul squelette, blanchi et lavé par les eaux. Derrière ce tas désolé d'ossements était caché, sur une petite éminence au-dessus du fleuve à malaria, Gaglianello, et plus loin on discernait la grève de l'Agri."
----------------------
Le constat que fait l'auteur sur la situation des paysans dans ce village, mais aussi dans tous les villages de la Lucanie (et je pense pour avoir trouvé aussi dans mes lectures de Ignazio Silone le même pouvoir des "seigneurs" sur les paysans dans d'autres régions mais dans des villages de ce type ) est juste et démontre intelligence et humanité.
" Deux civilisations très différentes coexistent l'une à côté de l'autre, dont aucune n'est en mesure d'assimiler l'autre. Campagne et ville, civilisation préchrétienne et civilisation qui n'est plus chrétienne sont en présence, et aussi longtemps que la deuxième imposera à la première sa théocratie étatique, le conflit demeurera entier."
Je ne sais si le Christ posa son attention sur les cafoni afin qu'il ne fût plus dit qu'il s'était arrêté à Eboli mais les différentes réformes agraires, tardives, contribuèrent à une amélioration.
J' ai suivi avec attention le quotidien de l'auteur dans ce village, les petits évènements, rares d'ailleurs, qui s'y sont déroulés, le séjour qu'il a passé dans le premier village, Grassano qui semble plus "civilisé" puisqu'il y a au moins un lieu de convivialité, le bar.
J'ai aimé l'écriture à la fois réaliste et poétique et je pense que les tableaux fait de ce village et de ses habitants confortent ce récit.
la fosse du Bersagliere par Carlo Levi
Les paysans
Aliano
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Carlo Levi
Merci Bédou pour cet aperçu motivé et illustré.
Je suis vraiment heureux de cette réhabilitation de Carlo Levi !
Je suis vraiment heureux de cette réhabilitation de Carlo Levi !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
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