La participation active du lecteur

« …] il existe une confusion lamentable entre le texte littéraire et le produit éditorial […] "Selon quel critère distinguez-vous l’un de l’autre ?" […] c’est la nécessité ou non de la relecture du texte. Le produit éditorial, surtout celui fabriqué avec soin, satisfait temporairement l’appétit du lecteur et se laisse consommer, digérer et évacuer comme les hamburgers de la restauration rapide : fabriqué pour distraire un lecteur passif, il sort de sa conscience avec la même facilité qu’il y a pénétré ! […]
Imperceptiblement, le lecteur se transformera en relecteur et, ce faisant, interviendra activement dans le siège et la conquête du texte lu et relu. En dernière analyse, l’auteur crée non seulement l’œuvre littéraire, mais aussi, et j’insiste là-dessus, un public fait à la mesure de cette même œuvre. »
Juan Goytisolo, « Lecture et relecture », in « La forêt de l'écriture »

« Si l’on commence par les généralités toutes faites, on commence par le mauvais bout et l’on s’éloigne du livre avant d’avoir commencé à le comprendre. Rien de plus fâcheux, ou de plus désobligeant pour l’auteur, que de se mettre à lire, par exemple, Madame Bovary, avec l’idée préconçue que c’est une dénonciation de la bourgeoisie. Nous ne devrions jamais perdre de vue que toute œuvre d’art est, toujours, création d’un monde nouveau, en sorte que la première chose à faire est d’étudier ce monde nouveau d’aussi près que possible, en l’abordant comme quelque chose de flambant neuf, n’ayant aucun lien évident avec les mondes que nous connaissons déjà. »

« Le grand artiste gravit une pente vierge et, arrivé au sommet, au détour d’une corniche battue par les vents, qui croyez-vous qu’il rencontre ? Le lecteur haletant et heureux. Tous deux tombent haletants dans les bras l’un de l’autre et demeurent unis à jamais si le livre vit à jamais. »

« Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre : on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un re-lecteur. »

« J’ai essayé de faire de vous de bons lecteurs, qui lisent non dans le but infantile de s’identifier aux personnages du livre, ni dans le but adolescent d’apprendre à vivre, ni dans le but académique de s’adonner aux généralisations. […] J’ai essayé de vous apprendre à éprouver un petit frisson de satisfaction artistique, à partager non point les émotions des personnages du livre, mais les émotions de son auteur ‒ les joies et les difficultés de la création. »
Vladimir Nabokov, Littératures 1

Tristram a écrit: Pari tenu, que je ne suis pas le seul nazebroque à s'identifier à l'occasion à quelque personnage romanteux ?!

« En fait, ainsi qu’il existe un art de conter solidement codifié par des milliers d’essais et d’erreurs, il existe également un art d’écouter, tout aussi ancien et estimable, duquel toutefois, pour autant que je sache, les règles n’ont jamais été définies. Pourtant, toute personne qui parle ou raconte sait par expérience que l’auditeur apporte une contribution décisive à ce qu’elle lui dit. »
Primo Levi, La Clé à molette

Tristram a écrit:Donc les filtres et les tamis seraient un peu les collectionneurs de citations, les mauvais et les bons...
Ainsi tu as lu (ou commencé la lecture de) ce livre dont les commentaires interpellent, Bédoulène ?

Animal a écrit:on pourra noter la mention faite de Ramuz. tongue

« …] le texte est une machine paresseuse qui exige du lecteur un travail coopératif acharné pour remplir les espaces de non-dit ou de déjà-dit restés en blanc [… »
Umberto Eco, « Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs », I, 5

« …] comme chez tout bon lecteur, les goûts et les opinions de Rodney étaient saturés de préjugés [… »
À la vitesse de la lumière, Javier Cercas

« …] il existe une confusion lamentable entre le texte littéraire et le produit éditorial […] "Selon quel critère distinguez-vous l’un de l’autre ?" […] c’est la nécessité ou non de la relecture du texte. Le produit éditorial, surtout celui fabriqué avec soin, satisfait temporairement l’appétit du lecteur et se laisse consommer, digérer et évacuer comme les hamburgers de la restauration rapide : fabriqué pour distraire un lecteur passif, il sort de sa conscience avec la même facilité qu’il y a pénétré ! […]
Imperceptiblement, le lecteur se transformera en relecteur et, ce faisant, interviendra activement dans le siège et la conquête du texte lu et relu. En dernière analyse, l’auteur crée non seulement l’œuvre littéraire, mais aussi, et j’insiste là-dessus, un public fait à la mesure de cette même œuvre. »
Juan Goytisolo, « Lecture et relecture » , in « La forêt de l'écriture »