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Friedrich Dürrenmatt

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Message par Invité Jeu 8 Fév - 12:11

Friedrich Dürrenmatt
(1921-1990)


Friedrich Dürrenmatt 911010

Friedrich Dürrenmatt, né le 5 janvier 1921 à Konolfingen, dans le canton de Berne, et mort le 14 décembre 1990 à Neuchâtel, est un écrivain, auteur de roman policier, dramaturge et peintre suisse de langue allemande.

Bio plus détaillée ? wikipedia.org

Oeuvres traduites en français :

Romans policiers
1952 : Le Juge et son bourreau : Page 1
1553: Le Soupçon
1958 :La Promesse : Page 1
1985 : Justice : Page 1
1986 : La Mission

Autres romans et récits
1943 : Noël
1943 : Le Bourreau
1943 : La Saucisse
1943 : Le Fils
1945 : Le Vieux
1945 : L'Image de Sisyphe
1943 : Le Directeur de théâtre
1946 : Le Piège
1946 : Pilate
1947 : La Ville et autres proses de jeunesse
1951 : Le Chien
1952 : Le Tunnel
1955 : Grec cherche Grecque
1956 : La Panne
1971 : La Chute d'A.
1967-1987 : Le Vallon de l'Ermitage
1985 : La Ballade du Minotaure
1989 : Val Pagaille

Théâtre
1942 : Le Bouton complétée en 1943 sous le titre de Komödie et ne paraît qu'en 1980.
1947 : Les Anabaptistes (Les Fous de Dieu)
1948 : L'Aveugle
1948 : L'Édification de la Tour de Babel ( comédie détruite par l'auteur)
1949 : Romulus le Grand  (nouvelle version, 1957).
1952 : Le Mariage de monsieur Mississippi.
1953 : Un ange vient à Babylone (nouvelle version, 1957).
1956 : La Visite de la vieille dame  : Page 1
1959 : Frank V, opéra d'une banque privée.
1962 : Les Physiciens
1962 : Hercule et les Écuries d'Augias
1966 : Le Météore
1970 : Urfaust
1967 : Les Anabaptistes
1968 : Le Roi Jean
1970 : Titus Andronicus
1969 : Play Strindberg
1971 : Porträt eines Planeten
1973 : Der Mitmacher
1975 : Die Frist
1983-1988 : Achterloo
1991 : Midas

Essais et discours
1967 : Considérations personnelles sur la langue
1976 : Essai sur Israël - Post-scriptum : Liberté, égalité, fraternité dans le judaïsme, le christianisme, l'islam, le marxisme et sur deux anciens mythes
1969 : Phrases d'Amérique
1970 : Écrits sur le théâtre
1979 : Albert Einstein
1990 : Pour Vaclav Havel

Textes autobiographiques
1981 : La Mise en œuvres .
1990 : L'Édification.

màj le 19/05/2021

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Message par Invité Jeu 8 Fév - 12:17

C'est drôle que wikipédia le qualifie en premier lieu d'auteur de romans policiers, tant en regardant sa bibliographie ce n'est pas l'aspect qui semble le plus prégnant dans son oeuvre (oui je n'aime toujours pas le policier ! Friedrich Dürrenmatt 1390083676 ).

Mais j'aime Dürrenmatt, en tout cas je n'ai abordé que son versant dramaturge pour l'instant avec deux pièces, qui m'ont conquis :
Romulus le Grand et La visite de la vieille dame.

La première, ma lecture date un peu, mais c'était très chouette, avec l'empereur Romulus (le dernier de l'Empire Romain) en vieux sage un peu décalé.

Friedrich Dürrenmatt La-vis10

Et la seconde, récemment, tout récemment, cette semaine. Une pièce très pessimiste sur la condition humaine, où on se demande si l'auteur va finalement nous apporter un souffle d'espoir, s'il va nous sauver cette situation inextricable.
Faut-il sacrifier un homme pour le bien de la communauté, c'est un peu le thème de la pièce. Mais ça se transforme. On retourne la problématique, et on voit ce que l'on veut voir.
Je n'en dis pas plus, c'est sans doute sa pièce la plus connue, il me semble que Quasimodo l'a lue également ces derniers temps.



mots-clés : #théâtre

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Message par ArenSor Jeu 8 Fév - 20:19

J'ai lu l'an passé "La Panne". Pourquoi n'en ai-je pas fait un commentaire ? la flemme ? mais j'en garde un très bon souvenir Very Happy
Merci Arturo, Durrenmatt mérite bien un fil !
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Message par animal Jeu 8 Fév - 21:44

Raaaaah.... Friedrich Dürrenmatt 3656795967

Un extrait de Val Pagaille pour fêter ça ?

je suis impatient de renouveler l'expérience.

extrait :

- Hé, dit le président de commune, nous avons réfléchi, lui et moi, pour savoir pourquoi le Bon Dieu est tellement injuste; si tout simplement le Bon Dieu existe; pourquoi d'autres villages de montagne sont ses préférés, et les étrangers y viennent, tandis que nous sommes obligés de rester plantés en face de cet établissement thermal, avec plein de millionnaires, tandis que personne ne vient à nous; juste, de temps en temps, des marcheurs avec leur sac à dos, mais ils dorment dans leurs tentes et apportent leur nourriture avec eux, et quand ils apparaissent dans une pinte, ils disent qu'ils n'ont encore jamais vu un trou plus minable que ce patelin; Mani et moi, nous nous sommes aussi demandés pourquoi les avalanches et les glissements de terrain ne viennent pas chez nous, dans le village, pour tout ensevelir comme dans les autres villages de montagne. Toute la Suisse alors nous aiderait, la Chaîne du Bonheur ferait des collectes à la radio, et la télévision viendrait, le village serait célèbre, on le reconstruirait, on trouverait l'argent; il y a quelque chose qui cloche du côté du Bon Dieu, pour que tout arrive si injustement aux hommes et à la nature; le chien, dans nos dialogues, était de mon avis; bien sûr il ne parlait qu'avec ses yeux, et quand je me suis mis à courir de l'un à l'autre, d'un député à un conseiller aux Etats à un conseiller national, et que je suis revenu tard à la maison, Mani est sorti de sa niche et il s'est assis devant la porte d'entrée. Que veux-tu donc ? ai-je demandé au chien. Lui, il m'a regardé et m'a tendu sa patte droite. Je l'ai secouée et j'ai dit : ah bon, tu veux me saluer. Alors le chien a dit que je devais arrêter avec cette idiotie de courir sans arrêt de l'un à l'autre; lui, Mani, il allait régler toute cette affaire.
- Il l'a dit? demanda l'ancien conseiller fédéral.
- Avec les yeux, expliqua le président de commune. Simplement, j'ai su ce que le chien voulait dire. Monsieur l'ancien conseiller fédéral peut-il avoir un tel dialogue avec des femmes? je ne l'ai pas raconté au président du conseil d'Etat, que je parle avec mon chien, simplement parce qu'il m'aurait pris pour un fou. Monsieur l'ancien conseiller fédéral parle-t-il aussi avec sa chatte?
- Ce n'est pas une chatte mais un matou, répondit l'ancien conseiller fédéral. Il ne parle pas, mais il se tait avec moi, ce qui revient au même. Nous traitons ensemble, si je puis dire, les âneries que j'ai pu commettre en tant que conseiller fédéral, ou que je devais accepter et couvrir, vu notre système collégial. Sept conseillers fédéraux, qui, aux yeux de l'extérieur, doivent toujours paraître unis! Et maintenant que pour la première fois une femme est devenue conseillère fédérale, personne n'ose la contredire; et s'il venait deux femmes au conseil fédéral, elles n'arriveraient jamais à parler d'une seule voix, et le système collégial volerait en éclats. Autant sept femmes tout de suite. Après tout, elles ne sont pas plus bêtes que les hommes. Je suis content que mon chat me comprenne, même si Maudi pense que moi, conseiller fédéral, je suis tout simplement un homme qui, comme tel, fait des bêtises. Mais votre chien, maintenant où est-il?
- Abattu par le canon d'un char.

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Message par Bédoulène Jeu 8 Fév - 22:53

oh ! quel extrait ça ne peut que me plaire !

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Message par Tristram Mer 14 Nov - 20:27

La Promesse ‒ Requiem pour le roman policier

Friedrich Dürrenmatt La_pro10


Un policier très capable et rigoureux promet à la mère d’une fillette massacrée de retrouver le meurtrier. Il abandonne tout pour mener une enquête privée, se servant d’une fillette similaire comme appât, se diluant peu à peu dans l’attente et l’alcool.
C’est le supérieur hiérarchique de l’enquêteur qui narre les évènements. Sans être Suisse, je m’y reconnaîtrais facilement :
« Je passais dans ce que j’appelais ma "boutique", un petit réduit tout enfumé à côté de mon bureau officiel, où je me fis monter une bouteille de Châteauneuf-du-Pape que j’envoyai chercher dans un restaurant proche du pont de la Sihl. Je bus un verre ou deux. Cette antichambre, j’aurais mauvaise grâce de le nier, était dans un désordre épouvantable, et l’on pouvait y voir quantité de livres au milieu des dossiers ; je professe l’opinion que c’est un devoir qui incombe à chacun, dans notre pays d’ordre et de propreté, de se ménager quelque part, de constituer par principe de petits îlots de désordre, quand bien même ce ne serait qu’en cachette. »
L’épreuve du guet auprès de l’"appeau humain" use aussi ce commandant, le menant à un état d’esprit paradoxal :
« A force de m’user les yeux sur elle, je la trouvais si banale, si quelconque, si commune et si vulgaire, cette gamine idiote, que j’aurais pu la tuer, l’étrangler de mes mains, la piétiner rien que pour ne plus l’entendre recommencer à chanter sa chansonnette imbécile ! »
Une atmosphère vaguement sordide, horrible, amorale ou immorale, en tout cas difficile à définir, baigne la Suisse pas si prospère et policée de ce roman policier ‒ il n’y a d’ailleurs pas de morale finale à cette chronique d’un effondrement obsessionnel (et/ou malchanceux ?!) dans la folie, même si elle mène à un dénouement inopiné.
Peut-être plus encore que La Panne, qui aborde aussi la fatalité avec humour noir, La Promesse est très bien écrit, déployant toutes les ramifications imbriquées du thème abordé : voir par exemple la conception du piège due aux observations sur la pêche.
Le sous-titre prévient que ce livre a pour vocation de rendre obsolète la logique appliquée des enquêteurs en littérature policière ; dès le début, le narrateur affirme ce credo que l’auteur veut illustrer :
« Dans vos romans, par contre, le hasard n’intervient pas, ne joue aucun rôle ; ou alors, s’il intervient tant soit peu, c’est pour aussitôt se travestir en Destin ou en Providence. Avec vous autres, les écrivains, la vérité finit toujours par être sacrifiée sur l’autel des Règles de l’art dramatique. Mais bon sang ! Fichez-les donc en l’air une bonne fois pour toutes, ces sacro-saintes règles ! La vie ne se présente pas comme un simple problème arithmétique ; une affaire ne saurait se régler comme une équation, pour la bonne raison que nous ne connaissons jamais tous les éléments, que nous ne possédons que quelques données seulement, et qui ne sont la plupart du temps jamais que très accessoires. Le grand rôle, c’est pour le hasard, l’imprévu, ce sur quoi l’on ne peut pas compter, la part énorme de l’incommensurable. »
En la circonstance, le hasard prendra une forme inattendue, celle de l’absurde.




mots-clés : #polar #psychologique

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Message par animal Mer 14 Nov - 20:47

Très bien écrit oui, tordu mais juste, humour et rentre dedans mais pas de faute de goût... très grinçant mais pas mauvais, etc.

Extrait :
Vous vous êtes à juste titre étonné que je vive toujours à l'hôtel, finit-il par dire. Mais c'est que je ne voulais pas me mesurer avec le monde, me mêler à lui : je prétendais bien le dominer par la pratique et l'expérience, mais je ne voulais pas courir de risques moi-même, je ne voulais pas avoir moi-même à pâtir. Je me retranchais, en quelque sorte, afin de toujours garder la tête claire et de venir à bout des choses par la seule technique. Aussi ai-je pu supporter la vue de la fillette : c'était encore mon métier, vous comprenez ? Mais là, quand je me suis retrouvé devant le père et la mère, tout d'un coup, je n'ai plus pu le supporter et j'aurais fait n'importe quoi pour fuir cette satanée maison du Vallonet ! C'est comme cela que j'ai promis sur mon âme de découvrir l'assassin : uniquement pour ne plus avoir la douleur de ces gens devant les yeux et sans m'arrêter au fait que je ne pourrais pas tenir ma promesse, puisque je devais prendre l'avion le lendemain pour la Jordanie. Et puis je me suis enveloppé de nouveau dans mes vieilles habitudes d'indifférence, de non-participation. C'est affreux, Locher ! C'est monstrueux ! Et pour le colporteur non plus, je n'ai rien fait ! J'ai tout simplement laissé aller les choses, tranquillement installé dans mon indifférence, redevenu cet être impersonnel que j'avais toujours été, ce qui provoquait les sarcasmes de mes camarades d'étude et de jeunesse. Oui, Locher, j'avais trouvé moyen de me réfugier de nouveau dans cette impassibilité "supérieure", de me retrancher dans le formalisme inhumain, jusqu'au moment où, sur l'aérodrome, j'ai vu les gosses.

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Message par Tristram Mer 14 Nov - 20:49

(Héhé, facile à appâter, le piège à Animal !)

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Message par animal Mer 14 Nov - 20:53

Avec Dürrenmatt aucun problème, aucun aucun !

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Message par ArenSor Mar 18 Déc - 12:49

Justice

Friedrich Dürrenmatt 22670110

Justice est un roman « policier » quelque peu déjanté et décalé.
Un respectable député, Kohler, entre dans la salle à manger d’un restaurant fréquenté par la bonne bourgeoisie zurichoise, et abat d’un coup de révolver le non moins respectable professeur Winter, en train de diner.
La description du meurtre donne tout de suite le ton :

Au moment où le coup partit, le commandant ne leva pas les yeux. C’est du moins ce qu’on raconte.  La chose n’est pas impossible, parce qu’à cet instant précis il était occupé à sucer artistement la moelle d’un os. Mais ensuite il se leva tout de même, allant jusqu’à renverser une chaise ; en homme d’ordre, il la remit sur ses pieds. Lorsqu’il parvint aux côtés de Winter, celui-ci gisait  déjà dans son tournedos Rossini, ses doigts enserrant encore le verre de chambertin.

Le récit, sous forme de confession, émane d’un certain Spät, un jeune avocat ambitieux, ne rêvant que de grosses cylindrées, de bureaux luxueux  et d’argent facile. Il a une haute idée de la Justice, mais paradoxalement, il est prêt à de multiples compromissions pour arrondir ses fins de mois, comme défendre les prostituées, qu’il fréquente assidument, leurs souteneurs et de fil en aiguille quelques membres de la pègre. Spät boit beaucoup, beaucoup trop et de plus en plus, d’où l’aspect quelque peu embrouillé de la chronologie de son récit. Mais rassurez-vous, aucune difficulté de lecture.
Mêlé à cette histoire Spät pense pouvoir en tirer les ficelles. Sa méconnaissance du « billard à trois bandes » va lui être fatale.

Justement : quelle vérité se cache derrière la vérité ? J’en suis réduit à des suppositions, à des tâtonnements. Où sont les faits dans leur exactitude ? Où sont les exagérations, les falsifications, les dissimulations ? Que croire, que ne pas croire ? Existe-t-il seulement quelque chose de vrai, de sûr et de certain derrière tous ces faits…

C’est toujours un grand plaisir que de lire Dürrenmätt. J’apprécie beaucoup son humour souvent vachard, sa satire féroce de la bonne bourgeoisie suisse, entrecoupée de réflexions de bon sens.
Un très bon moment de lecture.

-Votre épouse a reçu l’extrême-onction, dit-il.
-Parfait, rétorqua Stüssi-Leupin.
-Je prierai pour elle, assura l’homme de Dieu.
-Pour qui ?
-Pour votre épouse.
Cette précision laissa Stüssi-Leupin indifférent :
-C’est votre boulot.

-Impressionnant, dis-je. Je les ai pris pour vos gardes du corps.
-Impressionnants mais stupides. Ce sont des Ouzbeks. Les Russes les ont dégottés quelque part au fin fond de l’Asie et fourrés dans l’Armée rouge. Ils ont fini prisonniers des Allemands. Comme les anthropologues nazis n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur leur race, ils sont restés en vie. Mon père en a fait l’emplette dans un institut pour la recherche raciale. A l’époque, des bestiaux de ce genre coûtaient trois fois rien. Des déchets d’humanité, inutilisables. Moi je décrète qu’ils sont ouzbeks, parce que le mot me plait.

Nous avons couché ensemble, elle et moi, sans échanger une parole. Nous ignorions qu’il n’est pas de bonheur sans mots. Tout au plus éprouvai-je cette nuit-là, fugitivement, le bonheur de pressentir ce que j’aurais pu devenir ; un possible insaisissable, qui reposait en moi, mais que je n’ai pas réalisé.  Dans ce bonheur d’une nuit, j’étais convaincu d’être un autre. Erreur. Lorsque au matin, nos regards se sont croisés et pénétrés, nous savions que notre heure était passée. »

Parce que la Justice, pour s’accomplir exige que les parties soient également coupables. Comme dans cette Crucifixion du retable d’Issenheim : sur la croix, un cadavre horrible et gigantesque, dont le poids fait plier les poutres ; un Christ encore plus repoussant que les lépreux pour lesquels on l’a peint. Les lépreux le regardaient ; leur lèpre, croyaient-ils, était un cadeau de ce Dieu. Justice était donc faite, le Dieu méritait sa crucifixion.


mots-clés : #criminalite #justice
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Message par animal Mar 18 Déc - 20:41

cheers

Je m'étais régalé !

Justice

A l'heure de la plus grande affluence, dans un restaurant fréquenté par la meilleure société, un député zurichois, Isaak Kohler, tire à bout portant sur un professeur d'université. On le condamne à vingt ans de réclusion. De sa prison, il fait appel à un jeune avocat désargenté du nom de Spät et le charge de réexaminer l'affaire mais en considérant, à titre d'hypothèse, que le meurtre a été commis par quelqu'un d'autre. La proposition paraît absurde. Le jeune avocat l'accepte cependant, pour se retrouver pris au piège d'une Justice fort éloignée de ses idéaux. Et c'est lui, désormais, qui voudra tuer pour rétablir la vérité.




Pour l'essentiel ce sont les mémoires de ce jeune avocat prometteur qui n'en finit plus de tomber, des mémoires imbibées d'alcool, beaucoup, et d'événements mal digérés, beaucoup aussi. et rien n'est simple. forcément. C'est un gros polar qui se passe à Zürich mais n'a rien (vraiement rien) a envié à la décadence de gros pavés américains, je pense à des ambiances à la Ellroy... en plus varié, polymorphe. Le vertige de la dégringolade d'un Spät qu'on sent perdant dès le départ, la rédaction de ses mémoires précède sa fin, se complète d'un vertige halluciné et sauvagement imbriqué sur les apparences et la justice, les noeuds de l'histoire ne cessant de se faire et de se défaire au rythme de discussion aux conclusions momentanées et incertaines. Et puis c'est abrasif d'un point de vue sociétal, Dürrenmatt et dans une pareille ambiance ça prend vite le goût un horrible régal.


La fin, vous pouvez toujours galoper pour la deviner, toutes les conclusions à en tirer peut-être bien aussi. Rien d'inquiétant si on envisage, qu'après tout il parle aussi de façon assez sérieuse de justice, l'institution, l'individu.... les individus.


Une grosse démonstration de son savoir faire, de conteur, de vrai auteur de polar, de maître de la critique de ses semblables (et concitoyens), de l'humour, pas mal de finesse et son incroyable ambiance à la fois instantanément terre à terre et surréaliste. et cette ambiance j'adore. Incroyable comme tout s'anime (et comme les gens meurent).


le début sur le site de l'éditeur : ici

récup sauvage...

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Message par églantine Mar 18 Déc - 20:44

Ah ça risque de me plaire , je vais l'acquérir tiens ! Merci vous deux !
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Message par Tristram Mer 19 Mai - 13:53

Le Juge et son bourreau

Friedrich Dürrenmatt Le_jug10

J'ai une difficulté extrême à rendre compte de la lecture de certains livres de Dürrenmatt (j'ai esquivé La Panne) : tout résumé risque de devenir plus long et embrouillé que l'original, sans compter le dévoilement d'un ou plusieurs niveaux de suspense. Celui-ci est typique : il commence comme un polar banal, glisse progressivement, au-delà de ce que le lecteur aura deviné, sur l'affrontement titanesque de deux fortes personnalités, dans une vaste perspective aux reflets de fantastique et de métaphysique.
« Tu soutenais, toi, que du fait de la faillibilité humaine, de l’incapacité où nous sommes de tout prévoir en toute certitude, de l’impossibilité pour l’homme de faire entrer dans ses calculs la part insaisissable du hasard, de l’accident, de l’imprévu, tu soutenais, dis-je, que tous les crimes finissent nécessairement par être découverts un jour, et les coupables pris. Tu prétendais que c’était une folie que de commettre un crime parce que, disais-tu, les plus adroites combinaisons échouent du fait que nous sommes des hommes, et non les pions d’un jeu d’échecs. Moi, par contre, j’affirmais le contraire, d’ailleurs beaucoup plus pour te contredire que par conviction profonde. Et je disais que la complexité des relations entre les hommes offrait des possibilités au crime parfait, c’est-à-dire indémontrable, et que, même, on pouvait affirmer qu’il existe une majorité de criminels impunis, pour la raison qu’on ne sait même pas qu’il y a eu crime, tout se passant en secret et le secret n’étant jamais découvert. Je disais que, la plus grande partie des gestes et des mobiles humains appartenant à l’inconnu, une toute petite partie seulement de nous-mêmes paraissait jamais à la lumière. »
Du grand art !

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Message par Quasimodo Mer 19 Mai - 14:46

Tristram a écrit:J'ai une difficulté extrême à rendre compte de la lecture de certains livres de Dürrenmatt (j'ai esquivé La Panne) : tout résumé risque de devenir plus long et embrouillé que l'original, sans compter le dévoilement d'un ou plusieurs niveaux de suspense.
Pour ça, il y a la solution du commentaire intégralement en spoiler. Le liront et en discuteront ceux qui ont lu le livre !

Belle citation, sinon !
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Message par Tristram Mer 19 Mai - 18:04

Pas facile quand même ! sur Wikipédia on ne s'est pas embêté, on y raconte tout, sans pour autant rendre compte de l'ensemble de ce que Dürrenmatt y a mis, ce qui apporte peu finalement. Décidément l'auteur-type qu'il faut lire soi-même !

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Message par animal Mer 19 Mai - 20:09

Le pied Dürrenmatt !

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Message par Tatie Mar 8 Juin - 18:20

On la chasse par la porte, elle revient par la fenêtre !

La politique...

Etonnant : https://www.lefigaro.fr/culture/l-ecrivain-friedrich-duerrenmatt-surveille-par-les-services-secrets-suisses-pendant-cinquante-ans-20210607

La Suisse, un état policier ? J'ai dû louper une marche...scratch
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Message par animal Mar 8 Juin - 20:01

... conservateur ?

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Message par animal Mar 8 Juin - 20:09

Tiens, ça me fait penser, le Guillaume Tell pour les écoles de Max Frisch ça pourrait t'intéresser (ses histoires sur son service militaire aussi).

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Message par Tristram Mer 6 Oct - 13:48

Le soupçon  

Friedrich Dürrenmatt Le_sou10

Le commissaire Baerlach, de la police fédérale de Berne, celui-là même de Le juge et son bourreau, va être prochainement à la retraite ; il est hospitalisé avec un cancer lui laissant espérer encore un an de vie. Son ami et médecin le docteur Hungertobel lui transmet un soupçon qui paraît invraisemblable : le docteur Emmenberger, qui dirige une clinique pour patients fort riches, serait-il Nehle, médecin du camp de Stutthof où il pratiquait des opérations sans narcose (avant de se suicider en 1945) ? Baerlach imagine que Nehle aurait pu changer d’identité avec un autre, et se fait hospitaliser dans la clinique du docteur Emmenberger, où il entreprend de démasquer ce dernier en se présentant comme un chasseur de nazis.
C’est en fait, outre une intrigue finalement peu plausible, une réflexion sur l’humanité, le Mal et la justice, centrée sur l’horreur nazie (Dürrenmatt précise que les victimes de Nehle acceptaient la torture par espoir insensé de survivre.)
Des personnages étonnants surgissent, tels que le colosse Gulliver, une sorte de mystérieux Juif errant rescapé de tous les camps, Ulrich Friedrich Fortschig, écrivain malheureux et journaliste éditant La Flèche de Guillaume Tell, une feuille intermittente de protestation attaquant les puissants, et aussi un nain.
J’ai apprécié que Gulliver considère qu’on peut juger les gens, pas les peuples...
« …] et le monde était surtout mauvais par indifférence, et tout allait de mal en pis du fait de cette indifférence. »
… et trouvé dans ce (faux) polar métaphysique une définition qui pourrait être celle de l’écrivain :
« Le criminaliste a pour premier devoir de mettre le réel en question, affirma le commissaire. »
J’ai pensé à Poe et Michel Rio (et que ce n’était pas le meilleur de Dürrenmatt).

\Mots-clés : #campsconcentration #polar

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