Nick Harkaway
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shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
Ce roman d'anticipation paraitra à certains un pur bavardage, une logorrhée inepte, un ovni littéraire sans saveur, délirant, ingrat, trop lourd, trop gros, trop long.
C'est ce que j'ai failli penser en commençant cette lecture de longue (très longue) haleine. 670 pages qui racontent la vie de l'autre, l'autre, c'est le double de Gonzo, son presque frère jumeau, en tout cas un petit bonhomme qui va suivre, quasiment pas à pas, la carrière de son égo. Et quelle carrière…
Tout commence par le milieu. Oui. Nous sommes dans un bar, les gens s'amusent et soudain l'électricité s'éteint, on apprend que la ligne Jorgmund est en feu. Ce qui est tout bonnement techniquement impossible. C'est insoutenable !
On enchaine avec l'enfance de Gonzo et de notre narrateur, ombre dans l'ombre, petit être intelligent, légèrement inférieur en tout à son modèle à moins qu'il ne lui soit un chouya supérieur. Après quelques cours de kung-fu, un délire sur les combattants ninjas, un respectable maître Wu, des amours adolescentes puis estudiantines assez convenues ; notre héros fait sa révolution au nom d'un petit pays inconnu de nos radars l' Addeh-Katir. Cela lui vaudra un passage à tabac, la peur de la chaise électrique et finalement le rabattage vers les forces spéciales… et l'envoi en Addeh-Katir. Là, un savant fou va expérimenter une bombe spéciale (qui au final s'avèrera connue et utilisée par le monde entier). Cette bombe utilise une substance, La Substance qui désinforme l'information (parce que ne croyez pas que nous sommes seulement dans un livre d'arts martiaux et de belles pépés infirmières et bien roulées), non, nous sommes aussi dans un roman d'anticipation avec de vraies réflexions politiques et géostratégiques. Donc. La Substance efface les informations ou les déforme. C'est-à-dire qu'une ville entière peut simplement disparaître de la carte et du territoire (ce n'est pas la même chose) ou ses membres peuvent se transformer en chimères (du moins en ce à quoi ils sont en train de penser, rêver, réfléchir au moment de l'attaque). C'est assez effrayant. C'est même parfois particulièrement hostile. Bombe à Effacer puis Réification.
Heureusement Gonzo, notre narrateur, son infirmière et leurs amis font partie des forces spéciales et se regroupent pour imaginer un monde meilleur à construire sur les ruines de l'ancien. Cela donne lieu à quelques passes d'armes mémorables avec (au choix) des monstres ou d'affreux humains mercantiles. Et là on se retrouve au début : la Frontière flambe et il faut envoyer nos courageux soldats pour combattre le feu.
Si Nick Harkaway ne manque pas d'imagination, si parfois le lecteur peut craindre ses sauts du coq à l'âne, sa manière irrationnelle de traiter une histoire, de relater une aventure, il n'en reste pas moins qu'au bout d'un certain temps on se retrouve un peu piégé par l'univers tout feu tout flamme (voire foutraque) de notre narrateur et qu'on finit par s'attacher à cet étrange bloc de muscles et de neurones, parfumé à la testostérone et caparaçonné de matière grise. Le tour de force est finalement de parvenir à nous intéresser à une histoire qui part dans tous les sens, qui peut sembler un brin légère, voire scabreuse et qui finalement fascine. Les deux cents dernières pages, brillantes, héroïques, je dirais même ninjas sont absolument remarquables.
"Plus que tout, j'ai voulu que ce livre soit drôle, dit Harkaway, plus drôle que votre vie de tous les jours". Pari réussi pour un auteur qui n'a pas à rougir de son œuvre naissante.
Au final, un truc bizarre, qui ne ressemble à rien de connu, mais qui m'a plu. Uh uh.
mots-clés : #romananticipation
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
L'Evangéliste m'a écrit également ; toutefois, seules la date et sa signature ont survécu au couperet du censeur ; le reste de sa missive a été évidé à la lame de rasoir, me laissant entre les mains une molle carcasse de papier éviscéré. Cette lettre zombie me fait un peu froid dans le dos. Je la vois déjà sortant de sa tombe au milieu de la nuit pour dévorer mes autres lettres en commençant par les en-têtes. Après, elle se faufilera hors du camp et commencera son saccage et, alors, plusieurs des bouts de papier qu'elle aura laissés derrière elle ressusciteront, et la peste du papier-vampire se propagera à une échelle si vaste que rien ne pourra l'arrêter... Ouaha ha ha ha !
Je pose la lettre-zombie à l'écart et je secoue mes chaussures.
(...)
Dans les films d'action, le héros est capable d'expliquer en quelques phrases catégoriques en quoi consiste le danger, et tout le monde (sauf le personnage qui se fera manger plus tard ou devra présenter ses excuses) accepte immédiatement ses paroles comme étant l'expression de la réalité et en comprend la portée. Je sens bouillonner en moi le réflexe du singe : fuir, chercher à prendre l'avantage, me battre ! Bourrer de coups de poing tout ce qui est petit et mou. Pour tuer ce qui est grand et solide il faut se munir d'un bâton terminé par une pierre ou un os affûté. Et moi, je veux tuer la bête comme elle veut me tuer moi, ou quiconque est capable de voir ce qu'elle est en réalité. Tout doit fonctionner d'une façon qui soit compatible avec la Jorgmund. Ce qui n'est pas compatible avec la compagnie ne saurait subsister. L'évolution n'agit ni dans la confusion ni dans un esprit de compassion : l'ADN ne négocie pas. Cette bête procède de la même façon : elle est trop basique, trop jeune, trop simple dans son genre pour autoriser les différences.
Je pose la lettre-zombie à l'écart et je secoue mes chaussures.
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Dans les films d'action, le héros est capable d'expliquer en quelques phrases catégoriques en quoi consiste le danger, et tout le monde (sauf le personnage qui se fera manger plus tard ou devra présenter ses excuses) accepte immédiatement ses paroles comme étant l'expression de la réalité et en comprend la portée. Je sens bouillonner en moi le réflexe du singe : fuir, chercher à prendre l'avantage, me battre ! Bourrer de coups de poing tout ce qui est petit et mou. Pour tuer ce qui est grand et solide il faut se munir d'un bâton terminé par une pierre ou un os affûté. Et moi, je veux tuer la bête comme elle veut me tuer moi, ou quiconque est capable de voir ce qu'elle est en réalité. Tout doit fonctionner d'une façon qui soit compatible avec la Jorgmund. Ce qui n'est pas compatible avec la compagnie ne saurait subsister. L'évolution n'agit ni dans la confusion ni dans un esprit de compassion : l'ADN ne négocie pas. Cette bête procède de la même façon : elle est trop basique, trop jeune, trop simple dans son genre pour autoriser les différences.
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
Ben ça fait saliver tout ça ! A deux doigts de passer dans ma LAL.
Toutefois...
Toutefois...
Pas trop "light fantasy" à la Jasper Fforde, au moins ? (J'avais bien aimé "L'affaire Jane Eyre", mais "Délivrez-moi !", deuxième tome de la saga Thursday Next m'avait déçu...).shanidar a écrit:Si Nick Harkaway ne manque pas d'imagination, si parfois le lecteur peut craindre ses sauts du coq à l'âne, sa manière irrationnelle de traiter une histoire, de relater une aventure, il n'en reste pas moins qu'au bout d'un certain temps on se retrouve un peu piégé par l'univers tout feu tout flamme (voire foutraque) de notre narrateur et qu'on finit par s'attacher à cet étrange bloc de muscles et de neurones, parfumé à la testostérone et caparaçonné de matière grise.
Exini- Messages : 261
Date d'inscription : 03/12/2016
Age : 50
Localisation : Toulouse
Re: Nick Harkaway
Pas bien sûre que ce soit pour moi, mais je retiendrai son nom, merci Shanidar!
Marie- Messages : 641
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
Exini a écrit:Ben ça fait saliver tout ça ! A deux doigts de passer dans ma LAL.
Toutefois...Pas trop "light fantasy" à la Jasper Fforde, au moins ? (J'avais bien aimé "L'affaire Jane Eyre", mais "Délivrez-moi !", deuxième tome de la saga Thursday Next m'avait déçu...).shanidar a écrit:Si Nick Harkaway ne manque pas d'imagination, si parfois le lecteur peut craindre ses sauts du coq à l'âne, sa manière irrationnelle de traiter une histoire, de relater une aventure, il n'en reste pas moins qu'au bout d'un certain temps on se retrouve un peu piégé par l'univers tout feu tout flamme (voire foutraque) de notre narrateur et qu'on finit par s'attacher à cet étrange bloc de muscles et de neurones, parfumé à la testostérone et caparaçonné de matière grise.
Alors je ne connais pas Fforde, mais pour faire un parallèle qui va te parler j'ai beaucoup pensé à Christopher Brookmyre en lisant Harkaway. Ce dernier est peut-être plus gai, moins cynique, violent que l'autre, mais on est à peu près sur la même émulation et le désir de pousser à bout son désir/délire d'écrire.
Marie a écrit:Pas bien sûre que ce soit pour moi, mais je retiendrai son nom, merci Shanidar!
C'est quoi qui coince, le côté Sf ou l'aspect un brin foutraque ?
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
Brookmyre, c'était le nom qui me venait en lisant ton post, et si c'est plus gai en plus !
Alors dans ma LAL, et certainement bientôt dans ma PAL !
Alors dans ma LAL, et certainement bientôt dans ma PAL !
Exini- Messages : 261
Date d'inscription : 03/12/2016
Age : 50
Localisation : Toulouse
Re: Nick Harkaway
le côté SF? Les cours de kung-fu et les combattants ninja? cet étrange bloc de muscles et de neurones, parfumé à la testostérone et caparaçonné de matière grise.??C'est quoi qui coince, le côté Sf ou l'aspect un brin foutraque ? a écrit:C'est quoi qui coince, le côté Sf ou l'aspect un brin foutraque ?
Par contre, l'irrationnel, j'aime beaucoup, et l'humour aussi.
Mais c'est bien de savoir qu'il existe, je n'en avais jamais entendu parler !
Par contre Jasper Fforde m'avait fait beaucoup rire, mais je n'ai lu que L'affaire Jane Eyre.
Marie- Messages : 641
Date d'inscription : 02/12/2016
Re: Nick Harkaway
Disons qu'il utilise à fond le principe de la dystopie : envisager une société imaginaire qui vire au cauchemar. Le regard politique de l'auteur est d'ailleurs assez savoureux et tend à démontrer que seul l'individu, la personne, peut en prenant en main sa vie faire que le monde aille mieux.
Et puis il y a une dernière cascade (qu'on voit venir de loin mais qui n'en ai pas moins cruciale) à la fin qui est bien utilisée.
Quant aux ninjas, il donne à l'auteur l'occasion d'écrire quelques très bons moments d'anthologie !
Je note ce Fforde, souvent croisé, jamais tenté !
Et puis il y a une dernière cascade (qu'on voit venir de loin mais qui n'en ai pas moins cruciale) à la fin qui est bien utilisée.
Quant aux ninjas, il donne à l'auteur l'occasion d'écrire quelques très bons moments d'anthologie !
Je note ce Fforde, souvent croisé, jamais tenté !
shanidar- Messages : 1592
Date d'inscription : 02/12/2016
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