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Annie Dillard

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Message par Tristram Sam 8 Fév - 12:09

Annie Dillard
(Née en 1945)


Annie Dillard  Annie_10

Annie Dillard, née le 30 avril 1945 à Pittsburgh en Pennsylvanie aux États-Unis, est une romancière, poétesse et essayiste américaine. Elle est surtout connue pour ses essais romancés (narrative nonfiction).
Aînée des trois filles de sa famille, elle passe son enfance dans sa ville natale qu'elle racontera dans son autobiographie Une enfance américaine, où elle décrit sa mère comme une boule d'énergie non-conformiste, cependant que son père lui apprend divers sujets utiles allant de la plomberie à l'économie, en passant par les subtilités contenues dans le roman Sur la route de Jack Kerouac.
Pendant son adolescence, elle lit sur une grande variété de sujets : la géologie, l'histoire naturelle, l'entomologie, l'épidémiologie, l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, ou encore, la poésie. Elle prend également des leçons de piano, de dessin et de danse, en plus de collectionner les pierres et les insectes.
Elle fait des études supérieures en littérature et en creative writing à la Hollins University, une institution d'enseignement de l'État de Virginie. Elle épouse son professeur d'écriture, le poète R. H. W. Dillard, de huit ans son aîné. En 1968, elle obtient une maîtrise en anglais. Sa thèse a pour sujet Walden de Thoreau et son rapport avec la nature et la spiritualité. Après l'obtention de son diplôme, elle fait un temps de la peinture à l'huile, tient un journal et publie plusieurs poèmes et nouvelles.
En 1971, elle manque de mourir de pneumonie et comprend soudain que la vie peut s’arrêter à chaque instant. À l'âge de 29 ans, elle remporte le prix Pulitzer de l'essai 1975 avec Pèlerinage à Tinker Creek, publié en 1974.
Comparés par la critique aux œuvres de Virginia Woolf, de Gerard Manley Hopkins, d'Emily Dickinson, de William Blake ou de John Donne, Annie Dillard a pour auteurs favoris Henry James, Thomas Hardy, Graham Greene, George Eliot et Ernest Hemingway.

Œuvre traduite en français :

Romans :
• Les Vivants (The Living, 1992), Christian Bourgois, 1994
• L'Amour des Maytree (The Maytrees, 2007), Christian Bourgois, 2008

Essais romancés :
• Pèlerinage à Tinker Creek (Pilgrim at Tinker Creek, 1974), Christian Bourgois, 1990
• Apprendre à parler à une pierre (Teaching a Stone To Talk, 1982), Christian Bourgois, 1992  
• En Vivant, en écrivant (The Writing Life, 1989), Christian Bourgois, 1996
• Au présent (For the Time Being, 1999), Christian Bourgois, 2001

Autobiographie :
• Un enfance américaine (An American Childhood, 1987), Christian Bourgois, 1990

Anthologie publiée en France :
• Lumières, traduit par Michel Gresset et Gérard Petiot, Christian Bourgois, 1994

(Wikipédia corrigé)



D’Annie Dillard, une des premières auteures de nature writing aux U.S.A., j’ai lu Au présent, bref livre éclaté où elle s’interroge notamment sur la place de l'individu au sein de la multitude (et je voudrais lire En vivant, en écrivant, ainsi que Pèlerinage à Tinker Creek).


Dernière édition par Tristram le Lun 24 Aoû - 1:03, édité 2 fois

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Tristram Sam 8 Fév - 12:20

Les vivants

Annie Dillard  Les_vi10


Whatcom, État de Washington, arrivée des premiers pionniers mi-XIXe sur la rive du Pacifique, parmi les énormes sapins Douglas et les accueillants Indiens Lummis.
« C’était l’abrupt rebord du monde, où les arbres poussaient jusqu’aux pierres. »

« Constellés de gouttes, les arbres ruisselaient sans cesse. On aurait dit une condensation, une incarnation de la pluie, une excroissance affreusement pesante et foisonnante contre laquelle l’homme luttait tous les jours de toutes ses forces, et qu’il détestait au plus profond de son cœur douloureux. Ce pays n’avait nul besoin d’ombre fraîche. La tâche de Rooney consistait à briser ce dôme ombreux, à aider le soleil à descendre jusqu’à terre. »

« Cela lui paraissait grandiose. « Je crois que je verrai les bienfaits du Seigneur au pays des vivants », lisait-elle [Ada, dans les Écritures] et Rooney y croyait aussi. »
Les familles survivent courageusement dans la précarité (nombreux accidents mortels, mais aussi épanouissement des enfants), et en bonne intelligence avec les Indiens du cru.
« De leur côté, les Lummis avaient appris à ignorer l’affreuse odeur des Bostons, car les nouveaux venus se lavaient rarement et ne changeaient jamais de sous-vêtements. Ils apprirent aussi à ne pas fouiller partout, car cela plongeait les Bostons dans un état d’énervement inutile, et à ne pas chaparder des objets ou des enfants sans prévenir. Ainsi, les gens s’entendaient. »

« Il disait que les Indiens étaient tous différents, jusqu’au dernier, exactement comme les Blancs, et John Ireland commençait seulement d’imaginer qu’il en était sans doute ainsi. »

« Le matin, le soleil semblait jaillir au hasard de n’importe quel point de l’horizon, comme une hirondelle. Il montait et descendait le long des versants des montagnes, chaîne après chaîne, sur ce rebord oriental du monde. Chaque après-midi, il jetait des ombres et des lumières nouvelles sur le papier peint ; chaque soir, il sombrait derrière une île différente. Le soleil est une créature fantasque, pensait le jeune Clare Fishburn ; le soleil est une abeille. Le jour faisait éclater les ténèbres puis inondait le monde ; toute la plage vacillait, s’enivrait de lumière. »

C’est aussi l’époque du boom économique américain, celle de l’épopée du chemin de fer, de l’expansion de la ville et du capitalisme marquée de crises désastreuses, et celle de la déportation des Chinois (voulue par les socialistes).
« ils créaient purement et simplement de l’argent »

« Aucun enfant n’est jamais voué à une vie ordinaire, on le voit bien en eux et d’ailleurs ils le savent, mais l’époque se met alors à les travailler, ils perdent leur intelligence à force d’apprendre ce que les gens attendent d’eux, ils dépensent toute leur énergie à essayer de s’élever au-dessus de leurs semblables. »

« Si l’utilité et la valeur du papier-monnaie dépendaient d’une superstition comme "la confiance du public", alors il ne savait plus à quel saint se vouer. »
Beal Obenchain le psychopathe malfaisant a décidé de faire sa chose de Clare Fishburn en lui annonçant qu’il allait le tuer d’un moment à l’autre, ce qui déclenche une méditation existentielle de la victime en attente (et met un peu de suspense dans l'histoire).
« S’il mourait maintenant, sa vie n’aurait été qu’un bref épisode, comme une averse passagère. S’il mourait plus tard, en ayant accompli davantage de choses, cela reviendrait au même. »

« Le temps était un hameçon dans sa bouche. Le temps le tirait, mâchoire en avant ; le temps le ramenait, tête la première, hébété, vers un rivage dont il n’avait pas soupçonné l’existence. »

« Il était, depuis le début, une bobine d’empreintes de pas qui commençaient un peu plus au nord, dans la cabane du campement dressée sur la plage où il avait appris à se tenir debout en s’accrochant à la jupe noire de sa mère. Ses traces disparaissaient, puis redevenaient visibles à mesure qu’il égrenait ses jours et ses ans ; il passa douze années à Goshen avant de revenir à Whatcom et il effectua d’innombrables allées et venues entre son domicile et le lycée, puis le bureau. Maintenant, sur cette plage, ses traces se dévidaient derrière lui telle une épluchure : le temps était un couteau qui l’épluchait comme une pomme et il allait continuer de l’entailler jusqu’à la fin. Ses traces, les traces de sa vie se termineraient abruptement, elles aussi – mais à ce moment-là il ne s’envolerait pas, comme un oiseau dans le ciel ; il descendrait sous terre. »

« Ces dernières années, quand il se retrouvait à chercher la compagnie des mouettes et des corneilles, des jeunes enfants et des arbres tolérants, il se savait motivé non seulement par leur indifférence envers sa personne et par leur belle spontanéité en sa présence, mais aussi parce qu’il admirait leur pureté, leur solitude sous le ciel bouleversé : les pattes des oiseaux dans la charogne, l’attention des jolis enfants, l’humilité et la rigueur des arbres. »
La place prépondérante de la religion chez les pionniers, qui doutent cependant :
« Dans le Sinaï, Dieu leur dit de ne pas toucher la montagne, sinon Il se mettrait en colère contre eux. Ils ne touchèrent pas la montagne, mais apparemment Il se mit néanmoins en colère contre eux, tout comme Il se mit en colère contre Ada tout près des montagnes, alors qu’elle non plus n’avait touché à rien. »
Une fresque historique (plus de 700 pages), avec de nombreux personnages hauts en couleur :
« Eddie Mannchen, dont la mère était morte brûlée à Goshen, et qui s’était installé à Whatcom vingt ans plus tôt, était passager sur le vapeur de Seattle en ce mois de mai, quand le courant drossa le bateau sur un rocher près d’Anacortes et qu’il coula. Tout le monde quitta le navire sain et sauf, tout le monde sauf Eddie Mannchen ; il resta à bord. Les gens installés dans les canots de sauvetage l’appelèrent et le supplièrent. L’eau lui arrivait à la taille sur le pont arrière, mais il resta à bord, les bras croisés, son chapeau repoussé sur la nuque. Enfin, le vapeur coula, entraînant la surface de l’eau avec lui, ainsi qu’Eddie Mannchen et son chapeau. Une femme agacée, qui élevait du bétail, le repêcha d’un coup de filet. Quand elle lui demanda pourquoi diable il avait fait cette ânerie, il répondit qu’il voulait seulement savoir, pendant une demi-heure, "à quoi ça ressemblait d’être le propriétaire d’un bateau et fabuleusement riche." »

Mots-clés : #aventure #colonisation #immigration #independance #nature #ruralité #xixesiecle

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Message par ArenSor Sam 8 Fév - 13:07

Voui, voui, voui... J'ai cet énorme pavé dans une de mes PAL, mais il est tellement énorme que j'hésite à m'y lancer un jour. Convaincu ou pas Tristram (ton commentaire est assez neutre) ?
J'avais beaucoup aimé "Apprendre à parler à une pierre" et "En vivant, en écrivant" Very Happy
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Message par bix_229 Sam 8 Fév - 15:13

J'ai aimé tout ce que j'ai lu d'Annie Dillard et notamment En vivant en écrivant et L'Amour des Maytree. Je crois que tous ceux qui aiment les écrits de nature ne pourront pas rester insensibles à ce qu'elle écrit.
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Message par bix_229 Sam 8 Fév - 15:15

Quelques notes prises après la lecture de L'Amour des Maytree.

-Nos impressions de lecture fluctuent au milieu de notre vécu et de nos états de conscience. Le résultat est mélangé et parfois aléatoire...

-Annie Dillard n'écrit pas une histoire linéaire et ses personnges évoluent sans continuité chronologique. Comme pour rappeler que toute vie humaine est aussi et d'abord une histoire, et que cette histoire, c'est elle qui la raconte. A sa façon.

-Le couple principal de ce roman m'a fait penser à celui de Vue cavalière de Stegner, un couple qui reste attaché au fil des années par des liens mystérieux qui transcendent les séparations et les oppositions.

- Le style d'Annie Dillard est précis, sobre et lyrique. Comme s'il était le produit d'une maturation réfléchie. Souvent d'une grande beauté.

"Elle n'avait pas le force de lutter : elle se sentait comme un morceau de papier que la force du vent plaque contre une cloture.
Elle était un cheval de bois, un cairn rocheux, un bidon de bitume. Elle
se retrouvait là, à tenir un bout de l'amour, à en dévider toute seule la
longue ligne -ça ne mordait pas". P. 119

"Parfois, au milieu de leur sommeil, au plus noir de la nuit, quand soufflait
un vent métallique et qu'à travers la vitre, les étoiles forçaient la chambre, ils se réveillaient au meme instant, comme s'il venait de se produire un tremblement de terre. La passion revenait'elle qu'ils éclataient de rire.
Parfois, le jour ou la nuit, il les écoutait respirer, elle et lui, vieux comme les océans -pleins d'expérience.
Ils s'étreignaient et regardaient, chacun par dessus l'épaule de l'autre, le naufrage qu'était le monde, en tenant à distance tout ce qui était en ruine ou défeuillé.
Ou alors, ils le berçaient, ce monde, entre eux deux, comme un enfant mortellement malade -avec amour, mais sans lui dire tout ce qu'ils savaient." P. 153


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Message par bix_229 Sam 8 Fév - 15:23

En vivant en écrivant

Quelques citations à ^propos de ce livre très apprécié.

P70 plutôt que d’écrire un livre, je le veille, comme un ami à l’agonie. Durant les heures de visite, j’entre dans sa chambre avec terreur et je compatis à ses nombreux désordres. Je lui tiens la main en espérant que son état va s’améliorer. Ce tendre rapport peut changer en un clin d’œil. Si tu sautes une ou deux visites, le travail en cours se retourne contre toi. Un travail en cours devient vite féroce. En une nuit, il retourne à l’état sauvage…. C’est un lion que tu mets en cage dans ton bureau. A mesure que le travail avance, il devient plus difficile à contrôler ; c’est un lion dont la force croit. Tu dois lui rendre visite tous les jours pour réaffirmer ta maîtrise sur lui. Si tu sautes une journée, tu redoutes, à juste titre, d’ouvrir la porte de sa chambre.

"Pourquoi lisons-nous, sinon dans l'espoir d'une beauté mise à nu, d'une vie plus dense et d'un coup de sonde dans son mystère le plus profond ?
"Pourquoi lisons-nous, sinon dans l'espoir que l'écrivain rendra nos journées plus vastes et plus intenses, qu'il nous illuminera, nous inspirera sagesse et courage, nous offrira la possibilité d'une plénitude de sens, et qu'il présentera à nos esprits les mystères les plus profonds, pour nous faire sentir de nouveau leur majesté et leur pouvoir ?
"Encore et toujours, nous avons besoin d'éveil. Nous devrions nous rassembler en longues rangées, à demi vétus, tels les membres d'une tribu, et nous agiter des calebasses au visage, pour nous réveiller ; à la place,
nous regardons la télévision et ratons le spectacle."
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Message par Tristram Sam 8 Fév - 19:05

ArenSor a écrit:Convaincu ou pas Tristram (ton commentaire est assez neutre) ?
Eh bien... je ne le déconseillerais pas : c'est un peu long (mais la longueur n'est pas inutile), ça se lit sans effort (et c'est un peu dommage par moments), mais ce n'est sans doute pas un chef-d'oeuvre, tel que traduit en tout cas... Tout ce que je peux dire, c'est que je ne regrette absolument pas ma lecture !

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Message par Bédoulène Sam 8 Fév - 23:17

ce n'est pas un franc enthousiasme donc si je tiens compte de " je ne le déconseillerais pas" et "c'est que je ne regrette absolument pas ma lecture !"

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Message par Tristram Sam 8 Fév - 23:20

En un mot, il faut vous faire toutes et tous votre propre idée (et dire ce que vous en pensez) !

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Message par Tristram Lun 16 Jan - 12:39

Pèlerinage à Tinker Creek

Annie Dillard  Pzoler10

« Au point où j’en suis, je me propose de tenir ce que Thoreau appelait « un journal météorologique de l’esprit » : raconter des histoires et décrire certains spectacles de ce vallon du genre plutôt domestiqué, et d’explorer, toute tremblante de frayeur, certains recoins obscurs, non répertoriés sur la carte, certaines citadelles d’impiété, où nous entraînent ces histoires et ces spectacles, de manière si vertigineuse.
La science, moi, je n’y connais rien. Je me contente d’explorer les environs. Le petit enfant qui sait tout juste tenir sa tête, a une façon franche et directe de regarder autour de lui, étonné de tout. Il n’a pas la moindre idée du lieu où il se trouve, et tout ce qu’il veut, c’est apprendre à le connaître. Une ou deux années de plus, et tout ce qu’il aura appris au lieu de cela, c’est à le travestir : il aura cet air de petit coq arrogant du squatter au moment où il en vient à se sentir propriétaire des lieux. Une sorte de curieuse vanité apprise nous détourne de notre projet initial qui est d’explorer les environs, d’examiner le paysage, pour découvrir au moins en quel lieu nous avons été, de manière si surprenante, déposés, s’il ne nous est pas permis d’en connaître le pourquoi. »
Et c’est effectivement une exploration quotidienne de son environnement virginien que ce recueil d’observations à la fois précises et enthousiastes (y compris au moyen d’instruments d’optique), ainsi que des réflexions qui en naissent.
« À moins que depuis la nuit des temps, toutes les races humaines aient été abusées dans une même hypnose collective (et par quel hypnotiseur ?), il semble qu’il existe une chose qui s’appelle la beauté, une grâce infiniment gratuite. »
Parmi ces cogitations, une place importante est reconnue au regard qui est porté sur la nature, notamment dans le chapitre 2 – Voir :
« Mon problème, c’est que je n’arrive pas à savoir ce que l’amoureux, lui, sait ; il m’est tout simplement impossible d’apercevoir cette évidence artificielle que construisent tous ceux qui savent. »

« Voir, est bien sûr, pour une grande part, affaire de verbalisation. À moins que je ne prête attention aux choses qui défilent devant mes yeux, je ne les verrai tout simplement pas. »
Cela passe par exemple par les étourneaux, volontairement introduits d’Europe en Amérique du Nord, qu’on a vainement essayé de réguler (il semble qu’on ait fait des progrès depuis…) ; « trois cents merles à ailes rouges qui s’enfuient d’un oranger des Osages », une nèpe qui aspire l’intérieur d’une grenouille, la migration des papillons monarques, les oothèques de mantes, les sycomores, les Esquimaux et l’eau vive ; des remarques scientifiques (attention, livre paru en 1975, et des progrès ont été accomplis depuis là aussi ; mais il n’y a plus autant de salamandres et tritons…), expérimentations (de pensée ou pas), mais aussi notations religieuses voire mystiques, impressions, souvenirs d’enfance, évocation de sa vie quotidienne de solitaire, qui font de cet essai romancé un livre aussi polymorphe qu’atypique.
Les descriptions sont originales, sensibles, vivantes, empreintes d’humour et de poésie, et l’ensemble est minutieusement structuré.
Dillard lit aussi beaucoup, de la littérature naturaliste (comme Jean-Henri Fabre, à qui l’auteure fait d’ailleurs référence) ou sacrée, de Thoreau à la philosophie (notamment allemande).
Essentiellement, Dillard contemple les jeux de lumière et d’ombre sur la rivière Tinker en cultivant l’instant présent, attentive de tous ses sens. À ce propos, je n’ai pas trouvé la définition des « raidiés » souvent évoqués, apparemment les rapides, ressauts du lit rocheux de la rivière.
« Moi, j’ai lu quelque part que tout ce qui vit le doit à une force généreuse, et danse au rythme d’une impérieuse mélodie ; j’ai lu ailleurs que tout est semé au hasard, et précipité dans le vide, que chaque arabesque suivie d’un grand jeté que chacun de nous exécute n’est que folle variation sur une commune chute libre. »

« J’ai toujours songé avec délices à cette idée que la rivière ne cesse de couler, toute la nuit durant, à chaque instant renouvelée, et cela indépendamment de mon désir, de ma conscience ou de mes préoccupations, comme un livre fermé sur une étagère continue de susurrer dans sa jaquette son inépuisable histoire. Tant de choses m’ont été exposées, sur ces rives, je me suis trouvée si souvent illuminée, dans cette lumière réfléchie, ici même où ces eaux coulent, que j’ai peine à croire que cette grâce puisse ne jamais fléchir, que ce courant qui se déverse d’intarissables sources puisse durer à l’infini, impartial et libre. »

« Ce que j’appelle innocence, c’est cet état de non-conscience de soi de l’esprit, qui survient inopinément lorsqu’on est tout entier absorbé par quelque objet auquel on a choisi de se vouer. Elle est à la fois réceptivité et totale concentration. »
L’autre fascination de Dillard dans « notre monde en vert et bleu », ce sont les arbres.
« Moi, c’est avec les arbres que je vis. »
« La règle générale, dans la nature, c’est que les êtres vivants sont mous en dedans et rigides au-dehors. »
La fameuse question de l’arbre qui ferait du bruit ou pas en tombant si personne n’est là pour l’entendre est débattue.
« Que se passerait-il si c’était moi qui m’abattais, dans la forêt ? Est-ce qu’un seul arbre m’entendrait ? »
Le vent :
« Léchez-vous un doigt : sentez passer l’instant. »
« J’ai lu quelque part, je ne me souviens plus où, cette petite histoire d’un chasseur esquimau qui demandait au prêtre missionnaire : « Si je ne savais rien de Dieu et du péché, est-ce que j’irais en enfer ? » « Non », répondit le prêtre, « si tu n’étais pas au courant, sûrement pas ». « Alors », demanda l’Esquimau avec le plus grand sérieux, « pourquoi me l’avez-vous dit ? » Si j’ignorais l’existence des rotifères et des paramécies, et tout cet épanouissement du plancton obstruant la mare à l’agonie, alors très bien ; mais dans la mesure où je l’ai vu, il faut en quelque sorte que je m’en accommode, que je le prenne en compte. « Ne perdez jamais cette sainte curiosité », a dit Einstein ; alors je descends mon microscope de l’étagère, j’étale une goutte d’eau de la mare sur une lamelle, et j’essaie de regarder le printemps dans les yeux. »
Exploration de l’infiniment petit :
« Nous nous enfonçons à sa poursuite, paysage après mobile, sculpture après collage, jusqu’aux structures moléculaires, comme dans une danse campagnarde de Bruegel, puis jusqu’aux atomes, épars dans leur harmonieuse cohésion comme une toile de Klee, puis encore plus profond jusqu’aux particules atomiques, au cœur même de la matière et de la question, avec autant d’ardeur et d’exaltation que n’importe quel saint du Greco. Et tout cela fonctionne. « La nature », dit Thoreau dans son journal, « est toujours mythique et mystique à la fois, et met tout son génie au plus petit ouvrage ». Le créateur, ajouterais-je volontiers, travaille cette texture complexe des ouvrages les plus infimes, cette texture qui est le monde même, en dépensant son génie sans compter, avec un soin extravagant du détail. Et c’est là toute la question. »
« En automne, le passage sinueux des corbeaux de retour du nord annonce la grande migration des caribous. Les volatiles au cou hirsute allongent leurs ailes au contact des courants ascendants qui hâtent leur voyage vers le sud. Les grands cervidés se rejoignent, harde après harde dans les vallées arctiques et subarctiques ; ils tournent en rangs serrés, se regroupent en masses et rassemblent leurs forces telle une cataracte, pour enfin se déverser dans les terres stériles, sur un front large comme un raz de marée. Ils ont le pelage neuf et beau. Leur maigre toison printanière – raclée par lambeaux entiers au contact des forêts du Sud, criblée des piqûres de mouches noires et de taons, taraudée par les larves d’hypodermes et d’œstres –, cette toison-là a disparu, laissant place à un nouveau pelage lustré, une somptueuse fourrure brune doublée d’une couche pelucheuse constituée de poils creux qui la rendent isolante et imperméable. Dix centimètres de graisse crémeuse recouvrent l’animal, dos compris. Un coussin de cartilage mobile, dans le boulet, provoque un bruit sec à chacune de leurs grandes enjambées, lorsqu’ils traversent la toundra plus au sud, cherchant l’abri des arbres ; on les entend avant qu’ils ne soient arrivés, gronder comme des fleuves, avec leur tic-tac de pendule, on les entend encore après qu’ils sont partis. »

« Dans quelque direction qu’on se tourne, le monde est plus sauvage et plus fou que cela, plus dangereux, plus amer, plus extravagant aussi, plus brillant. »
Je ne suis pas certain que ces méditations déistes mènent loin, mais c’est a minima une prenante lecture sur notre monde, que nous modifions sans le comprendre.

\Mots-clés : #essai #nature

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Message par Bédoulène Lun 16 Jan - 12:55

merci Tristram ; "la fameuse question................."

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