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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

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André Hardellet

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poésie - André Hardellet Empty André Hardellet

Message par Aventin Sam 11 Mai 2019 - 0:50

André Hardellet
Né le 13 février 1911 à Vincennes et mort à Paris le 24 juillet 1974

poésie - André Hardellet Hardel10

Fils de joaillers, études secondaires à résultats brillants, il interrompt ses études en médecine afin de reprendre l'entreprise familiale, tout en menant une sorte de double vie, dans les bistros, les champs de course et autres lieux à viveurs.
Il ne sera publié (en revue) qu'à la quarantaine approchant, par l'entremise de Pierre Mac Orlan.
Proche copain de Georges Brassens, il fréquente aussi des auteurs comme Louis Nucera, Alphonse Boudard, Julien Gracq, un photographe comme Robert Doisneau.
Alternant avec parcimonie recueils de poèmes et romans, plus prolixe en matière de paroles de chansons, il tombe sous le coup de la censure pour Lourdes, lentes... (1969), paru sous léger pseudonyme (Steve Masson, nom du personnage principal de son roman Le seuil du jardin.
Il décède un an après le terme du procès; une partie non négligeable de son œuvre est posthume.
(Sources diverses, dont éditions Gallimard)

Bibliographie:

- La Cité Montgol. Seghers, 1952, poèmes : Page 1
- Le Luisant et la Sorgue. Seghers, 1954, poèmes.
- Le Seuil du jardin. Julliard, 1958, roman : Page 1
- Sommeils. Seghers, 1960, poèmes
- Le Parc des Archers. Julliard, 1962, roman : Page 1
- Les Chasseurs. Jean-Jacques Pauvert, 1966, poèmes : Page 1,2
- Lourdes, lentes… (sous le pseudonyme de Stève Masson) Jean-Jacques Pauvert, 1969, récit
- Lady Long Solo. Jean-Jacques Pauvert, 1971, avec des illustrations de Serge Dajan : Page 1
- Les Chasseurs deux. Jean-Jacques Pauvert, 1973, poèmes, Prix des Deux Magots : Page 1,2
- Donnez-moi le temps. Julliard 1973
- La Promenade imaginaire. Mercure de France, 1974
- L'Essuyeur de tempêtes. Plasma, 1979.
- L'Oncle Jules. Régine Deforges, 1986, avec des illustrations de Wiaz.
- Oneïros ou La Belle Lurette. Gallimard, 2001 : Page 1
 
+ Œuvres complètes, 3 tomes. Paris, Gallimard, coll. « L'Arpenteur », 1990-1992.

(Source: wikipedia)

MAJ le 01/01/2023
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Message par Aventin Sam 11 Mai 2019 - 0:52

Il y a du Prévert, du Carco (mais en plus affiné) chez Hardellet. Et quelque chose de l'air de son temps, de l'après-guerre. Quelque chose que j'aime subodorer, coulant, sensuel comme dans le poème ci-dessous. Une écriture poétique à humer avant de la déclamer.

Un échantillon de ce que dit Patrice Dubourg d'André Hardellet:
Accoudé à son établi bistrotier [...]"le Vecchio" comme l'appelait la bande des gosiers en pente de La lanterne aimait à se réfugier par pudeur sur le belvédère des contemplations, avec sa confrérie d'hologrammes vagabonds, rencontrés au détour des Lorientais, La Rose Rouge, Le Chabanais ou Le One Two Two. Le poète était de toutes les ferrades citadines.
 Sa prose réchauffe les ailes de la grâce. Tout fait mouche dans sa gibecière. Une boutade, une grimace, un cliché, un remugle imperceptible, le froissement d'une robe d'organdi. Il se joue du temps, il nous entraîne derrière le miroir, l'âme tourmentée par la fuite des peaux et celle des truites. Beaucoup de son art consiste à dorloter la digression, à prendre des chemins de traverse, à persiller une évocation capricieuse de jardins naufragés, de venelles à gigolettes, autant de totems mélancoliques qui s'évanouissent dans les vapeurs méphitiques d'un rade de transit. Cette allure baladeuse se retrouve dès son premier recueil de poèmes, La Cité Montgol [...]
[...] Il y a en lui cette incomparable lucidité des somnambules.  

____________________________________________________________________________________________________________________________________




Fiche de police




Pour Pierre Seghers





Il y avait ton cœur fermé
ton cœur ouvert
ton cœur de feu couvert
tes cheveux pour filer entre les doigts
pour verser leur sable sur mon sommeil
et pour enchanter la fatigue
tes cheveux comme un treillage entre le regard et les
 vignes qui flambent

tes cheveux de luisant et de sorgue
tes yeux avec la halte à l’ombre
et la colonne de froid sur le puits
tes yeux les anémones ouvertes dans la mer
tes yeux pour plonger droit dans les vaucluses
et dérober leurs paillettes aux fontaines
tes yeux sur les averses qui volent sur les ardoises

tes bras pour les bras tendus
pour le geste cueillant le linge qui sèche
pour tenir la moisson de toile contre ta poitrine
pour maintenir la maison de souvenirs contre le vent
tes bras pour touiller les bassines de confiture

tes seins les dunes d’un beau soir
tes seins pour les paumes calleuses au retour du travail
- mais sais-tu les meules qui se prêtent se creusent
quand il faut le repos
- sais-tu le nez dans les sources d’herbe
quand la marinière trempe de buée sa chanson –

tes seins pour bander
tes mains – pavots qui apprivoisent l’insomnie
tes mains pour les mains nouées et les promesses scellées
tes mains pour tendre les tartines
tes mains pour toucher ton amour

tes hanches comme la péniche pleine
comme l’amphore épousée par les doigts de haut en bas
ton ventre pour les tabliers bleus du matin
et les gaines soyeuses des minuits de luxe
ton ventre la pleine joie de la pleine mer
ton ventre de houle
tes cuisses de flandre

ton sillage de carène heureuse et de menthe volée
ton odeur de servante jeune et de pain bis
ton odeur de vachère et de jachère en avril
ton odeur de renoir et d’auberge calme
ta peau de santé le slalom nègre sur la pente des étés

tes robes de bouquets aux crayons de couleurs
sur un vieux cahier d’école
tes robes en dimanche tes robes de bonjour
tes matinées au lit comme une nage facile par la grande baie
 des fougères

ton envie comme une salve qui salue la rade où brûlent mille
 rochelles

et l’argent des avirons
- et te voici dressée, plantée sur ton plaisir et qui délires –
ton envie le suc qui éclate de la figue mûre
ta voix venue des châteaux en Bavière
ta voix qui étonne les légendes dissimulées
ta bouche pour dire oui
ta salive à boire
ton sourire d’enfance retrouvée.

 Il y avait ce plus secret de toi
ce blond de toi épanouie
l’étoile de mer encore humide entre deux désirs.


 Il y avait ton attente la première permission
du soldat à la guerre
ton souvenir – et c’est la pluie qui bat tiède
contre les volets clos de la mémoire
ton souvenir à inventer
- mais jamais toi tenue certaine
au midi du bonheur
et pourtant quelques-uns t’ont vue en plein jour
ou derrière leurs poèmes

tu es plus vieille que la peine du monde
et plus neuve que la joie de vivre
c’est toi que les hommes ont toujours voulue
dans leur faim de tendresse
au bout des jours au bout des routes
celle qu’ils ont appelée la veille de la chaise électrique
ou du peloton d’exécution

pour qui tous ont trahi leur plus franche parole
et tenu leurs plus dérisoires serments
celle qui embrassait trop tard les gars punis
avant la fosse commune ou les croix de bois.


 Il me reste à te donner un nom
 à te donner vie
 il me reste surtout à te rencontrer
 comme les mains émerveillées de l’aveugle
 trouvent la présence du soleil
 sur un pan de mur.




Recueil La cité Montgol, 1952.
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Message par Tristram Sam 11 Mai 2019 - 1:57

Je ne connais qu'un peu le romancier.
« Que cherchent-ils, ces rares spectateurs, et que suis-je venu chercher là moi-même ? Une occasion de nous meurtrir aux angles coupants d'un adieu, à l'impuissance de détenir jamais quoi que ce soit, quoi que ce soit ? »
André Hardellet, « Lourdes, lentes… »

« Voilà, je suppose que le monde me propose une énigme ; il me montre une de ses faces : à moi de trouver l’autre, ou les autres. Je ne vois qu’une mauvaise copie, il me faut découvrir l’original. »
André Hardellet, « Le Seuil du jardin »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
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Message par Invité Sam 11 Mai 2019 - 9:38

Très bon poète. Merci pour le fil.

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Message par bix_229 Sam 11 Mai 2019 - 15:49

A René Fallet


Il y a ceux pour qui le printemps jamais
ne glisse en fraude une rose
entre les barreaux de leur cellule
une rose pareille
au sexe des filles
qu' ils ne toucheront plus
les condamnés à vie
déjà morts dans leur univers de béton
de matricules de cadrans de serrures
et qui butent sans répit
contre le paradis cadenassé.
Ohé : Vous autres libres
entre le caviar et la putain qui va baisser son slip
pensez-y quelquefois.
ils ont tué violé
pris le bien d' autrui
mais ils étaient faits à votre ressemblance
avec des figures d' hommes
des désirs d' hommes
des larmes de joie
des larmes de désespoir.
Ils payent maintenant
ils ne doivent plus rien à personne
et nul ne leur doit plus rien
croyez-vous
mais o printemps
toi qui rodes sur les tuiles tièdes
glisse en fraude dans leur sommeil
pour qu' ils l' embrassent
une rose pareille
au sexe des filles qui furent leur printemps.

La Cité Montgol. - Poésie/Gallimard
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Message par bix_229 Sam 11 Mai 2019 - 15:53

Comme André Dhotel, Hardellet est poète en prose comme en vers.

Pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus :
www.espritsnomades.com/sitelitterature/hardellet/hardellet.pdf
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Message par Aventin Sam 11 Mai 2019 - 17:10

Le seuil du jardin

poésie - André Hardellet Le_seu10
Roman, 1958, 140 pages environ.


Roman qui se laisse dévorer, chic et bien bâti.

Une machine ni tout à fait à remonter le temps, ni tout à fait à revivre les rêves, qu'on ne qualifiera pas, du coup, d'antémonitoire.
Quelque part, Hardellet nous sert...le sujet même de son roman, à nous lecteurs de 2019, une revisite réussie du passé - son temps contemporain, pas seulement une restitution d'outre les années, ces dernières joliment désignées du terme récupéré par la faconde argotique d'"endosses".

Le bouquin refermé défilent des banlieues avec des pensions meublées, des marlous pouvant s'appeler Géo ou Léo, une 203 couleur bordeaux ou une Ford Vedette, un vieil artisan ouvrant son placard pour se verser un coup de beaujolais en fredonnant Nini peau d'chien, deux dames âgées devant un Diplomate au Kirsch et une bouteille de mousseux, un bar, rue de Douai, ne semblant pas avoir été conçu pour attirer le chaland mais plutôt pour la discrétion: "exigüité de la plaque, fixée sur la porte, où le mot Bar était gravé en fines lettres noires"...

Chapitre XVII a écrit:En sortant de l'Hôtel Drouot, Masson entra dans un café et commanda un cognac. La tension nerveuse qu'il avait subie brouillait encore ses idées; il ne buvait pas, il "refaisait surface" lentement. Au comptoir un client tenait des discours à son verre de rouge sous le regard impassible de la caissière; deux jeunes gens jouaient au 4-21 avec des jetons multicolores fournis par une marque d'apéritifs. Il y avait également deux militaires arrachés à leur province, de ceux qui s'appellent inévitablement "La Douleur" ou "Toto", une dame qui écrivait une carte postale à côté de sa valise, un vieux bonhomme qui, devant son crème, attendait on ne savait quoi tant son attitude signifiait l'abandon de tout espoir. Le décor et les personnages suaient une médiocrité d'autant plus puissante qu'elle s'avouait sans fraude. Sur la table voisine du peintre, une tasse conservait des traces de rouge à lèvres caillé que la plonge n'effacerait peut-être pas.


poésie - André Hardellet Ter_bo10
La jeune fille au violoncelle, de Gerard Ter Borch, tableau crucial à un personnage-clé du roman.


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Message par Bédoulène Dim 12 Mai 2019 - 8:46

ça semble un livre d'ambiance ! merci Aventin !

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Aventin Dim 12 Mai 2019 - 12:21

Bédoulène a écrit:ça semble un livre d'ambiance !
Oui, c'est réjouissant pour cela, ambiance au sens que soulignait Patrice Dubourg (message plus haut):
Beaucoup de son art consiste à dorloter la digression, à prendre des chemins de traverse, à persiller une évocation capricieuse
Mais pas seulement, dans ce roman des plus digestes et qui se lit goulûment on peut trouver en substantifique moelle une vraie réflexion sur l'art (via le rêve à vivre), du moins est-ce une piste possible que j'ai cru flairer là.
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Message par Aventin Sam 29 Juin 2019 - 19:24

Les chasseurs
I et II

poésie - André Hardellet Les_ch10

Fourre-tout où l'on retrouve des nouvelles, parfois très courtes (des brèves ?) quelques rares poèmes, deux répertoires.
Publiés en 1973 chez l'éditeur Pauvert, Les chasseurs I puis sa suite Les chasseurs II parurent ensuite, réunies en un seul ouvrage, chez Gallimard collection L'imaginaire: 135 pages environ pour cette dernière publication.

Très recommandable ouvrage inclassable, souvent délectable, truffé de clins d'œil (comme cette brève intitulée Niouorlinsse, dédiée in memoriam à Boris Vian, évocation de l'afro-jazz à connotations antillaises et bop.

Loisive est un somptueux (et long) poème,  bien des charmes restent à glaner dans Les échassiers, Le logis d'Aramis, L'artillerie hollandaise, Jalousies, Les carrières, L'enquête...tandis que la Comptine en latin, espièglerie de potache de niveau cancre de collège émarge au plus que dispensable (mais c'est le seul titre dans ce cas-là et ça ne "pèse" que quelques mots, même pas une page).
Hardellet fait penser par son art d'écrivain à ses potes Doisneau le photographe, Prévert le poète, Brassens le fin auteur-compositeur-interprète, Mac Orlan, ou son ancêtre Carco, vous voyez, ces artisans en cousu-main du trottoir urbain nocturne: allez-y, la veine est indubitablement la même - Réda, quasi-contemporain, a dû tremper dans Hardellet aussi.

Si Jack-Hubert passe par cette page, confions-lui combien il y a du fin flâneur urbain chez Hardellet (échantillon dans le dernier extrait) !

Les deux répertoires sont à éplucher avec des lenteurs de pêcheur à la ligne au bord de l'assoupissement, on y trouve, par exemple, à:
Cartes (à jouer) a écrit:L'odeur d'un vieux jeu retrouvé dans un tiroir, avec un jacquet et des jetons en os. Autrefois, après le souper, ces rois, ces reines et ces valets écoutaient évoquer des amours, des chasses et des fêtes qu'il nous faut réinventer.
Saule a écrit:Le saule qui, d'une basse branche, tâte l'éternité de la rivière.

Histoire de vous mettre l'eau (ou plutôt le vin blanc des coteaux de Suresnes) à la bouche, ci-dessous in extenso la première (courte !) nouvelle, qui suit immédiatement la préface, préface que vous resservirez plus tard, en postface avec un hochement de tête.

La chambre froide a écrit:Le vin blanc des coteaux de Suresnes se récolte maintenant sous forme d'une pluie à peine ambrée, de mince saveur et qui provoque néanmoins de jolis arcs-en-ciel lorsque le temps s'y prête; animés d'une grande vitesse de rotation, ces météores présentent bientôt l'aspect de disques blancs coupés par l'horizon.
 Au coucher du soleil, des joueurs de bonneteau guettent les habitués d'un hippodrome clandestin qui serpente à travers les constructions neuves, les jardins d'enfants, les champs de lierre et de manœuvre et parfois même emprunte la piste officielle du Val d'Or. Des satyres vétustes observent les environs, évoquant de riches souvenirs.  
 De temps en temps, des vagues policières, avec bulldozers et filets motorisés, ratissent le secteur. On trouve de tout, parmi les prises, à la Grande Maison: une main de bonneteur, des fragments de rentières, une jeune fille qui se caressait à l'ombre de lilas, plusieurs peaux-rouges, un neuf de trèfle maculé, l'âme des violons, un sourire.
 Ces rafles sont généralement suivies de la pluie plus haut décrite, et d'un grand calme. Par les journées favorables, un parfum s'élève, musical, comme venu d'anciens foins, de vendanges trépassées.
 Quelqu'un s'arrête, hume.
 



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Message par Bédoulène Dim 30 Juin 2019 - 7:57

tentant ! merci Aventin ! Bel extrait que le dernier

_________________
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 30 Juin 2019 - 11:12

Hardellet, je prends note. Merci Aventin...
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Message par bix_229 Dim 30 Juin 2019 - 13:17

La ronde de nuit - Poéme

Poéme / Poémes d'André Hardellet



Les muses du quai de
Bercy
M'avaient conduit jusqu'à
Grenelle
Et leurs sœurs de la
Grange-aux-Belles
Vers les jardins clos de
Passy,
La nuit s'entendait avec elles,
Les muses du quai de
Bercy.



J'allais dans
Paris, port de songe
Ouvert au piéton noctambule,
Avec des amis de toujours
Embarqués vers le crépuscule
Et disparus au point du jour.
J'allais dans
Paris port de songe.



Resnf,
Nerval,
Apollinaire,
Léon-Paul
Fargue et tous les autres
Qui me montriez le chemin.
Abordez-vous les lendemains
Rayonnant sur les îles claires?
Resnf,
Nerval,
Apollinaire...



D'abord c'est le dimanche au cœur :
Un départ à
Paris-Bastille
Vers les
Eldorados sur
Marne,
La blonde en robe de fraîcheur,



Ses seins fleuris par les jonquilles.
D'abord c'est le dimanche au cœur.



Salut les valseurs du bitume !
Voici les quatorze
Juillet,
Tant de filles comme un bouquet
Offert par l'Été qui s'allume
Et la faim qui nous en prenait.
Salut les valseurs du bitume !



Puis la musique s'atténue
Dans un soupir d'accordéon,
Déjà l'ombre a cerné la rue
Où brille en lettres de néon
La magique enseigne d'un bal.
Puis la musique s'atténue.



J'entre mais vous n'êtes pas là,
Ce soir non plus, mes
Vénitiennes,
Vous que mon rêve suscitait
D'un nom évoquant la blondeur
Sans qu'il vous rencontrât jamais.
J'entre, mais vous n'êtes pas là.



Dehors la nuit me parle bas
Et je sens tomber ses pétales
Sur tous les bonheurs inconnus
Qui fusent au ciel quand s'exhale
Le délirant plaisir des filles.
Dehors la nuit me parle bas.



Ensemble, à la même seconde
Quel
Everest éblouissant
Gagné par tout l'amour du monde !
Mais ceux qui meurent dans l'instant
Où d'autres vont toucher la cime,
Ensemble à la même seconde...



Plus tard — et le jour est en route —
Je me retrouve à la
Villette,
Ses grands saigneurs en tabliers
Tachés de sang cassent la croûte
Avec quelques garçons laitiers.
Plus tard — et le jour est en route.



Seul, les yeux fixés sur son verre,
Un gars taciturne au comptoir :
Il me ressemble comme un frère
Et je connais son désespoir
Aux heures blêmes du regret.
Seul, les yeux fixés sur son verre.



Il revoit les hiers perdus,
Un beau sourire qui s'efface
Dans l'âge d'or des bras tendus
Et, tout à coup, dans une glace
Il ne se reconnaîtrait plus
Il revoit les hiers perdus.



Ô vous nos amis de toujours
Embarqués vers le crépuscule
Et disparus au point du jour,
Quand viendra l'heure à la pendule
Priez pour nous, pour nos amours. Ô vous nos amis de toujours !



L'aube va chasser le silence
Rassemblant ses oiseaux de feutre,
Maintenant la ville apparaît —
Et voici demain qui commence
Entre deux nuits et leurs secrets.
L'aube va chasser le silence.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 1 Juil 2019 - 5:25

C'est un beau poème ça, bix! Smile
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Message par Aventin Lun 1 Juil 2019 - 19:36

Si vous avez une heure devant vous...(bien dommage ce manque d'images, ce joli reportage-là appelle, à mon humble avis, support visuel - ne serait-il, pour le maniaque du hashtag ou du catalogue, qu'entrevues de témoins-).

...l'air à la fois bonasse et pirate, mais qui faisait des poèmes délicats...
Bal chez Temporel
...Les chasseurs est un livre qui se situe sur la ligne de démarcation où la poésie se tient...
...il était -mais vraiment !- d'une telle naïveté...
...ce qui est vrai parce que je l'affirmerai tel...
...il faut, je crois, employer une langue aussi simple, aussi claire que possible...
...Il n'y a pas un mot qui ne soit à sa place, une espèce d'exactitude...
...ça tenait tellement à rien...
...c'est quelqu'un qui est tombé du Paris de l'enfance...
...l'impression d'avoir des gros sabots quand on parle de lui...




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Message par Aventin Mer 3 Juil 2019 - 15:29

Le parc des archers
Suivi de Lady Long Solo

poésie - André Hardellet Parc_d10

- Le parc des archers: roman, 1962, 215 pages environ.
- Lady Long Solo: nouvelle, 1971, 35 pages environ.
__________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Le parc des archers













Roman écrit au "je", et ce "je" se prénomme André et est écrivain de profession, donc le héros-narrateur n'est pas même masqué !
Idem, au reste, en ce qui concerne les noms propres utilisés (Vincerennes pour Vincennes, Saint-Macloud pour Saint-Cloud, etc...- seul Cortezzo, sur la riviera italienne à ce qu'il semble, m'échappe et semble une contraction de Cortina d'Ampezzo, qui n'a...rien à voir).


Au retour "d'un long voyage à l'étranger" André Miller, écrivain, se fait alpaguer dans le bois de Vincerennes par des membres des forces de l'ordre au bord d'un étang où il souhaitait retrouver un moment de son enfance. S'ensuit une plongée critique dans un monde en devenir ("La Gale") à la fois déshumanisé, policier, et attentant au moindre petit plaisir de l'existence.

Une soirée mondaine permet la rencontre avec deux personnages principaux, Frank Blake et Florence van Acker; caractères très fouillés qu'Hardellet dévoile peu à peu au fur et à mesure du déroulement du livre.  

Le peintre "Stève" Masson, personnage qui semble un peu fil-rouge chez Hardellet (il est le héros principal du Seuil du jardin, et c'est sous ce pseudo qu'Hardellet fit paraître Lourdes, lentes), fait quelques apparitions dans ce roman (il est devenu aliéné, sous camisole chimique et traitements).


Du mélange couple - insurrection - amitié - combats de rue - monde totalitaire sortent bien des péripéties, qu'on évitera de narrer ici. Roman attrayant, fort bien mené, même si c'est presque dans les séquences un peu digressives que je trouve que le bonheur de lire Hardellet atteint son summum.

Je regrette, certes avec mon regard d'occidental de 2019, le traitement de l'homosexualité - même si bien sûr les propos tenus par André Miller doivent être ramenés à l'époque d'écriture, etc... Et puis cela permet de se remémorer le chemin parcouru depuis ce temps-là, quand même pas si éloigné.

Jeter un coup d'œil aux actualités de 1962 et années précédentes pour essayer de trouver des correspondances entre cette fiction et ce temps-là n'a rien donné (peut-être n'ai-je pas bien cherché ?) - je pense qu'il est impossible de voir dans ces lignes-là une évocation ou une allégorie des guerres d'Indochine et d'Algérie, par exemple. De même une référence à l'occupation nazie ne fonctionne pas: je pense qu'Hardellet a vraiment tenté de signifier un avertissement au générations futures, dont la nôtre.

Chapitre XII La Section psychologique a écrit:"Vous êtes un petit joueur de banlieue, et c'est pour vous le démontrer que nous vous avons prié de venir faire un tour à la D.S. Vos amis politiques, eux, ont un programme et des buts définis, une organisation qui les soutient, vous, vous enfourchez des nuages. Ils vous utilisent provisoirement à cause de votre talent. Le romantisme est mort depuis pas mal d'années, monsieur Miller.
- Est-ce pour m'en faire part que vous m'avez prié de vous rendre visite ?"
Il haussa les épaules; il suait un mépris écrasant dans toute sa personne.  
"Vous ne vous nommez pas André Miller mais Durand et vous exercez l'emploi de comptable dans une compagnie d'assurances. Vous sortez d'une clinique psychiatrique où l'on vous a traité pendant six mois pour troubles mentaux. Votre état civil, votre profession, votre passé, c'est nous qui en disposons, qui vous les attribuons comme il nous plaît. Des témoignages, nous en produirons autant qu'il le faudra. [...]"  
 

La séquence du Parc des Archers proprement dite (c'est le titre de l'un des chapitres en plus d'être le titre de l'ouvrage), très chargée en onirisme, en symbolique, est un pur régal "hors tout". En prime, un érotisme léger, suggéré, flotte sur l'ensemble du livre.

  

Mots-clés : #erotisme #insurrection #intimiste #jalousie #politique

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Lady Long Solo







En voici l'entame:
Je revenais d'une banlieue spongieuse où Fulcanelli m'avait donné rendez-vous.
À la station, j'attendis en vain le car qui devait me ramener à Paris et que j'avais pris plusieurs fois auparavant; je voulus me renseigner dans un café distant de quelques centaines de mètres, mais il était fermé.
Plus d'une heure s'écoula ainsi, puis survint un très vieux taxi, semblable à ceux de la Marne, et je fis signe au chauffeur dont l'aspect s'accordait à l'antique guimbarde "À Paris, lui dis-je, Place de la Concorde. - Je sais", me répondit-il.  

Nouvelle un peu fantastique, un peu libidineuse, assez onirique. Hardellet semble y reprendre le pseudonyme de "Stève" (Masson). Il y a un autre rappel aux thématiques du Seuil du jardin (voir plus haut): les images emmagasinées, donnant la possibilité à des scènes de se revivre, ou de se vivre fictivement. Et qui se couple à la fuite du temps...



Fats Waller, avec, évoqué comme "titre préféré" I've got to write myself a letter - bon, c'est I'm gonna sit right down and write myself a letter le vrai titre, on ne va pas chipoter !




Mots-clés : #contemythe #erotisme #intimiste #reve
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Message par Aventin Sam 4 Avr 2020 - 15:50

Oneïros
ou La belle lurette

poésie - André Hardellet Onezcr10
Roman ou nouvelles, paru en 2001, environ 125 pages

Ce qu'on appelle un authentique fond de tiroir, ou encore un vidage de corbeille à papiers d'écrivain !

L'amie d'André Hardellet, Simone Marty, qui veille sur ses textes, tombe, au dos d'un brouillon daté de 1948, sur le plan d'un roman, La belle lurette.
S'acharnant, elle réunit des textes épars, certains publiés en revues ou en nouvelles jamais réédités, d'autres inédits, ce qui donne en 1990 une insertion dans Œuvre I, mais le roman n'était pas complet selon le plan du brouillon de 1948.
Via une correspondance d'Hardellet à Jacques Prévert, donnée à Simone Marty par un ami dont nous ne saurons pas le nom, à laquelle était jointe cinq textes inédits, elle parvint à reconstituer le puzzle et apposer le titre premier imaginé par Hardellet, Oneïros.


_______________________________________________________________________________________________________________________________________________



Chouette alors, il y a bal chez (in)temporel !

Les thèmes chers à Hardellet y sont bel et bien: l'onirisme, Paris, sa banlieue, les terrains vagues, son cher Vincennes natal, la campagne, la guinche au Tremblay ou à Nogent, tout une époque, bals musette, guinguettes et champs de course, où déjà s'érige le Paris vertical et cubique, les hideurs selon Hardellet.

Cet arpenteur au lourd, lent pas paysan régulier, nous pourrions le croiser, massif, accoté au zinc près de l'entrée dans le fil flâneries urbaines cher à Jack-Hubert, occupé à laisser infuser sa sagacité de perception décalée.    

Comme dans Le seuil du jardin ou Le parc des archers, la quête d'un monde rêvé, invisible au commun mais bien présent à qui sait lâcher la bride à son imagination, joue un rôle premier.

Certes via des passeurs (dans cet ouvrage-ci, il est dénommé Jeff Sterck), des metteurs de pied à l'étrier.
Il ne s'agit pas d'ivresses ou d'hallucinations, déclenchées par l'usage de psychotropes, mais bel et bien de facultés à appréhender, à ressentir.

Hardellet, tel un gros matou du Cheshire, nous entraîne de l'autre côté du miroir, comme si nous étions l'Alice de Lewis Caroll.

Et on le suit, sans poser la moindre question, même s'il ne paye pas de mine, engoncé dans sa veste en velours perméable aux embruns des rades, aux ronces des terrains vagues, aux halètements des baisers d'étrenne des ouvrières endimanchées au rythme d'une frotteuse de guinguette, aux eaux dormantes d'un canal de banlieue.

Où nous mène-t-il, l'orfèvre en songes et marmiton affairé à beurrer les moules où cuiront les madeleines proustiennes ?
Défilent, dans les escapades façon buissonnière, les accroche-cœurs des gigolettes et les rois de pique des joueurs de bonneteau, avant cela il disparaît dans la nuit du Jardin des Plantes, à la rencontre de la maison de Brueghel, ou pénètre dans le stade enchanté jouxtant le palais de cristal de Fata Morgana...  

Même si l'analogie comparative c'est le mal par la réduction, comment se retenir d'évoquer là les cartographes à petite échelle des chemins de traverse, tels Cingria ou Réda, et les sobres voyants du quotidien urbain, désarmants de simplicité faisant mouche, comme les bons copains d'Hardellet que sont le poète Jacques Prévert ou mieux encore le photographe Robert Doisneau ?  

La splendide évocation, à plusieurs reprises, de Gérard de Nerval ira droit au cœur de pas mal d'habitués de ce forum - et de façon générale aux édificateurs de petits châteaux de bohémiens !


2ème partie, entame du chapitre Le caractère artificiel a écrit: Un hérisson sort de la haie et traverse la route à quelques pas devant Merlet. Surpris, l'écolier s'arrête, et, quand il se décide à courir vers l'animal, celui-ci atteint déjà les buissons opposés et y disparaît.

Merlet inspecte le fourré, l'oreille tendue: il espère qu'un froissement des ronces lui indiquera la direction suivie par le hérisson. Mais la bête s'est probablement coulée dans un trou et elle ne bouge plus.

Furieux, le garçon écarte les plantes, les écrase sous ses souliers sans découvrir mieux qu'une vieille cartouche de chasse, percutée, qu'il ramasse et flaire.

Une faible odeur de poudre subsiste dans le tube de carton - et l'écolier pense aux prochains jours de congé, aux maraudes sur les domaines gardés, vers Saint-Rieul.

Il oublie son dépit, reste sur place à humer la cartouche, devinant que son contentement est lié à cette senteur atténuée de salpêtre.

...Bien des années plus tard, pareille odeur, fortuitement saisie, suscitera en lui l'image spontanée d'un hérisson fuyant vers des broussailles.

Il ne saura plus d'où elle vient - mais avec elle renaîtront toutes les promesses des jeudis oubliés et s'affirmera l'assurance d'une joie inaltérable, tenue en réserve sous les zones claires de sa conscience...

Pour le moment, sans savoir au juste qu'en faire, il met la douille dans sa poche, que gonflent déjà quatre ou cinq marrons d'Inde et un lance-pierres, puis reprend sa route en sifflant.

Plusieurs fils de la Vierge enlevés aux ronces et collés à sa blouse flottent derrière lui, distinctement visibles dans le contre-jour.  
 


Mots-clés : #autofiction #reve #xxesiecle
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Message par Aventin Jeu 28 Oct 2021 - 21:52

La cité Montgol

poésie - André Hardellet La_cit10

Poésie et contes ou courtes nouvelles, 1952; se trouve aujourd'hui dans la collection nrf - poésie/Gallimard, 140 pages environ, laquelle compile trois recueils (ou, pour certains, courtes plaquettes) - 130 pages environ.

La petite musique d'Hardellet (un accordéon en sourdine dans une salle de bal abandonnée, peut-être ?), sa manière d'adjoindre évocations érotiques douces, onirisme, lieux dépareillés, introuvables, oubliés, interlopes "endroits" urbains et ruraux...
Nuit du noctambule nyctalope.
En 1952 donc, l'essentiel des thématiques qui jalonnent l'œuvre d'Hardellet sont réunies.

Si nous revenons jamais danser chez Temporel, c'est intemporel qui nous accueillera.
Quant au poète, il est délicat, fin.
Où le trouver ?
- À l'écart, vagabondant, toujours à affiner quelque subtilité.

Qu'il soit assuré de nos yeux fermés devant quelques facilités, au vu de l'ensemble - lequel ne manque ni de teneur, ni de tenue.

Avec un peu d'herbe cueillie  entre les pavés et le rempailleur ambulant tressait le château de Morgane. On croyait qu'il réparait le cannage d'une chaise défoncée - mais non.

Une moisissure  légère, respirée par hasard, , le transportait dans une auberge ancienne, à l'orée d'un village. Des cartes, des dominos jaunis par la fumée traînaient sur les tables que les joueurs avaient abandonnées - depuis quand ? Il y avait des mouches mortes entre les vitres et les rideaux des fenêtres; par une trappe béante l'odeur du cellier se répandait.

  Personne ne venait lui de mander ce qu'il désirait. C'était la fin de l'Automne. Il pensait aux grosses truites du déversoir, à des palais en fagots, à la chambre un peu humide que surveille un oiseau empaillé.
  Puis tout doucement, sur la pointe des pieds, il sortait pour rattrapper le présent au passage.



Celui-ci est-il sur un air de musette suranné, très parisien d'antan ?
-  Je ne suis pas toujours certain que ce soit par facilité, parce qu'il faut bien rentrer l'argent, qu'Hardellet a aussi gagné sa vie comme parolier de chanteurs à la mode de son temps.
Je crois qu'il en avait le goût, savait apprêter des choses simples, et le poète n'est pas déchu lorsqu'il endosse l'hait de l'artisan-orfèvre pour quincaille sonnant populaire.
Telle cette goûteuse Ronde de nuit, en bonne place dans le recueil, citée par Bix plus haut, que je retranscris (ce n'est pas Resnf mais Restif - de La Bretonne, ça va sans dire - et le découpage des strophes est ci-dessous celui de l'auteur, les italiques et les majuscules y sont replacés fidèlement - la version plus haut dans la page massacrant allègrement l'ensemble, je ne sais pourquoi un tel parti-pris a été osé ?)





La ronde de nuit

Les muses du quai de Bercy
M'avaient conduit jusqu'à Grenelle
Et leurs sœurs de la Grange-aux-Belles
Vers les jardins clos de Passy,
La nuit s'entendait avec elles,
Les muses du quai de Bercy.



J'allais dans Paris, port de songe
Ouvert au piéton noctambule,
Avec des amis de toujours
Embarqués vers le crépuscule
Et disparus au point du jour.
J'allais dans Paris port de songe.



Restif, Nerval, Apollinaire,
Léon-Paul Fargue et tous les autres
Qui me montriez le chemin.
Abordez-vous les lendemains
Rayonnant sur les îles claires ?
Restif, Nerval, Apollinaire...



D'abord c'est le dimanche au cœur :
Un départ à Paris-Bastille
Vers les Eldorados sur Marne,
La blonde en robe de fraîcheur,
Ses seins fleuris par les jonquilles.
D'abord c'est le dimanche au cœur.



Salut les valseurs du bitume !
Voici les quatorze Juillet,
Tant de filles comme un bouquet
Offert par l'Été qui s'allume
Et la faim qui nous en prenait.
Salut les valseurs du bitume !



Puis la musique s'atténue
Dans un soupir d'accordéon,
Déjà l'ombre a cerné la rue
Où brille en lettres de néon
La magique enseigne d'un BAL.
Puis la musique s'atténue.



J'entre mais vous n'êtes pas là,
Ce soir non plus, mes Vénitiennes,
Vous que mon rêve suscitait
D'un nom évoquant la blondeur
Sans qu'il vous rencontrât jamais.
J'entre, mais vous n'êtes pas là.



Dehors la nuit me parle bas
Et je sens tomber ses pétales
Sur tous les bonheurs inconnus
Qui fusent au ciel quand s'exhale
Le délirant plaisir des filles.
Dehors la nuit me parle bas.



Ensemble, à la même seconde
Quel Everest éblouissant
Gagné par tout l'amour du monde !
Mais ceux qui meurent dans l'instant
Où d'autres vont toucher la cime,
Ensemble à la même seconde...



Plus tard — et le jour est en route —
Je me retrouve à la Villette,
Ses grands saigneurs en tabliers
Tachés de sang cassent la croûte
Avec quelques garçons laitiers.
Plus tard — et le jour est en route.



Seul, les yeux fixés sur son verre,
Un gars taciturne au comptoir :
Il me ressemble comme un frère
Et je connais son désespoir
Aux heures blêmes du regret.
Seul, les yeux fixés sur son verre.



Il revoit les hiers perdus,
Un beau sourire qui s'efface
Dans l'âge d'or des bras tendus
Et, tout à coup, dans une glace
Il ne se reconnaîtrait plus
Il revoit les hiers perdus.



Ô vous nos amis de toujours
Embarqués vers le crépuscule
Et disparus au point du jour,
Quand viendra l'heure à la pendule
Priez pour nous, pour nos amours.
Ô vous nos amis de toujours !



L'aube va chasser le silence
Rassemblant ses oiseaux de feutre,
Maintenant la ville apparaît
— Et voici demain qui commence
Entre deux nuits et leurs secrets.
L'aube va chasser le silence.

\Mots-clés : #poésie #xxesiecle
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 29 Oct 2021 - 7:25

Ça me parle Hardellet. Merci de nous donner à lire dans son oeuvre, Aventin.
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Message par Bédoulène Ven 29 Oct 2021 - 10:30

Aventin merci pour ton commentaire " et le poète n'est pas déchu lorsqu'il endosse l'hait de l'artisan-orfèvre pour quincaille sonnant populaire."

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