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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 0:08

Jean-Loup Trassard
Né en 1933

Jean-Loup Trassard Trassa12

Jean-Loup Trassard est né en 1933 à St Hilaire du Maine (Mayenne). Après des études de droit, il a longtemps exercé, comme son père, le métier de fermier des Droits Communaux. Il a aussi élevé des bovins de race Maine-Anjou sur quelques hectares de bocage. Ayant mis fin à ses activités, il continue de vivre dans la maison où il est né, maniant la faucille, la serpe autant que le stylo.
Jean Paulhan l'a reçu aux édtions Gallimard où il a publié une grande partie de son oeuvre.
A partir de 1980, il publie en parallèle aux éditons Le Temps qu'il fait à Cognac des ouvrages où dialoguent textes et photos. Photos qu'il expose régulièrement.

source : Gallimard

Bibliographie

- « Le lait de taupes », 1960
- L’Amitié des abeilles : recueil de nouvelles, 1961
- L’érosion intérieure (nouvelles), 1965
- Paroles de laine (nouvelles), 1969
- L’ancolie (nouvelles), 1975
- L’érosion intérieure (récits), 1980
- Inventaire des outils à main dans une ferme (textes et photos), 1981
- Des cours d’eau peu considérables (récits), 1981
- Histoires françaises (avec la collab. de Patrice Roy), 1981
- Trois noëls en forêt (avec la collab. de Michel Gay), 1981
- Une classe de neige, 1982
- Bleue bergère (avec la collab. de Bernard Jeunet), 1983
- Une classe de nature ou Comment repiquer les petits citadins en pleine terre, 1984
- Rana-la-Menthe (avec la collab. de John Howe), 1984
- Notre-Dame de Clairmont : abbaye cistercienne en Mayenne (avec la collab. de Patrice Roy), 1985
- La Mayenne des chemins creux : 70 circuits de petite randonnée pédestre, 1985
- L’amitié des abeilles, 1985
- Lance-pierre (nouvelle), 1987
- Tardifs instantanés (souvenirs), 1987
- Territoire (textes et photographies), 1989
- Union soviétique : littérature et perestroïka (avec la collab. de Charles Dobzynski, Claude Frioux), 1989
- Campagnes de Russie (voyage), 1989
- Images de la terre russe (textes et photographies), 1990
- Ligature (lithographie de Daniel Nadaud autour de cinq textes), 1990
- Caloge (récits), 1991
- Ouailles (textes et photographies), 1991
- L'Espace antérieur (souvenirs), 1993
- Archéologie des feux (textes et photographies), 1993
- Traquet motteux ou L’agronome sifflotant, 1994
- Objets de grande utilité (textes et photographies), 1995
- Nous sommes le sang de cette génisse (récits), 1995
- Tumulus, photographies de Jean-Philippe Reverdot, 1996
- Les derniers paysans (photographies), 2000
- Dormance (roman), 2000
- La Composition du jardin (textes et photographies), 2003
- La Déménagerie (roman), 2004
- Nuisibles (textes et photographies), 2005
- Le voyageur à l’échelle (textes et photographies), 2006
- Conversation avec le taupier, 2007
- Amère la mer (texte et photographies), 2007
- L’Ancolie, 2007
- Sanzaki, 2008
- Eschyle en Mayenne, 2010
- L’homme des haies, 2012 (prix de l'Académie française Maurice Genevoix 2013).
- Causement, 2012
- Neige sur la forge, 2015
- Exodiaire, 2015
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 0:48

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Message par Tristram Jeu 25 Oct - 13:40

Merci ! Et des conseils de choix d'ouvrages à découvrir en priorité seraient les bienvenus !

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Jeu 25 Oct - 15:39

et surtout Bix un commentaire

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 16:11

Pas de livre en train mais des réminiscences et des envies de lecture.
Quelques choix déjà lus ou à lire.
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 16:17

Jean-Loup Trassard L_espa10


L’espace antérieur
Jean-Loup Trassard


"Non pas l’univers urbain, mais la même démarche d’aller par l’écriture à la conquête des objets, appliquée par Jean-Loup Trassard à son enfance en Mayenne. Remarquer que dans le troisième extrait, la bille, l’objet n’est pas nommé : astuce qui peut être très générative en école ou collège.

Jean-Loup Trassard, né en 1933 en Mayenne, connaît une enfance rythmée par les travaux agricoles qui influencera toute son œuvre d'écrivain et de photographe. En 1960, Jean Paulhan le publie dans la Nouvelle Revue Française. À partir de 1983, il expose régulièrement son travail de photographe. Il vit une partie de l'année en Mayenne où il élève des bœufs autour de sa maison natale.

Vos souvenirs ? les miens ? peu importe. Qui n’a pas été enfant ? Qui ne connaît ces éclosions en surface de la mémoire d’images montées du fond, lumineuses, étonnamment précises quoique assiégées de flou, silencieuses ?
Si vous capturez ces images, entreprenez par exemple de les retenir par l’écriture, les armoires du fond demeurent entrouvertes, et la mémoire, sorte d’étang obscur, s’agite, laisse affleurer d’autres images qui, une à une, se détachent du passé, traversent l’opaque, doucement surgissent, aujourd’hui s’imposent à la rêverie.
Filées en ligne d’écriture, assemblées, ces petites scènes peu à peu étendent l’espace d’autrefois sous les pas d’une enfance, le distribuant en chambres, jardins, cours de ferme, petites routes. Et là, sur chaque page à écrire d’abord, puis la lire, s’ouvre un temps de lenteur perdue. Au moment où la vie si dangereusement accélère, tremblent, encore pénétrables, des après-midi d’été qui paraissent infinies.
Oubliées à peine, ces dimensions de l’espace et du temps ne sont pas aussi révolues qu’il semblait. Voyez plutôt : demain est escalier qui accède au jardin d’hier.


Du pain très cuit, croûte de préférence, en telle quantité que le bouillon disparaisse, tout entier bu par les croûtes trempées, brunes ou noires, qu’il écrasait avec sa cuiller en bouillie épaisse, un morceau de beurre, un peu de crème fraîche : le régal de mon père, qu’il appelait panade. Quand il revenait d’un voyage d’affaires, deux trois jours, parfois moins, en Bretagne où il allait voir les maires, retraiter ses contrats, visiter les marchés emplis de coiffes et de paniers, de carrioles et de volailles, il se lavait et se couchait. Au lit, il se faisait servir une panade très chaude dans un bol de terre.

Sur le fond des assiettes retournées – le service de cuisine était en grosse faïence couleur crème – c’est ainsi qu’elles mangeaient leur dessert plus souvent, pour avoir moins de vaisselle à laver. Quand le café était servi mon père disait de fermer la seconde porte entre salle à manger et cuisine, une porte de bois épais, afin que leurs cris ou rires ne gênent pas la conversation. Elles étaient jeunes et trois, quelquefois on me laissait leur porter le dessert, elles finissaient un peu de vin rouge, mettaient leur assiette à l’envers sur la toile cirée, buvaient aussi un coup de café, je les regardais rire sans toujours comprendre, si je m’attardais mes parents me rappelaient.

Deux petites poches à ma culotte courte. De l’une je sortais pour le regarder l’objet parfait et énigmatique. J’étais sur l’herbe de notre pré, celui qui touche le jardin, où sont quatre poiriers à cidre, et j’avais ce souvenir du lointain. Absolument mystérieux. Bleu assez pâle, ou surtout terni par l’usure. Un côté bombé, l’autre moins, c’était presque rond. Rencontré entre vagues et plage… je me souviens que je ne savais plus… pas une pierre ou alors très riche, pas un coquillage malgré formes, couleurs, nacres versés sur le sable par le bord agité de la mer où je n’entrais pas. Dans ma paume cette boule usée, c’était parcelle de l’inconnu sans contours que je tenais. Là, sur l’herbe, entre les poiriers, peut-être cinq ans, une rêverie vague."

Extrait de : Jean-Loup Trassard, L’espace antérieur
Éditions Gallimard, 1994
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 16:25

Jean-Loup Trassard Trassa13

"Ayant depuis plusieurs années cédé la ferme à son fils, Vincent Loiseau est vieux, de soixante-quinze ans ou plus. Il demeure quand même à La Hourdais, dans sa famille en somme, où il se contente des tâches dont il est encore capable et, surtout, que son fils lui laisse faire. Selon le désordre de la mémoire, mais avec minutie et un humour discret, il raconte sa vie de retiré sur place, les petits travaux qui l'occupent et ceux qu'il a rudement accomplis autrefois. C'est l'entretien des haies, son ouvrage préféré. Il en détaille les charmes, exprimant du même coup sa profonde solitude. Une solitude dans les choses, qui se console par leur contact, et celui des animaux. Voilà l'homme habillé d'écorces ! Si son monologue permet d'entrer dans une ferme, d'écouter les voix paysannes tout au fond du bocage mayennais il y a quelques décennies, autant dire hier, c'est surtout l'occasion d'un jeu avec la langue pour restituer la façon singulière dont l'homme de la terre ressent ce qu'il fait, ce qu'il touche, et comment il le dit."
Gallimard

"Vincent Loiseau parle, et sa parole est mémoire d’un temps, de gestes et d’objets, de façons qui ne sont plus mais dont les images sont encore visibles, pour lui au moins qui les a disposées dans des lieux de mémoire, sanctuaires intimes qui furent lieux de vie, et qui recomposent pour nous, lecteurs, qui en "parcourons" la liste, un inventaire.  
 
"Sa parole éprouve le grain des choses disparues comme la gemmule des doigts l’éprouverait à la surface douce de vestiges. Déroulant des moments de vie comme on parcourt des lieux mémorables, il déplie les feuillets invisibles d’un inventaire, occupations paysannes qui étaient la vie même, la vie simple : cueillette des pommes ou des poires – et le glossaire de leurs noms, saillies des bêtes, composition du jardin – et le lexique de sa Flore, cérémonies religieuses ou païennes, propos de table, travaux des champs, par énigmatique métamorphose reviennent à naître dans sa bouche. Ce sont paroles. L’homme des haies barbeye. Et pour nous, de l’autre côté du temps, qui n’avons plus qu’ouvertes sur les genoux les pages aux petits signes d’encre, c’est cette parole, pourtant objet de seule rhétorique, qui nous demeure en bouche. Barbeyer, nous goûtons la saveur du mot que nous nous redirons à haute voix silencieuse lorsque sera venu le temps, et qui s’approche, où ne seront plus ni homme, ni outil, ni haie à barbeyer. Barbeyage faisait la barbe à la haie. A lèvres closes récitantes, pratiquant l’art de la mémoire, réinventant l’inventaire, nous redirons les mots qui alors seront légende. L’homme des haies barbeye."
Gallimard 
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 16:34

Le temps qu'il fait .Conversation avec le taupier


Jean-Loup Trassard Conver10

"Le taupier louait ses services dans les fermes et travaillait entre le ciel d'hiver et la terre souvent boueuse à délivrer des taupes le terrain agricole. Jean-Loup Trassard a longuement interrogé celui qu'il connaissait depuis l'enfance. Ce solitaire, tant démuni, est plus misérable sans doute qu'un domestique agricole mais plus libre. Pourtant, la bouche pleine d'un silence terreux, il s'empêche de dire à table ce qu'il a vu dans la campagne. Il ne peut parler que du temps, des péripéties du métier. Au récit que fait l'homme de son existence, de ses moyens pour prendre les taupes, de sa quotidienne pensée pour les deviner en leurs galeries (est-ce avec les taupes encore qu'il joue aux cartes le soir ?) l'auteur noue ses propres images. Surgissent alors, furtifs, cernés de haies touffues, quelques caractères paysans, des éclats de voix saisis à travers le bois épais des portes, l'austère vie des fermes, inchangée depuis des temps immémoriaux, désormais
disparue."

Le Temps qu' il fait


Dernière édition par bix_229 le Jeu 25 Oct - 16:43, édité 1 fois
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 16:42

Le temps qu'il fait.


Jean-Loup Trassard Tr_210

"Depuis le néolithique, il s'agissait de produire plus et mieux : le succès brutalement s'est retourné contre les métiers de la campagne. Il faudra produire moins et moins bon. Ayant vidé les villages, coupé les arbres, rasé les haies, mis les races animales au musée, fait disparaître la faune sauvage et la flore, envoyé ceux qui auraient assuré la relève travailler en ville, on fera de l'élevage " hors sol ". Les textes de ce livre, même s'ils ne sont parfois que l'ébauche de ce que j'aurais aimé qu'ils fussent, doivent être entendus comme, incomplet, maladroit, mais joyeux d'aimer, un hommage à la civilisation rurale au moment où, parée de toutes ses variantes régionales, corps et biens, elle sombre. Ce qui, lecteurs, pour nous, les terriens, s'accompagne d'une émotion."

Le Temps qu' il fait
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Message par Invité Jeu 25 Oct - 16:56

drunken Et bien, moi qui avais crainte de manquer de lectures...tu nous trouves des trésors, bix !

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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 18:49

J' espère que tu aimeras !
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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 18:53

Quelques photos de J.L.T.

Jean-Loup Trassard Zochel10


Jean-Loup Trassard Jouets10
Jouets d' enfant de JLT


Jean-Loup Trassard Taupe10


Jean-Loup Trassard Sabots10
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Message par Invité Jeu 25 Oct - 19:06

bix_229 a écrit:J' espère que tu aimeras !

J'en suis déjà persuadée par ce que tu en dis... Wink

Y-a-t-il un livre, en particulier , à lire en premier ?


j'adore la taupe, d'ailleurs je les adore en vrai, et je ne les chasse pas chez moi...Elles ont toujours des gants de cérémonie !

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Message par bix_229 Jeu 25 Oct - 20:57

Pour ses textes, peut etre L' Espace antérieur, un texte autobiographique...
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Message par Bédoulène Jeu 11 Juil - 21:41

L'ancolie

Jean-Loup Trassard Ancoli10

9 nouvelles

Les patiences du bord de l'eau : chaleur, humidité, les fermiers souffrent, les cultures s'abîment et dans cet univers une jeune fille disparaît près de l'étang, sous l'oeil d'un héron cendré ; que s'est-il passé ? fuite ? enlèvement ? autre ?

"Parce que nu, son corps - environné d'une vaste tièdeur humide et par elle comme vêtu - ne devait pas sembler différent de l'eau dans laquelle il entrait. Parmi les nénuphars, lentement, passait le reflet de ses seins. Là sans doute elle vit l'oiseau, à l'envers rien qui fût distinct, des ailes fermant le ciel l'enveloppèrent un instant."

"L'oiseau qui revenait au nid de plumes l'apercevant ainsi étendue lâchait le serpent qu'il tenait, au-dessus d'elle ouverte planait avant de se poser. Tout autour s'élevaient les cigües vireuses. Sur les bords où l'étang avait dépsé la semence en hiver, les oseilles formaient des graines vertes. Tout autour le silence était troublé lentement par çà et là des coassements sourds, des bulles en éclosion, un retournement de queue dans l'eau, le cri bref d'un râle invisible."

"A part une trace de pied nu qu'ils (les fermiers) disaient certaine, ils ne trouvèrent que, pris à la boue, un livre sans couverture - épais, les pages réunies - qui me fut ensuite apporté. L'imminence d'un envol, dont l'envergure les couvrirait, avait de quoi rendre précautionneux."


Reconnaissance des dehors et des dedans d'une forêt


Le narrateur fait la reconnaissance active, physique des dehors d'une forêt,  tandis qu'un écrivain lui en reconnait les dedans en créant une forêt dans son roman ;  une forêt où l'on se perd volontairement ou non.

L'écrivain :
"S'il avait vécu dans la forêt il n'aurait pas eu celte envie de la changer en mots. Les mots qui l'évoquaient, puis la représentaient étaient preuve même de la forêt."

"Et que le papier sur lequel il écrivait fût pour une grande part fabriqué de bois - si bien qu'avec l'aide du hasard il écrivait peut-être la forêt sur le bois qui en était issu - lui paraissait faire de cette forêt contenant d'avance le support du texte qui la créait, un bloc irréductible, lieu d'une protection infinie."


le narrateur qui visite la forêt :

"La forêt ceinte à son pourtour de lianes fleuries, des hérissons y dorment en boule serrés sur les poils doux de leur ventre au fond de terriers bourrés de feuilles sèches. Elle fait une vaste trouée sombre dans la brume qui se déchire sur les branches et parait entre les troncs rassemblés plus légère. Nul ne s'approche alors, par crainte de se trouver pris, d'errer parmi les arbres vêtus de voiles et d'être, la nuit, fixé au piège des épines."

Le cerceau de bois

La maison, ceux qui y vécurent et y moururent et le narrateur : "le vent habite la maison plus que moi la nuit durant."

"Elle avait l'homme, l'enfant, de coussins elle rendait les fauteuils creux."

"Maintenant ils sont partis. Dix coups pour un homme, six pour une femme. Parents, amis, serviteurs même, rien n'a tenu.  Maison ensorceleuse où tous moururent, et je devais rester. Je n'étais bien que là. Le jour obscur, l'herbe noire, les murs humides. Là."

"Maison, vos nappes froides tirées de l'ombre vers l'odeur des pavés de la salle à manger si fraîche aux fenêtres ouvertes sur l'été. Absence, absence, absence autour de la table. Il neige des regards éteints."


Un miroir des ornières

La commune où vit le narrateur doit adapté les nombreux chemins à la circulation d'aujourd'hui ; il propose donc d'en dresser la carte ; chemins abandonnés, chemins communaux, chemins à faire à pieds.

"Depuis les champs, quand on ne connait pas, c'est sans l'avoir soupçonné que l'on découvre, en passant la tête et les épaules par une brèche, ce couloir d'ombre. Les fermes vivent au bord. Il y a peu, une famille y faisait encore un monde suffisant et immobile sur la terre battue. On ne s'y parlait guère, semaine au long, ils se voyaient entre eux, et les bêtes."

"C'est ce qui me touche dans les chemins, ce pourquoi je voudrais qu'on les considère : leur existence personnelle. Ils ne sont pas là que pour aller d'un point à un autre. J'ai une préférence pour ceux qui vont nulle part, c'est-à-dire qui se perdent, à contourner les champs, à se diviser en fourche, finissent sur un raccordement oublié."


Harloup

Alors que dans la presse, à la radio les informations relatent la violence des guerres, grèves, conflits dus au racisme, le narrateur relève en dernière page l' abattage d'un loup par un berger pour la raison que l'animal avait égorgé une de ses brebis.

Partant de là le narrateur remonte sur des faits d'attaques remontant dans les temps anciens et les moyens mis en oeuvre pour les éradiquer. Evènements qui ont contribué à constituer certaines légendes.

"Après l'été pluvieux de 1661 la récolte fut nulle, le froment renchérit, un chroniqueur local dut écrire que si les habitants des deux villes tombaient morts de faim dans les rues, ceux des champs ressemblaient à des carcasses déterrées et disputaient aux loups leur pâture car lorsqu'ils trouvaient des bêtes crevées ils se repaissaient d'une chair qui les faisait plutôt mourir que vivre. Les paysans étaient réduits à paître et il y avait peu de nos chemins qui ne fussent bordés de corps morts, la bouche pleine d'herbe."

"Il fut remarqué que les loups connaissaient parfaitement la disposition du pays sur une large étendue et se voyant chassés tout de suite couraient aux lieux qui pouvaient les couvrir, et  longeaient les passages les moins fréquentés. Ce dédale de halliers, de chemins et de ruisseaux, de vieilles fermes pierreuses, leurs griffes l'ont usé. Quand la pluie rendait le bois froid, qu'à chaque branche pendaient des gouttes d'eau, les loups allaient par les sentiers de l'homme. Au temps sec ils coupaient à travers, leur fourrure les protégeant des arbres épineux."


D'un fût gélif

Le sabot, le travail sur le sabot et le travail du bois,  du fût au sabot.

"J'aurais pu prendre le quart de coeur et commencer à dégrossir pour amener peu à peu l'histoire. Une histoire qui n'en est pas une d'ailleurs, simplement l'aventure des mains sur le bois."

"L'affûtage, c'est l'âme des métiers du bois. Il se sert d'un tiers-point usé sur la meule. Fer contre fer. Pareil le mot s'aiguise d'affrontement, puis pierre douce au fond de la mémoire. Même les scieurs de la région venaient lui apporter leurs scies."


L'ancolie

Une femme et sa fille dans la maison, le jardin, travaux intérieur et extérieur au rythme des saisons ;  toutes les plantes sauvages qui entourent la maison et le ruisseau qui court. La journée du matin au soir.

"Vers l'avant sa robe se gonfle, s'ouvre un peu, fleur blanche au matin. Sous ses jambes allongées le ruisseau, encore froid malgré l'heure qui commence à pâlir tous les verts en une seule brillance de feuilles ou d'herbes. Sur le ventre bombé des prairies les pâquerettes passent d'extase. Elle sent le duvet argenté des menthes qui s'approche du secret de l'eau, son jeune poids de fille entre les parfums évoqués."

"Une fois par semaine, la laveuse revenue du douet avec une brouette pleine, devant midi le linge étendu au long du fil de fer dans le potager."

"Quand l'odeur de la cire franchit les fenêtres ouvertes, elle voit paraître sa mère, heureuse lasse d'avoir noyé sur les veines du bois sa durée fragile à celle des meubles."

Nos murs hourdés de terre

Travaux divers  de restauration des fermes et de leurs bâtiments (étables etc....)

"Nous avons cimenté l'allée des étables, creusé des puits, installé des fosses à purin, bâti des caves en appentis là où les tonneaux étaient dans les chambres, refait des planchers aux greniers et branché l'élecrticité. Car presque tous alors, qui soupaient à la lueur des trognons de choux, n'avaient qu'une lampe à pétrole posée dans la paille pour traire les vaches et pour les vélages de nuit."

"Des tempêtes, de longs hivers, tant d'usure. Le neuf est bien devenu vieux. Quant à l'ancien, depuis des centaines d'années les rats y sont en métayage."

"Autrefois, pour une location voisine, le fermier qui devait entrer avait détaché, poussé au chemin sous la pluie battante, le bétail de celui qui ne partait pas assez vite."

Canada

Les déplacements d'un coureur des bois, l'attente de l'arrivée de la neige.

"Il vivait, rien n'empêche qu'il vive encore, au bord et dans l'attente du moment où la neige recouvrant la campagne lui permettait de s'avancer dans un autre pays."

"Tous ses voyages étaient particuliers. Lorsqu'il y repensait ensuite, il faisait lever l'impression d'encore toucher la neige, la sève, la résine. Pourtant, plus que ces odeurs vivantes, c'était la certitude de s'être porté ailleurs qui surgissait."

"Ainsi l'attirance qu'il ressentait toute l'année, projets et préparatifs intérieur vers la neige même absente, était attente au bord d'une sorte d'éternité."



C'est une écriture aux tournures un peu surprenantes mais pleine de poésie.
L'ambiance est souvent à l'humide, les fermes, les maisons suent la tristesse, la pauvreté, l'isolement, souvent voulu.
C'est la désertification, mais l'auteur lui est revenu dans la région.
Les belles descriptions, la campagne, n'atténuent pas la pesanteur du mauvais temps ni des souvenirs d'un passé révolu.
Ces 9 petites nouvelles permettent de voir les saisons, le Temps qui laissent de profondes et irréversibles traces.
Nostalgique !









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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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Message par bix_229 Ven 12 Juil - 0:12

J'aime ta lecture patiente et précise à la fois.
J'avoue que ce que, à cause de ce que tu nommes "tournures un peu
surprenantes, j'ai parfois été largué...
Mais je sais que je continuerai à le lire... Si Godot me prete vie !
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Message par Tristram Ven 12 Juil - 0:31

Merci Bédoulène, c'est bien attirant, et... j'ai retrouvé des citations de Paroles de laine, donc... je vais lire ce recueil ! On pense à Vincenot, évidemment !

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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