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Elio Vittorini

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Message par tom léo Mer 14 Déc - 21:43

Elio Vittorini
1908 - 1966


Elio Vittorini  Elio_v10

Elio Vittorini est un romancier, publiciste et traducteur italien, né le 23 juillet 1908 à Syracuse (Sicile), mort le 12 février 1966 à Milan. Son père était cheminot en Sicile. Après des études techniques, il travaille sur un chantier en Vénétie, puis s'installe à Florence où il entre en contact avec le groupe littéraire d'Alberto Carocci et avec la revue Solaria, laboratoire de poésie hermétique et du roman nouveau. Il publie dans la revue Letteratura sa Conversation en Sicile de 1938 à 1939.

Dès 1940, Vittorini entre dans la résistance antifasciste qu'il décrira dans Les Hommes et les Autres en 1945. En 1943 il fût imprisonné comme adversaire du régime de Mussoilini. En 1945 il entra dans le Parti communiste (PCI) duquel il s'est distancié à nouveau plus tard. Il sera quelque temps directeur du quotidien communiste L'Unità après la guerre, en même temps que directeur littéraire des éditions Einaudi de Turin. Il fonde la revue Politecnico et se consacre dès lors à ses activités éditoriales, délaissant le roman, créant notamment la collection Menabo. Il est également traducteur de l'œuvre de William Faulkner et de John Steinbeck. Il laisse une œuvre peu abondante, marquée par sa volonté d'y décrire les événements auxquels il prit part, privilégiant l'action et le dialogue.

Vittorini représente dans la culture italienne la figure de l’intellectuel engagé (impegnato), animé par la volonté de contribuer à la rénovation de la société à travers la prise de conscience et la dénonciation de ses contradictions. Pour lui, la littérature doit être un instrument capable de protéger l'homme de la souffrance. On retrouve, à travers l'ensemble de sa narration, la tendance à transfigurer le concret et la représentation de la réalité dans le fabuleux et le symbolique. Ses premières œuvres se veulent dans l'idéologie d'un fascisme « de gauche », dans son âme anarcho-révolutionnaire et antibourgeoise.
source : wikipédia

Oeuvres :

- Les Petits-Bourgeois (Piccola borghesia), 1931
- Conversation en Sicile (Conversazione in Sicilia), 1941
- Les Hommes et les Autres (Uomini e no), 1945
- Le Simplon fait un clin d'œil au Fréjus (Il Sempione strizza l'occhio al Frejus), 1947
- L'Œillet rouge ( Il garofano rosso), 1948
- Les Femmes de Messine (Le donne di Messina), 1949
- Erica (Erica e i suoi fratelli), 1956
- Journal en public (Diario in pubblico), 1957


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Message par bix_229 Mer 14 Déc - 22:00

Merci Tom Leo pour ce fil !
Vittorini était un passeur, et ne serait-ce qu' à ce titre, il faudrait le rééditer.
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Message par tom léo Ven 16 Déc - 7:41

Erica


1956

Originale : Erica e i suoi fratelli (Italien, interrompu en 1936, publié dans les années 50)
Traduction française : 1961


CONTENU :
Devenir adulte dans un temps difficile.

Au début des pages Erica a seulement neuf ans, mais elle se rend déjà bien compte de la pauvreté de sa famille. Pour travailler le père se rend dans les montagnes et appelle dans la suite, lors d'une maladie, sa femme de venir. Erica, maintenant un peu plus âgée, reste à la maison et prend avec fierté et beaucoup de responsabilité sa rôle de « mère » envers ses deux frères et sœurs et le menage. Le temps passe, mais la mère ne revient pas. Les provisions se terminent. Dans la plus grande misère elle prend une décision... (traduction de la description du livre chez amazon.de)

REMARQUES :
C'est avec beaucoup de réalisme et au même moment une certaine poèsie qui évite le miserabilisme, que Vittorini décrit en 22 chapitres le chemin d'un apauvrissement d'une famille. Le père gagne de moins en moins pour plus en plus de travail ; ses compagnons perdent l'emploi et aussi la mère est forcée de delaisser le foyer et de travailler. Puis la catastrophe : le père est renvoyé aussi. Mais il se décide rapidemment d'aller dans les montagnes pour y travailler sur les chantiers. On démenage dans une ruine délaissée. Un jour le père écrit de sa maladie et appelle sa femme au sécours. Elle prépare son absence et des provisions. L'argent et la nourriture devaient suffire. C'est sans aucune plainte qu'Erica prend le menage en main et fait preuve d'une grande responsabilité. Mais – et comment ? Par des vols ? - les provisions s'aménuisent et malgré tous les petits tours joués à la faim grandissant, elle se trouve un jour devant un choix crucial. Elle va offrir son corps...

Oui, c'est une histoire de pauperisation, marqué par un réalisme qui peut être lu comme une critique aux conditions des ouvriers. Mais au même moment ce fil triste est raconté avec une telle sensibilité, délicatesse, simplicité que par la langue on se rapproche d'une écriture simple, harmonieuse, « innocente ». Le petit roman invite à reflexion, mais surtout à une grande empathie avec Erica et l'absence de tout jugement face aux moyens choisis.

Ainsi on peut aussi parler d'une histoire du devenir adulte (et de garder son enfance). Elle prend la responsabilité pour ses frères et sœurs, sans tomber dans des reproches généralisés.


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Message par tom léo Dim 18 Déc - 17:53

Elio Vittorini  31uapy10

Conversation en Sicile

Originale : « Conversazione in Sicilia », 1938/39 comme feuilleton dans le journal « Lettaratura » ; 1ère édition en forme de livre en 1941 sous le titre de « Nome e lagrime », puis réimpression dans la même année avec le titre d’aujourd’hui)

CONTENU :
Après quinze années Silvestro, 29 ans, retourne pour la première fois et pour trois jours de l’Italie du Nord (où il travaille à Milan) dans sa Sicile natale et sa mère, y habitant un pauvre village de montagne. Il traverse l’Italie en train, passe avec le bateau, et retrouve les vergers d’orangers. Il rencontre des gens les plus variés et retrouve sa mère, se promène dans le village. La réalité et le rêve se superpose...

Avec ce livre Vittorini avait créé une référence, et aussi une déclaration d’amour envers l’enfance, et le cœur de la Sicile.
(éléments de la description de l'éditeur allemand)

REMARQUES :
Le livre consiste de cinq parties avec un total de 48 chapitres plus un épilogue ; donc des chapitres rélativement courts. Le narrateur est ce Silvestro Ferrauto lui-même qui se retrouve au début à Milan. Dans une manière répétitive typique pour ce livre, il revient vers son état d’une certaine indifférence, d’un « calme plat de la non-espérance ». Il a perdu la confiance en l’humanité, dirigeant son regard constamment vers le sol. On ne peut s’empêcher à y voir aussi une réaction sur l’environnement et l’atmosphère de ces années : on peut situer l’action (?) du livre vers 1937-39. Et certains commentateurs voit dans ce contexte historique la raison principale du livre, une critique de l’auteur. Cela est certainement le cas, mais dans l’absolu je ne partagerais pas cette opinion, vu aussi que Vittorini s’est fait tardivement un opposant du régime...

Cela faisait une quinzaine d’années que Silvestro n’a pas été à la maison, chez lui en Sicile qui se montrera aussi bien « maison/patrie/origine » qu’au même moment l’étranger (dans les réactions des compatriotes on arrive pas à le situer). Car saisissant une possibilité, il va aller sur un coup pas préparé à la maison : il saute preque dans le train, même si « tout lui est égal ». Mais la fête du 8 Décembre, lié avec Marie et aussi sa mère, s’approche, et il avait toujours écrit à sa mère pour l’occasion. Retour par Syracuse dans ces montagnes isolées, et, en cours du voyage, une série de rencontres et sensations. Est-ce qu’à l’approche du pays la non-espérance va baisser ? Il retrouvera des odeurs, des vues, des rencontres (on se sent rappelé de Proust) qui le remplissent de souvenirs de son enfance. Mais il est aussi témoin de la pauvreté, de l’écart entre riche et pauvre.

Alors il retrouvera dans les montagnes de la « barbarie » (sens double?!) sa mère. Et cela lui n’est plus tout à fait indifférent d’être là ou pas. On est loin de sentiments « positifs », mais peut-être une diminuition de la douleur aigue ? Après tant d’années d’absence les entretiens commencent avec les sensations retrouvées d’odeurs, de goûts (de la cuisine maternelle), le départ du père, le rôle du grand-père, des souvenirs d’enfance... Dans ce monde pas mal de choses vont ensemble que tout semblent opposées : « Grand-père pouvait croire à Saint Joseph et être socialiste. » Le travail, les enfantements laissent vieillir les belles femmes avant l’âge, au moins les mains ? Le cœur reste souvent éveillé et prêt à bondir. Les hommes sont des trouillards et des cavaliers, des coureurs de femmes et des traîtres, abandonnant les épouses pour des femmes plus jeunes. Ainsi – selon la mère – le père, même si elle-même aussi avait été infidèle de temps en temps ça va de soi, Cela ne compte pas. Et elle n’en avait pas écrit « des poèmes » comme son mari infidèle. Elle met des piquures et gagne ainsi un peu d’argent : c’est la malaria et la phtisie qui règnent dans la région. Encore bien d’autres conversations et rencontres avec d’habitants du village s’ensuivent... Mais on pourrait – comme souvent dans l’oeuvre de Vittorini (me semble-t-il) discerner des niveaux de lecture différents :

- le cadre historique du fascisme est mis en avant par beaucoup de commentateurs. Cela expliquerait alors l’abattement initiale du protagoniste, une certaine fatalité ? Bizarrement ces allusions historiques n’auraient pas être vues par des fascistes pas assez fins de l’époque. Par contre les critiques venaient d’abord de l’église qui discernaient un certain amoralisme. Il me semble que cela ne passe plus aujourd’hui et qu’au contraire (voir en bas) il y aurait même certains éléments « spirituels ».

- la réprésentation de la pauvreté, spécialement dans la patrie sicilienne de l’auteur : l’émigration en est la conséquence, comme justement chez Silvestro et ses frères et sœurs. Lors du voyage et les rencontres les plus diverses, le narrateur rencontre des formes différentes de pauvreté, de maladie, de solitude...

- sans doute y-a-t-il un niveau « existentiel » que j’estime même préponderant. Derrière des dialogues parfois un peu bizarres on trouvera à voir de près, des réflexions sur l’état intérieur de l’homme, sa soif, ses douleurs, sa solitude. Il est étrange que j’en ai pas lu un mot dans différents commentaires..., comme si l’idée était purement politique. Ce serait plus simple ? Mais le livre pose des questions profondes à l’homme entre fierté et humilité, abaissement et honneur. Est-ce que la souffrance personnelle est participation à une souffrance plus universelle ? Un cri ? Ici je voyais, sans avoir étudié le sujet, une parenté possible avec l’existentialisme naissante...

- et parlant de ses sujets je ne peux pas éviter de proposer même une lecture spirituelle. Elle ne s’impose pas – comme tout dans l’oeuvre de Vittorini, me semble-t-il -, mais j’étais profondement étonné de trouver des allusion à des contextes réligieux, voir bibliques. C’est clair en connaissant ces sources (ce qui était plus que probable pour un Italien de son époque).

Comme déjà mentionné, l’auteur tourne souvent autour d’un sujet, répète des questions, expressions clés. Cela pourrait paraître mal fini comme travail, mais j’y vois l’importance de certaines choses dans la vie, peut-être aussi un reflèt de l’indifférence mentionnée ?

Bref, pour moi cela fut une vraie perle avec beaucoup de matière à réflèchir. L’auteur déclara même qu’il considéra ce livre comme « réussi », qu’il avait réussi à exprimer ce qu’il voulait. Une bonne récommandation de ma part !


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Message par tom léo Mar 20 Déc - 22:15

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L'oeillet rouge

Original : Il garofano rosso (Italien, comme livre 1948)

Parution (dans une première version) comme roman à épisodes entre 1933 -36 dans le magazine Solaria. Premier manuscrit pour une édition comme livre 1939. Entre ces diffèrentes versions il y a, suite à des changement historico-culturels et de changement d'opinion chez l'auteur, une évolution, des changements, des révisons.

1.ère parution en français chez Gallimard, 1950

DESCRIPTION brève:
Une jeunesse en Sicile: Alessio Mainardi et son ami Tarquinio se trouvent entre fascisme et socialisme, entre Giovanna l'inapprochable et la prostituée Zobeïda. Un oeillet rouge se promène comme symbole parlante entre Giovanna via Mainardi vers Zobeïda...
Un classique de la littérature italienne.
(Traduction de la description chez l'éditeur Wagenbach/D)

REMARQUES :
On peut situer le début de l'action romanesque assez exactement au printemps 1924. Dans une ville portuaire sicilienne se trouve l'élève Alessio Mainardi, ensemble avec d'autres, dans une pension, loin de chez eux. Il est spécialement proche à Tarquinio, légèrement plus âgé que lui.

Certainement on peut voir ce roman sous l'angle d'un passage de l'enfance vers l'état de jeune adulte : c'est un âge de passage, de seuil. Des fois Alessio est encore « enfant », cherchant consolation presque maternelle, des fois il aimerait être plus loin. Au début il ne fait qu'admirer d'une façon presque romantique l'inapprochable, mais fascinante Giovanno, puis, à travers les descriptions cocasses de son ami Tarquinio, il trouve le chemin vers un bordel et la fameuse Zobeïda, dont tout le monde parle (en connaissance de cause ou comme « wishful thinking »?). Lentement les relations Alessio - Giovanna, Tarquinio – Zobeïda évoluent et s'inversent... Quelle est la place de l'amour, de la passion, de la curiosité de découvrir l'amour charnel, du don de soi?

Mais au même moment nous devons lire ce roman, si fin ET réaliste sur la vie intérieure et amoureuse de jeunes, encore sous un angle complètement différent : La composante sociale, sociétale, politique est omniprésente :
Alessio (et d'autres) unissent dans un écart bizarre leur admiration pour Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg AVEC l'enthousiasme suscité par l'arrivée des fascistes. La « marche sur Rome » se situe à peine deux années antérieures, et le narrateur se plaint d'avoir raté cette occasion d'aventure. Il aurait aimé avoir une pistole, prendre part aux événements ! Maintenant par contre, il participes activement à une occupation de son école et...aura des problèmes. Beaucoup des lèves, des acteurs de ce roman sont comme dans un délire d'enthousiasme.

Il semble que cetélément du roman a gêné plus tard Vittorini : lui-même avait passé par une évolution de ses opinions politiques. S'il avait écrit pour des journaux pro-fascistes jusqu'à l'an 1936, il fût sous le choc par les desastre de la guerre civile en Espagne et opéra un virement.Ceci explique des changements dans les versions successives du roman.

Comme par exemple (selon des notes dans mon édition allemande) l'ajout d'un fort élément de critique sociale, voir de classes. Mainardi, fils d'un propriètaire d'une briquetterie, va ressentir « le gouffre insultant entre nous, les enfants de notre père, et les ouvriers ».

Comme à l'accoûtumé on trouvera chez l'auteur une langue simple et beau, même si elle me semble plus expressive, directe que dans des œuvres plus tardives ?! Il utilise alors la perspective du narrateur dans la première personne et intercale aussi certains notes de diaire et quelques lettres de Tarquinion.

Je trouve un grand plaisir d'explorer peu à peu cet auteur splendide, même si – mais pourquoi comparé ce qui est dans le temps et dans le style différent ? - je trouve « Erika » encore un poil plus fort (et les « Conversations en Sicile » m'attendent déjà sur ma PAL).

Récommandation de découvrir cet auteur !



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Message par Bédoulène Sam 7 Jan - 9:37

Elio Vittorini  31zq4q10


Les Hommes et les autres (titre original Uomini e no)

La note de l'auteur est importante : le titre français n'est pas en accord avec l'idée que donne l'auteur au titre original  Uomini e no.
Soit "que nous les hommes pouvons aussi être des «non-hommes».

L'histoire se déroule à Milan en 1944 pendant la guerre. Situation propice à illustrer l'idée de l'auteur ; Tous les hommes ont en eux le bien et le mal, du moins la possibilité de le faire.

Le narrateur qui est-il ? le spectre d'un des personnages N2 ? l'autre MOI de N2 ? ou sa conscience ?
Le lecteur suit un groupe de «camarades» dans sa lutte contre l'occupant et ses milices, découvre les horreurs. Mais surtout est interpellé par le narrateur, par ses réflexions sur l' homme. Qui est un homme ? qui ne l'est pas ou ne l'est plus ? N'importe quel homme peut se conduire en «non-homme»? Résister pour se libérer mérite-t-il de se perdre ?

Ce récit est lancinant par le style de l'écriture, la construction des phrases dans une alternance d'affirmation et de questionnement, des phrases courtes mais qui curieusement rendent le  rythme lent. Et malgré que les chapitres soient courts et nombreux le récit conserve cette lenteur ou plutôt cette pesanteur.

C'est une réflexion banale, ne dit-on pas souvent «pour faire cela» ce n'est pas un homme.
Je sors un peu perturbée, mais c'est certainement parce que la réponse n'est pas simple, puisque l'homme ne l'est pas ou bien elle est simple et là encore c'est dérangeant. Ou bien suis-je passée à côté ?

complément :

Il y a aussi dans ce récit qui dans l'ensemble est pesant, troublant avec des morts qui parlent, des morts qui disent l'être pour sauver les Hommes, tous, même Berthe répondirent-ils à sa demande.

-Les hommes sont tués et il ne faut pas pleurer ?
-Si nous les pleurons, nous les perdons. Il ne faut pas les perdre.
-Et il ne faut pas pleurer ?
- Bien sur que non ! Que faisons-nous si nous pleurons ? Nous rendons inutile tout ce qui a été.
-Etait-ce cela pleurer ?
Rendre inutile tout ce qui avait été ? Et quoi encore ? Effacer le sang répandu . Rendre inutile la douleur même ? Est-ce cela ?


Berthe et N2 ont une «chose» entre eux qu'ils portent depuis 10 ans. Le narrateur perd le lecteur et est complice de N2 même si parfois il ne le comprend pas. Dans l'organisation de N2 il y a Fils-de-Dieu qui essaie de convaincre Klut l'un des chiens du fasciste et craint de tous «Chien Noir» de changer de «métier»; ont-ils le choix les chiens ?

"Il fit entrer Kaptän Blut dans sa chambre et lui apporta à manger, sur une petite assiette qu'il avait mise de côté ; il lui apporta aussi à boire.
- Ouh disait Blut
- Ouh lui disait Fils-de-Dieu
Il lui retira sa muselière, et , du museau, Blut lui toucha la main, puis il se mit à manger, et il mangeait pendant un momemnt, relevait un moment la tête et lui touchait la main.
- Qu'est-ce que ça te rapporte, ce que tu fais ? lui dit Fils-de-Dieu. Enfermé dans une chambre, de longs jeûnes, et de la viande crue de temps en temps. Ca te plait, ça ? Ce que tu fais, c'est pour ça que tu le fais. Moi, à ta place, je serais déjà loin.
Blut releva la tête. Ouh ! lui dit-il. Et il lui toucha la main.

...

-Vaou, dit Fils de Dieu. Comment, non ? Vaou, vaou. Tu ne la sens pas leur puanteur ? Et tu ne peux même pas dire de qui elle est. Celle de hyène, tu peux le dire. Elle est de hyène. De même celle de vautour. Elle est de vautour. Mais la leur ? Et toi aussi tu pueras si tu restes avec eux. Comme le capitaine Clemm et comme Chien Noir. Tu veux puer comme Chien Noir ?

- Vaou dit Nlut.


(message rapatrié)


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Message par shanidar Mar 18 Avr - 13:46

Elio Vittorini  Captur65

L’œillet rouge

Roman de jeunesse renié par son auteur, L'œillet rouge est un récit qui met en lumière un jeune garçon de seize ans, Mainardi, rebelle, insoumis, lycéen, pensionnaire dans une maison où il rencontre d'autres jeunes gens en marge de la société. Un jeune garçon qui va se laisser séduire par les sirènes du fascisme et par la beauté des femmes. L'histoire est racontée dans une langue attachante et protéiforme comme le sont les jeunes hommes en quête de leur propre identité, se frottant ici et là à plus vieux, plus mûrs, plus complexes.

Si Mainardi choisit le fascisme (à défaut du socialisme que son père avait épousé un temps avant de devenir 'patron'), c'est parce qu'il rêve de révolution et du grand jour, il n'hésite pas à se saisir du pistolet qu'un milicien lui tend mais dont il ne se servira pas, il est fougueux et n'a pas froid aux yeux. Le jeune homme exalté veut que le monde vacille aussi vite que lui-même évolue, se transforme, devient un homme. Il veut être dans l'action lui qui découvre que les ouvriers de son père sont sciemment laissés dans l'ignorance pour ne pas être tenter par d'autres métiers, mieux payés, mieux reconnus… Etonné, il comprend aussi que les ouvriers sont bien plus sympathiques que les hommes cultivés mais comme tant d'autres, Mainardi est déjà, par sa naissance et son éducation de l'autre côté de la barrière.

Et puis l'amour ! Ah l'amour ! Symbolisé par cet œillet rouge que sa jeune amoureuse lui donne et qu'il finira par confier à une prostituée dont il s'éprend comme un fou. Car notre ami est tiraillé par le désir d'un amour respectable auprès d'une jeune fille de la bourgeoisie et par le désir charnel qui le porte vers la sublime Zobeida. N'y voyez là rien de trop convenu, ni de trop caricatural car la manière dont Vittorini relate les amours de Mainardi recèle bien des subtilités.

Le passage de Mainardi de l'âge d'enfant à l'âge adulte se déroule sous nos yeux avec tous les questionnements que ces changements brutaux annoncent : l'attrait pour le martyr, le désespoir, la mort et la noirceur et la découverte incessante des sens, de l'exaltation de la chair et de l'émulation intellectuelle.


Bagarreur, amoureux, fiévreux, mélancolique et discoureur, Mainardi est tour à tour innocent et dangereux, naïf et averti, amoureux transi et amant fiévreux ; sans ostentation, sans jugement mais avec une belle énergie Vittorini dresse le portrait mouvant d'un être et d'une patrie, d'une époque et d'un espace dont il fait bon sentir les fragrances.
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Message par Bédoulène Mar 25 Avr - 13:59

je n'abandonne pas l'idée de cette lecture et ton commentaire est engageant !

merci Shanidar

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Message par Cliniou Ven 22 Fév - 14:12

Les idées portées par "Les hommes et les autres" sont très fortes et certains passages sont même poétiques.
Tout comme Bédoulène, j'ai été dérangée par le style assez "lourd" des dialogues.
Du coup, j'ai essayé de me représenter les scènes de dialogues comme si je visualisais un film italien en version originale.
Je pense sincèrement que c'est la traduction en français qui se prête mal au jeu.
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Message par Bédoulène Ven 22 Fév - 20:47

possible Cliniou, peut-être quelqu'un le lisant en italien pourrait le dire.

l'oeillet rouge je devais le lire mais le livre acheté était tellement sale, rongé par les vers que je n'ai pu, j'ai du le jeter.

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Message par tom léo Jeu 7 Mar - 21:40

Cliniou a écrit:Les idées portées par "Les hommes et les autres" sont très fortes et certains passages sont même poétiques.
Tout comme Bédoulène, j'ai été dérangée par le style assez "lourd" des dialogues.

Je pense que ce livre est parmi les plus lourds de Vittorini. L'oeillet rouge, ou surtout Erica, sont dans un certain sens plus simple, abordable.
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Message par Bédoulène Ven 8 Mar - 12:11

je n'abandonne pas pour l'oeillet rouge Tom Léo ! (bon retour)

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Message par tom léo Ven 20 Mar - 7:30

Dans la bibliographie et les livres recenses jusqu'a maintenant, on a retenu les romans. Neanmoins il y a aussi une petite "production" de raconti, de nouvelles assez courtes. Cela vient d'etre publie pour la premiere fois en francais sous le titre "Les hommes et la poussiere", edite et introduit par Marie Fabre. On y retrouve les nouvelles de 1932 jusqu'a 1947. Des pieces tres differentes, a l'image du developpement de l'auteur. Des oeuvres plus classiques, abordables dans une premiere partie (que j'ai pu apprecies immediatement0, puis d'autres plus enigmatiques, plus difficiles d'acces. Certains a nouveau plus realiste, dans le contexte de la guerre ou l'apres-guerre. A decouvrir?

(Pardon pour l'orthographie:j'ecris sur un clavier anglais.)
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Message par Bédoulène Ven 20 Mar - 8:06

meerci pour l'info Tom Léo !

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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