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Paul Celan

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poésie - Paul Celan Empty Paul Celan

Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 10 Oct - 8:49

Paul Celan
(1920-1970)

poésie - Paul Celan Paulce10

Paul Celan (nom d’écrivain de Paul Antschel) est né en 1920 à Czernowitz en Roumanie dans une famille juive de langue allemande. Après une première année de médecine à Tours (1938-1939), Celan revient dans son pays où il subit les persécutions fascistes et nazies : il est interné deux ans dans des camps de travail roumains. Victimes de la barbarie nazie ses parents disparaissent en Transnistrie. En 1948, Celan s’installe à Paris où il sera lecteur à L’École normale Supérieure. Très vite reconnue dans l’espace germanophone et couronnée de prix prestigieux, son oeuvre radicalement novatrice est le carrefour de toutes les traditions poétiques occidentales et juives, de Shakespeare à Mandelstam, en passant par Yehuda Halevi, Rimbaud, Valéry, Char, Ungaretti, Pessoa, Michaux dont Celan est l’incomparable traducteur.

Ses poèmes qui témoignent d’une extrême attention à l’histoire et à l’actualité, frappent aussi par leur sobriété, la simplicité et l’évidence de leurs engagements en faveur de l’humain. L’oeuvre de Paul Celan en particulier la célèbre Fugue de mort est un témoignage et un combat contre toute forme de barbarie. Celan s’est donné la mort en se jetant dans la Seine à Paris en 1970.

Source : https://www.theatredurondpoint.fr/artiste/paul-celan/

Au sujet de son nom de plume :

Il naît en tant que Paul Antschel dans une famille juive ; son nom « Celan » dérive d’« Ancel », prononcé « Antschel » en roumain.  

[…]

Après l’arrivée des troupes allemandes en 1941, ses parents sont internés dans des camps en Transnistrie et y meurent. Paul Celan est lui envoyé en 1943 dans un camp de travail en Moldavie qui sera libéré par les Russes l’année d’après. C'est à ce moment-là qu’il change de nom pour Paul Celan. Son écriture – Paul Celan avait jusqu'alors publié des poèmes dans des périodiques – subit là un tournant ; sa poésie trouve ici son origine historique.

Source : https://www.etudier.com/fiches-de-lecture/la-rose-de-personne/biographie-paul-celan/

Bibliographie (Oeuvres traduites en français)

Recueils
- Schneepart (1971, posthume), poèmes, Mercure de France, 1978 — nouvelle traduction sous le titre : Partie de neige, Seuil, 2007.
- La Rose de personne, trad. Martine Broda, Le Nouveau Commerce, 1979
- Enclos du temps, Clivages, 1985.
- Pavot et mémoire, Christian Bourgois, 1987.
- Contrainte de lumière, « L’extrême contemporain », 1989.
- De seuil en seuil, Christian Bourgois, 1991.
- Grille de parole, Christian Bourgois, 1991.
- Renverse du souffle, Seuil, 2003.

Choix de poèmes
- Poèmes, tirés des recueils publiés entre 1952 et 1970, Unes, 1987
- Strette et autres poèmes, Mercure de France, 1990.
- Choix de poèmes : réunis par l'auteur, augmenté d’un dossier inédit de traductions revues par Paul Celan, édition bilingue, Gallimard, 1998.

Proses
- Entretien dans la montagne, Verdier, 2001
- Le Méridien et autres proses, Éditions du Seuil, 2002.

Source : Wikipedia
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Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 10 Oct - 8:54

Choix de poèmes réunis par l’auteur :

poésie - Paul Celan Paulce11

Paul Celan est quelqu’un de très particulier comme poète. On peut le considérer comme un genre de Graal à atteindre dans le domaine de l’étude de la poésie. Ça fait plusieurs poètes que je côtoie qui se penchent sur lui et en parlent dans des essais (Paul Bélanger, Paul Chamberland, Philippe Lacoue-Labarthe, etc.).

De la même manière, je serai très sélectif lorsque vient le moment de le citer. Ses recueils sont brefs et on dit que sa poésie est fermée au point d’être hermétique et close. On peut le voir comme une tentative d’empêcher cette poésie d’être réduite et/ou récupérée par la suite - par des gens mal intentionnés qui remettraient en cause, pour citer l’exemple utilisé le plus fréquent, la notion de témoignage de l’Holocauste.

«ŒIL  SOMBRE  DE SEPTEMBRE»

Bonnet de pierre temps. Et plus généreuses sourdent
les boucles de la douleur autour du beau visage de la terre,
de la pomme ivre, brunie par l'haleine
d'une sentence pécheresse: belles et répugnant au jeu
qu'elles jouent dans le reflet
mauvais de leur futur.
 
Le châtaignier fleurit pour la deuxième fois:
signe de l'espoir pauvrement enflammé
d'un prochain retour
d'Orion: la ferveur
claire étoilée des amis aveugles du ciel
le rappelle là-haut.
 
Près des portes du rêve,  non dissimulé,
un œil solitaire se bat.
Il lui suffit de savoir
ce qui se passe chaque jour:
à la fenêtre d'Est
lui apparaît quand il fait nuit l'oblongue
silhouette voyageuse du sentiment.
 
Dans l'humide de son œil tu plonges l'épée.

TRADUCTION FRANÇAISE – JEAN-PIERRE LEFEBVRE

Comme vous le voyez, la poésie de Paul Celan est puissante et plutôt incomparable par ses effets. On peut dire qu’il a inventé lui-même une façon de concevoir la poésie et l’a couchée sur papier de façon indélébile, s’assurant de rester inoubliable.

J’ai sauté par-dessus «Fugue de mort». Je suis plutôt tombé sur ce poème :

«Brûlure»

Nous ne dormions plus car nous gisions dans les rouages
de l’horloge mélancolie
et courbions les aiguilles comme des verges,
et elles se sont détendues d’un coup et ont fouetté le
temps jusqu’au sang
et tu racontais une pénombre qui grandissait,
et douze fois j’ai dit tu à la nuit de tes mots,
et la nuit s’est ouverte, et elle est restée déclose,
et j’ai mis un œil en sa chair et t’ai tressé l’autre dans les
cheveux
et j’ai noué entre les feux la mèche, la veine ouverte –
et un jeune éclair a nagé jusque-là.

Parfois, sa poésie a l’air de rien… j’ai passé par-dessus pendant longtemps… mais il y avait quelque chose qui me faisait revenir vers lui… irrémédiablement.

JE SUIS SEUL, je mets la fleur de cendre
dans le verre rempli de noirceur mûrie. Bouche-sœur,
tu prononces un mot qui survit devant les fenêtres,
et sans un bruit, le long de moi, grimpe ce que je rêvais.
Je suis dans La pleine efflorescence de l’heure défleurie
et mets une gemme de côté pour un oiseau tardif :
il porte le flocon de neige sur la plume rouge vie ;
le grain de glace dans le bec, il arrive par l’été.

Tout ce qui vient de précéder vient du recueil Pavot et mémoire. Je vous le rappelle, j’essaie de rester fidèle à l’esprit des recueils et laisser un espace pour la lecture des recueils.


Mots-clés : #poésie
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Message par Invité Jeu 10 Oct - 13:13

Merci pour le fil, j'ai lu le mois dernier son recueil Partie de neige.
J'y reviendrai.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 11 Oct - 10:20

Sentez-vous les bienvenus pour contribuer sur ce fil... Smile

On attendra donc ce résumé de Partie de neige, Arturo.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 11 Oct - 10:26

De seuil en seuil :

Il y a des poèmes qui ressortent au fil des recueils et des relectures. Pour ma part, je noterai quelques constantes thématiques - Paul Celan est très porté sur l’œil. C’est ce qui m’a décidé à vous en parler en inaugurant son fil sur le forum comme il se doit.

Je vous l'avouerai : les recueils publiés par les éditions du Seuil me laissaient quelque peu froid, mais j’imagine que je n’étais pas suffisamment réceptif à la lecture de sa poésie jusqu’à tout récemment.

Je note les efforts de retranscription plutôt exceptionnels de Thomas Dretart de quelques poèmes de Paul Celan sur son blogue.


Greffé sur l’oeil

Sur ton œil est greffée
la brindille qui signalait aux forêts le chemin :
sœur dans la fratrie des regards .
elle fait bourgeonner la pousse,
la noire.

À perte de ciel la paupière se galbe sous ce printemps.
À perte de paupière le ciel s'étire,
en dessous, à l'abri du bourgeon,
l'Éternel laboure,
le Seigneur.

Écoute bien le soc, écoute.
Écoute bien : il crisse
sur la larme, dure, claire,
la larme immémorable.

On peut voir que le thème de l'oeil est assez prégnant, surtout si on consulte «Oeil sombre de septembre» plus haut.

AILE-NUIT
 
Aile-nuit des très loin venue et maintenant
à jamais tendue
sur la craie et sur la chaux.
Galet, roulant à l'abîme.
Neige. Et de blanc plus encore.
 
Invisible
ce qui paraissait brun,
couleur de pensée et foisonnant
de mots.
 
La chaux existe, et la craie aussi existe.
Et le galet.
La neige. Et de blanc davantage encore.
 
Et toi, toi-même :
niché au fond de l'œil
autre, qui embrasse
tout ça d'un regard.
 
Qu'il s'agisse d'oeil ou de neige, Paul Celan démontre qu'il manie très bien les métaphores.

Quelle que soit la pierre
que tu leves

 
Quellle que soit la pierre que tu lèves -
tu découvres ceux
qui ont besoin de la protection des pierres :
nus,
ils renouvellent maintenant le tressage.
 
Quel que soit l'arbre que tu abats -
tu menuises
le cadre du lit sur lequel
les âmes de nouveau s'agglutinent
comme si, lui non plus,
il ne tremblait pas, cet
éon.
 
Quel que soit le mot que tu dis -
tu rends grâce
à perte et périr.


Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Ven 11 Oct - 11:48, édité 1 fois
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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 11 Oct - 10:29

Il fallait que je vous montre ce poème après l'avoir lu... j'imagine que vous devinerez pourquoi... Smile

Les vignerons -

Pour Nani et Klaus Demus

Ils vendangent le vin de leurs yeux,
ils passent tout les pleurs au pressoir, même cela:
ainsi le veut la nuit,
la nuit à laquelle ils s'adossent, le mur,
ainsi l'exige la pierre,
la pierre qu'enjambe la parole lancée par leur canne
dans le silence de la reponse -
leur canne qui un jour,
un jour à l'automne,
quand l'année, raisin, gonfle à la mort,
qui un jour parle au traverse du mutisme, le traverse et
descend
au fond du puits du conçu.

Ils vendangent, ils pressurent le vin,
ils écrasent le temps comme leur œil,
mettent en cave ce qui perle, les pleurs,
`dans la tombe solaire qu'ils equipent
à main forte de nuit:
afin qu'une bouche, plus tard, ait soif de cela -
une bouche tardive, qui ressemble à la leur :
retordue contre de l'aveugle et gourde -
une bouche vers qui monte des profondeurs la mousse du
breuvage, tandis
que le ciel dévale dans la mer cireuse,
pour luire de très loin, malingre lumignon,
quand enfin se mouille la lèvre.
Jack-Hubert Bukowski
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 13 Oct - 10:36

Grille de parole :

Pour une fois, je prendrai le poème qui offre le titre du recueil :

GRILLE DE PAROLE

Rond d'un œil entre les barres.

Vibratile animal paupière
rame vers le haut,
permet un regard.

Iris, nageuse, sans rêve et morose :
le ciel, gris-cœur, doit être proche.

Penché, dans la bobèche de fer,
le copeau fumeux cracheur de suie.
Au sens que donne la lumière
tu devines l'âme.

(Si j'étais comme toi. Si tu étais comme moi.
N'étions-nous pas
sous un seul et même alizé ?
Nous sommes des étrangers.)

Carrelage. Dessus,
serrées l'une contre l'autre, les deux
flaques gris-cœur :
deux
pleines bouches de silence.

On sent la dimension du témoignage. Il y a quelque chose qu'on effleure par l'oeil, la parole, le silence et ce qui est vu.

À HAUTEUR DE BOUCHE

À hauteur de bouche, perceptible :
excroissance ténèbre.

(Pas besoin, lumière, que tu la cherches, tu demeures
le filet de neige, tu tiens
ta proie.

L'un et l'autre sont valables :
Touché et Non-touché.
L'un et l'autre, avec la faute, parlent de l'amour,
l'un et l'autre veulent exister et mourir.)

Stigmates de corolle, bourgeons, blocs ciliaires.
Œil épieur, étranger au jour.
Cosse, vraie et ouvert.

Lèvre savait. Lèvre sait.
Lèvre finit de le taire.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Dim 13 Oct - 10:42

Rose de personne :

Il y a cette expérience de la mort proche :

CHYMIQUE
 
Silence, comme un or en fusion,  recuit, dans
des mains
calcinées.
 
Grande, grise,
proches comme tout le perdu,
silhouette-sœur :
 
tous ces noms, tous ces
noms avec
elle brûlés. Tant
de cendre à bénir. Tant
de terres gagnées
au-dessus des
anneaux
d'âme
légers, si légers.
 
Grande. Grise. La Dépourvue de
scories.
 
Toi, autrefois.
Toi, avec le bourgeon
blême, mordu.
Toi dans le flot de vin.
 
(N'est-ce pas, nous aussi
cette horloge nous a laissé partir?
C'était bon,
bon, la mort-passage ici de ta parole.)
 
Silence, comme un or en fusion, recuit dans
des mains
calcinées, calcinées.
Goigts, gracile fumée. Comme des couronnes, des cou-
ronnes d'air
autour de --
 
Grande. Grise. La Dépourvue de
trace à suivre.
Roy-
ale.

Nous revenons aux motifs qui constituent le témoignage.

MANDORLE
 
Dans l'amande - qu'est-ce qui est dans l'amande?
Le néant.
C'est le néant qui est et se tient dans l'amande.
Il est là est continue d'être.
 
Dans le néant - qui donc est là et se tient? Le roi.
C'est le roi qui est là, le roi.
Il est là et continue d'être.
 
Boucle de juif, tu ne seras pas grise.
 
Et ton œil - vers quoi se tient-il ton œil?
Ton œil se tient et fait face à l'amande.
Ton œil, c'est au néant qu'il fait face.
Il se tient et reste du côté du roi.
C'est comme ça qu'il est, tient, continue d'être.
 
Boucle d'homme, tu ne seras pas grise.
Amande vide, bleu roi.

Dans une autre interprétation de l'Anabase :


ANABASE

Cet
aller en haut et retour dans
l'avenir clair-cœur,
mal praticable et vrai,
écrit étroit entre des murs,
 
Là-bas.
 
Môle
de syllabes, couleur
de mer, loin
parti dans le large non-navigué.
 
Puis :
bouées,
double rangées-chagrin
avec les
réflexes respiratoires,
tressaillantes beautés de secondes - : sons
des balises lumineuses (doum-
doun, oun-
unde suspirat
cor)
dé-
clenchées, ren-
dues, nôtres.
 
À-voir, À-entendre : le
mot-tente qui devient
libre :
 
ensemble.
Jack-Hubert Bukowski
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Message par Tristram Ven 15 Juil - 11:55

Pavot et mémoire

poésie - Paul Celan Pavot_10

Édition bilingue (un must en poésie). Poésie assez hermétique (surtout quand on n’est pas germanophone, et ne connaît pas certaines références germaniques), avec des aperçus surréalistes, non sans ramentevoir celle de René Char.
« Œil sombre en septembre

Temps revêtu de pierre. Et les boucles de la douleur
coulent plus luxuriantes autour du visage de la terre,
pomme enivrée, brunie au souffle
d’une parole impie : belle et rétive à leur jeu
livré dans le mauvais
reflet de leur avenir.

Le marronnier est en fleur pour la seconde fois :
un signe du pauvre espoir germé
qu’Orion bientôt revienne : la ferveur étoilée
des aveugles amis du ciel
la rappelle à son faîte.

Sans voile aux portes du songe
un œil solitaire livre combat.
Ce qui arrive chaque jour,
il n’en veut savoir plus :
à la fenêtre sur l’est
lui paraît à la nuit cheminant
le petit personnage des sentiments.

À l’eau de son œil tu plantes l’épée. »
Voici la première strophe de la célèbre Fugue de mort (Todesfuge) :
« Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons nous buvons
nous creusons une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle ses dogues
il siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il ordonne jouez et qu’on y danse »
Ceci me semble renvoyer à ce Fragment d’un Journal intime de Rainer Maria Rilke :
« Nous goûtâmes tous au lait noir de cette chèvre nocturne. »
… et la « tombe dans les airs » annonce la « tombe dans l’air » d’Imre Kertész dans Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas (qui porte en épigraphe deux vers de ce poème de Celan, et où en est cité cet autre vers : « la mort est un maître venu d’Allemagne ») ; je trouve d’ailleurs une grande similitude de ton entre les deux textes, avec leurs entêtantes reprises.
« Les cruches

Aux longues tablées du temps
les cruches de Dieu s’abreuvent.
Elles vident les yeux de ceux qui voient et les yeux des aveugles,
les cœurs des ombres reines,
la joue creuse du soir.
Elles boivent en souveraines
elles portent à leur bouche et le vide et le plein
elles ne débordent pas comme toi, comme moi. »

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Message par Bédoulène Dim 17 Juil - 8:04

Tristram, suis épatée que tu te souviennes assez pour faire les rapprochements entre les livres d'autres auteurs.

tel "et la « tombe dans les airs » annonce la « tombe dans l’air » d’Imre Kertész dans Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas" lecture que j'ai faite mais dont je serais incapable de me souvenir de la phrase

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Message par Tristram Dim 17 Juil - 11:33

C'est que l'image m'avait frappé dans Kaddish, que j'attribuais à Kertész dans mon ignorance, et de plus je l'avais notée dans un de mes premiers commentaires sur ce forum (qui, entr'autres intérêts, sauvegarde un peu de mémoire de lectures). De même la phrase de Rilke : de ces images qui surnagent dans l'oubli.

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Message par Tristram Mer 16 Nov - 11:12

Paul Celan, René Char, Correspondance 1954-1968

poésie - Paul Celan Paul_c10

Apprécié l’épisode où Étiemble se prend de querelle avec Char à propos d’un point-virgule dans un poème de Rimbaud.
« Les sputations de M. Étiemble ne vont pas au-delà de cette sciure. »
En pendant, moins risible, la persécution de Celan consécutive à l’accusation de plagiat (erronée) de Claire Goll, veuve du poète Yvan Goll. Aussi triste, la dépression de Celan, et la situation de sa femme Gisèle, graveuse sur cuivre.
Munie d’un lourd appareil critique, cette édition vaut pour ceux qui connaissent de près l’œuvre et la vie des deux poètes, mais apporte peu, me semble-t-il, au lecteur de leur poésie.

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