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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Jim Harrison

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Message par Cliniou Mer 7 Déc - 10:11

Jim Harrison (1937-2016)

Jim Harrison Harris10

La mère de Jim Harrison est d'origine suédoise. Son père est agent agricole, spécialisé dans la conservation des sols. Lorsqu'il a trois ans, la famille emménage dans la ville de Reed City (Michigan). À l'âge de huit ans, son œil gauche est accidentellement crevé au cours d'un jeu. À 16 ans, il décide de devenir écrivain « de par mes convictions romantiques et le profond ennui ressenti face au mode de vie bourgeois et middle class ». Il quitte le Michigan pour vivre la grande aventure à Boston et à New York.

En 1960, à l'âge de 23 ans, il épouse Linda King. Ils ont deux filles, Jamie et Anna. Il obtient cette même année une licence de lettres. En 1962, son père et sa sœur Judith meurent dans un accident de circulation, percutés par la voiture d'un chauffard ivre. En 1965, il est engagé comme assistant d'anglais à l'université d'État de New York à Stony Brook mais renonce rapidement à une carrière universitaire. Pour élever ses filles, il rédige des articles de journaux, des scénarios, en même temps que sont publiés ses premiers romans et ses recueils de poèmes. Grand lecteur de poésie, il est un grand admirateur du poète français René Char.

En 1967, la famille retourne dans le Michigan pour s'installer dans une ferme sur les rives du Lake Leelanau. Jim Harrison rencontre Jack Nicholson, que Thomas McGuane, qui travaille à l'écriture de scénarios pour Hollywood, lui présente. Nicholson devient son ami et lui prête l'argent suffisant pour qu'il puisse nourrir sa famille tout en passant du temps à écrire. Il entretient une correspondance avec son ami Gérard Oberlé. Elle est publiée en partie dans Aventures d'un gourmand vagabond : le cuit et le cru (Raw and the Cooked : Adventures of a Roving Gourmand, 2001). Il partage son temps entre le Michigan, le Nouveau-Mexique et le Montana.

Traduit en français d'abord par Serge Lentz, Marie-Hélène Dumas, Pierre-François Gorse et Sara Oudin, puis par Brice Matthieussent, il est publié dans vingt-trois langues à travers le monde.

Jim Harrison meurt d'une crise cardiaque le 26 mars 2016, à l'âge de 78 ans, dans sa maison de Patagonia, Arizona.

Bibliographie en français :

Romans
1971 : Wolf, mémoires fictifs
1973 : Nord-Michigan : Page 3
1981 : Sorcier
1984 : Faux soleil : l'histoire d'un chef d'équipe américain
1988 : Dalva : Page 1, 2
1998 : La route du retour
2003 : Un bon jour pour mourir : Page 2
2004 : De Marquette à Vera Cruz
2007 : Retour en terre : Page 1
2008 : Une odyssée américaine : Page 1, 2
2011 : Grand maître : faux roman policier : Page 1
2015 : Péchés capitaux : Page 2

Recueils de nouvelles
1979 : Légendes d'automne : Page 1
1990 : La femme aux lucioles
1994 : Julip
2000 : En route vers l'ouest (la bête que Dieu oublia d'inventer, j'ai oublié d'aller en Espagne) : Page 2
2005 : L'été il il faillit mourir
2010 : Les jeux de la nuit
2014 : Nageur de rivière : Page 2
Posthume : Dernières nouvelles : Page 3

Poésie
1971 : Lointains et ghazals
1973 : Lettres à Essenine
1985 : Théorie et pratique des rivières
1996 : L'éclipse de lune de Davenport
1998 : Une heure de jour en moins, poèmes choisis 1965-2010

Littérature jeunesse
2000 : Le garçon qui s'enfuit dans les bois

Essais
1990 : Entre chien et loup
2001 : Aventures d'un gourmand vagabond : le cuit et le cru
2018 : Un sacré gueuleton - Manger, boire et vivre : Page 3

Autobiographie
2002 : En marge : Page 1
2016 : Le vieux saltimbanque : Page 3

màj le 14/06/2021
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Message par Cliniou Mer 7 Déc - 10:15

C’est en me délectant de Chaud Brûlant de Bill Buford que j’ai eu connaissance de J. Harrison. Ce roman relate les déboires et plaisirs de ce journaliste qui plaque tout pour faire l’apprentissage du métier de cuisinier chez Mario Batali (cuisinier doué à la personnalité bien trempée et un peu exubérant) à New York et en Toscane. Or j’ai vite constaté qu’ à chaque gueuleton gargantuesque était convié Jim Harrison, célèbre auteur, poète, critique, etc., etc.
Ma curiosité piquée, j’ai acheté le dernier roman qui venait de sortir d’Harrison : « L’Odyssée Américaine ».

Il n’y a pas vraiment d’histoire, juste un départ qui ouvre sur bien des espaces américains. Cliff, la soixantaine, est plaqué par sa femme. Son chien mort, la maison devant être vendue, il prend sa vielle Taurus et un puzzle des Etats-Unis et part pour un voyage qu’il a toujours espéré faire à travers les états. L’idée : renaître, voir à pleins yeux et rebaptiser chaque états. S’en suit la rencontre avec une ancienne étudiante, une relation « chaude » mais qui finira par le gêner dans sa quête de renaissance. Tout le long du roman, écrit à la première personne, on suit Cliff dans ses pensées, tous ses regards par-dessus l’épaule, d’une vie qui est derrière mais pas encore tout à fait, toute cette conscience des erreurs et aussi des bons moments, beaucoup de pourquoi. Derrière chaque phrase, il y a Harrison, son respect de la nature, son attachement à la terre, ses valeurs, et sa dérision.
Sans doute que si on lit cette odyssée à 60 ans, on comprendra d’autres choses cachées dans le texte mais, j’y ai décelé un homme que j’écouterais des heures durant de part sa rare humanité.

Suite à cela, je me suis plongée dans « Retour en Terre ». Bon nombre d’entre vous en ont déjà parlé mieux que je ne le ferais mais j’ajouterai que c’est un hymne à la vie et à l’amour. Le style est franc, comme toujours avec J.H, mais par delà les mots, il y a toujours toutes ses réflexions qui donnent corps à chaque personnage, ses questions auxquelles nous sommes confrontés selon les valeurs que nous sommes prêts à défendre…..et j’aime les valeurs d’Harrison. Beaucoup d’éléments sont puisés dans le vécu de l’auteur, on peut y reconnaître sa mère, son frère, ses filles, lui-même,etc.

Jim Harrison 97822610

Enfin, j’ai lu « En Marge » , son autobiographie. Je l’ai découvert tel que je pensais qu’il était : amoureux de la poésie, l’écriture est sa vie ; amoureux de la nature, elle est la rampe qui lui permet de ne pas tomber . Tout est dit avec beaucoup d’humilité, aucune grosse tête, mais plutôt de la dérision, des questionnements sur certains succès, l’aveu d’une personnalité fragile tirant vers la mélancolie. Lire "En Marge", c’est découvrir un Homme et aussi se rendre compte à quel point chaque roman est un cœur ouvert sanguinolent.

Quelques extraits de "En Marge":

I. Débuts:

- Ma famille:

« …Qu’ai-je oublié?.….L’horloge biologique suffisait et, venant de derrière la fenêtre grillagée, au-delà de l’écheveau bourdonnant d’un moustique ou d’une mouche, il y avait le grondement serein d’une truie, le couinement étouffé d’un porcelet, le chien du voisin, le camion de lait à trois kilomètres de là, le mugissement d’une vache, le sabot paresseux d’un cheval frappant la terre, le cri du coq que j’attendais depuis longtemps et qui, même s’il faisait encore nuit, chassait les inévitables démons nocturnes. »

« …Une famille perdit six enfants en un mois, tous les enfants qu’elle avait. Que resta-t-il alors aux parents? Pas grand-chose, j’imagine. Quarante ans après, j’entends toujours les voix de mon père et de ma sœur Judith, tous deux tués dans un accident de voiture alors que j’avais vingt-cinq ans. Je suis sûr que, la nuit, les parents des six petites victimes de l’épidémie de grippe, lorsqu’ils regardaient la lune et les étoiles, pouvaient entendre leurs voix, ou alors le matin toutes ces chaises vides ont dû les rendre fous de douleur. »

« Quand vous venez de passer dix heures à creuser des fossés par une torride journée estivale, vous n’entrez pas dans le bar du coin en commençant à pérorer sur les vertus du dur labeur et de l’économie, sans oublier la beauté du calvinisme comme système moral. Vous avez envie de boire plusieurs pintes de bière, point final. »

« Néanmoins, je reconnais volontiers qu’une bonne dose de bêtise, de grossièreté répugnante, de sauvagerie pure et simple caractérisent désormais la chasse et la pêche, que ce soit sur des fermes d’élevage de gibier ou lors de véritables tueries, à cause de la mécanisation de la chasse par des véhicules tous-terrains, ou de l’ignominie des touristes revenant du Mexique avec des centaines de kilos de viande découpées en filets. L’homme a une capacité inépuisable à souiller son environnement et en ce domaine les politiciens ont toujours eu une longueur d’avance. »

« Bien sûr ces changements de comportement culturel et l’invention de multiples diversions font partie d’un système économique qui me dépasse. J’envisage ce système comme un bain dans une piscine anémiée, stérile, bondée, puant le chlore, en comparaison d’une délicieuse baignade dans un lac au fond de bois, la berge du lac bordée de nénuphars en fleurs…..[…..]. Même les profondeurs obscures semblent séduisantes en comparaison d’une piscine, comme une promenade printanière sous la pluie dans les bois en comparaison d’une série télévisée où de gens se font descendre ou tabasser à New York ou à Los Angeles tandis que des durs à cuire enchaînent d’insipides répliques soi-disant spirituelles. »

« Mais c’était un univers sauvage, traversé par d’anciens chemins de bûcherons et, correctement consacré à l’épuisement adolescent, le monde naturel peut vous débarrasser de vos poisons au point que votre curiosité l’emporte et que « vous », l’accumulation des blessures et du désespoir, n’existez plus. »

- Grandir:

« Ces défauts de caractère se sont manifestés de bonne heure, par une lenteur à me lever le matin, une difficulté à enfiler mes vêtements, qui persiste encore aujourd’hui. Ô Seigneur, encore cette même foutue corvée: le slip, les chaussettes, le pantalon, les chaussures, essayer de mettre ses chaussettes sur des pieds mouillés qu’on a oublié d’essuyer après la douche. Se laisser tomber à la renverse sur le lit pour lire quelque chose, la chaussette à moitié mise. La banalité des ceintures et des boutons. J’ai été d’autant plus ravi de lire la biographie de Rimbaud par Graham Robb que le héros de ma jeunesse détestait tant boutonner ses vêtements qu’en Ethiopie il conçut à sa propre intention des vêtements dépourvus de boutons. »

« on entend aujourd’hui beaucoup de bêtises sur le fait que nos enfants ne sauraient plus lire, mais comment pourraient-ils prendre goût si leurs parents ne lisent pas et s’il n’y a pas de livres à la maison? Si les livres ne sont pas traités comme des objets bien-aimés au même titre que la page sportive du journal ou le poste de télévision, pourquoi diable un enfant désirerait-il lire? On se demande comment des professeurs au salaire scandaleusement faible peuvent consacrer leur existence à essayer de lutter contre l stupidité des parents, mais dans notre culture soumise au pouvoir de l’argent tout va apparemment pour le mieux dans le meilleur des mondes pourvu que les parents réussissent à se pointer à l’heure à lur boulot souvent assommant. »

« Tous les deux ou trois ans je retombe sur une citation d’une lettre de Rilke, la dernière fois dans le livre étonnant de Richard Flanagan intitulé Death of a River Guide: « C’est au fond le seul courage qui soit exigé de nous: avoir le courage de regarder le plus étrange, le plus singulier et le plus inexplicable dans ce qui s’offre à nous. Le fait que, de ce point de vue, l’humanité se soit comportée avec lâcheté a causé un tort irréparable à la vie tout entière; les expériences que nous qualifions de « vision », ce qu’on appelle le « monde des esprits », la mort, toutes ces choses qui nous sont si proches et que nous évitons quotidiennement ont été éliminées de la vie au point que les sens grâce auxquels nous pourrions des appréhender sont atrophiés. Sans parler de Dieu; »

« Qu’avais-je donc en tête? Un autoportrait de cette époque, dessiné avec une grande économie de trait, me fait légèrement grimacer, hausser vaguement les épaules. […..]
Les grands hérons bleus parmi les pins blancs, le huard qui faisait le tour d’un massif de roseaux avec son petit en remorque, l’ourson qui regardait du haut d’un peuplier, voilà d’agréables images issues du passé, mais elles demeurent beaucoup moins nettes que celle du serpent d’eau qui t’a mordu à la cheville, [….]. Qu’avais-je donc en tête pour, dès ma prime jeunesse, me mettre ainsi en marge? Tu fais l’impossible pour créer un mode de vie qui convienne à ta vocation de poète, ou plutôt un mode de survie qui n’est pas sans ressembler au rituel d’une société primitive par lequel un jeune homme peut commencer de pratiquer la chasse et la cueillette. A la place d’ainés, tu as tes livres. Ton père et tes maîtres t’ont peut-être enseigné à te débrouiller dans le monde, mais tu es tout seul dans cet effort entrepris pour consacrer ta vie à la création littéraire. Le sentiment religieux d’une vocation tente d’ignorer complètement l’énigme biblique selon laquelle « beaucoup sont appelés, mais peu sont élus », même si cette phrase s’incruste au fond de ton cerveau pour remonter à la surface à la moindre crise de mélancolie ou de doute. »

- Le Monde Réel:

« J’avais cinquante ans lorsque j’ai enfin compris que je m’étais marié parce que je ne pensais pas pouvoir survivre seul. Je crois qu’il y a quelque chose en nous qui tente inconsciemment de s’assurer que nous allons continuer de vivre. J’étais tout bonnement incapable d’écarter seul les ténèbres compactes accumulées par les perceptions de mes sens. […] Peut-être est-ce toujours le cas. Je me suis également dit que le fait de grandir dans une famille unie et aimante ne vous prépare guère de manière adéquate à la vie en dehors de cette famille. C’est peut-être une hérésie, mais j’en suis convaincu. On s’habitue au tiède cocon de l’amour humain, dont on constate l’absence dès qu’on descend de la véranda familiale. »

II. Sept Obsessions:

- L’Alcool:

« Je crois vraiment que, lorsqu’on a passé sa journée à manier une pelle ou derrière un bureau en grinçant mentalement des dents depuis le matin, l’alcool constitue le rite de passage obligé entre ce labeur ingrat et vos loisirs du soir, cette partie de votre vie qui a lieu lorsque vous n’êtes pas obligé de gagner votre croûte, les soirées et les week-ends consacrés à la poursuite d’un bonheur auquel on croit mordicus avoir droit. »

« Il est clairement établi que les conducteurs en état d’ivresse, un délit dont je n’ai jamais été reconnu coupable, tuent environ vingt-cinq mille personnes par an. Mais on peut se demander pourquoi les conducteurs qui ne sont pas en état d’ivresse tuent chaque année à peu près le même nombre de gens. Bien sûr, ils sont beaucoup plus nombreux, mais si la propagande était correcte, ils devraient être parfaits. »

«L’histoire littéraire est saturée par l’iconographie de l’alcool, […]. Nous participons tous à ce que les Français appellent la comédie humaine, où notre comportement tend peut-être à la sincérité, mais n’y parvient jamais. Quand une chanson country dit: « La vie a un aspect sombre et trouble. », bon nombre d’entre nous le voient à gauche, à droite, devant et derrière, à la périphérie du champ visuel, mais la tragédie classique exige des individus d’exception en guerre contre des ennemis, le hasard ou le destin. Les étudiants en littérature comprennent que la tragédie n’inclut pas les gueules de bois. La souffrance des gueules de bois, aussi intense soit-elle, ne saurait s’élever au-dessus de la simple farce. »

« Quand vous avez la gueule de bois en avion, vous volez toujours en solo dans une transe intérieure et auto-référentielle saturée des caprices d’un modeste apitoiement sur soi, modeste car la blessure a été infligée par nul autre que vous-même. De toute évidence, si jamais l’avion atterrit sur le dos, vous serez la seule victime de l’accident. Le meurtre et la gueule de bois sont profondément sentimentaux, encore plus que la fête des mères ou un premier amour. […] L’apitoiement sur soi est sans doute la plus dommageable des émotions frelatées. Vous vous vautrez avec délectation dans votre bain de boue intime, votre chimie cérébrale est une soupe lyophilisée de regrets insincères. Alors, le grand garçon en tournée promotionnelle oublie aisément toutes les décennies où aucun éditeur ne prenait la peine de lui proposer la moindre tournée promotionnelle. »

-Strip-tease:

« L’exhibition publique de beauté suscite le désir, alors que dans notre réalité « réelle » c’est le désir qui suscite la beauté. »

-La Chasse, la pêche (et les chiens):

« Sur la Yellowstone,[…]. La pêche s’est améliorée le 11 septembre, une date que tout le monde connaît. Le souffle court, j’ai fui la maison pour rejoindre la rivière, tandis que dans mon cerveau tourbillonnaient les larmes et les éclaboussures de sang. Au cours des jours suivant, j’ai peu à peu cessé de regarder la télévision, pour me rabattre sur la radio, où la pensée est accessible au langage. La télévision essaie de vous faire croire que parler c’est penser, qu’une logorrhée non préméditée est un précieux cadeau offert au public, avec l’interminable répétition visuelle des avions percutant les gratte-ciel, comme si des enfants psychotiques se trouvaient aux commandes de ce média. Mille faux sages pontifiants vomissaient leurs sempiternelles analyses en temps de crise. »

-Religion Privée:

« Je crois depuis belle lurette que cette idée de faire grand cas de soi constitue l’échec moral majeur de la prière, et c’est particulièrement difficile pour un poète et un romancier qui a consacré toute sa vie à faire un grand cas de sa propre vision du monde. Voilà bientôt deux siècles que nous vivons avec la conception de l’artiste - […] - en tant que héros romantique et isolé, marginal et souvent paria, un chaman sans portefeuille, un individu doté d’un souffle impressionnant, réel ou truqué, qui lui permet de gonfler son ego jusqu’aux dimensions d’un dirigeable afin de se prémunir contre les coups, réels ou imaginaires, que lui assènent ses concitoyens. Ce n’est pas le genre de personne prompte à reconnaître que nous sommes tous « comme des moutons sortis du droit chemin ». »

« Combien de fois avons-nous entendu dire que cinq millions d’enfants se couchent tous les soirs en ayant faim? Sans doute moins souvent que toutes les fois où nous avons lu ou vu des articles où l’on faisait l’éloge de la richesse. »

-Un bref tour de France:

« Où donc suis-je vraiment chez moi, si un tel lieu existe, dans ce pays qui a tellement compté à mes yeux comme une échappée possible, un baume disponible, un immense réservoir de nourriture, d’art et de littérature? […] Comment, où et pourquoi nous sentons-nous chez nous mentalement sinon physiquement? Où pouvons-nous localiser notre géopiété apparemment génétique?
Les réponses nous échappent aisément, car elles sont parfois trop évidentes, si près de notre nez que nous ne les voyons plus, tout comme nous sommes aveugles à nos propres caractéristiques, à nos propres syncrétismes auxquels nous sommes tellement habitués que nous nous étonnons lorsque d’autres les trouvent étranges. »

« Dehors, je me suis assis sur les marches du baptistère dans les premières lueurs du jour et j’ai regardé des douzaines d’hommes et de femmes installer leurs étals de poissons, de légumes, de viandes et de fromages. En attendant, j’avais repéré une splendide jeune femme au moment de son entrée dans l’église, qui gravissait les marches près de moi. Je l’ai bien sûr suivie à l’intérieur et, parce que la messe était terminée, je me suis dit qu’elle allait peut-être allumer un cierge et prier pour rencontrer son prochain petit ami, peut-être un Américain balourd et hébété. Au lieu de quoi elle est montée jusqu’à l’orgue et elle s’est mise à jouer du Bach à un volume qui a bientôt liquéfié ma structure osseuse ainsi que mon cerveau surmené. »

-La Route:

« […], et j’ai enfin compris la leçon économique qui me crevait pourtant les yeux depis longtemps: les boulots de survie dévorent toute la vie. »

« Un problème rarement évoqué et relatif à l’arrivée brutale du succès, c’est que ce dernier submerge aussitôt l’existence tout entière. »

« J’avais également lu les romans très impressionnants des écrivains autochtones américains Linda Hogan et Louis Owens. La beauté d’un paysage a besoin de votre aide pour perdurer dans votre mémoire. Il faut peupler mentalement ce paysage avec une histoire humaine et, plus important encore, le sentiment de la qualité de vie humaine que seule la littérature de premier ordre est capable de vous procurer. »

« J’ai besoin d’entendre une serveuse me parler de ses problèmes avec sa Plymouth 1985. J’ai besoin de voir une jeune fille en robe verte remplir elle-même son réservoir d’essence par un après-midi torride du Nebraska. J’ai besoin de rendre visite à des clubs de strip-tease paumés où les femmes sont presque aussi moches que moi. J’ai besoin de l’insécurité des tempêtes de neige ou d’une voiture surchauffée quand il fait trente-neuf degrés à l’ombre dans le Kansas, de l’insécurité du cœur et de l’esprit tâtonnants loin de leur milieu habituel. Il est trop facile d’être sûr de soi, trop facile de savoir à tout instant ce qu’on fait, trop facile d’emprunter sans cesse le même chemin jusqu’à ce qu’il devienne une profonde ornière qui bientôt à son tour une tranchée insondable où vous ne voyez plus rien au-dessus du bord. »

« Enfin, le plaisir que tu prends à rouler sans but revient à accepter ta propre fragilité, le passage du temps, tandis que les kilomètres qui défilent égrènent ton propre compte à rebours. Lors de es déplacements à travers le pays, tu es à chaque instant capable de cartographier ton passé, et tu as une vision de plus en plus claire de ton avenir. Jamais tu n’approcheras d’aussi près l’existence libre et capricieuse d’un oiseau migrateur. »

III. Le Restant de la Vie.

- Après la licence:« J’ai souvent pensé que les membres survivants d’une famille accueillent la mort violente de leurs proches avec une répugnance durable. Quarante ans plus tard, cette humeur, cette atmosphère reviennent parfois, comme si l’on jetait un linceul sur moi. Il m’était déjà évident que je ne comprenais pas les processus de la vie, et je comprenais la mort encore moins. Peut-être que personne n’y comprend rien, même si ceux qui ont la foi sont sûrs de leur fait. J’ai parlé avec d’anciens soldats qui m’ont dit que, même sur le champ de bataille, il n’existe aucune préparation émotionnelle. La mort vous laisse sans voix, ou plutôt sans verbe. On devient simplement un primate hurleur, de manière audible ou pas, un primate qui tient entre ses mains son cœur ensanglanté et qui se demande comment il continue de battre. Le mot « amour » acquiert une imprécision mortelle lorsque les objets de l’amour nous sont arrachés et que notre amour s’éloigne dans le vide en tournoyant sur leurs traces invisibles. »

- Boston et Kingsley:

« L’amour ne vainc pas tous les obstacles, mais il en supprime beaucoup. […] Quand, après plus de quarante années de mariage, tu as toujours le cœur qui s’emballe au seul contacte de la main de ton épouse contre tes propres doigts, tu peux sans doute en conclure qu’ensemble vous avez peut-être accompli quelque chose de bien. »

« Retour au chaos, à la confusion, aux limites de notre esprit fragile. Je viens d’apprendre que mon dernier recueil de novellas, intitulé En Route vers l’Ouest, va être publié en Thaïlande. Une demi-heure plus tard, en arrivant à mon bureau du Hard Luck Ranch, en Arizona, j’ai découvert que ma chienne locale préférée venait de s’étouffer en mangeant. Je suis sorti dans la cour et j’ai fondu en larmes, […]. Il est dans la nature de l’esprit humain qu’à l’avenir, dès que je penserai à la Thaïlande, ou quand je verrai mon livre traduit en thaï, ou encore lorsque je mangerai un plat thaï, je me rappellerai Mary de manière poignante. Nous parvenons très rarement à nous extirper de notre vraie nature. »

- Nord-Michigan:« J’intitule ces mémoires En Marge parce qu’il s’agit de la position adéquate et confortable pour un écrivain. Dans les situations où l’on est inévitablement le centre de toutes les attentions, on ressent une désagréable inquiétude, on a même parfois l’impression d’un comportement déplacé. Dès que quelqu’un souhaite « donner un dîner » en mon honneur, je décline aussitôt l’invitation. J’aime les dîners où je me retrouve en marge, c’est-à-dire à ma vraie place. Comment observer les divagations du comportement humain lorsqu’on est la cible de tous les regards? »

- Hollywood:

« Si je passais une heure ou deux assis sur une bûche au bord de la rivière, les variations du courant dissipaient presque aussitôt tous mes soucis, et voilà peut-être la principale raison pour laquelle les pêchent la truite. Lorsqu’on a consacré beaucoup de temps à l’étude du monde des corbeaux, il devient parfaitement logique d’accepter le fait que la réalité est l’agrégat des perceptions de toutes les créatures, et pas simplement de nous-mêmes. »


mots-clés : #autobiographie
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Message par topocl Lun 26 Déc - 15:43

Légendes d'automne

Jim Harrison Images14

Je n'ai lu que deux de ces trois petits romans, le premier et le dernier. Plus que la nature sauvage, Jim Harrison nous décrit des hommes sauvages et souffrant. Deux intrigues hyper romantiques, avec des personnages et amours passionnés, transcrits dans un style si factuel que l’émotion ne m'a jamais submergée.

(petit commentaire récupéré)

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Message par Tristram Lun 26 Déc - 16:34

Cliniou a écrit:Quelques extraits de "En Marge":


Suite :

« Je comprends très bien que tous ces symptômes  sont d’habitude traités par des médicaments, des produits chimiques, mais en tant qu’écrivain ma vie dépend de mes perceptions et je n’ai jamais eu le sentiment que ces médicaments me fournissaient une alternative envisageable. J’ai essayé le valium vers trente-cinq ans, mais je devenais alors obsédé par une image mentale où j’étais de la viande morte emballée sous cellophane au supermarché. Et je ne pouvais plus écrire dans une langue musicale, ni réveiller le moindre bon souvenir, ni admirer sincèrement ce que je lisais. »

« Pour me taquiner, il  a ajouté le nom d’Hemingway, en sachant très bien que je n’aimais pas beaucoup cet auteur qui pour moi évoquait un gros poêle à bois incapable de diffuser beaucoup de chaleur. Il m’a parlé une partie de pêche à la truite avec un parent d’Hemingway qui s’inquiétait parce que le cousin Ernest gâchait sa vie en Europe. Ces nouvelles ont éveillé en moi un peu de curiosité et de sympathie pour Hemingway, car je mourais d’envie de partir pour l’Europe et d’y gâcher ma vie, avant de finir sans aucun doute possible dans une chambre de bonne avec un de ces splendides mannequins au long cou peints par Modigliani, dont la simple évocation mentale suffisait à me faire bander comme un âne, même lorsque je bêchais dans le jardin ou que je creusais une nouvelle fosse à ordures. Quand, à dix-neuf ans, j’ai habité New York pour la première fois, mes yeux se sont emplis de larmes devant le premier tableau de Modigliani que j’ai vu dans un musée. »

« Ce fut seulement beaucoup plus tard que j’ai enfin compris qu’il existait un lien entre mon existence précédente dans le monde naturel et puis l’univers de la littérature, de la musique et de la peinture. »

« Mais il y a aussi cette idée guère amusante, selon laquelle notre production littéraire baigne tellement dans notre éthique inféodée à l’argent que seule une petite minorité d’écrivains prennent leur activité au sérieux, et que presque personne ne la considère comme dangereuse. Les statistiques du PEN Club et d’Amnisty International sur les assassinats d’écrivains et de journalistes dans d’autres pays sont ahurissantes. Notre prospérité dans le monde occidental témoigne à la fois de notre démocratie et de notre indifférence.
[…] La vraie raison pour laquelle nous avons tellement d’ateliers d’écriture dans nos universités, c’est que, comme pour la cocaïne, les Pampers ou la Budweiser, la demande est là. »

« La découverte de l’ail m’a semblé marquer un aspect important de mon évolution artistique, au même titre que le vin rouge qui, je l’ai assez vite compris, aiguillonnait davantage l’imagination que la bière. »
Jim Harrison, « En marge » , « Débuts »

« Nouvelle métamorphose, pensai-je, toujours prompt à arracher une métaphore inédite aux mâchoires voraces de la réalité. »
« Ce fut pendant cette période que j’eus pour la première fois l’intuition de la coupure fondamentale de mon existence, d’une contradiction presque schizoïde de l’âme. En deux mots, c’est l’intérieur contre l’extérieur.  »
Jim Harrison, « En marge » , « Le Monde réel »

« En classe de terminale au lycée, alors que j’étais plongé dans les merveilles de James Joyce, un ami et moi avons volé deux caisses de scotch Haig & Haig dans le garage d’un homme très riche. Plus de quarante ans après, je ne peux toujours pas toucher au scotch, à moins qu’il n’y ait rien d’autre à boire. Ainsi que William Faulkner, ce noble picoleur, je disais : "Entre le scotch et rien, je choisis le scotch." Plein d’espoir, j’ai versé discrètement un peu de ce Haig & Haig dans le soda d’une fille pendant une fête. "Un chien a pissé dans mon verre !" hurla-t-elle alors. Mais elle a gardé sa petite culotte. »

« On entend rarement, voire jamais, dire "Eh ben oui, j’étais au lit avec ce célèbre mannequin, mais je bandais mou et tout à coup mon gland s’est retourné vers moi pour me dire non."
[…] quand notre vantardise spontanée nous poussait à hurler : "J’ai descendu toute une caisse de Schlitz !" alors qu’au milieu du troisième pack de bière on s’endormait brusquement, une part de pizza coincée entre les maxillaires. À l’aube, les mouches avides se régalaient. »

« Si jamais ils boivent, ces types à l’éthique unique ont les lèvres figées en un rictus permanent où ils articulent le mot "chardonnay", même si en novembre dernier une dame qui grimaça en voyant mon martini Sapphire et mes cigarettes American spirit, réussit à prononcer "merlot" avec une diction pâteuse. En attendant, nous devons prendre garde à la flopée de thérapeutes amateurs qui semblent depuis peu envahir le marché. Qu’il s’agisse de votre gnôle, de vos clopes ou de votre pitance, ils vont essayer de pisser dessus. »

« Avec le vin, nous touchons au pur plaisir de lever le coude sans rouler sous la table. J’ai bien failli devenir un snob des vins. Il s’en est fallu d’un rien et je dois mon salut à plusieurs catastrophes financières ; par ailleurs, la décision de ne plus écrire de scénarios m’a supprimé les revenus indispensables à l’entretien d’une bonne cave à vins et aux achats annuels qui vous garantissent que, dans dix ans et plus, vous ne vous arrêterez pas à la sortie du bureau et avant de rentrer chez vous pour boire ce cabernet californien sirupeux que les crétins aiment tant. »

« Mon virage à cent quatre-vingt-dix degrés a été lent à venir, mais j’ai fini par l’accomplir, l’événement majeur de ce revirement ayant eu lieu il y a quelques années quand, assis dans un fauteuil capitonné que ma femme déteste, je regardais au fond de mon verre de whisky canadien de marque VO, l’un de mes préférés de longue date, mais qui était devenu pour moi l’équivalent d’une mort lente. J’adorais tout bonnement son parfum et une larme a coulé le long de ma joue quand j’ai versé le contenu de mon verre dans l’évier de la cuisine après l’avoir contemplé durant plusieurs heures. On peine à comprendre le mal que l’on a à rompre une habitude si aisément acquise. »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », I, « L’Alcool »

« Près de vous, un ami poussera des cris d'orfraie devant une fille qui vous rappelle La Planète des singes sans les peaux. Elle a les yeux trop rapprochés et son talon gauche est recouvert d'un énorme cal légèrement monstrueux. Sa voix sonne comme une clarinette et sa grammaire est déplorable. Je ne suis pas un marine, je suis poète. Heureusement pour elles, seulement une femme sur mille me fait rougir de lubricité jusqu'aux oreilles. Mais cette proportion grimpe allègrement dans les clubs de strip-tease, car on n'y endure pas des semaines de souffrance morose avant de voir leur derrière, un point c'est tout. »

« L'exhibition publique de beauté suscite le désir, alors que dans notre réalité "réelle" c'est le désir qui suscite la beauté. »

« Dans un bar, une dame de ta corpulence, disons aux alentours de cent kilos, minaude près de ton oreille et te susurre : « Mon corps appartient à Marvin, mais il est F.O.C. dans la Navy, stationné dans les Philippines. » Personne n'a envie d'être attaqué par un F.O.C. vicieux, réel ou militaire. Tu ressens un désir flagorneur. Certes elle est aussi séduisante qu'un rôti de porc, mais tu adores le rôti de porc. Elle laisse trois cigarettes Kool allumées dans le cendrier en se levant, puis elle te murmure à l'oreille : « Faut que j'aille pisser. » Tu es devenu un vrai toutou et tu as un mal de chien à t'extirper de cet imbro¬glio. À en croire le barman, elle a sans doute bu une douzaine d'alcools sirupeux mélangés avec du soda à l'orange. Et si elle se met à gerber dans la Subaru familiale? Voilà encore un exemple éclairant de sexualité, où le désir métamorphose une citrouille en Cendrillon, une truie en corpulente Cameron Diaz. »

« J'avais plusieurs amis très chers dans le Nebraska et puis la vallée de la Niobrara dans les Sandhills est à mes yeux l'endroit le plus beau de la Terre. Le capitole de Lincoln est sans conteste le capitole le plus coquet de tous les États-Unis, mais le plus important c'est peut-être qu'à Lincoln j'allais retrouver mon club de strip-tease préféré, le Night Before. Mon papa et ma maman m'ont toujours conseillé l'examen de conscience avant de prendre une grande décision, si bien que j'ai médité pendant une bonne seconde. Mon papa et ma maman ont toujours préféré la voie droite et étroite, alors que moi, pour des raisons non génétiques, j'ai toujours eu un net penchant pour la voie torve et large. »

« J'étais accompagné d'un éminent folkloriste et d'un célèbre spécialiste de la santé mentale. Mes deux amis souhaitent rester anonymes, car ils ont récemment vu sur CNN un homme arrêté par la police pour avoir tiré la langue à des femmes dans un embouteillage. Nous vivons une époque périlleuse, où la Cour Suprême transformerait le grand Henry Miller en chair à pâtée s'il était encore vivant. Ne tirez jamais la langue, même si un bousier vous taquine les papilles. Aujourd'hui, les seuls individus qui soient vraiment en sécurité sont les morts. »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », II, « Strip-tease »

« L’un des commentaires les plus fréquents que j’entends partout, à égalité avec « Y a quoi au dîner ? » et « Je veux être quelqu’un » est : « J’ai pas le temps de lire », ce qui sous-entend clairement que ta profession, à toi qui a consacré ta vie à l’écriture, se situe en dessous de celle des arnaqueurs et des escrocs, sans parler des bons à rien qui passent leur temps à se gratter le cul. »

« Quand on pense à la religion, on constate aussitôt avec quelle aisance elle souille nos impulsions les plus sacrées. »

« Je me rappelle souvent les paroles de Grand Soldat, un chef osage : "Je vois et j’admire votre genre de vie… Vous pouvez presque faire tout ce que vous choisissez de faire. Vous autres, les Blancs, vous possédez le pouvoir de soumettre presque tous les autres animaux. Vous êtes entourés d’esclaves. Tous les êtres autour de vous sont enchaînés et vous êtes vous-mêmes des esclaves. Si je devais renoncer à mes propres objectifs pour adopter les vôtres, je craindrais d’être réduit moi-même en esclavage." »
« Au cours des jours suivants , j’ai peu à peu cessé de regarder la télévision, pour me rabattre sur la radio, où la pensée est accessible au langage. La télévision essaie de vous faire croire que parler c’est penser, qu’une logorrhée non préméditée est un précieux cadeau offert au public, avec l’interminable répétition visuelle des avions percutant les gratte-ciel, comme si des enfants psychotiques se trouvaient aux commandes de ce média. »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », III, « La Chasse, la pêche (et les chiens) »

« Il n’existe pas d’auteur dans l’histoire de la littérature occidentale qui abrase les terminaisons nerveuses aussi efficacement, qui explose les neurones aussi violemment, que Dostoïevski. »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », IV, « Religion privée »

« La veille au soir de mon départ d’Arles, je téléphone à la réception pour demander qu’on me réveille et l’employée me fait aussitôt porter une liasse indésirable de fax vierges. Je me rappelle que, lors d’un de mes séjours à Paris avec un ami, il a téléphoné à la réception de son hôtel pour demander deux oreillers en mousse, car il était allergique aux plumes d’oie. On lui a presque aussitôt servi une belle omelette dans sa chambre et il a été d’autant plus vexé qu’il était fier de ses talents linguistiques.
Je bois et mange de tout en France, sans jamais être malade, ce qui est loin d’être le cas en Floride, mais je dois manger tout ce qu’on me sert à moins que je ne montre un plat précis sur le menu. Mes phrases apprises par cœur m’ont souvent fait découvrir des plats imprévus. Et ce n’est pas entièrement de ma faute. Il y a des années, quand Jack Nicholson et moi étions ensemble à Paris, Jack arrivait tout droit de Nice où, me dit-il, une fois qu’on a joué au golf avec un groupe de Français, on se demande comment ce pays peut être aussi bien dirigé. Malgré toutes les précautions d’usage et notre propre génie technologique, la France arrive largement en tête pour résoudre les problèmes épineux liés à la vie de tous les jours. »

« J’avoue aussi que, lors de mes promenades citadines, je ne résiste pas à la tentation de lire tous les menus derrière leurs petites vitrines, ou de suivre une croupe séduisante sur deux ou trois cents mètres, bien que les jeunes Françaises aient tendance à marcher beaucoup plus vite que moi. Sur le chemin du retour, je m’arrête pour déguster un verre de Brouilly au Select, un café de Montparnasse, et pour lire le journal, même si depuis quelques années ma tolérance envers la presse a beaucoup diminué. Au Select, le chat Micky m’accueille à ma table, ainsi qu’il le fait avec tous les clients réguliers. »

« Comme je l’ai déjà dit maintes et maintes fois : "Mange ou meurs." »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », V, « Un bref tour de France »

« Par les journées torrides consacrées au travail manuel, les fantasmes d’évasion s’intensifient : peut-être que par une nuit tiède, sur le parking d’un bar de Joplin, dans le Missouri, tu rencontreras une danseuse aux pieds nus. Elle reconnaît bientôt ta valeur intrinsèque. Tu loues une chambre au prix exorbitant dans un motel pour qu’elle puisse prendre une douche. (Dans le fantasme, il faut s’occuper du moindre détail.) Comme elle possède une voiture, vous partez tous les deux pour San Francisco et vous prenez un bain délicieux sous le pont du Golden Gate, puis vous vous étreignez passionnément après une dure journée consacrée à écrire des poèmes immortels. »
« Tu regardes ta voiture garée dans l’allée couverte de neige ou de poussière, et puis tu penses un peu tard que le moment est sans doute venu de te mettre au volant pour aller récolter quelques souvenirs flambant neufs. Car tu es le prédateur de tes propres souvenirs et tu as déjà dévoré tous ceux que tu as réussi à convoquer devant ta conscience avide. »

« L’insécurité inhérente au simple fait de partir sur la route procure aussitôt l’avantage inestimable d’une attention accrue . […] Se voir contraint à l’attention procure donc une délicieuse impression de liberté. À chaque instant, tu dilates le temps au lieu de le contracter dans ton narcissisme domestique. »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », VI, « La Route »

« L’écrivain oublie que sa vocation consiste à écrire, une tâche qui n’inclut pas l’obligation d’imiter ou de se prendre pour les personnages souvent absurdement héroïques créés par ledit écrivain. »

« Il y a des années, j’ai imaginé qu’on étendait un mince coton de drap sur tout le continent et sur son histoire, avant de prendre un peu de recul pour regarder les endroits où le sang filtrait à travers le tissu. »

« La xénophobie est simplement un élément biologique de la bête humaine, laquelle a du mal à surmonter ce handicap. »

« Je connais des hommes, tant blancs qu’autochtones, qui vont dans la montagne ou dans la forêt, à cheval ou à pied, afin de tuer des chevreuils pour leur famille. Cette impulsion ne diffère pas radicalement de celle qui pousse d’autres hommes à prendre le métro pour aller travailler. On m’a répété des centaines de fois que la chasse n’est plus une nécessité pour personne aux États-Unis, mais cela suppose que vous aimez les tickets de rationnement ou le généralement atroce bœuf standard de supermarché qui suinte son jus rosâtre comme s’il venait de subir des injections d’eau. »

« Dernièrement, nous avons reçu une leçon terrible qui s’explique en partie par nos efforts historiques pour faire entrer toutes les nations et les peuples du Moyen-Orient dans notre super mixer parfaitement stupide, en ignorant tout dialogue sauf cette injonction :"Contentez-vous de nous vendre votre pétrole, les gars." Nous avons à peu près fait la même chose avec les autochtones américains depuis l’époque où nous avons débarqué du bateau. […] À aucun moment de notre histoire, le fossé entre la perception du public et la réalité n’a été aussi grand. »

« J’ai appris qu’on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, qui est la maison la plus authentique de chacun, quand on souhaite être ailleurs, et qu’il faut trouver par soi-même le lieu où l’on est déjà dans le monde naturel environnant »
Jim Harrison, « En marge » , « Sept obsessions », VII, « La Nature et les autochtones »

« Tous mes amis trouvaient dans le lecture de Henry Miller l’équivalent d’une transfusion de sang frais. »

« Nous aimons trop facilement l’idée de la liberté et du monde sauvage, mais peu d’entre nous possèdent l’énergie de nos enfants qui font parfois l’école buissonnière [… »

« Après cette expérience, qu’à la manière d’un authentique adulte j’ai endurée sans me plaindre, j’ai dit à ma femme : "C’est quand même merveilleux d’habiter une région où l’on peut se perdre." »

« Ce ne sont jamais les conclusions qui importent, seulement le récit, l’expérience vécue. »

« La vie sédentaire nous ôte souvent jusqu’à la possibilité de la surprise, alors que le déplacement de la marche ou de la voiture qu’on conduit peut titiller nos neurones et nous entraîner vers une existence inattendue. »

« …] nos révolutions autour du soleil nous font aussi sûrement aller de l’avant que nos anniversaires de plus en plus mélancoliques. »
« Depuis belle lurette je suis convaincu que les femmes devraient occuper tous les postes gouvernementaux, moyennant quoi il y aurait moins de radotages insipides, de pets puants, de vantardises et d’épate. On pourrait y voir une solution simpliste apportée aux problèmes mondiaux, mais le fait est que j’en suis toujours convaincu. »

« La chose la plus difficile à apprendre pour un romancier, c’est qu’il doit d’abord voir le cadre et ensuite laisser les mots suivre leur cours. Une part énorme d’un roman est constituée par les idées des gens et, dans le cas de la fiction, le langage adéquat vient en premier. Rien d’autre n’est possible. »

« Nous ne nous souvenons apparemment pas très bien de nos semblables. Le désir d’écrire un roman vient peut-être en partie de la volonté de se rappeler des gens qui à nos yeux n’ont pas existé de manière précise, afin de nous assurer que ces souvenirs valent bien un tel effort, afin de nous rassurer, aussi, face à cette évidence que nous avons tous été à deux doigts de ne pas exister. »

« Dans un roman, il faut tout remettre en question et l’écrivain doit faire comme si le monde n’avait jamais été décrit avant lui. »

« Un roman parle de ce qu’il est. Point final. »
Jim Harrison, « En marge », « Le Restant de la vie »

Un de mes écrivains préférés (et pas seulement parce qu'il adore l'ail, le vin et la France). Auteur inépuisable, fabuleux romancier.


Dernière édition par Tristram le Mar 27 Déc - 9:53, édité 1 fois

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Message par Bédoulène Mar 27 Déc - 7:56

Jim Harrison Images14

Dalva

Une lecture qui m'a intéressée

- par son rapport avec les Indiens Sioux, certains faits qui m'étaient inconnus, ce qui n'a pas amélioré mon opinion sur le gouvernement US, le comportement de beaucoup de "Blancs" de l'époque ( leur situation n'est à ce jour toujours pas enviable)

- Les personnages sont tous bien campés, de la faiblesse de Michael à la force de Dalva, du grand-père ; la fidélité de Linquisd et Frieda ; la force paisible et efficace  de Paul et Naomi ; l'affection constante de Rachel pour le Gd-père......

- Les descriptions de la faune et la Nature : le bruit de l'eau, du vent, les longues marches et chevauchées salvatrices   de Dalva

- L'histoire d'amour dramatique de Dalva et Duane, ses aventures ensuite, les amitiés,

- Malgré leur statut de "riches" l'auteur nous fait découvrir des hommes et des femmes généreux et surtout une famille !

- Alors que Dalva pourrait ne pas pardonner à ceux qui lui ont "enlevé" son enfant, elle accorde toute son affection au grand-père (mais vu le lien unissant Dalva et Duane on comprend sa décision) et à plusieurs reprises elle agit, parce que cela fait plaisir à Naomi, sa mère (qui ne connaissait pas leur lien) mais qu'elle nomme par son prénom (c'est ce qui m'a interpellée, rebellion ? punition ?)

- la décision de Dalva de demeurer à la ferme

- la découverte de son Fils !

Une écriture prenante et enivrante comme  l'air des grands espaces , et pimentée avec les passages plus crus mais qui se prêtent à la situation.

Une première rencontre réussie, je note un prochain RV  

rivière Niobrara

Jim Harrison Riviyr10

Ballands

Jim Harrison Ballan10

région de Buffalo

Jim Harrison Buffal10


(message rapatrié)


mots-clés : #famille #minoriteethnique #nature

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Message par Tristram Mar 27 Déc - 10:03

Jim Harrison écrivit une suite à Dalva, c'est le roman Entre chien et loup :

« Dostoïevski déclara qu’être trop conscient, c’était être malade. On pourrait imaginer un roman qui assassinerait son auteur. Personne n’a envie de découvrir un secret que l’on ne supporterait pas. Mais l’on ne peut davantage se débarrasser du violent désir de créer un héros ou une héroïne de la conscience. »
« Extrait des carnets de Dalva »

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Message par Tristram Mar 27 Déc - 15:24

Suite à mon dernier post, j'ai cherché des trucs sur Harrison sur le net, et j'ai trouvé ceci, qui résonne avec la dernière citation que j'ai faite de lui :

Jim Harrison a écrit:Dans les Notes d'un souterrain, Dostoïevski affirme qu'être trop conscient, c'est être malade. Si vous n'avez pas une vie de compensation, vous êtes foutu !
http://www.lexpress.fr/culture/livre/entretien-avec-jim-harrison_809472.html

Auteur américain d'abord reconnu en France, il a une profondeur, un échantillonnage de facettes sous sa solide cohérence qui m'enthousiasme. Je ne sais pas si l'on doit sa notoriété à Brice Matthieussent (traducteur également de Jack Kerouac,  Charles Bukowski, John Fante, Paul Bowles, Bret Easton Ellis, Thomas McGuane, Henry Miller, Erica Jong, Annie Dillard, Peter Matthiessen, Thomas Pynchon [et Richard Ford, Joseph Heller, dont je n'ai encore rien lu]), en tout cas on peut saluer qui nous fait accéder à tant d'écrivains méritant d'être connus chez nous !

Y a-t-il quelqu'un sur le forum qui ait lu des poèmes de Jim Harrison ?

Jim Harrison a écrit:J'ai commencé par la poésie. Quand j'ai découvert le pouvoir des mots, adolescent, j'ai décidé que je serai poète plutôt que romancier. Mais mes recueils de poèmes ne m'ont jamais permis de vivre et n'ont pas connu autant de succès que mes romans... Pourtant, la poésie m'habite tout entier et pour toujours. Après la mort de mon frère, en décembre dernier, j'ai été incapable d'écrire de la prose. J'ai donc écrit tout un recueil de poèmes, en six mois. Mais je ne sépare pas les deux activités. Chez moi, elles sont liées. En général, j'écris de la prose dans la journée et de la poésie le soir. Il faut être plus réceptif pour écrire de la bonne poésie, enlever ses peaux comme on pèle un oignon. Il faut être aussi vulnérable qu'un parachutiste vierge largué sur le Texas !

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Message par Bédoulène Mar 27 Déc - 15:38

et toi ?

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Message par Tristram Mar 27 Déc - 15:42

Justement non ; je suis agréablement surpris que certains de ses recueils soient édités en français, mais pour trouver ça ici...

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Message par ArenSor Mar 27 Déc - 18:05

Tristram a écrit: au même titre que le vin rouge qui, je l’ai assez vite compris, aiguillonnait davantage l’imagination que la bière. »
Jim Harrison, « En marge » , « Débuts »
Là j'ai des doutes ! Il devait baser son jugement sur les bibines américaines sans connaître nos bonnes trappistes belges Smile
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Message par Tristram Mar 27 Déc - 18:50

Arensor a écrit:Il devait baser son jugement sur les bibines américaines sans connaître nos bonnes trappistes belges

Justement, il parle de la France, pas de la Belgique (maître incontestable, comme on sait)! Il a raison : on a indubitablement l'oeil plus vif après un verre de Meursault qu'après un pack de Kro.

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Message par animal Mar 27 Déc - 22:52

(la Belgique regagne la mode).

Je n'ai pas lu Harrison, comme tellement d'autres des auteurs traduits cités, mais je garde un souvenir amusé de Vengeance du traducteur de Brice Matthieussent.

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Message par bix_229 Mar 17 Jan - 20:49

Dalva est réédité en 10/18.
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Message par Tristram Mar 17 Jan - 22:20

Commentaires de l'auteur sur Dalva, son meilleur livre d'après lui :

Il y a trois voix dans Dalva : celle de Northridge à travers son journal, celle de Michael et celle de Dalva. Avez-vous eu des problèmes pour adopter le point de vue de Dalva, la seule voix féminine du livre ?
Très difficile. J’avais d’abord prévu de tout écrire du point de vue du grand-père de Dalva. Seulement, Dalva m’est apparue en rêve, elle était sur le balcon de son appartement de Santa Monica, et ensuite je l’ai revue nue en train de se baigner dans une rivière. Sa voix ne cessait de me parler. Au début, je ne voulais pas que les lecteurs sachent que j’avais rêvé d’elle, c’est pour cela que je n’ai pas voulu publier les carnets rédigés quand j’écrivais Dalva. Mais on ne peut rien faire contre des rêves pareils. Je me suis demandé si ce n’était pas ma sœur morte qui revenait dans mes songes. J’ai perdu mon père et ma sœur dans un accident de voiture, elle avait 19 ans, lui 53. Tony Hillerman dit qu’un homme a toujours une sœur jumelle dont il se sépare à la naissance. Je me demande si Dalva n’est pas un fantôme qui revient soudainement à la surface. Ne me prenez pas pour un fou mystique, mais nous savons si peu de choses du monde dans lequel nous vivons…
Les principaux personnages de Dalva se définissent en fonction de la guerre qu’ils ont vécue : la Première Guerre mondiale pour le grand-père de Dalva, la Seconde Guerre mondiale et la Corée pour son père, le Viêtnam pour Duane, son amant et demi-frère. Quelle est votre guerre ?
(Jim Harrison me montre l’œil qu’il s’est crevé au cours d’un accident de montagne – ndlr.) C’est ma seule blessure. A 19 ans, j’avais mis de côté tout mon argent pour aller en France, mais j’ai tout dépensé pour pouvoir me payer une opération chirurgicale à l’œil. Cette intervention n’a eu aucun effet. La seule guerre que j’aie connue est la vie. Cela dit, la Seconde Guerre mondiale m’a profondément marqué. J’ai bien sûr participé à des marches contre la guerre du Viêtnam. D’habitude, plus les gens vieillissent, plus ils deviennent conservateurs, mais moi c’est l’inverse, je suis de plus en plus à gauche. La lecture des livres sur l’histoire de l’Amérique a fini par me taper sur la tête. Dans ce pays, les Indiens ont été encore plus mal traités que les Noirs.
Je l'ai vue en rêve, Dalva. C'était flippant. J'étais chez moi dans le Michigan et je l'ai vue, elle, sur le balcon de son appartement à Santa Monica, en Californie, contemplant l'océan Pacifique. Je rêvassais. Je ne sais pas pourquoi cette rêverie m'a emmené jusqu'en Californie puis jusqu'au Nebraska. Le Nebraska est un coin étrange sur lequel j'en savais beaucoup. Je voyais les dunes de sable d'une beauté renversante et assez mystérieuse. C'est là que vivaient les Indiens Sioux Lakotas ainsi que les plus grands troupeaux de bisons d'Amérique avant qu'on les massacre - les Indiens et les bisons, un véritable génocide, le mot n'est pas trop fort.  
Sais-tu que, quand nous sommes arrivés en Amérique, les Indiens étaient presque 10 millions et qu'en 1900, il en restait à peine 250000? Et qu'en deux décennies on a éliminé 75 millions de bisons? Beaucoup ont été abattus dans le seul but de s'amuser, sans que leur viande ne soit jamais récupérée. Je me demande pourquoi une nation décide de tuer tous ses Indiens, de décimer tous ses bisons, de massacrer ses meilleures forêts... Parce qu'elle est composée de sombres crétins.

Nota bene : les carnets de Dalva apparaissent dans Entre chien et loup

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Message par Bédoulène Mer 18 Jan - 7:39

merci pour les compléments Tristram


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Message par Tristram Ven 8 Sep - 3:32

Légendes d’automne

Jim Harrison Lygend10

Dans ce volume sont réunies trois novellas, genre de récit peu reconnu en France, d’une longueur entre la nouvelle et le roman, permettant plus qu’une nouvelle d’exposer le thème et les particularités des personnages, sans réclamer une structure aussi rigoureuse et complexe qu’un roman :

« La novella autorise une étude plus détaillée du sujet, en combinant dans une certaine mesure l’écriture condensée propre à la nouvelle et le développement des idées qu’autorise le roman. »
Robert Silverberg, introduction à En un autre pays

Disons trois romans courts (avec épilogues), récits avec assez de chair sur l’os pour camper une histoire tout en restant denses et percutants.
Faire de la vengeance le fil conducteur entre ces trois récits, comme on le répète sur Internet (et même en quatrième de couverture), me paraît trop réducteur.
Dans la première, Une vengeance, il en est beaucoup question, mais c’est surtout une terrible histoire d’amour, avec la violence qui semble caractéristique du Mexique et des Etats-Unis, et aussi une chute inattendue, particulièrement poignante.
Dans la seconde, L’homme qui abandonna son nom, c’est la trajectoire d’un personnage (présentant quelques points communs avec son auteur) qui devient un solitaire danseur détaché (malgré une réussite sociale due à ses capacités, ou peut-être justement à cause de cette ambition satisfaite, et finalement décevante).
La troisième, Légendes d’automne, est la chronique d’une famille américaine à la limite du monde amérindien presque éteint et de nos époque et civilisation :

« Comment pouvait-on considérer l’usage des gaz moutarde comme acceptable et trouver barbare le fait de prendre des scalps pour venger la mort d’un frère ? »

C’est surtout le récit épique de la vie de Tristan l’impétueux, un des trois fils (autant de personnalités et destinées fort différentes), emporté à la fois vers l’ailleurs et l’originel dans l’alternance du bonheur et du malheur (la mort) :

« Dans ses délires [provoqués par une dysenterie sur l’océan Indien], il voyait les portes de l’enfer et voulait absolument les franchir. »

Au travers de ces trois drames à la fois tragiques et fascinants, on oscille entre les passions contradictoires en l’être humain, mais aussi entre « la laideur énergique du monde moderne » et la beauté de la nature. Il ne faut pas oublier non plus que l’auteur est un pilier de la contre-culture :

« Les notions populaires qui s’attachaient aux "Cow Boys" et aux "Pionniers" ou même à la loi sur la prohibition n’étaient que les conséquences absurdes de phases historiques pleines de complaisance pour elles-mêmes, des époques ou les déploiements d’énergie se décernaient des étiquettes et se cherchaient un rang dans l’ordre social. »

Jim Harrison montre dès ces œuvres un talent narratif très sûr, et une écriture magistrale tout ensemble avec l’âpreté de son style personnel ; il développe dans ces trois textes un subtil suspense qui en fait la lecture très prenante. Actuellement assez saturé par la débauche de violence caractéristique de cette partie de l’Amérique du Nord, j’ai pourtant été rapidement conquis par le souffle de ces aventures.

Dans le titre original (Legends of the Fall), peut-être faut-il au moins autant comprendre "légendes de la chute" que d’automne !?

Platte river, de Rick Bass, qui semble se mettre dans son sillage avec ses trois novellas comparables, ne le rattrape pas.

Quant au film d’Edward Zwick, il est recentré sur un des aspects du troisième récit, très réarrangé, escamotant beaucoup mais extrapolant aussi ce qui n’était qu’esquissé, et… plus romanesque…


Dernière édition par Bédoulène le Ven 8 Fév - 9:38, édité 1 fois (Raison : miniature)

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Message par Tristram Lun 4 Juin - 14:09

Grand Maître (faux roman policier)

Jim Harrison Grand_10


Juste retraité de la police, Sunderson continue son enquête sur le « Grand Maître » d’une secte, escroc qui apprécie les pré-adolescentes. C’est l’occasion de réflexions sur la vieillesse (et l’appétit pour le sexe, l’alcool et la bouffe), d’anecdotes parfois fort drôles, de péripéties assez violentes, de remarques piquantes sur les Etats-Unis, d’évocations des Indiens, d’observations naturalistes du Michigan au Nebraska en passant par l’Arizona. Pas le meilleur livre d'Harrison, mais une lecture fort agréable quand on est sensible à cet auteur, qui n’avait là peut-être pas d’autre ambition que de se projeter avec ses commentaires sur l’existence ? Passionné d’histoire et de pêche à la truite, marqué par son éducation luthérienne, notant ses pensées et se rappelant son passé, douloureusement divorcé, déconcerté par les changements sociétaux, tiraillé par ses pulsions, ce sympathique senior tragi-comique s’interroge autour du triangle religion-sexualité-argent (pouvoir au centre). Sans aucun doute une grande part d’autobiographie, mais aussi des personnages attachants, habilement cernés (Mona l’ado, Marion l’Indien) ‒ et la vision douce-amère du monde que donne l’expérience.
Je relève une intéressante opposition de l’Histoire, avec son recul, vis-à-vis de l’actualité, « l’histoire instantanée des médias ».
« La sexualité ressemblait parfois à un sac à dos bourré de bouse de vache qu’on devait trimballer toute la journée, surtout pour un senior qui s’accrochait désespérément à ses pulsions déclinantes. »

« Un médecin lui avait jadis conseillé de supprimer le sel toute une semaine pour faire baisser sa tension, et ça avait été une expérience calamiteuse ainsi que le moment de changer de médecin. Vers la fin de cette semaine sans sel, par une torride nuit estivale il avait sucé les seins d’une imposante barmaid de Newbury après ses heures de service et atteint l’extase en lapant la sueur sur la peau de cette fille. »

« Les soi-disant experts le confortaient dans son idée que tout le monde en Amérique ment sur soi, et aussi qu’il vivait dans un pays où parler c’est penser. »

« Il jouissait, du moins temporairement, de cette lucidité inédite qui apparaît lorsqu’on met fin à une habitude bien ancrée. »

« Pour Sunderson, les Indiens étaient le squelette monstrueux enfermé dans le placard de l’Amérique. Il imaginait volontiers un grand drap blanc étendu sur tous les États-Unis, et à des centaines d’endroits le sang des Indiens faisait des taches rouges sur ce drap. »

« Tout se passait comme si ces gens qui jouaient aux Indiens disaient : "Regardez-nous. Nous sommes humains, nous sommes comme vous. D’accord, nous avons volé les terres de plus de cinq cents tribus et massacré quelques milliers d’entre vous, et puis au cours d’un holocauste long de deux siècles, dix millions d’indiens sont morts de faim ou à cause de nos maladies. Mais comme vous, nous revêtons vos tenues et nous dansons." »

« …] l’histoire, une discipline qui après tout avait tendance à dresser l’inventaire des mauvaises habitudes de la nation. »

« Un torrent ou une rivière modifiait aussi la structure de son esprit et le simple fait de regarder l’eau vive lui excitait les neurones comme dans son enfance, quand merveille ne désignait rien de particulier sinon un événement quotidien. »

« Une rivière est plus puissante que le désespoir. »
"Vieillesse", et peut-être "religion", à défaut de "secte" ?

mots-clés : #religion #vieillesse

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Message par Nadine Lun 4 Juin - 16:25

Une amie m'a offert le mois dernier "Les jeux de la nuit". Je reviendrai vous lire une fois que je l'aurai commencé. Miam miam.
(je n'ai rien lu de lui. J espere que ce titre est une "bonne "entrée". kashmir qui nous parlait des nouvelles, et bien c'est un recueil de nouvelles justement.
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Message par bix_229 Lun 4 Juin - 16:44

Ou je me trompe ou tu vas aimer Harrison.
J' avais commencé aussi son oeuvre par des nouvelles "Légendes d' automne".
Un bon début. Je pense que c' est toujours l' un de ses meilleurs livres.
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Message par Invité Lun 4 Juin - 17:47

Wolf fut une bonne porte d'entrée pour moi, mais j'avais été moins convaincu par Dalva, je m'y étais ennuyé.

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