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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

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Alice Ferney

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Message par topocl Sam 24 Déc - 10:50

Alice Ferney
Née en 1961


Alice Ferney Aa285110

Alice Ferney, née le 21 novembre 1961 à Paris de sa véritable identité Cécile Brossollet, épouse Gavriloff, est un écrivain français.

Elle étudie à l'ESSEC (1981-1984) puis prépare à l'EHESS une thèse en sciences économiques, qu'elle soutient en 1990. Elle devient maître de conférences à l'université d'Orléans.

Œuvres

Le Ventre de la fée, 1993
L'Élégance des veuves, 1995 : Page 1
Grâce et Dénuement, 1997 :  Page 1
La Conversation amoureuse, 2000
Dans la guerre, 2003:  Page 1
Les Autres, 2006
Paradis conjugal, 2008
Passé sous silence, 2010
Cherchez la femme, 2013
Le Règne du vivant, 2014
Les bourgeois, 2017 :  Page 1

màj le 2/11/2017

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Message par topocl Sam 24 Déc - 10:52

Alice Ferney 41ooas10

Grâce et dénuement
     
     Ce qui se perdaient dans la misère c'était aussi le désir et l'élan vers l'avenir

Entre deux expulsions, cette famille de gitans a trouvé à se fixer dans un jardin abandonné de banlieue. Quelques poules cohabitent avec les rats dans la boue, on s'entasse dans les caravanes, mais ils se tiennent les uns les autres : la matriarche, crainte et vénérée, les cinq fils, qui ferraillent vaguement pour masquer leur honteuse inutilité, les belles-filles, épouses et mères, et la troupe de marmots qui ne sait même pas qu'il existe autre chose que cette « liberté » bien chère payée. Tous analphabètes, à la fois fiers et humiliés de n'être pas insérés dans cette société qu'ils connaissent si peu et qui le leur rend bien.

           Ils sont semblables à n'importe lequel des enfants qui sont ici. La seule chose qui les différencie, murmura-t-elle, c'est que leurs parents ne savent ni lire ni écrire et qu'ils n'ont pas de maison.

Et puis un beau matin, survient Esther, ses livres illustrés sous le bras main, qui va lire des histoires, ouvrir un dialogue, générer des confidences, et finalement se battre pour que, coûte que coûte, Anita aille à l'école.

Sujet à haut risque avec tout ce qu'on pouvait redouter de stéréotypes, de bons sentiments, de bien-pensance et de lacrymal.
Et bien, Alice Ferney fait très fort, elle évite tous ces écueils. Cette main tendue devient subtilement partage, mais pas miracle. Les personnages sont tout entremêlés de contradictions et de douleurs. Esther elle-même est une espèce de minéral plein de douceur. Il y a en Alice Ferney une sensibilité aux failles et fragilités d'autrui, à leurs petits bonheurs aussi, une humanité qui est à bien des moments bouleversante. Cette façon qu'on les petits de se lover autour de leur lectrice, cette adepte de la lecture à haute voix comme lien premier façon Pennac , il y a là de grands moments .

           Il y avait un secret au cœur des mots. Il suffisait de lire pour entendre et voir, et l'on n'avait que du papier entre les mains. Il y avait dans les mots des images et des bruits, la place de nos peurs et de quoi nourrir nos cœurs.


Et puis il y a les mots, à la fois outils et personnages. La langue d'Alice Ferney est dense, généreuse et fouettante. C'est une langue qui fouille et qui remue, avec ces dialogues tendus imbriqués dans le texte, cette façon de passer de l'un à l'autre avec un œil plein de compassion pas mièvre du tout, une compréhension de ces vies d'espoir et de désespoir mêlés.

Mais surtout les mots sont le fil rouge de ce récit, des mots qui apportent le réconfort , la fierté, la foi en l'autre, la consolation, la transmission. Des mots émancipateurs. Mots des livres (on se régale à identifier les extraits des lectures d'Esther), mots des dialogues et monologues, joyeux, furieux ou confidents.

Quant à la question de savoir si c’est « bien vu », « comme si on y était », je suis bien incapable d'y répondre, et peu sont à même de le faire : comment ça se passe chez les gitans, dans leurs campements, dans leurs têtes et dans leurs cœurs? Tour ce que je sais, c'est qu'Alice Ferney nous propose ici sa version, pleine d'honnêteté et de respect, qu'elle est probable, touchante, renversante.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #social #famille

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Message par topocl Sam 24 Déc - 17:26

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L'élégance des veuves

C'est une histoire de transmission intergénérationnelle, un flux ininterrompu qui passe de femmes à enfants.
C'est une famille bourgeoise, catholique, convenue, où les femmes, vouées à être épouses et mères, endossent ce rôle avec bonheur et détermination. Elles sont cependant des figures phares, dignes, intensément jouissantes et chaleureuses, matricielles. Décidées au bonheur et affrontant les peines le front haut.
On se dit "vous" et "mon ami" quand l'amour est cependant tant dévotion que passion, on enfante à foison car enfanter épanouit et magnifie les femmes. Celles-ci sont encore là face à l'arrachement : les enfants morts en bas âge, et les fils aînés à la  guerre. Et elles restent là, dignes et fidèles, nourricières. Leur mort laisse une empreinte irremplaçable.

J'ai eu à cette lecture une petite gêne dans l'apologie de ces modes de vie caducs, où Alice Ferney décide de gommer le renoncement et la soumission, au profit des choix et de l'épanouissement. Emportée par une langue au classicisme mélodieux, j'ai choisi de n'écouter que le cœur de ces femmes, d'être touchée par la plénitude et la noblesse que leur apportent les enfantements. Et j'ai aimé ce tableau admirable de belles figures féminines.


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mots-clés : #famille

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Message par topocl Mer 22 Mar - 12:49

Dans la guerre

Alice Ferney Images50

C'est , une fois de plus me direz-vous , un récit de la Grande Guerre, sur le front et à l'arrière, de la mobilisation à l'armistice, auquel n'échappe ni l'horreur, ni l'absurde.

Alice Ferney y glisse son univers propre, fait de l'amour salvateur, de la transmission générationnelle, de l'amour des mots comme des silences. Elle instille à chaque personnage un désir profond d'humanité, un sens du devoir qui n'exclut pas la critique, un besoin de bonté face à l'infortune du destin, l'amour de la terre plus que de la patrie. Elle accompagne chaque personnage, homme ou bête, dans sa douloureuse quête d'un chemin. Ses héros sont humbles et respectueux, ce sont des purs.  Dans un style dont la beauté prend aux tripes, elle partage leur intimité la plus profonde. Son  livre  ne masque pas une atrocité mais, au sien de cet effroyable gâchis, donne paradoxalement comme une impression de paix et d'espoir . On y trouve des raisons de croire en l'homme, en la femme, en leur chien et en l’enfant à naître.

Un livre que l'on conseillerait presque à ceux - ou celles - qui doutent de la littérature française d'aujourd'hui.



mots-clés : #premiereguerre

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Message par Bédoulène Mer 22 Mar - 20:20

merci topocl pour ton juste commentaire. Je me souviens de mes ressentis à cette lecture et ta conclusion me plait bien.

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Message par topocl Dim 22 Oct - 10:34

Les Bourgeois

Alice Ferney Images20

Henri et Mathilde Bourgeois sont nés à la fin du XIXème siècle, leurs dix enfants entre 1920 et 1940: Jules, Jean, Nicolas, André, Joseph, Louise, Jérôme , Claude, Guy et Marie. Leur descendance prolifique accompagne le XXème et le XXIème siècle.

Alice Ferney nous raconte à nouveau une famille éprise dont la tradition est le ciment. Les femmes y passent "sans transition du monde plein d'interdits des jeunes filles à celui plein d'obligations des épouses " et des mères, dans un épanouissement matrimonial pour nous ambigu. Les hommes, protecteurs,  sont voués à la force l'armée ou aux Grandes Ecoles. Une "famille nombreuse, hétérosexuelle et catholique",  "dernière floraison de la vieille société patriarcale et colonialiste", des gens "riches, privilégiés et éduqués".

C'est sans doute peu ou prou sa famille, à Alice Ferney, et si la narratrice, petite fille d'Henri et Mathilde, n'est jamais nommée, on se doute (ou on imagine?) qu'elle lui ressemble. Elle nous emmène dans cette ronde huperbolique des générations avec un réel sens du récit, une habileté narrative et un style tout à la fois sensible et puissant. On s'émerveille de n'être  jamais perdu,on sait étonnamment toujours qui est qui, on repère les personnalités et les parcours, on éprouve des sympathies et des antipathies (là où la narratrice n'offre que bienveillance), et des émotions. Des émotions, il y en a, dans cette farandole d’événements, naissances, mariages ou décès, joies et drames qui font et défont les vies des familles et de leurs membres, qui font que celles-ci se retrouvent et se reconnaissent, dans des maisons accueillantes, où les récits se perpétuent, et les photographies se conservent.

Cette famille se conçoit comme un mode de vie qui se transmet. Dans une économie de moyens, on jouit de son argent sans en faire un but, on se confie à Dieu comme seul maître, seul critère moral, ancrage puissant, définitif et singulier. On ne perd pas son temps à se lamenter et s'épancher, mais  on agit, selon des règles et une loyauté jamais remises en question. L'autorité du père semble librement consentie, comme si elle était fédératrice plutôt que tyrannique, parce que ça ne se discute pas, que la tradition est le maître mot.

La narratrice, femme mûre des années du terrorisme et de la procréation assistée, quoique fidèle à cette généalogie singulière, ne cesse de s'interroger : que voyaient-ils? que pensaient-ils?  que cachait cette réserve commandée?  rêvaient-ils, parfois? Quels espoirs, quelles vibrations, quelles rébellions étouffées?

Elle va rechercher l'émotion et l'intime derrière la carapace, les conventions, le puritanisme. Derrière l'arrogance, elle cherche l'humain avec   une sensibilité qui m' a souvent touchée. Elle évoque la vieillesse et  la mort, son approche comme son empreinte. Elle raconte  la fratrie dans  cette famille si nombreuse, cette hydre à dix têtes où s'entremêlent étrangement solitude et solidarité.

La narratrice se refuse à juger avec nos acquis, nos savoirs d'aujourd'hui, nos mentalités; elle regarde avec recul et  indulgence (coupables?) cet homme resté royaliste, antisémite , autoritaire,  cette femme oubliant ses aspirations pour intégrer la ligne de conduite familiale, ces couples sûrs de la répartition des tâches et des rôles entre les sexes. Ces Bourgeois, vaniteux mais généreux, intransigeants, redoutables, elle en fait des êtres de chairs et de sang, qui ont -ou n'ont pas - leurs doutes et leurs douleurs. Le lecteur, lui, n'ira pas jusqu'à pardonner  l'allégeance à Pétain et à l'Algérie française, mais il y trouvera une cohérence. Tout en appréciant son esprit de nuance et son besoin de comprendre, j'ai regretté la détermination d'Alice Ferney à édulcorer, qui fait tendre son propos vers l'hagiographie d'une époque et de mœurs révolus.

Le récit s'inscrit d'autant plus facilement dans l'Histoire qu'après le père, soldat de 14, quatre des fils sont des militaires, et l'un résistant : 39-40, l'Indochine et l'Algérie. L’aspect purement historique est sans doute la grande faiblesse du livre: l'auteur considére pour acquis de nombreux faits qui me sont étrangers, mais surtout elle ne réussit pas à fondre Histoire et petite histoire, elle plaque ses données historiques  tambour battant, un peu  comme s'ils étaient sortis des manuels scolaires qu'Henri, tout au long de sa carrière d'éditeur , a contribué à éditer.(J'ai souvent sauté, je l'avoue)

L'élégance des veuves portait identiquement ces thèmes  de la transmission générationnelle et de la maternité bienheureuse. Alice Ferney, dans la concision qui était une forme d'humilité brillante, y réussissait une sorte de "petit roman parfait". Vingt deux ans après elle y revient avec une ampleur et une ambition qu'autorisent son parcours et son expertise d'écrivain(e) reconnue. Le pari du roman familiale tentaculaire est tenu avec autant de brio que de délicatesse. Elle ne réussit cependant pas pleinement  l'ambition d'un roman universel du XXème siècle français.


mots-clés : #famille #historique

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Message par Invité Dim 22 Oct - 10:45

Malgré ta réserve, tu me donnes vraiment envie de le lire, Topocl. Merci pour ce long commentaire !

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Message par topocl Dim 22 Oct - 11:03

Tu as raison, il y a plein de bonnes choses à y prendre!

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Message par églantine Dim 22 Oct - 11:13

Je ne te lis pas miss topocl tant que je n'ai pas fini . Il me reste quelques pages mais je n'ai pas le temps !
A suivre .
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Message par Quasimodo Dim 22 Oct - 11:40

Oui, ça donne très envie, bien que le côté hagiographique puisse être un frein...
Mais c'est un milieu qui m'intéresse, et repousse à la fois. Comme lorsque je lis Léon Daudet : si grand que soit mon intérêt, je ne peux m'empêcher de marquer une certaine distance avec le personnage.
Est-ce que tu pourrais nous mettre un extrait, topocl ?
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Message par églantine Dim 22 Oct - 13:33

          "Que pensa-t-il du refuge qu'offrait la Légion à des criminels ? Sans doute rien, car il lui fallait rester dans l action . L'Indochine demandait beaucoup aux légionnaires. Quand on donne son sang à la Patrie, elle le prend et elle pardonne. Ce sacrifice valait absolution. Jules commençait de penser que Dieu seul peut juger. "
       
  La vie est un songe infini : on l'imagine , elle vient différente, on la traverse et la retraverse , elle semble en nous mourir et renaître, nous tuer et nous ressusciter et l'on s étonne.       "  

     " Elles ne savaient que se trouver en se donnant, parce que tels étaient l idéal et la mission qu'on leur avait transmis depuis des temps ancestraux, se perdre toute entière dans un esclavage atavique. "  

    "L extraordinaire est aussi dans la suite : beaucoup des cousins germains ont aujourd'hui des grandes familles . La troisième génération prolifère, la quatrième devient indénombrable. Jules a soixante-dix descendants, Marie trente petits-enfants. La démographie des Bourgeois n a pas évolué comme celle de la France. La modernité n a pas dérangé la multiplication. C est que les descendants d Henri pour la plupart ont conservé la foi. Peu de déperdition dans ce domaine pourtant largement menacé dans la cité. Ils appartiennent à l'Église de Rome. Ils croient à la communion des saints, à la vie éternelle, qui se renouvelle et s'amplifie à travers eux. La chair se fabrique sans fin et le mouvement de l existence s'enclenche à chaque naissance : périlleuse appropriation, montée en puissance, jouissance de soi même enfin, puis dépossession progressive , défaite du corps, lassitude de l esprit, acceptation de la mort. Chacun fait après les autres l'expérience de cette trajectoire imposée. Cette ligne, qui n'admet que quelques retards -lorsqu'un individu combat vivement contre la perte de ses forces-,recèle une une puissance hypnotique. Sa répétition dans la diversité captive des pare. Contempler le déploiement de la vie peut faire une vie . Jules, Jean, Louis, Jérôme, Marie, tous ont éprouvé à la fois le sentiment de la vie et les sentiments envers ceux qui vivent. Il s ébahissent devant la fluidité des métamorphoses, l'inattendu des déploiements, la coulée à la fois lente et inlassable. Cette contemplation primordiale recèle une magie stimulante, ravissante, terrorisante. Jules, Jean, Louise, Jérôme, Marie  donnent l'exemple de ces existences au milieu d une foule qu'on a enfantée , qui peu à peu arrive à maturité et à son tour prend la barre. Je perçois en eux une joie particulière à laquelle peu sont conviés. On ne se dessèche pas au milieu du cirque vital . Qui pourrait en douter ? Les enfants étaient leur création. "      

      "Chaque photographie a figé la rivière des moments mais les moments sont passés à jamais. Celui qui contemple l image contemple le passé perdu et mesure la durée qui l en sépare. Il traverse l écoulement compressé dans sa mémoire, la rivière l enveloppe. Il tombe dans un puit, il a le vertige, refuse de regarder. La mélancolie l'envahit et le sentiment qu'une tragédie se joue dans son dos. Car il n a rien vu. Pendant qu'il était occupé à vivre, le temps était invisible, son passage lui échappait, il baignait en lui sans le penser et en ignorant l avenir. Et maintenant  l avenir semble contenu dans le passé, en regardant le vieux cliché on le croit. Quoi de plus vrai lorsqu'il s'agit de la mort ? me dis-je. La photographie dit la vérité de la vie : tous mourront."      
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Message par Bédoulène Dim 22 Oct - 15:04

même réticence que Quasimodo mais je tenterai tout de même  (après tout ça me confortera peut-être dans mon choix  hors religion mais que j'ai connu aussi il y a fort fort longtemps) )

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Message par églantine Dim 22 Oct - 15:57

 Dans la foule, les descendants d Henri sont présents. Ses petits-enfants et les enfants de ses petits-enfants marchent au milieu des autres, à côté des Charlie kurdes, tibétains, indiens, juifs, musulmans , avec les clowns qui veulent rire, avec ceux qui préfèrent mourir debout plutôt que de vivre à genoux. Ils disent non au terrorisme. Le mot solidarité brille en lettres multicolores. Quelle société voulons-nous construire ? La foule chante La Marseillaise. Le matin les cloches des églises ont sonné longuement. Maintenant, sur la place de la République, un type tague : " Dieu prix Nobel de la guerre. En 1919, il n'aurait pas eu le droit de l'écrire. En 1944, il l'aurait dit autrement. En 1984, les fils d Henri s en seraient offusqués . En 2015, ses petits-enfants comprennent ce qu'il veut dire.        

 Y a-t-il une manière de vivre que la mort ne ridiculiserait pas ? Une vie que la mort ne priverait pas de sa signification ? Je n'ai jamais pu me déprendre de deux réponses. La vie pour l oeuvre et la vie pour le soin d autrui étaient à mes yeux les deux seules qui tenaient le coup devant la tombe et valaient donc d être vécues. Les Bourgeois avaient une autre proposition : la vie pour Dieu.
     
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Message par topocl Dim 22 Oct - 16:36

Quasimodo a écrit:Oui, ça donne très envie, bien que le côté hagiographique puisse être un frein...
C'est sa famille, il faut la comprendre. Elle  les aime. Et elle en est sortie , mis la tradition laisse forcément une trace, dans la mesure où elle n'est pas dans la révolte.

En fait il n'est pas pire que le père Thibault, ce Henri!

Quasimodo a écrit:Est-ce que tu pourrais nous mettre un extrait, topocl ?.
Je remercie églantine qui me permet de  jouer la grosse flemme!

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Message par églantine Dim 22 Oct - 17:05

Les Bourgeois

Alice Ferney Cvt_le10

(Oui la couverture est moche, ça donne vraiment pas envie, en plus du titre ça fait beaucoup d'obstacles pour dépasser ses "à priori"  clown )

Une fois de plus c'est cet insupportable Finkielkraut qui m'a amenée à cette lecture suite à l'une de ses dernières émissions Répliques sur France-culture qui terminait en déplorant le silence de la presse pour ce dernière opus d'Alice Ferney .
Alors .

Autofiction en quelque sorte, Alice Ferney s'inspire de ses racines pour remonter le temps et dresser le portrait d'une famille "bourgeoise", et excusez du peu jusqu'à leur patronyme, si d'aventure on pourrait s'y tromper. Bon on passera sur la maladresse.
Dans une forme de balancier temporel, souple, déployé sur plus d'un siècle, sur quatre générations, c'est l'écriture de la petite histoire dans la grande Histoire, c'est l'individuel dans le collectif, c'est une forme de pensée et de préhension des évènements, c'est une lignée et sa sécularité, c'est réveiller sa fibre sociale dans un positionnement assumé de bourgeoise, c'est embrasser un grand pan de l'histoire dans ce va-et vient fluide pour mettre en échos ou dissonance le présent et le passé. C'est forcément vu sous un prisme subjectif dont elle ne cherche pas à s affranchir mais pourtant avec une prise de hauteur par moment pour témoigner de son honnêteté face à l'histoire.  C'est une oscillation souple permettant aussi de porter un regard un peu moins manichéen que d'ordinaire pour réajuster le jugement du lecteur qui entend en sourdine "Les Bourgeois c'est comme les cochons".....Tout cela et plus encore.
Et de la valse à mille temps, ça donne le tournis quelquefois ! Mais à aucun moment le repère est perdu, Alice Ferney possède cette élégance de plume classique qui permet de jouer avec la chronologie.
C'est aussi le résultat d'un travail minutieux de recherche historique , et à certains moments on basculerait presque vers le genre Essai sociologique, historique et on pense naturellement à Bourdieu.

Là ou le bât blesse c'est qu'il y a une réelle faiblesse dans l'ossature de son ouvrage ; ce qui devrait constituer un arrière-fond indicateur des grandes lignes de l'histoire se substitue presque à la trame romanesque et rend la lecture poussive. Un véritable déséquilibre dans la forme nuit considérablement à la richesse de fond. Quel dommage !
N'empêche que. Au delà de ses imperfections , ça reste un bon roman. Voilà une auteure très ancrée dans le vécu, elle a une adhésion au réel pleine d'amour. Alice Ferney vit AVEC les autres, dans le sens où elle sait faire des allers-retours entre elle et l'autre, une forme d'empathie naturelle d'où elle puise une exceptionnelle finesse d'analyse psychologique et ça compense ses failles.
Bon à part ça je vais réviser mon histoire maintenant : Clémenceau Fournier , Maurras Pape Pie XI , Chamberlain ....
Et promis mais pas juré ni craché - ça ne se fait pas chez les bourgeois"- je ne deviendrai pas réc. Juste un peu plus ouverte à la différence. Et c'est là la richesse de ce bouquin qui m'aurait sinon bien ennuyée puisque je n'ai aucun goût pour le genre Saga, ni pour l'Histoire en elle-même.
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Message par topocl Dim 22 Oct - 18:35

A part que je ne crains pas la couverture, et que ce "Bourgeois" comme patronyme ne m'a pas déplu, nos analyses convergent, églantine.

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Message par églantine Dim 22 Oct - 18:55

topocl a écrit:A part que je ne crains pas la couverture, et que ce "Bourgeois" comme patronyme  ne m'a pas déplu,  nos analyses convergent, églantine.
Hé hé oui !
Et tu veux que je te dise : ça me fait plaisir .
Je retrouve dans ce que tu dis , ma lecture .
Pour moi c'était franchement pas gagné , je n'aime pas d'habitude ce genre de saga , ça me gonfle vite .
Et peut-être que contrairement à toi ,honnêtement ,  je ne me suis pas vraiment intéressée aux personnages , je survolais leur parcours . Mais l'analyse de l'auteur , qui sait objectiver , mais aussi s'incarner dans des formes de pensée dérangeantes pour amener le lecteur à élargir son horizon , ouvrir les frontières , sans pour autant cautionner les bavures de l'histoire m'a tenue jusqu'au bout .
Elle fait réfléchir de façon constructive .Audace : à sa façon "bourgeoise" revendiquée presque , elle bouscule .
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Message par Schlem Lun 2 Déc - 20:15

Comme je suis d'accord avec vous ! Ce livre, "Les bourgeois", me plaisait bien, l'écriture servait parfaitement l'histoire, jusqu'au moment où, sur la période de la Seconde guerre, le côté Wikipédia prenne le dessus, et là, ça ne passe plus.
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Message par topocl Ven 25 Sep - 20:22

L’intimité

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Schlem a écrit:Comme je suis d'accord avec vous ! Ce livre, "Les bourgeois", me plaisait bien, l'écriture servait parfaitement l'histoire, jusqu'au moment où, sur la période de la Seconde guerre, le côté Wikipédia prenne le dessus, et là, ça ne passe plus.

Exactement le même topo.
Avec en plus un enchaînement d'aphorismes sur la vie l'amour la mort et j'en passe vus par Alice Ferney.
Bref, lecture idéale si vous avez à faire un exposé sur la Gestation Pour Autrui. Sinon, passez votre chemin. A la différence de Les Bourgeois, ce n'est même pas un bon roman, c'est une confrontation d'idées.  Quand Alice Ferney comprendra qu'on veut des histoires, pas  des situations pour illustrer un plaidoyer pour une cause, j'y reviendrai peut-être.

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Message par églantine Sam 26 Sep - 8:05

Pour le moment le seul qui m'a paru digne d'intérêt en cette rentrée littéraire ... Malgré beaucoup de réserves sur le plan littéraire (trop démonstratif et une structure toujours un peu trop carrée...). Mais comme dans Les Bourgeois elle va au fond des choses et toujours fortement documentée, ce qui nuit... Considérablement à sa créativité littéraire. Sa volonté de tout maîtriser lui interdit toutes formes d'ouverture vers un flottement salvateur, elle" crispe"de la plume .
Mais du grain à moudre sur le plan sociologique, philosophique... C'est dense et elle aborde ses thématiques dans tous les sens.
Et après des lectures absolument sans intérêt pour moi, celui-ci m'a au moins bousculée...
Ce qui n'est déjà pas si mal.
Du reste j'admire sa capacité de faire un grand écart si rapidement : passer de Les Bourgeois à L'intimité, il faut avoir un certain courage. Affronter le monde actuel sans se voiler la face, c'est porteur d'une grande dynamique d'esprit.
Au final je te rejoins d'une certaine façon miss topocl. Mais je sais gré à Alice Ferney d'avoir balancer toutes ces problématiques en les exposant clairement... Même si lourdement et surtout aussi maladroitement. Il aurait fallu qu'elle écume son texte pour en laisser le nectar littéraire... La position lotus chère à Carrère, ça doit lui être totalement inconnu. Oui Alice détends toi et laisse courir ta plume après digestion...
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