Benoîte Groult

Benoîte Marie Rose-Nicole Groult est la fille du styliste de meubles André Groult, , et de Nicole Poiret, dessinatrice de mode, sœur du couturier Paul Poiret.
Elle obtient une licence de lettres et enseigne au début de sa carrière au cours Bossuet.
Elle entre au Journal de la Radiodiffusion à la Libération et y reste jusqu'en 1953.
Elle collabore à diverses publications : ELLE, Parents, Marie Claire, etc.

Dès l'enfance, elle cultive le goût de l'écriture mais c’est à l'âge mûr qu’elle se lance sur la scène littéraire, tout d'abord avec sa sœur Flora : Journal à quatre mains (1958), roman d'inspiration autobiographique sur la période de l'Occupation, Le Féminin pluriel (1965), Il était deux fois (1967).

Elle est par la suite l'auteur de plusieurs best-sellers : La Part des choses (1972), Ainsi soit-elle (1975), Les Trois-Quarts du temps (1983), Les Vaisseaux du cœur (1988), La Touche étoile (2006) et Mon évasion (2008).

Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin privilégié des bouleversements sociaux dans les rapports entre hommes et femmes qui ont marqué le XXe siècle. Ainsi soit-elle (1975), essai féministe vendu à 1 million d'exemplaires, dénonce entre autre l'excision. Elle est alors la première à dénoncer publiquement ces mutilations. L'ouvrage reste encore d'actualité.

En 1978, avec Claude Servan-Schreiber, elle fonde le mensuel féministe F Magazine, dont elle rédige les éditoriaux.
De 1984 à 1986, elle assure la présidence de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions, fondée par Yvette Roudy, alors ministre des Droits de la femme, où travaillent grammairiens, linguistes et écrivains (arrêté de féminisation publié au Journal officiel en mars 1986).
À partir de 1982, elle est membre du jury Femina.

Elle publie en 1986, pour la première fois, l'intégralité de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791, rédigée par Olympe de Gouges.

En 2011, Benoîte Groult fait don de ses archives à l'université d'Angers, au Centre des Archives du féminisme (BU Angers).

Mardi 13 mai 40 a écrit:"Trois alertes hier à Paris. Les évènements de Belgique nous les font prendre plus au sérieux. On reste dans son lit mais on ne dort plus. On pense aux Belges, à ces sept ou  huit millions d'hommes qui nous servent de bouclier".

12 septembre 40 a écrit:Un nouveau journal est né en zone occupée dont Jeanson est rédacteur en chef. En page 1, deux communiqués qu'on nous présente comme les nôtres : le communiqué du G.Q.G allemand et celui de l'Italie. Quelle déchéance ! Nous voilà dans le même sac que cette Italie qui nous tirait dans le dos il y a deux mois à peine. On nous oblige à nous intéresser au bulletin de santé de son armée ! Qu'elle crève. Nous sommes des vaincus, passe encore; mais qu'on nous laisse l'honneur de rester des ennemis.
Les bombardements de Londres sont régulièrement qualifiés de raids de représailles comme si Hitler ne faisait la guerre que pour punir les méchants. Quant aux raids anglais, ils sont l'oeuvre des "pirates nocturnes de la R.A.F." L'Allemand seul semble avoir droit au bon nom de soldat; les ennemis sont des rebelles ou des bandits.n La radio de Londres et Churchill ne dorent jamais la pilule aux Anglais : on ne leur cache pas que l'ennemi est fort, adroit et organisé et on n'a jamais traité officiellement Hitler de schizophrène ou de maniaque. C'est pour cela aussi que nous refusons l'armistice ; pour nous battre, vivre et parler comme des grandes personnes et non comme des robots fanatisés."

21 septembre 40 a écrit:Chaque matin l'occupant ou Vichy - c'est kif-kif bourricot- nous donne un tour de vis. Chaque matin, nous lisons dans les journaéux un ou deux articles nouveaux du règlement de la prison où nous allons vivre. pour combien de temps ? Nous sommes là comme des bêtes impuissantes, prises par la patte, à se regarder construire les murailles autour de nous. Les libertés se restreignent , les boutiques se ferment, les nourritures terrestres se raréfient. L'espoir s'éloigne aussi d'en sortir cette année. Ce matin nous avons appris qu'il était désormais interdit de divorcer. De quoi je me mêle, mon maréchal?  On était déjà prisonnier de l'occupant, on le sera en plus de son conjoint !
Sont également supprimés les Ecoles normales d'instituteurs, ainsi que les petits suisses, coeurs, double-crèmes et en général tous fromages contenant plus de 44% de matières grasses. Suppression du pain" fantaisie" naturellement. Défense de vendre du café pur. La ration mensuelle comportera un tiers de vrai café et deux tiers de succedané.
Vichy a le chic pour que les restrictions apparaissent non dictées par la conjoncture , mais comme une punition. On ne vendra plus le pain frais, et on nous mélangera les grains de café avec les glands ! Car nous avons trop joui, sous la IIIeme, Pétain l'a dit; et la jouissance avilit. L'arrière pays, moralisateur, réactionnaire et petit-bourgeois de la doctrine de Pétain est puant. C'est à vous dégoûterd'être vaincu. Ne peut-on revenir à la terre et à l'artisanat sans chanter Prends ton fusil, Gregouâ-âre ?

lundi 11 novembre 40 a écrit:Tout ce qui est impliqué tacitement dans la rencontre d'un garçon et d'une fille, dans nos milieux, est paralysant. L'idée seule d'être à marier est paralysante. "Puis-je vous revoir ?"- Mais où? Dans ma chambre ? C'est de la provocation. A la Marquise de Sévigné? C'est plein de dames mariées qui viennet parler de leurs maris à d'autres mariées. ça a l'air d'un guet-apens. Au cabaret ? Il ne danse pas.(Quel alibi, cette danse ! Quel moyen de rencontre commode !) Nous décidons que je lui apprendrai à danser à la maison. Mais il faut d'abord le présenter à ma famille, autre guet-apens !
Il vient me chercher jeudi à la Mazarine. On marchera dans Paris. Ce qu'on peut marcher dans Paris !(...)
Ce même soir : on apprend que les étudiants ont manifesté à l'Etoile cet après-midi malgré l'interdiction allemande de toute commémoration. Ils ont défilé avec des gaules sur l'épaule. Divin ! Le frère de Van Buck, étudiant aux Beaux arts, a été arrêté avec d'autres sur les Champs-Elysées.

1er janvier 1941 a écrit:Pour égayer la nouvelle année, Pétain nous a gratifié d'un discours qui devrait révolter tous les plus de trente ans.
" L'atmosphère malsaine dans laquelle ont vécu vos ainés a détruit leur énergie. méditez ces maximes : le plaisir abaisse, la joie élève. Le plaisir affaiblit, la joie rend fort. Notre individualisme, dont nous étions si fiers, est la cause de nos malheurs. Apprenez à vivre en commun, à prendre vos joies en commun."
Je refuse de trahir cet individualisme qui est la personnalité de la France. On est français pour le meilleur et pour le pire. Et puis, étions-nous vraiment plus sains et moins individualistes en 1913?
Pour nous faire une surprise, le maréchal s'est glissé en personne dans les petits souliers de la France<." Je me suis donné à la France, c'est à dire à vous tous". C'est le miracle de la multiplication des Pétains. Mais il avoue un peu plus loin que cet hiver nous aurons faim, reconnaissant ainsi que l'homme ne se nourrit pas seulement de pétains.

3 mai 43 a écrit:On a attendu le métro fort longtemps, hélas ! et on a eu le temps de parler.
"Alors, comment as-tu trouvé ça Dédé ?" demande hypocritement maman qui sait bien que nous ne pouvons qu'être d'accord sur ce point. Mais elle n'est pas mécontente de me faire assumer tout l'ameublement des Landon pour me punir d'avoir choisi Blaise. "D'ailleurs , ce choix était déjà inscrit dans ses images de première communion, tu te rappelles, André?"
Ma mère est quelqu'un qu'il faut détester, sinon on est foutu.
On s'est attaqué ensuite à tante Léa et à ses frisons : "Mais enfin, ça se fait enlever, de nos jours, ces trucs là...je ne comprends pas qu'une femme...si on peut appeler ça une femme..." On espère que tout cela pourra, en quelque manière, nuire à mon amour pour Blaise, par ricochet. Sait-on où vont les choses ? Et effectivement, tous ces coups d'épingle finissent par tuer le charme. Il reste ma décision, bien sûr, mais elle est devenue triste; (...°suffit pour aujourd'hui. En rentrant, je feins la fatigue et vais me coucher. Il y a des soirs où un mot de plus vous ferait vomir. Seuls des gestes me calmeraient, et mon Blaise est loin; bien plus loin que Vanves, enterré sous les gravats du mépris social.