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Stig Dagerman

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contemythe - Stig Dagerman Empty Stig Dagerman

Message par bix_229 Ven 9 Déc - 0:10

Stig Dagerman
(1923-1954)


contemythe - Stig Dagerman Arton310

Stig Dagerman est donc un écrivain et journaliste suédois né en 1923. Fils d'ouvrier, il est élevé par ses grands-parents à la campagne, sa mère étant partie peu de temps après sa naissance, et son père étant incapable de s'en occuper. Il décrira sa jeunesse comme le moment le plus heureux de sa vie. Très jeune, il est attiré par le syndicalisme. Il conservera ses idéaux tout au long de sa vie. En 1932, il rejoint son père à Stockholm dans le but de finir ses études. Il commence sa carrière littéraire en 1941 en tant que journaliste.

En 1943, il épouse une fille de réfugiés allemands, afin que celle-ci puisse bénéficier de la nationalité suédoise et vivre là-bas, son père militant anarcho-syndicaliste étant recherché en Allemagne. Son premier roman, Le Serpent, (1945) lui vaut un grand succès en Suède. On le classe dans la catégorie des écrivains choqués par les événements atroces de la guerre, qui dépeignent dans leurs livres des atmosphères d'angoisse profonde et de terreur. Les critiques admiratives le comparent  à Kafka. Dagerman écrira cependant plus tard des livres plus «réalistes».  En 1946-47, il est envoyé en Allemagne pour constater les dégâts et témoigner pour son journal de la misère et de la pauvreté qui y règnent. Il s'impliquera beaucoup dans ce travail.  En 1949, après quelques succès littéraires, il cesse d'écrire. Trois ans plus tard, il écrit : «Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, avant de se taire et, finalement, de se donner la mort le 4 novembre 1954.

source : wikipédia
Rapatrié. Rédigé par Alaska

Oeuvres traduites en français :

Romans
1945 : Le serpent
1946 : L'île des condamnés
1949 : L'enfant brûlé

Théâtre
1946 : Le condamné à mort
L'Arriviste suivi de Le Jeu de la vérité

Chroniques
1947 : Automne allemand ; Page 1
1948 : Printemps français

Nouvelles :
1948 : Jeux de la nuit
1954 : Mille ans chez dieu (recueil posthume)
Dieu rend visite à Newton ; Page 1
Les wagons rouges
Le froid de la Saint-Jean
Notre plage nocturne ; Page 1
Tuer un enfant

Essais :
1949 : Ennuis de noces
1952 : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier ; Page 1
La dictature du chagrin & autres récits amers

Poésie :
Billets quotidiens

MAJ de l'index le 13/01/2021
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Message par tom léo Ven 9 Déc - 7:37

contemythe - Stig Dagerman 41jedy10


Notre plage nocturne

Après avoir découvert Stig Dagerman – je pense justement grace à Bix ? - il y a déjà quelques années, j’ai pris cela comme une invitation de m’attaquer à ce recueil «Notre plage nocturne ». Il réunit (suite page de couverture : ) des nouvelles qu’on pourrait appeler « psychologiques ». Dagerman y donne une image de notre monde dans son mélange de cruauté et de futilité, de richesse égoïste et de misère, de crasse et d’attendrissante pureté. On y retrouve l’atmosphère de ses romans. Le thème essentiel en est la solitude.

Quelle écriture coupante, précise, quelques fois nerveuse, fiévreuse, toujours lucide. Mais je me demande, qui peut « supporter » de telles paroles jusqu’au bout ? Pourtant il faut les lire, ces descriptions si profondément empreintes de désespoir. Mais comment ne pas se détourner ET ne pas être attiré par le vertige ? Y-a-t-il un chemin d’espoir ? Je ne l’aperçois pas chez l’auteur et sa fin tragique laisse penser qu’il n’a pas vraiment vu une possibilité honnête de s’en sortir de ses observations sur la bassesse, ou « la crasse ». Impossible pour moi, de recommander ce livre à des cœurs sensibles et pas enracinés. Pourtant : quelle force de la parole qui pourrait reveiller l’un ou l’autre ???


mots-clés : #nouvelle #psychologique
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Message par animal Ven 9 Déc - 9:07

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J'avais été impressionné par ma lecture d'Automne allemand. ça faisait froid dans le dos. un chapitre : une ville ou un thème, et toujours comme un immense regret que le monde ne soit pas autrement (et ça dépasse l'automne allemand de 46). témoignage lucide et intéressant sur ce moment, ce qui change et ce qui ne change pas. je revois aussi les images du début de Little Dieter needs to fly avec des familles au milieu des ruines qui font cuire du papier peint...

c'est affligeant. tout ne témoigne pas d'une négaivité absolue (il trouve du beau chez les gens) mais on a tendance à se raccrocher à la beauté de l'attention et de l'intention de l'auteur. ça ronge le moral comme lecture. drôle d'impression par endroits que peut être la traduction a fait du bancal ?

extraits :

On entend des voix qui disent que tout allait mieux jadis mais on les isole de la situation dans laquelle se trouvent ceux qui les élèvent et on les écoute de la façon dont on écouterait une voix venant de l'éther. On appelle cela de l'objectivité parce que l'on a passé assez d'imagination pour se représenter cette situation, et même parce que, pour des raisons de bienséance morale, on se refuserait à faire usage d'une telle imagination sous prétexte qu'elle fait appel à une sympathie excessive. On analyse ; mais en fait c'est du chantage que d'analyser les idées politiques d'un affamé sans analyser en même temps sa faim.

La pluie tombe à verse et les garçons aux pieds nus courent sur le quai en tous sens, sans dire mot. La fumée des tuyaux de poêle qui sortent par les portes des wagons étale lentement son voile sur la gare abandonnée. Tout le désespoir de la Ruhr s'est amassé au-dessus de nos têtes en une sorte de nuage de froid et d'humidité, couleur de plomb, et celui qui n'a pas l'habitue a presque envie de crier. Quelqu'un descend de son wagon la chaise de la jeune fille hystérique et se met à lui faire décrire des cercles sur le quai. Des cercles qui n'en finissent pas, dans la pluie et la boue.

Je suis plus réservé quant à Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Le format de vente en "petit livre choc étiqueté suicide", enfin petit, micro livre. Esseulé le texte se retrouve écrasé par l'impératif, l'indiscutable de la mort de l'auteur. Et c'est dommage car il y a, ça remonte, de beaux passages qui font partie d'une réflexion sur la vanité de la forme ou sur l'inutilité de la beauté. Du moins sur son incapacité à sauver.

La prise en otage du lecteur par l'éditeur devient une forme de prise d'otage de l'auteur qui aurait, à mon sens, mérité que ce texte soit associé à d'autres.


mots-clés : #deuxiemeguerre

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Message par tom léo Ven 9 Déc - 16:12

contemythe - Stig Dagerman 51hvpt10

Dieu rend visite à Newton (1727)

Originale: Tusen år hos Gud (Suèdois, 1954, posthume)

CONTENU :
Une visite de Dieu chez Newton au jour de sa mort…

Un petit conte philosophique où le fantastique et le burlesque se cotoient et où Stig Dagerman laisse entrer en dialogue le créateur et le scientifique génial Newton.

REMARQUES :
Et Dieu en calèche à Londres et entre chez Newton : ils entrent en dialogue et des choses inclassables se passent. Grotesque, bizarre ? Pas seulement. Derrière le dialogue se désigne un image du monde sous une loi connaissable et compréhensible de laquelle le scientifique peut approximativement connaître les régularités. Toutes sortes d'interventions miraculeuses de la part de Dieu se situant en dehors de ces lois, dérange le tout et contredit en quelque sorte une soumission de Dieu à sa création, voir son vraie acceptation d'être homme, sa communion avec les êtres humains ( = incarnation?). Ainsi cette petite curiosité devient une question de quelle façon Dieu échappe à l'isolation qui pourrait être créer par une violation (permanente) des lois naturelles. Ici par exemple Dieu n'accepte pas les lois de la gravité et le corps de Newton décédé vole à travers l'espace. Mais Dieu désire la proximité à la création, aimerait entrer au coeur du monde. Et il laisse devenir Newton un magicien...

Eh bien, si on a connu Dagerman dans ses pièces existentielles, sombres, suicidaires peut être surpris par la tonalité ici : un monde phantastique, de rêve… Mais on pressent rapidemment derrière cette surface et les images étonnants des questions essentielles : Où est Dieu ? Quel solitude et quel silence environnent l'être humain ?

Ce Dieu, pareillement solitaire, seul, aimerait entrer au coeur de l'homme. Est-ce que c'est le merite de Newton ? Le croyant pense au Dieu incarné, pas à cause d'une néccessité, mais par amour. Des fois on s'y sent proche ici, des fois plus loin.

Si on pense à la fin sans espoir de Dagerman on pressent qu'il n'a pas vu un chemin.


mots-clés : #contemythe #fantastique
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Message par tom léo Sam 10 Déc - 16:20

Ici encore mes notes de lecture…:

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Automne allemand

Originale: Tysk Höst (Suèdois, 1946-47)

CONTENU :
En automne 1946 l'écrivain et journaliste Stig Dagerman séjourne dans l'Allemagne ruinée, à commence à Hambourg et d'autres grandes villes rasées, jusqu'à la région de la Ruhr, mais aussi dans certaines régions plus campagnardes. Ce livre réunit un nombre d'articles qu'il envoya vers la Suède. Dagerman n'observe pas seulement impartialement la souffrance des gens dans l'Allemagne de l'après-guerre, mais exprime même une forme de compassion retenue. Il s'oppose à une justification des souffrances allemandes par les horreurs commises par les Nazis/fascistes. (Cela me fait penser maintenant à une partie de la revolte d'un Sebald?!) Cette attitude avait du trouver, trouvait, trouve des réactions étonnées dans sa patrie et au-délà, mais même pourrait étonner le lecteur allemand d'aujourd'hui. Il y avaient des sujets tabous ou ils étaient instrumentalisés par des opinions politiques extrêmes.

REFLEXIONS :
Je pense d'avoir entendu et lu – pour un Allemand de ma génération - pas mal de choses sur l'Allemagne nazie, le temps de la guerre, l'après-guerre. Mais peut-être quasimment toujours du point de vue d'une perspective politiquemment correcte, dans le bon et dans le mauvais sens. Parfois – il faut le dire – ce n'est pas le tout de l'histoire, et on tait des aspects pourtants importants.

Mais dans ces articles je trouvais des nouvelles interprétations, descriptions, liens qui me surprenaient et que j'éprouvais comme un enrichissement pour s'approcher un peu plus honnêtement, impartialement et humainement à cette génération. L'accusation généralisante est évitée ici et le journaliste, certainement pas soupçonnable à des affinités avec le fascisme, écrit d'une façon qui éveille la compréhension et qui explique des données. Dans ses observations il est fin, précise et parle d'aspects différents de la vie en cet automne 1946. Je pense que ce livre n'est pas seulement un éclaircissement néccessaire et bon pour une situation historique dans l'Allemagne de l'après-guerre, mais décrit aussi des problèmes qui sont encore ainsi valables aujourd'hui pour d'autres points de conflits, de souffrance. Je pense par exemple au lien entre famine/nourriture et démocratie/culture, entre citadins et paysans...

Peut-être en ce temps-là, et même aujourd'hui, aucun Allemand aurait pu écrire un tel livre. Dagerman y réussissait ayant à peine 23 ans !
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Message par Hanta Sam 10 Déc - 21:13

contemythe - Stig Dagerman 31m3gu10

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Une lecture en apnée devant une écriture de pleine détresse. 10 pages simplement dans mon édition et elles m'ont semblé plus pleines que beaucoup de romans de taille plus imposante. Ce message laissé par l'auteur avant de disparaître, fût très émouvant pour moi. La réflexion n'est pas nécessairement riche, quoique, il y aurait à dire je pense, mais les émotions laissées par un style qui est lui assez fluide et varié sont atrocement poignantes. Pendant cette lecture, je me rappelais les propos de Kierkegaard qui déclarait que l'artiste ou le poète était celui qui savait transformer les cris de l'humanité en un harmonieux chant. Dagerman a joliment transformé un cri qu'il m'est arrivé de pousser.
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Message par tom léo Mar 13 Déc - 7:27

contemythe - Stig Dagerman 31m3gu10

Notre besoin de consolation est impossible à rassassier

J'avais vu ce tout petit livre à la bibliothèque, et pour ma part, je dois avouer que je trouvais le titre riche et ambigu, magnifique ! On peut tantôt mettre l'accent sur l'impossibilité d'être rassassié, tantôt d'en déduire de notre soif incroyable à qui ne peut pas se contenter de peu de choses. Et à un besoin d'être consolé, ce qui nous renvoie vers un autre. Notre être – ainsi mes réflexions à l'époque – est ouvert vers l'infini, et il est lui-même infini. Mais c'étaient des réfexions avant la lecture... Où va s'orienter la direction prise par Dagerman? Je ne le connaissais pas à l'époque!

Il faut être conscient qu'il s'agit d'un texte très court, d'une vingtaine de pages, mais d'une telle densité que je l'ai lu trois, quatre fois. Et j'étais prêt de le reprendre encore une fois. C'est à couper le souffle. Mais à voir de plus près le texte, et à le situer dans la vie et la mort de Dagerman, on ne peut qu'être aussi effrayé un peu. Et voilà que les remarques d'animal m'ont parlé :

animal a écrit:Je suis plus réservé quant à Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Le format de vente en «petit livre choc étiqueté suicide», enfin petit, micro livre. Esseulé le texte se retrouve écrasé par l'impératif, l'indiscutable de la mort de l'auteur. Et c'est dommage car il y a, ça remonte, de beaux passages qui font partie d'une réflexion sur la vanité de la forme ou sur l'inutilité de la beauté. Du moins sur son incapacité à sauver.

La prise en otage du lecteur par l'éditeur devient une forme de prise d'otage de l'auteur qui aurait, à mon sens, mérité que ce texte soit associé à d'autres.

Oui, vu l'inéluctable que l'auteur a déduit de ses réflexions, l'issu sans appel, la gorge - au moins la mienne - se noue. Je ne peux pas être d'accord avec une forme de fatalité, ou de logique de désesperance. MÊME si évidemment il y a des moments de solitude et de désespérance dans notre vie à nous tous.
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Message par Dreep Dim 25 Oct - 19:50

L'Enfant brûlé

contemythe - Stig Dagerman 41c7s510

D'abord il y a le style de Dagerman, fortement marqué par l’oralité, où les petites phrases s’accumulent, où le choc entre ce qui est dit dans une phrase et la nuance ou la négation apportée dans la suivante opère une coupure fréquente. Les phrases ne décrivent pas ensemble l’atmosphère d’une famille, elles luttent les unes contre les autres pour ouvrir une brèche, où doit s’échapper ce qui a été étouffé : le ressentiment, la tromperie. Kafka disait qu’un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous (merci @tom léo, à qui je dois cette citation). Pour les personnages liés ici, il y a du boulot, et les pensées de Bengt sur lui-même et son entourage de nous alerter sur les implications et les conséquences de chaque attitude, sur le sens de ce qui est dit ou de ce qui ne l’est pas. C’est une technique d’écriture idéale pour mettre au jour les processus de manipulation, générateurs de tensions et d’hypocrisie. Lorsqu’on forme un écheveau de rancunes à partir de quelque chose d’irréparable ― à commencer par la mort de la mère, ici ―, il n’y a plus de bonne attitude possible. Mais le but du roman ne semble pas tant d’analyser ces processus que de brûler aussi bien avec le chaud qu’avec le froid. C’est-à-dire que les relations entre les personnages étant particulièrement instable, il y a une fusion permanente entre le désir et la haine, la suspicion et la complicité, le beau et la laideur, etc… Il se peut que L’Enfant brûlé ait votre peau, non sans avoir ouvert de nouvelles voies à l’expression d’une douleur et à l’écriture, à l’égal d’un Thomas Bernhard.


Mots-clés : #famille
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Message par bix_229 Dim 25 Oct - 23:23

Belle analyse, Dreep !
Et, en effet quel style...
Mais je comprends tes réactions.Actuellement j'araisdu mal à relire l'Enfant brulé

Les meilleurs jours sont sans conteste les premiers. Les jours qu'ils ont passés ensemble avant de se connaître. Lorsqu'ils se connaissent bien, tout est plus difficile, car il est plus difficile d'aimer celui que nous connaissons bien. Aimer c'est être curieux. N'est beau que ce qui ne nous a pas encore satisfait. N'est beau, peut être, que ce qui est nouveau. En tout cas, nous ne pouvons aimer que ce qui est nouveau. Pour aimer quelqu'un que nous sommes parvenus à bien connaître il est nécessaire de commencer par l'oublier, non entièrement mais beaucoup.
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Message par Tristram Mar 12 Jan - 21:48

Automne allemand

contemythe - Stig Dagerman Automn11

Articles d’ambiance d’un reportage privilégiant les images choc :
« Le vent souffle violemment sur cette gare du sud de l'Allemagne. Les réfugiés venus de l'Est battent la semelle entre leurs baluchons grisâtres. Des prisonniers de guerre harassés, rentrant chez eux après des années passées en France, font les cent pas dans l'obscurité et dans le froid ; ils ont les traits tirés et portent de longues capotes françaises avec les lettres PG (prisonnier de guerre) cousues en grand dans le dos. Sur les piliers du quai, de grandes affiches rouges avisent le public que l'on recherche pour meurtre un Polonais en fuite, ancien gardien de camp de concentration, mesurant un mètre soixante et armé d'un pistolet. Sur les murs de la gare, des placards soigneusement rédigés portent les informations données par les parents qui recherchent leurs enfants disparus sur les différents fronts. Un astrologue de Nuremberg leur promet de les trouver s'ils lui envoient vingt marks par la poste. D'autres grandes affiches, portant un visage de femme sous le masque duquel on aperçoit les contours d'une tête de mort, attirent l'attention sur le péril vénérien. Il faut apprendre à voir la mort dans chacune des femmes que l'on rencontre. Sur un tableau dressé à des fins de mise en garde, la courbe dessinée en rouge des maladies de cette nature montre que leur nombre a monté en flèche, de façon inquiétante, à partir de juillet 1945, c'est-à-dire à partir du moment où les soldats ont commencé à s'acclimater. Sur le quai qui fait face au nôtre, de jeunes soldats américains pris de boisson chantent chacun leur chanson à la mode. Ils font semblant de se battre et le bruit de leurs gants résonne comme des roulements de tambour dans le silence et dans le froid. Deux jeunes Allemandes, pas très rassurées en leur compagnie, poussent des petits cris étouffés. C'est le Thanksgiving day. »
Un intellectuel peut-être un peu spécieux :
« Pourquoi ne pas considérer également tout ceci dans une perspective historique, pourquoi ne pas juger ce qui vient de se passer comme si cela s'était déroulé il y a cent ans ? N'est-il pas vrai que, à proprement parler, la réalité n'existe pas tant que l'historien ne l'a pas replacée dans son contexte ? Et alors il est trop tard pour la vivre, pour s'en indigner ou en pleurer. La réalité doit vieillir pour devenir réelle. »
Cependant, dans son premier texte, éponyme du recueil, Dagerman s'offusque de ses confrères choqués par les Allemands affamés qui déclarent qu’ils « vivaient mieux sous Hitler » ; c’est aujourd’hui compréhensible, tout comme il apparaît totalement injustifié de punir ce peuple pour les crimes nazis. Replacé dans l'époque et ses réactions passionnées, c'est moins évident.
Une fois encore, il me semble plus parlant de citer des passages particulièrement significatifs, et dont nombre d’entr’eux reprennent cette question de la culpabilité.
« Il y a en effet en Allemagne un nombre non négligeable d'antinazis sincères qui sont plus déçus, plus apatrides et plus vaincus que les sympathisants nazis ne l'ont jamais été. Déçus parce que la libération n'a pas été aussi complète qu'ils se l'étaient imaginé, apatrides parce qu'ils ne veulent se solidariser ni avec le mécontentement allemand - dans la composition duquel ils croient reconnaître un peu trop de nazisme camouflé - ni avec la politique alliée - dont ils contemplent avec consternation l'indulgence envers les anciens nazis - et enfin vaincus parce que, d'un côté, ils se demandent si, en tant qu'Allemands, ils peuvent avoir une part quelconque à la victoire finale des alliés et, de l'autre, ils ne sont pas absolument persuadés qu'en tant qu'antinazis ils n'ont pas une part de responsabilité dans la défaite allemande. Ils se sont condamnés à une passivité totale parce que l'activité impliquait la collaboration avec des individus douteux qu'ils ont appris à haïr pendant douze années d'oppression. »

« Il raconte une histoire drôle, celle des quatre occupants de Berlin qui ont chacun leur poisson rouge dans un bassin. Le Russe attrape le poisson rouge et le mange. Le Français l'attrape et le jette après lui avoir enlevé ses jolies nageoires. L'Américain le fait empailler et l'envoie chez lui, aux U.S.A., comme souvenir. Mais c'est l'Anglais qui se conduit de la façon la plus étrange : il attrape le poisson, le garde dans sa main et le caresse jusqu'à ce qu'il en meure. »

« Vous écrivez des lettres pour protester contre le fait que vous allez être condamnés bien que vous ne vous sentiez coupables d'aucun acte qui ait profité au nazisme. A cela je réponds : vous avez promis fidélité et obéissance absolue au Führer. N'était-ce pas un acte ? Vous avez juré obéissance aveugle à un homme que vous ne connaissiez pas. Vous avez payé quatre cents marks par an de cotisation à un parti. N'était-ce pas un acte ? »

« Messieurs, il n'y avait pas que l'Allemagne à connaître le chômage en 1933, mais seule l'Allemagne n'avait pas le temps d'attendre. Maintenant, il nous faut apprendre la patience, puisque construire exige de la patience. »

« …] il a avec lui des témoins juifs qui l'ont vu faire preuve de gentillesse envers des juifs (tous les accusés en ont ; le témoin juif coûte cent marks) »

« La Bavière qui, sans le moindre scrupule, renvoie les habitants évacués de Hanovre, Hambourg ou Essen dans l'enfer de leur ville d'origine, est certes un pays égoïste, au cœur de glace et mené à la baguette, mais ceci n'est pas toute la vérité. Un quart de cette vérité, au moins, réside dans le fait que la Bavière ne ressent aucune solidarité envers le reste de l'Allemagne et que, contrairement à ce que l'on croit peut-être généralement, elle a connu une résistance passive au nazisme non négligeable. »
Le “Finale berlinois” évoqué dans Littérature et souffrance, le dernier texte, doit être le Berlin finale d’Heinz Rein.
(J’ai vainement attendu la Dresde bombardée d’Abattoir 5, de Kurt Vonnegut.)

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par bix_229 Mar 12 Jan - 22:32

Le "peuple allemand", aidé  économiquement par les américains a oublié un peu vite sa propre
histoire et son adhésion complice avec le nazisme.
Il est vrai que les conditions draconiennes fixées par les Alliés après la défaite allemande 1918 provoqua
une crise économique terrible.
Mais cet "oubli", on le sait maintenant, a provoqué une réaction violente dans la jeunesse des générations suivantes
et provoqué la révolte de la Fraction Armée Rouge de Baader et les siens.
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Message par Bédoulène Mer 13 Jan - 8:58

ça m'intéresse ! merci Tristram

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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Message par bix_229 Mer 13 Jan - 15:17

Encore un  mot à propos de Automne allemand

L' impression qui persiste après avoir lu Automne allemand, c'est 
effectivement la vison lucide - presque trop - d'un jeune homme 
de 23 ans, marqué par l'angoisse qui aura finalement raison de lui un peu plus tard.

Ni voyeur, ni complaisant, Dagerman traverse un pays en ruines et des
gens qu'il ne juge pas. Ils ont tous en commun la souffrance qu'on leur
a infligés indistinctement.

L' l'interrogation de Dagerman est : était-ce justifié ? Etait-ce nécéssaire ?
Mais cela suffit alors pour jeter de l'huile sur le feu en Suède, qui était en pleine
crise de culpabilité et de mauvaise conscience à cause de sa compromission avec
les nazis.
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Message par bix_229 Mer 13 Jan - 15:22

Densité, lucidité, désespoir, on retrouve tout cela dans Automne allemand et aussi une sorte de nihilisme suicidaire permanent...

Il y en a qui croient au destin
Il y en a qui ne croient en rien
Quelques uns croient en tout
Quelques uns croient. Personne
ne sait rien. Personne.


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Message par Dreep Sam 27 Fév - 17:16

Automne allemand

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Ayant lu un livre de Svetlana Alexievitch juste avant, il m'est difficile de m'empêcher de faire les quelques rapprochements qui s'imposent avec évidence entre les livres de l'écrivaine biélorusse et cet Automne allemand de Stig Dagerman. C'est comme si leurs livres se répondaient entre eux, par-delà une différence contextuelle. Quelques mois après la fin de la seconde guerre mondiale, Stig Dagerman se rend dans les principales villes allemandes, enquêtant sur l'état d'esprit qui y règne, dans les ruines, après les bouleversements historiques. En observateur étranger, Stig Dagerman dresse un portrait structuré, et lucide, souvent ironique, sans être dénué de compassion, d'une population traumatisée par le nazisme et les bombardements alliés. L'écrivain suédois évoque les énormes préjugés que l'on conçoit dans tous les camps, souvent à cause d'un manque de recul, ou parce que la vie (et donc la pensée) est devenue particulièrement difficile voire impossible. Pas toujours, puisque Dagerman observe un sens de l'humour (bien que celui-ci soit évidemment empli d'amertume) chez les allemands, ainsi qu'un désir de repartir du bon pied (mais lequel ? Bonne question, en fait.).

Stig Dagerman recueille les opinions, retransmet des conversations dans le train, parmi les arbres témoins silencieux, ou dans d'"ex-rues". Témoignages à l'appui desquels Stig Dagerman pose les jalons d'une réflexion qui tente de créer un décalage, le fameux recul historique en dépit du peu de temps écoulé, et même si lui-même pense que cette tentative sera certainement un échec. En ce sens sa démarche est opposée à celle de Svetlana Alexievitch qui transmet les émotions et l'expression des idées le plus directement possible. W. G. Sebald a-t-il évoqué Automne allemand dans son livre De la destruction ? À revérifier.
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Message par bix_229 Sam 27 Fév - 17:55

@Dreep W. G. Sebald a-t-il évoqué Automne allemand dans son livre De la destruction ?

Je ne me souviens pas qu'il l'ait fait... Peut etre dans la bibliographi ?.
En tout cas il connaissait le livre et sans doute ceux de Enzensberger, Boll et Grass.
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Message par Bédoulène Sam 27 Fév - 18:24

merci Dreep !

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Message par Dreep Sam 27 Fév - 18:32

Oh oui, je suis sûr que Sebald avait lu Stig Dagerman.

Edit : Il se trouve que Stig Dagerman est bel et bien cité dans De la destruction de W. G. Sebald, mais l'édition (Actes Sud) que je possède de ce livre ne m'aide pas à trouver où.
Edit 2 : Ah, j'ai trouvé ! Page 45.
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Message par Dreep Mer 19 Oct - 19:13

Le Serpent

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On peut s’y tromper, mais il s’agit bel et bien d’un roman (non d’un recueil de nouvelles), du premier roman de Stig Dagerman publié en 1945. D’une partie à l’autre des personnages disparaissent, puis on retrouve Sörensen, Gédéon ou Le Rigolo : jeunes gars encasernés, incapables de dormir, se racontant leur histoire avant d’errer en permission, dans les rues, les cafés. D’un récit à l’autre, même le style semble un peu évolué. Mais des motifs se répètent, s’entrecroisent, font écho dans une sorte d’unisson. De bout en bout, Stig Dagerman maîtrise à la perfection ce que tissent ces voix ensemble : une communauté de souvenirs. La surface des choses se couvre d’une couche d’angoisse, d’illusions, de rêves éveillés ; La peur ― fil rouge du roman ― prend à certains moments une forme concrète, animale. Une confusion entre symboles et visions (réelles ou fantasmées) s’instaure, aussi bien qu’entre le vivant ou l’inanimé. Ce flux constant d’images peut déstabiliser au début, mais on en perçoit la cohérence au fil du texte. Des récits plus lucides précisent le point névralgique du roman, son ancrage dans la réalité : les ruines de la guerre civile espagnole (deux ans plus tard, dans Automne allemand, Stig Dagerman évoquait les ruines de Berlin) et d’autre part ce joug militaire, incarnés par des sergents intraitables, ce contrôle ― jusque dans le lit ― de la discipline. On mesure toute cette pression avec l’énergie furieuse de nos jeunes gars pour la battre en brèche. Fêtes, débauches sauvages ou méchantes, toute cette brutalité si soudaine qu’elle en paraît irréelle. Toute cette énergie, le texte la possède.
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Message par Bédoulène Jeu 20 Oct - 7:28

merci Dreep !

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