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Richard Brautigan

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Message par Barcarole Lun 12 Déc - 15:14

Richard Brautigan (1935-1984)


poésie - Richard Brautigan Baron_10

Avant de quitter l’Orégon pour San Francisco, avant de traîner du Enrico’s, bar-restaurant, au Hungry I que fréquentait Woody Allen, Richard Brautigan, l’inoubliable auteur de La pêche à la truite en Amérique, avait confié à la mère de son meilleur ami, des poèmes dont nous ignorions l’existence. Ils paraissent aujourd’hui, traduits de l’américain par Romain Rabier et Thierry Beauchamp, aux éditions Le Castor Astral, sous le titre, Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus. Loué soit le divin Castor !

Dans les années 1960, il participe au mouvement Beat generation. Il a même été un moment considéré comme un chantre de ce mouvement mais en restera toujours en marge, et finira par payer un lourd tribut à cette étiquette qui le cantonnera plus tard dans le rôle de "has-been". Il ira alors chercher sa reconnaissance de véritable écrivain en France et au Japon, trouvant dans ce pays sa dernière épouse et de nouvelles raisons d'espérer. En 1964, on le retrouve avec les hippies du district de Haight-Ashbury. Il distribue ses poèmes dans la rue.En 1982 est publié son dernier livre, So the Wind Won't Blow It All Away. Son corps est découvert le 25 octobre 1984 à Bolinas, en Californie, plusieurs semaines après sa mort (suicide par coup de feu). Richard Brautigan a traversé la littérature américaine d’une manière fulgurante, avec une œuvre mélangeant les genres (western, polar, pêche, poésie), d’une profonde tendresse.

Bibliographie :

Romans
• Un général sudiste de Big Sur, 1964 (trad. fr. 1975) : Page 1
• La Pêche à la truite en Amérique, 1967 (trad. fr. 1974)
• Sucre de pastèque, 1968 (trad. fr. 1974)
• L'Avortement, 1971 (trad. fr. 1973) : Page 1
• Le Monstre des Hawkline, 1974 (trad. fr. 1976) : Page 2
• Willard et ses trophées de bowling, 1975 (trad. fr. 1978) : Page 2
• Retombées de sombrero, 1976 (trad. fr. 1980) : Page 2
• Un privé à Babylone, 1977 (trad. fr. 1981) : Page 1
• Tokyo-Montana Express, 1980 (trad. fr. 1981) : Page 3
• Mémoires sauvés du vent, 1982 (trad. fr. 1983) : Page 1
• Cahier d'un retour de Troie, 1982 (trad. fr. 1994)

Recueil de nouvelles
• La vengeance de la pelouse, 1970 (trad. fr. 1983) : Page 3

Poésie
• The return of the rivers, 1957 (1 poème)
• The Galilee Hitch-Hiker, 1958 (poème en 8 parties)
• Lay the Marble Tea, 1959 (recueil de 24 poèmes)
• The Octopus Frontier, 1960 (recueil de 22 poèmes)
• All Watched Over by Machines of Loving Grace, 1967 (recueil de 32 poèmes)
• Please Plant This Book, 1968 (recueil de 8 poèmes imprimés sur 8 sachets de graines)
• The Pill versus the Springhill Mine Disaster, 1968 (recueil de 98 poèmes)
• Rommel Drives on Deep into Egypt, 1970 (recueil de 85 poèmes)
• Loading Mercury with a Pitchfork, 1971
• Une Tortue à Son Balcon, 1989 (sélection de poèmes issus d’autres recueils)
• Tu Es Si Belle Qu'il Se Met à Pleuvoir, 1990 (sélection de poèmes issus d’autres recueils)
• Il Pleut en Amour, 1991 (compilation de 2 vol. : Une Tortue à Son Balcon et Tu es Si Belle) : Page 1, 2
• Journal Japonais, 1978 (trad. fr. 1992) : Page 2
• Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus, 1999 (trad. fr. 2003) (public. posthume de poèmes inédits) : Page 3

màj le 12/12/2021
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Message par Barcarole Lun 12 Déc - 15:16

poésie - Richard Brautigan 51bkkp10

Un privé à Babylone est un roman d'un homme désabusé. L'écriture est décalée, assez déjantée (à remettre dans le contexte des années 1940), pour dire des choses sordides avec humour noir et dont le rendu est assez poétique. Le héros, un privé plutôt minable, cherche à se faire une vraie place de détective, s'imagine alors l'argent qui va avec, la saveur des belles femmes qu'il pourrait rencontrer et la perspective d'être un jour reconnu par ses pairs. En attendant, il vit dans une chambre crasseuse, pleine de détritus, le frigo vide et sale, et ne décroche aucune affaire. Sauf une. Commanditée par une femme. C'est cette affaire plutôt bizarre qui fait l'objet de ce livre. Les chapitres sont très courts, le roman très imagé, porté sur le macabre. Il n'a rien à perdre, Card, ce anti-héros narrateur, et ses actions sans scrupules pour arriver à ses fins sont caricaturales. Alors il part à «Babylone», lieu indéfini, dans sa tête. C'est sa façon de s'échapper d'une réalité très moche, de nourrir des fantasmes, de fric qui coule à flot dans un monde où il vivrait avec Nana-Dirat, sa femme sublime tout droit sortie de ses rêveries. Ses fantasmes ou ses rêves toujours renouvelés envahissent son présent, la vie intérieure prend le dessus. Agréable moment de lecture, et de détente aussi il faut bien le dire, et le côté un peu tiré par les cheveux fait tout son charme !


mots-clés : #polar
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Message par bix_229 Lun 12 Déc - 15:27

Grand merci pour lui, Barcarole !
Je lui avais un fil ailleurs et ça me fait plaisir de le retrouver en souhaitant qu' il fasse des petits
lecteurs.
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Message par bix_229 Lun 12 Déc - 15:29

La confrérie des mélancoliques est nombreuse et particulièrement bien représentée dans la littérature... De Gérard de Nerval à Jean Claude Pirotte, en passant par Tchékhov, Virginia Woolf, Pessoa, Katherine Mansfield, Kawabata, Jean Rhys, Raymond Carver, Scott Fitzgerald, Salinger, Alexandre Vialatte, Moritz Thomsen... et bien d'autres... Et puis Richard Brautigan, le plus injustement oublié des écrivains américains contemporains...

«Nous tenons chacun notre rôle dans l'histoire. Le mien, ce sont les nuages.»
Richard Brautigan, Tokyo-Montana Express

La vie de Richard Brautigan fut brève et son écriture légère. C'est pourquoi je ne m'étendrai pas sur sa biographie, ni même sur son oeuvre. Il aurait détesté ça...
Cette vie, elle fut pleine de fulgurances, mais surtout de routes et de déroutes, de bars, de solitude, de ratages, de douleurs, d'angoisses, d'incompréhensions...

Il ne crie pas pourtant Brautigan. Il ne pleure pas. Il n'appelle même pas à l'aide. Pourtant tant la mort le suit tout au long de sa vie et de son oeuvre, et à force de le presser, elle aura raison de lui à 57 ans. Suicide...

Il eut son heure de gloire pourtant, et fut un instant déclaré chantre de la génération hippie... Vaine réputation, vite arrivée, vite oubliée.

Mais Richard Brautigan vaut mieux que sa réputation. La poésie de son écriture est prenante et secrète. Et souvent pleine de tendresse. Son humour surprenant et son bonheur d'expression constant. Mais sa petite musique est poignante et vous serre le coeur...

Message rapatrié

«Les mots sont des fleurs de néant», écrivait il et apparemment il savait de quoi il parlait.poésie - Richard Brautigan 10983

Toute l'oeuvre de Richard Brautigan, une douzaine de volumes, dont un de poèmes, a été publiée par Christian Bourgois et ensuite dans la collection 10/18.
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Message par Barcarole Lun 12 Déc - 15:39

Je compte bien lire La Pêche à la truite en Amérique de ce doux et tendre Brautigan !
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Message par bix_229 Lun 12 Déc - 15:51

poésie - Richard Brautigan 512bxp10

MEMOIRES SAUVES DU VENT

Un homme de 43 ans se remémore les évenements qui se sont passés trente-deux ans auparavant. Il avait alors douze ans et vivait avec sa mère et ses deux soeurs une vie de misère. Sans voiture, sans livres, sans même une radio.
Ils errent dans l'Oregon, d'un motel miteux à l'autre. Et sa mère est souvent absente. Et sinon obsédée par la misère, la solitude et les fuites du gaz.

«Un soir, elle rentra vers 10 heures, plus tot que prévu. J'entendis la camionnette du couvreur au chomage s'arrêter devant la maison... Je sus que quelque chose n'allait pas quand j'entendis ma mère claquer la porte de la camionnette.
- Tu ne dors pas encore ? dit-elle quand elle rentra, la colère au visage.
Je voulais me concilier ses bonnes graces : je lui dis que j'avais lu le Reader's Digest. Je ne sais vraiment pas pourquoi je croyais obtenir ses bonnes grâces avec ça. J'étais un gosse bizarre. Je crois même que vous pourriez ajouter «très». Ma mère se contenta de me regarder lorsque je lui dis que j'avais lu le Reader's Digest. Ça n'avait pas marché. C'était l'heure d'aller prestement au lit. Quelques instants plus tard, j' entendis ma mère au salon, qui se répétait sans arrêt, dans murmure chuintant : «Le gaz, le gaz, le gaz, le gaz.» À y repenser aujourd'hui dans la quarante-quatrième année de ma vie, la seule chose qui fuyait vraiment chez nous, c'était ma mère.»


L'un des rares plaisirs du gamin, c'est de bavarder avec un «vieux» de 35 ans, chez qui il récupère les cannettes de bière vide pour se faire un peu d'argent et bavarder avec lui. Et il aimait beaucoup parler avec les «vieux» de tout âge !
Mais sa grande distraction, c' est de voir chaque année arriver dans un vieux tacot un couple extravagant et de les observer. Ils viennent pêcher le poisson-chat dans un étang, mais d'abord ils débarquent tous leurs vieux meubles d' occasion sur l' herbe. Y compris une cuisinière à bois !

«Je ne voulais pas les mettre en colère contre moi, parce que, pour parler franchement, ils étaient ce que j'avais de plus intéressant dans ma vie. Parfois je souhaitais qu'il y en eut tout un lot comme des jouets que je pusse emporte chez moi pour m'amuser : des petites figurines miniatures en bois sculptés représentant un homme, une femme, tous leurs meubles et leur camionnette avec un morceau de tissu vert qui aurait eu la forme exacte de l'étang et sur lequel aurait été disposé tout ce qui l'entourait avec chaque chose exactement à sa place.»

Et la vie aurait pu continuer ainsi...
Mais ce livre est surtout l'histoire d' une blessure d' enfance qui ne s' est jamais refermée parce que le destin est parfois cruel et qu'on ne peur refaire ce qui a été défait à jamais.
Ce jour-là, un jour comme les autres, l'enfant aurait pu acheter un hamburger au lieu d'acheter des balles pour sa carabine. Mais il a acheté des balles, et un peu plus tard, il a tué accidentellement son meilleur ami, en tout cas son ami secret.
Et tout est dit.

Mémoires Sauvés du Vent
Poussières d' Amérique...

Il remâche son histoire, il remonte le fil du temps.
Mais c'est une histoire impossible, parce qu'il essaie de remettre en question un simple fait, un choix fortuit qui ont un jour pourri sa vie. Alors, 32 ans après, il multiplie les parenthèses, les digressions avant de se raconter une fois encore cette histoire fatale et dont il connait la fin.

L'histoire, celle que nous raconte Brautigan, n'est que la sélection de souvenirs que la mémoire de son personnage a fixé à jamais. Tout comme les personnages qui ne sont que des silhouettes, mais que Brautigan a le don magique de faire surgir devant nous et de les rendre inoubliables.

Comme le dit Marc Chenetier, l'excellent traducteur du livre :

«Les images chez Brautigan constituent un récit parallèle qui relativise l' importance des faits narrés et invite à lire en creux dans les trous et manques ces récits qui débordent les faits rapportés. Il avait la volonté de casser les cadres.»

Message récupéré


mots-clés : #psychologique
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 12 Déc - 20:36

poésie - Richard Brautigan Richar11

Il pleut en amour :

Bon, y a-t-il une conspiration pour faire réduire le nombre de fils? J'imagine bien que non, vu que Richard Brautigan est avant tout un romancier et que son style n'est pas tellement détaché de son pendant poétique. C'est ce que je comprends et décode à la vue de vos commentaires. Il y a également une pénurie de commentaires sur l'oeuvre de Richard Brautigan. Pour une raison ou une autre, j'ai été tenu loin de son oeuvre mais d'une manière j'y revenais toujours au fil du temps. De nos jours, le legs de Richard Brautigan est assez incommensurable. Il se communique si peu, mais c'est toutefois la richesse du style qui le place parmi les exceptionnels de sa cuvée et qu'on se souviendra plus volontiers de Richard Brautigan que des autres écrivains beats, peut-être à l'exception du poète franco-ontarien Patrice Desbiens.

Vous comprendrez bien ici pourquoi je vous parle de la poésie de Richard Brautigan pour entrer à l'intérieur de son oeuvre. Dernièrement, j'ai lu la trilogie 1984 d'Éric Plamondon qui se référait sans cesse à l'oeuvre de Richard Brautigan tel un mantra. Nous pouvons donc dire que Brautigan est l'objet d'un certain culte... Derrière les mythes, il faut examiner les réalités d'un phénomène à l'oeuvre. Je considère volontiers Richard Brautigan comme un styliste de la langue. Il faut bien que poésie se fasse et se découvre. Il y a un certain nombre de poètes québécois qui se réfèrent à l'imagerie de Richard Brautigan, dont Paul-Marie Lapointe, François Turcot et François Rioux, en plus d'Éric Plamondon. À mon sens, c'est le signe que Richard Brautigan matérialise une poésie qui garde une trace impérissable...

Richard Brautigan, Il pleut en amour, 1997, Trois-Rivières : Écrits des Forges/Le Castor Astral, p. 26.

«Oui, la musique poisson»

Il souffle un vent couleur de truite
à travers mes yeux, à travers mes doigts
Les truites, je me rappelle comment
elles faisaient pour se cacher lorsque
les dinosaures descendaient boire à la rivière.
Elles se cachaient dans les souterrains, les châteaux
et les automobiles. Elles attendaient patiemment
que les dinosaures soient repartis.

Le poème «Il pleut en amour» est assez bon, mais c'est sa conclusion que je préfère à partir du MAIS. Le voici :

p. 40

MAIS

Si une fille m'aime bien
et commence à ne plus être du tout dans son assiette
et se met à me poser de drôles de questions
et prend son air triste si je lui réponds mal
et me dit des trucs du style :
«Tu crois qu'il va pleuvoir?»
et je dis : «Je n'en sais rien»
et elle dit : «Oh»,
et prend son petit air triste pour regarder
le ciel bleu clair de Californie,
je pense : Dieu merci, c'est toi, ma chérie,
cette fois-ci c'est ton tour.

Richard Brautigan a dédié plusieurs de ses poèmes à une certaine Marcia.Il semble bien qu'elle constituait une muse idéale à ses yeux car il dit dans :

p. 47.

«Le poème Ellenenlevejamaissamontre»

Pour Marcia

Parce que tu as toujours une montre
accrochée à ton corps, il est normal
que tu incarnes pour moi
l'heure juste :
avec tes longs cheveux blonds à 8h03,
et tes seins clignotants à
11h17, et ton sourire rose-miaou à 5h30,
je sais que j'ai raison.

Le ton de Richard Brautigan est assez péremptoire mais tout juste, et il reprend de plus belle dans «Madame Viande frottée à l'ail venue de»... et je vous dirais que le végétarien en moi plisse des yeux. Je lis au-delà de ce qu'une première impression désenchantée finirait par révéler de juste :

p. 48-49.

«Madame Viande frottée à l'ail venue de»

Ce soir nous préparons le repas.
Je fais une sorte de Stroganoff
mode Stonehenge.

Marcia m'aide. Vous
connaissez déjà la légende
de sa beauté.

Je lui ai demandé de frotter l'ail
sur la viande. Chaque morceau de viande
elle le prend comme un amant
et le frictionne doucement avec l'ail.
Je n'ai jamais rien vu de tel
auparavant. Chaque orifice
de la viande est exploré, caressé
méthodiquement avec l'ail.
Il y a là une passion qui pousserait
un saint sourd à apprendre
le violon et jouer du Beethoven à
Stonhenge.

Je vous dis : «du violon».

Richard Brautigan est bien volontiers un salaud. Mais il ne fera pas l'effort de mentir pour cacher une vérité des plus évidentes... :

p. 56.

«Toutes les filles devraient avoir un poème»

Pour Valérie

Toutes les filles devraient avoir un poème
écrit pour elles, même s'il
faut pour ça retourner cette sacrée bon Dieu
de planète sens dessus dessous.

Nouveau-Mexique
16 mars 1969

Il y a plusieurs poèmes qui s'impriment en ma conscience. Je vous dirais que le tout culmine jusqu'à «Jeune fille au corbeau» :

p. 69-70.

«Jeune fille au corbeau»

Avec dans les rôles principaux, une jeune fille et
                                                         vingt-
trois corbeaux. Elle a des cheveux blonds. Les
                                               corbeaux sont
intelligents. Le directeur est obsédé par son
                                                    budget
(trop bas) .  Le   photographe   est   tombé
                                amoureux de la fille.
Elle ne peut pas l'encadrer. Les corbeaux sont
                                                 patients.
Le directeur est homosexuel. La  fille  est
                                   amoureuse de lui.
Le photographe rêve de meurtre. «Cent
                           soixante-quinze mille.
Je me suis fait avoir!» se dit le directeur. La fille
                                                        se met
à pleurer beaucoup la nuit. Les corbeaux
                                   attendent leur
grande scène.
Et tu iras où vont les corbeaux
et tu sauras ce que savent les corbeaux.
Après que tu auras appris tous leurs secrets
et que tu penses comme eux et que ton amour
caresse leurs plumes comme une pendule
murale à minuit
alors ils s'envoleront
et t'emmèneront avec eux.
Et tu iras où vont les corbeaux
et tu sauras ce que savent les corbeaux.

Globalement, j'ai bien apprécié l'ensemble de plusieurs recueils (trois rassemblés). Il me tarde toujours de lire Journal japonais. J'ai trouvé dommage que la mise en page me donne du fil à retordre pour apprécier mes lectures et relectures successives. Comme si l'économie des pages allait me faire perdre du rythme et de l'espace pour apprécier une poésie. On ne peut pas tout avoir et tout de même, la poétique de Brautigan est assez exceptionnelle pour un «romancier d'abord».

Message récupéré.

Mot-clé : #poésie


Dernière édition par Jack-Hubert Bukowski le Jeu 5 Jan - 11:22, édité 2 fois
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Message par bix_229 Lun 12 Déc - 21:03

Merci Jack ! ça fait plaisir  à lire, en guise d' intro !
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mer 21 Déc - 8:11

Juste vous dire qu'un recueil de poésie vient de paraître nous venant de la maison d'édition Le castor astral :

poésie - Richard Brautigan Brauti10
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Message par Tristram Mer 21 Déc - 15:26

Ci-dessous un extrait de Mémoires Sauvés du Vent, au passage évoqué par Bix, où le gamin/ narrateur/ auteur observe le couple de pêcheurs du dimanche au bord de l’étang :  

« J’étais devenu si petit et si tranquille dans l’herbe qui bordait l’étang que c’était à peine si l’on aurait pu me remarquer ; c’est à peine si j’étais là. Je crois qu’ils m’avaient oublié. Je restai assis à regarder leur salon qui brillait dans l’obscurité sur la rive de l’étang. On aurait dit un conte de fées qui fonctionnait gaiement au beau milieu du gothique ambiant de l’Amérique d’après-guerre, avant que la télévision ne fasse de l’imagination de l’Amérique une infirme et ne fasse rentrer les gens chez eux, leur interdisant de vivre leurs propres fantasmes avec dignité. »

Voici un extrait de la postface de Marc Chénetier aux Mémoires Sauvés du Vent, qui analyse de façon judicieuse le style de l’auteur :

« Transition de phase, transition de phrase… L’obsession dicte de permanents retours et l’écriture se grumelle de trop fortes pincées de passé. Les redites, les redondances, les circularités, les forages à répétition, les accumulations de temps de tous les modes et de toutes les voix s’agrègent aux adverbes et aux locutions qui s’acharnent avec l’énergie désarmée de l’innocence à faire rebrousser chemin au regard. […]
La phrase de Brautigan hoquette et se rebelle, refuse soit d’avancer plus avant, soit de se clore, s’enfonce dans des méandres dont elle peine à sortir, refuse de trier le temps, accomplit son œuvre parenthétique, joue les refuges, les vernis, la peinture qui, dit-on, parvient seule à maintenir certains murs lézardés. »

Depuis que j’ai abordé l’œuvre mélancolique , gentiment ironique de ce chantre du dérisoire, je reste sensible à sa note inexprimable, touchante. Je ne suis pas certain que des extraits hors contexte puissent la rendre...

« Je ne vous donnerai pas les raisons. J’ai peur que trop d’humour gâche cette histoire, et d’ailleurs, ce n’est même pas moi qui suis en cause dans cette histoire. Moi j’étais seulement allé faire un tour. »
Vacances en Allemagne », in La vengeance de la pelouse

Ambiance dans Un privé à Babylone :

« Je ne sais pas comment les gens font pour vivre comme moi. »
« J’y allais au jugé, mais tout ce que je faisais à l’époque je le faisais au jugé ; et ça commençait le matin au réveil ; j’avais une chance sur cinquante d’aller pisser le matin sans m’en foutre une demi-vessie sur les pieds, si vous voyez ce que je veux dire. »
« Elle avait été très belle dans la vie. Morte, elle avait l’air morte. »

Quelques citations tirées du recueil Tokyo-Montana Express (le texte Fantômes  est cité in extenso) :  

« Soudain je m’aperçus que j’étais là, debout dans la rue, à méditer sur des élastiques. »
Élastiques
« Ce qui fait qu’au bout d’un moment, tous ceux qui me connaissent en arrivent à dire que la bière, j’en bois beaucoup. C’est pas moi qu’irai dire le contraire. Et d’abord je vois pas pourquoi j’irais faire ça, hein. Non tiens, la bière, j’en ai pas honte. »
Histoire de bière
« Elle avait le visage buriné de patience, dans ses yeux le temps qui n’est pas se perdait en échos. »
Le pont en forme de chaîne de pneu-neige
« La Californie a une jolie explosion démographique sur les bras. L’État compte près de vingt millions d’habitants dont quarante-huit hommes enfermés au quartier des condamnés à mort de la prison de Saint Quentin. »
Le menu : 1965
« Parfois, juste avant de m’endormir, je pense à elle ; d’elle pourtant tout ce dont j’arrive à me souvenir c’est qu’elle avait un chien. Nous nous étions rencontrés dans un bar. Nous avons fait un brin de causette. Nous avons bu quelques verres. Et puis nous sommes allés chez elle. Il y avait un vélo dans la pièce de devant. Et je me suis quasi cassé le nez dessus. Elle l’avait mis juste derrière la porte.
Et nous avons fait l’amour.
Et elle, elle avait un chien. »
Fantômes
« Je passe une grande partie de ma vie à m’occuper de petites choses, de petits bouts de réel qui sont aussi minuscules que la pincée de sel qu’on ajoute à un plat si compliqué qu’il faut deux jours, parfois même plus, pour le faire cuire. »
Thym et pompes funèbres : étude
« Il est des fois où j’en ai fini d’écrire quelque chose – tiens, pourquoi pas même ceci par exemple –, je me demande si je fais rien autre chose qu’à n’importe qui distribuer d’inutiles prospectus, si moi aussi je ne suis pas petit vieux qui planté sous la pluie, dans de merdiques habits passe son temps à tendre sa pancarte, celle où l’on parle cabaret rempli de squelettes de femmes jeunes et qui, belles et affriolantes, des dominos ont le claquement lorsque de la porte où vous vous tenez lentement elles s’approchent. »
Le vieil homme qui travaille sous la pluie
« J’avais une souris morte dans le cœur.
Que faire ?
J’en étais encore à me trouver réponse à cette deuxième et mignonne question lorsqu’une jolie femme du Japon s’assit à la table d’à côté. Sa table était toute proche ; la dame portait parfum délicat mais puissant – la mort, oui, mais dans une autre direction. Et de ce parfum l’odeur me permit d’oublier celle que de souris morte j’avais dans le cœur.
La dame est à l’instant même assise à mes côtés. Si seulement je pouvais lui dire ce que je viens de vous raconter sur ma souris, sur mon parfum : elle ne me comprendrait sans doute pas.
Tout ira bien – jusqu’à ce qu’elle me quitte.
Que faire après ça ? voilà ce à quoi il fut maintenant trouver réponse : absolument. »
Souris

Et maintenant, extraits du fameux Cahier d’un retour de Troie :

« Il est permis d’espérer qu’il se passera bientôt quelque chose de plus passionnant.
Ce serait bien. »
« L’une de ces choses étant un cimetière japonais dans l’île de Maui, à Hawaii, mais il va d’abord se produire ici une digression brutale vu que j’ai d’une certaine façon le sentiment que si je n’écris pas maintenant ce qui va suivre, ça ne sera jamais écrit, alors soyez patient avec moi et je reviendrai au cimetière japonais d’Hawaii dès que ce sera possible. »
« Il fait partie de ces gens qui dans un livre normal, pas celui-ci malheureusement, atteindraient à la stature de personnages mémorables. »
« …] l’un des échecs programmés de ce livre consiste à essayer de faire constamment fonctionner passé et présent de façon simultanée. »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par bix_229 Mer 21 Déc - 15:35

Je pense que Brautigan qui séjournait alors au Japon par amour d' une femme, s' est imprégné
tant que faire se peut de l' atmosphère culturelle et notamment de l' esprit elliptique et lapidaire
du haiku.


Besoin du cobalt  


Cela fait juste partie de ces choses.

Quand on a besoin de cobalt

rien d' autre ne

suffit.

Tokyo, le 2 juin 1976


Bar américain à Tokyo


Me voici dans un bar rempli d'

Américains

jeunes snobs traditionnels,

qui boivent et essayent de lever des

Japonaises

pretes à coucher avec des types

comme eux.

C' est dur de trouver la moindre poésie

ici

ainsi que ce poème en témoigne.

Tokyo, 5 juin 1976


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Message par bix_229 Mer 21 Déc - 15:37

Pas de retour vers le passé


Le cordon ombilical
ne peut être rattaché
et transmettre la vie
à nouveau


Nos larmes ne sèchent jamais
totalement




Notre premier baiser est à présent un fantôme
qui hante nos bouches tandis qu' elles
s' estompent
vers l' oubli.


Tokyo
le 19 juin 1976
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mar 11 Juil - 9:24

poésie - Richard Brautigan Brauti10

Je profite de l'occasion pour ressortir le fil de l'oubli. Richard Brautigan se débrouille en poésie même si les textes dans ce recueil sont de différentes factures et pas toujours de la poésie versifiée qui coule, et pourtant...

éveil

Le chien était tombé sur la route du haut d'une
falaise et des camions et des voitures lui avaient roulé
dessus, je suppose, parce que le chien n'était pas plus
épais qu'un pouce.
*
Le chien était blanc et ses tripes étaient blanches
*
Quand j'ai vu le chien, l'espace d'un instant, je n'y
ai pas cru.
*
Puis j'ai dû m'y faire.
*
Puis j'ai commencé à pleurer.
*
J'avais cinq ans.
Le chien était le premier animal mort que je voyais
de ma vie.
*
Avant, je pensais que tout vivait pour toujours.

Extrait (p. 207)

Tant pis s'il écrit mal, mais dans l'essence beat c'est à peu près ce qui s'écrit de mieux - en tout cas pour moi...
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Message par bix_229 Mar 11 Juil - 14:46


"Avant, je pensais que tout vivait pour toujours."

Moi aussi !

Merci Jack !
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Message par bix_229 Mar 11 Juil - 16:37

Je vis au Vingtième siècle

et tu es allongée à coté de moi

Tu étais malheureuse quand

 tu t' es endormie.

Je ne pouvais rien y faire,

j' étais désespéré.

Ton visage est si beau que

je ne peux pas m' arreter

pour le  décrire, et il n' est rien

que je puisse faire pour te

rendre heureuse pendant que tu dors.

.................................................................

Les choses s' incurvent lentement

hors de vue

jusqu' à disparaitre tout à fait.

Après ne reste plus que la courbe.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Lun 27 Nov - 12:26

Toujours dans Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus :

bien sûr que nous ne vivrons pas heureux
à jamais


Pour parler franchement,
je veux t'embrasser
si doucement
que tu éprouveras
à mon égard
pour la première fois
la paralysie de l'amour.

(Bien sûr, on ne
vivra pas heureux à jamais,
mais seulement
à la façon
des êtres humains.)

J'aime bien sa mentalité et la tendresse dont il fait preuve.
Jack-Hubert Bukowski
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Message par Tristram Dim 28 Juin - 0:29

Le général sudiste de Big Sur

poésie - Richard Brautigan Le_gzo11

Le premier roman de Richard Brautigan commence par une évocation de la guerre de Sécession, avec notamment la bataille de Wilderness (dont Lance Weller fut le chantre), et des Indiens Digger de Big Sur, évoqués par nombre d’auteurs du Nature writing :
« On dit que ces Indiens ne portaient pas de vêtements. Ils n’avaient ni feu, ni abri, ni culture. Ils ne faisaient rien pousser. Ils ne chassaient pas et ne péchaient pas. Ils n’enterraient pas leurs morts et ne donnaient pas naissance à leurs enfants. Ils vivaient de racines et de bernicles, et restaient agréablement assis sous la pluie. »
Jesse, le narrateur, et son pote, Lee Mellon, y squattent des cabanes sommaires :
« Ce matin j’ai vu un coyote dans les sauges juste au bord de l’océan – l’arrêt suivant c’est la Chine. Le coyote faisait comme s’il avait été au Nouveau-Mexique ou dans le Wyoming, sauf qu’en dessous, il y avait des baleines qui passaient. C’est ça ce pays. Viens à Big Sur que ton âme trouve un peu de place pour sortir de sa moelle. »
Ils incarnent une époque ultérieure :
« "À seize ans, je me glissais aux cours de l’université de Chicago, et j’ai vécu avec deux étudiantes noires extrêmement cultivées", dit Lee Mellon. "Nous couchions tous les trois dans le même lit. C’est ce qui m’a aidé à perdre mon accent du Sud." »
Globalement, c’est la déglingue, et la culture hippie vécue ; on y croise Henry Miller ; personnellement, j’ai aussi aperçu le fantôme Jack Kerouac…
« Étrange successeur de Vasco Nunez de Balboa, Lee Mellon cherchait des mégots au bord du monde occidental, et tout le long du chemin jusque chez nous, trouvant ici et là un exilé du royaume du tabac. »
Il y a peu d’action au début…
« Huit heures plus tard, j’étais assis avec une fille dans un petit bar de Monterey. Elle avait un verre de vin rouge devant elle, et moi un martini. C’est ainsi parfois. Impossible de prédire l’avenir et de comprendre le passé. Lee Mellon, fin soûl, avait fini par rouler par terre. J’avais lavé au jet le vomi dont il était couvert, et je l’avais recouvert d’un grand morceau de carton pour que la police ne le trouve pas. »
C’est aussi et surtout le souffle de la jeunesse, une sorte d’innocence, sa fraîcheur, une grâce difficile à expliciter (un côté Salinger ?), de l'humour et de la poésie.
Voici un petit chapitre in extenso :
«
HAIKAI DE L’ALLIGATOR DANS LE DESERT

Il pleuvait maintenant très fort, le vent hurlait comme l’armée sudiste à travers le trou dans le mur de la cuisine. Le désert – des milliers de soldats occupaient le pays – le désert !
Elizabeth et Lee Mellon étaient partis dans une autre cabane. Ils avaient quelque chose à régler. Nous sommes restés seuls, Élaine et moi, avec les alligators.
*
6 mai 1864. Un lieutenant est tombé, mortellement blessé. S’enfonçant de travers dans la mémoire, un marbre classique commença à pousser sur ses empreintes digitales. Comme il reposait là sublime aux yeux de l’histoire, une autre balle frappa son corps, et le fit tressaillir comme une ombre dans un film. Peut-être Birth of a Nation. »
Puis c’est un délire psychédélique complet dès que la marijuana entre en jeu.
« Maintenant, j’étais vraiment parti. De petites vacances à l’abri du bon sens. Pendant que Lee Mellon s’occupait de la marijuana, je planais de plus en plus. »
« Elle m’a ôté mon slip. J’avais dû le mettre en me réveillant, mais je ne m’en souvenais plus. Ce n’était guère important mais j’en fus surpris. On ne devrait pas être surpris par des choses comme ça. »

Mots-clés : #jeunesse #lieu #nature #xxesiecle

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Message par Bédoulène Dim 28 Juin - 10:08

merci Tristram, faudrait que j'aille peut-être faire un tour chez Brautigan

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Message par Tristram Jeu 13 Aoû - 22:25

L'avortement ‒ Une histoire romanesque en 1966

poésie - Richard Brautigan L-avor10

Le narrateur est bibliothécaire dans une bibliothèque spéciale :
« Je fais l’"ouverture" de la bibliothèque à neuf heures chaque matin et la "fermeture" à neuf heures du soir mais je suis sur place vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine, pour recevoir les livres. »
Les gens viennent y déposer les livres qu’ils ont écrit !
« L’emplacement des livres est sans importance aucune, car personne n’emprunte jamais de livres et personne ne vient jamais en lire sur place. Ce n’est pas ce genre de bibliothèque-là. C’est un autre genre de bibliothèque. »
Curieux auteurs :
« Dans ma maison un grand cerf, de Richard Brautigan. L’auteur était grand et blond, avec une longue moustache jaune qui lui donnait l’air anachronique. On aurait dit quelqu’un qui se serait trouvé plus à son aise dans une autre époque.
C’était la troisième ou la quatrième fois qu’il apportait un ouvrage à la bibliothèque. A chaque nouveau livre, il avait l’air un peu plus vieux, un peu plus fatigué que la fois précédente. Il avait encore l’air jeune, du temps où il avait apporté son premier livre. Je ne me souviens plus du titre, mais cela parlait, je crois, de quelque chose, en Amérique.
"Et celui-ci, de quoi parle-t-il ?" lui ai-je demandé, parce qu’il avait l’air de quelqu’un qui attend qu’on lui pose une question.
"Bof, c’est un livre. Sans plus", a-t-il répondu.
J’avais dû mal interpréter son air d’attendre. »

« L’Œuf pondu deux fois, de Béatrice Quinn Porter. Selon la déclaration de l’auteur, ce recueil de poésies était la quintessence de toute la sagesse et la philosophie qu’elle avait acquises en vingt-six ans passés à s’occuper d’un élevage de poules, à San José.
"C’est p’têt pas de la poésie, m’a-t-elle dit, parce que moi, des études, j’en ai pas fait. Mais alors, question poules, faites-moi confiance, je m’y connais." »
Puis c’est la rencontre de Vida, délicatement gauche, excessivement attirante :
« Elle était la copie conforme des plus fous désirs de l’homme occidental de la seconde moitié du XXe siècle en matière de silhouette féminine : les seins lourds, la taille fine, de larges hanches et des jambes très longues dans le style du mobilier Playboy.
Elle était si belle que les gens de publicité l’auraient classée monument national, s’ils avaient pu lui mettre les pattes dessus.
Alors, ses yeux bleus virevoltèrent comme l’eau au fond d’une piscine et elle se mit à pleurer.
"Ce livre parle de mon corps, dit-elle. Je le déteste. Il est trop grand pour moi. C’est le corps de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas le mien."
J’ai fouillé dans ma poche et j’en ai sorti un mouchoir et une poignée de caramels. Les gens, en temps de détresse ou de chagrin, je leur dis toujours que tout va s’arranger et je leur donne des caramels. Cela les prend par surprise et leur fait du bien. »
Ils s’aiment, vivent ensemble dans la bibliothèque, puis elle est enceinte. Conseillés par son ami Foster, ils vont à Tijuana afin que Vida s’y fasse avorter.
« L’aéroport international de San Francisco est un lieu gigantesque, escalatoresque, marbresque et cybernétiesque et il tient à représenter pour nous une chose à laquelle nous ne sommes pas sûrs d’être encore tout à fait prêts. »
De retour à San Francisco, il est viré de la bibliothèque, mais la vie continue.
« Vida et moi, nous nous tenions la main. Nos mains étaient ensemble dans nos mains, tandis que notre vrai destin s’approchait de nous. Le ventre de Vida était plat et parfait et il allait le rester. »
Bien que mal traduit, le style de Richard Brautigan garde sa distinctive fraîcheur benêt et loufoque, poétiques divagations du flux de conscience filant de simples détails du quotidien, mais le passage à Tijuana est d’une tristesse rendue je ne sais comment.

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Message par Bédoulène Ven 14 Aoû - 11:20

@ Tristram "mais le passage à Tijuana est d’une tristesse rendue je ne sais comment." ?

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