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Andreï Makine

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Message par tom léo Mer 14 Déc - 16:17

Andreï Makine
Né en 1957  


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en russe : Андрей Сергеевич Макин, né le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk/Sibérie, est un écrivain et académicien français. Dès l’âge de quatre ans, il devient bilingue grâce à une vieille dame française qui s'occupe de lui ; elle est nommée Charlotte Lemonnier et présentée comme la grand-mère du narrateur dans le roman autofictif « Le Testament français ». La famille s'installe à Penza, puis à Novgorod.

Durant une scolarité erratique, il étudie notamment et à partir de l’école primaire le français. Il étudie à l'université de Kalinine, rédige une thèse de doctorat d'État sur la littérature française contemporaine intitulée « Roman sur l'enfance dans la littérature française contemporaine (des années 70-80) » à l’université de Moscou, et enseigne la philologie à l'Institut pédagogique de Novgorod, où il collabore à la revue Littérature moderne à l'étranger.

En 1987, à trente ans, il s'installe clandestinement à Paris puis demande l’asile politique, qu'il obtient. Il mène d'abord une vie précaire, qu'il décrit comme un « désespoir permanent ». Il est d'abord assistant de russe au lycée Jacques-Decour, puis dépose une thèse de doctorat sur Ivan Bounine — intitulée « La Prose de I.A. Bounine : la poétique de la nostalgie » — à la Sorbonne. Il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris5 et envisage une carrière universitaire en littérature slave.

Son premier roman, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, paru en 1990, est le point de départ d'une carrière littéraire avec le français comme langue d'écriture. Il obtient en 1995 les prix Goncourt, Goncourt des lycéens et Médicis pour son roman « Le Testament français ». L’obtention du Goncourt lui vaut, entre autres, d'obtenir la nationalité française en 1996, ce qui lui avait été précédemment refusé.

En 2011, il révèle qu'il a publié des romans sous le nom de Gabriel Osmonde.

Le 3 mars 2016, il est élu membre de l'Académie française au premier tour, au fauteuil occupé précédemment par Assia Djebar. Il sera reçu le 15 décembre de la même année par Dominique Fernandez.

Il vit à Paris.


Œuvres:

Sous le nom d'Andreï Makine :

   1990 : La Fille d'un héros de l'Union soviétique : Page 1
   1992 : Confession d'un porte-drapeau déchu
   1994 : Au temps du fleuve Amour : Page1
   1995 : Le Testament français
   1998 : Le Crime d'Olga Arbélina
   2000 : Requiem pour l'Est
   2001 : La Musique d'une vie
   2003 : La Terre et le Ciel de Jacques Dorme :  Page1
   2004 : La Femme qui attendait : Page 1
   2006 : Cette France qu'on oublie d'aimer
   2006 : L'Amour humain : Page 1
   2007 : Le Monde selon Gabriel
   2009 : La Vie d'un homme inconnu : Page 1, 2
   2011 : Le Livre des brèves amours éternelles : Page 1
   2013 : Une femme aimée : Page 1
   2014 : Le Pays du lieutenant Schreiber :  Page1
   2016 : L'Archipel d'une autre vie : Page1
2021 : L'Ami Arménien : Page 1, 2

Sous le nom de Gabriel Osmonde :

   2001 : Le Voyage d'une femme qui n'avait plus peur de vieillir, Albin Michel
   2004 : Les 20 000 Femmes de la vie d'un homme, Albin Michel
   2006 : L'Œuvre de l'amour, Pygmalion
   2011 : Alternaissance, Pygmalion

màj le 23/04/2021





J'aime bien commencer ce fil sur Andreï Makine, dont j'ai lu quasimment l'oeuvre complète (jusqu'à maintenant)?! Oui, je le considère actuellement comme le meilleur écrivain francophone (même s'il ne faut pas trop comparer) et c'est par cela qu'il a sa place dans cette rubrique-ci. C'est par ailleurs étonnant qu'un auteur d'origine russe arrive à si bien maîtriser la langue français ! Au point que toutes les références données en haut sont des livres écrits en français, et pas des traductions, comme on soupçonnait au début. Une fois j'ai pu l'entendre parler sur tout et rien, et on voyait littéralement comment il cherchait d'être au plus près avec ses mots de ce qu'il voulait vraiment exprimer.

Ce qui m'attire en ses livres c'est d'un coté un certain ancrage dans un réel pârfois très dur, lié avec la guerre, ou des conflits ou des tensions autres… Mais de l'autre coté se dégage quelque part aussi une lumière, une lueur qui donne l'espoir « d'une autre vie ». Probablement l'auteur déclinerait une adhésion claire à une fois (j n'ai rien trouvé là-dessus), mais il me semble clair qu'il est ouvert, comme transparent vers d'autres dimensions. Qu'il y a comme une soif de transcendance, d'amour quelque part. C'est pour cela qu'à mes yeux ses écrits me paraissent spirituellement très riches, nourrissant toujours une réflexion personnelle.

On devine dans ses livres derrière ou après toute la fiction une part autobiographique. Certaines scènces trouvent leur origine dans un vécu. Et ainsi – dans une période où il paraissait un peu inconnu et secret – on a eu des bribes de son histoire. On souponne des périodes de sa vie… Dans la biographie on parlait alors d'auto-fiction. Cela vaut très probablement d'autres livres aussi, se nourrissant de rencontres, d'entretiens, de souvenir d'enfance etc
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Message par tom léo Mer 14 Déc - 17:14

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La fille d'un héros de l'Union soviétique


1990

Ivan est en 1941 dans la Russie occidentale témoin impuissant du massacre de sa mère et de son frère par les Allemands. Il peut s’enfuir et s’engage, en trichant sur son âge, à l’armée. Pour sa participation courageuse dans des batailles, aussi à Stalingrad, il recevra des plus hautes décorations et devient un « héros » qui pendant longtemps sera invité aux cours à l’école et doit encore et encore raconter des histoires dont à la fin il perd presque le savoir sur ce qui était et n’était pas vrai et vécu. Après une bataille il est trouvé in extremis par une infirmière qui deviendra plus tard sa femme, Tatiana. Ensemble ils traverseront des dates, des périodes clés de l’histoire soviétique. Leur fille Olia travaillera comme traductrice, d’abord aux Jeux Olympiques de 1980. Une affaire avec un sportif français est habilement utilisé par le KGB de l’insérer de plus en plus dans le réseau de l’espionnage en la faisant se prostituer auprès des hommes d’affaires.

Voici seulement quelques idées sur le contenu si bien fisselé et riche en si peu de pages. Mais combien de mythes seront détruits ici ? Comment sont étroitement liés le destin personnel avec la grande Histoire ? Est-ce que l’amour, le bonheur est possible ?

Déjà dans son premier roman, écrit (publié?) en 1990 on trouve des thèmes et un style chers à Makine. Ici l’intrigue est intimement lié avec l’histoire soviétique/russe. Cela commence sous Staline et les années terribles de la Grande Guerre Patriotique et nous accompagnerons Ivan et Tatiana à travers des années terribles de la famine d’après-guerre, leur fuite vers l’ailleurs, la mort de Staline, et un bonheur plus tranquille sous les dirigeants suivants dont Makine brosse des portraits brefs mais très perspicaces. On va aller jusque dans les années Gorbatchev. Une vision réaliste et historique avec une multitude de détails de la vie pratique d’un coté, et aussi une certaine poèsie : éléments de la prose de Makine.

D’un coté la décoration comme héros de la guerre apporte des petits avantages et récompenses. Mais puis montent des doutes, de temps en temps, ce qu’il en était vraiment de la vérité ou si on n’est pas en train de construire une histoire, loin de la réalité des batailles affreuses et si déshumanisantes. Et même l’élément de perte de soi, ou de soif d’ailleurs va être ignoré, va aussi être détourné par les responsables en idéologie. Le héros, mais plus tard par une autre manière aussi sa fille, vont être instrumentalisés par le système pour les intégrer dans leur propagande et créer une réalité opportune. Makine décrit remarquablement bien la naissance d’un mythe, la sacralisation du héros et aussi…, sa chute. Ce qui nous rend les acteurs si proches, ce n'est pas juste leur statut de victime, mais leurs doutes légers, leur mise en question des données autour d’eux. La recherche du bonheur, au-delà d’une instrumentalisation, nous les rapproche.

Ce premier livre de Makine (mais pas lu comme le premier) fut comme toujours un bonheur. C’est avec grande joie que je vois encore quelques lectures à découvrir, et que j’attends des livres futurs d’un des meilleurs écrivains francophone contemporain (à mon avis) !


mots-clés : #politique #historique
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Message par tom léo Jeu 15 Déc - 22:27

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Une femme aimée


CONTENU :
Ed du Seuil a écrit:Défendre cette femme... Effacer les clichés qui la défigurent. Briser le masque que le mépris a scellé sur son visage.

Aimer cette femme dont tant d’hommes n’ont su que convoiter le corps et envier le pouvoir.

C’est cette passion qui anime le cinéaste russe Oleg Erdmann, désireux de sonder le mystère de la Grande Catherine. Qui était-elle? Une cruelle Messaline russo-allemande aux penchants nymphomanes? Une tsarine clamant son « âme républicaine »? La séductrice des philosophes, familière de Voltaire et Diderot, Cagliostro et Casanova? Derrière ce portrait, Erdmann découvre le drame intime de Catherine ? depuis son premier amour brisé par les intérêts dynastiques jusqu’au voyage secret qui devait la mener au-delà de la comédie atroce de l’Histoire.

L’art de ce grand roman transcende la biographie. L’effervescence du XVIIIe siècle européen se trouve confrontée à la violente vitalité de la Russie moderne. La quête d’Erdmann révèle ainsi la véritable liberté d’être et d’aimer.

REMARQUES :
Cathérine la Grande, le 18ième siècle – et qu'est-ce que cela a à faire avec nous, avec cet Oleg Erdmann, ce cinéaste russe, né en 1954, qui s'intéresse si passionément à la vie de la tsarine de souche allemande ? Et voilà un premier point commun : C'était la même Catherine qui a fait venir dans la deuxième moitié du 18ième siècle des Allemands dans l'Empire Russe. Et parmi eux alors les aieuls d'Erdmann aussi. Et quand on se rappelera dans sa famille des reproches de colloboration ou tout simplement de ses origines allemandes, on dira avec un petit sourire «et tout cela à cause d'une petite princesse allemande ».

Alors, comment s'approcher d'une vie, comment la décrire ? Erdmann/Makine nous propose plusieurs grilles de lectures : certaines dates clés de sa biographie ; le changement incessant des amants multiples chez cette nymphomane insatiable (sic?) ; ses changements, reformes proposés et imposés par une vision éclairée d'impératricce absolutiste (sous son regne la Russie était en certains points bien en avance dans les « droits humains »...) sous l'influence d'un Voltaire, d'un Diderot ; l'agrandissement de l'Empire par la fondation de villes, d'administration structurée, des guerres...

En quatre chapitres l'auteur saute souvent de ce niveau « historique » du temps de la tsarine vers la Russie d'aujourd'hui des dernières décennies. En celles-ci Erdmann cherchent à adapter la vie de Cathérine dans des films, comme scénariste, comme metteur en scène, dans des versions plus ou moins censurées et existentielles. Et au même moment toute sa vie peut se lire en dialogue avec des événements de la vie de la tsarine.

Mais où se trouvent les interrogations et la recherche d'un Erdmann et, en lui, probablement de Makine ?:
Où est le noyau de vérité d'une personne, d'un homme, d'une femme ? Est-ce qu'on peut vraiment (cette question nous revient souvent) réduire cette femme au jeu du pouvoir et du sexe, à une suite de copulations ? Comment la réprésenter comme un être plus vaste, avec ses désirs, sa recherche d'amour, dans sa complexité ? Qui profite de qui : Cathérine de ses amants (vraiment aimés semble-t-il) ou ces amants de la richesse et de l'influence de la tsarine qui les comblent de cadeaux ?...

Ce sont, transposées, des questions similaires qu'on pourrait poser vis-à-vis d'Erdmann dans sa vie professionnelle et amoureuse, et à nous tous... Et voilà que l'Histoire, l'histoire gagne un autre lien directe avec la réalité d'aujourd'hui. Ce niveau de la narration débute au début des années 80, encore sous Brejnev et puis Andropov, au temps des jeux de Moscou et ensuite. Erdmann doit gagner une part de sa vie dans les abattoirs et vit simplement dans un « appartement de communauté » (Kommunalnaya). Au même moment il lutte ensemble avec le metteur en scène Kozine avec la censure soviètique pour monter et montrer une telle version plus complète, existentielle de la vie de la tsarine. Mais qu'est-qu'on aimait voir, ne pas voir dans un temps où « tous les tsars étaient quasimment par définition sanguinaire et des nuls, et contre le peuple de toute façon etc ? Est-ce que cela serait le bienvenu de présenter la tsarine avec des interrogations et aspirations plus profondes ? Comment intégrer un tel message dans un film soviètique ? (Plus tard il y aura quand même un clin d'oeil vers Tarkovski qui y a réussi!)

Plusieurs années ont passé et nous nous trouvons en 1994 au temps d'Eltsine : Maintenant Erdmann devrait réaliser pour son ex-ami et milliardaire Jourbine une nouvelle adaptation du sujet de Cathérine. Mais qu'est-ce qui s'impose maintenant comme « censure ou barrière » ? C'est la logique frénétique du marché qui, lui non plus, ne veut pas des films intellectuels, demandant une interrogations. Non, on est amené à tourner une de ces versions en 101 épisodes, un soft-porno ! Pas de place pour de la profondeur ! Cela n'attire personne !

Et voilà qu'on arrive à cette conclusion bizarre qu'aussi bien sous le régime totalitaire que sous le nouveau pouvoir on n'est plus ou pas capable de voir ce plus de l'être humain, sa quête la plus profonde pour le bonheur d'amour... L'impossibilité donc de montrer l'être humain dans sa complexité, imposer plutôt la simplification et les schématas !

Désenchantement ? Mais aussi invitation à resister autrement, montrer qu'une « autre vie est possible ». Dans ce sens-là Erdmann n'abdique pas complétement : à la fin du livre se dessine très doucement une autre possibilité pour lui.

Donc, un livre extrêmement riche qui m'a convaincu ! Makine poursuit son œuvre et nous devrons essayer de discerner certaines interroagtions fortes. Un livre plein de connaissances historiques, mais qui ne se laisse certainement pas reduire à un roman historique. Restent des questions essentielles :
Qui est l'homme ? Chercher à aimer et être aimé...



mots-clés : #historique #creationartistique
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Message par tom léo Dim 18 Déc - 21:54

aventure - Andreï Makine 511ljo11

La Femme qui attendait

2004

CONTENU :
L’Union Soviétique au milieu des années 70 : Du milieu artistique et estudiantin un peu décadent de Leningrad un jeune étudiant de 25 ans vient pour les « études des mœurs » dans un village isolé au bord de la Mer blanche.
Au milieu de vieilles femmes desquelles elle s’occupe : Véra. Elle est encore attractive, attend depuis déjà une trentaine d’années le retour du bien-aimé, parti juste avant la fin de la guerre pour le front.
Le jeune étudiant est attiré par cette femme et essaye de comprendre sa vie…

OPINION :
Le jeune visiteur de la métropole - qui semble se vanter de posséder la vérité de la vraie vie - et peut-être nous avec lui, nous devons réviser à plusieurs reprises les jugements hâtifs sur cette femme, et corriger les formulations bien tournées qui essaient de cerner trop rapidement le mystère d’une vie et ne peuvent pas correspondre à l’attitude vécue par cette femme : Véra est ni coincée ou retardée, ni bête ou sans plaisir de la vie. Lentement une commisération et un regard décalé se change en respect, car cette femme ne s’est pas juste sacrifiée, mais a choisi une vie, a pris une option si incompréhensible pour beaucoup.

Makine réussit à nouveau, comme dans plusieurs de ses romans, de confronter des mondes : ici la vie trépidante, mais superficielle de la deuxième capitale et des fois la vie désillusionnée dans les campagnes, et puis, cette femme, qui a fait une autre choix. Le tout inséré dans un paysage de la Russie campagnarde. Certaines scènes sont d’une beauté incroyable : le désir de donner une vie décente aussi à ces vieilles femmes seules, mourantes dans l’isolement. La héroïne rend la dignité, à elle-même, et à eux.

Bref, de ma part : recommandation !
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Message par Tristram Dim 18 Déc - 22:21

Il sait parler aussi de la France (manifestement exotique pour lui au début) :

« Les gens de notre Atlantide [la France] pouvaient donc éprouver un attachement sentimental envers un café, aimer son enseigne, y distinguer une atmosphère bien à lui. Et garder pour toute leur vie le souvenir que c’était là, à l’angle d’une rue, qu’on buvait du ratafia dans des coquilles d’argent. Oui, pas dans des verres à facettes, ni dans des coupes, mais dans ces fines coquilles. C’était notre nouvelle découverte : cette science occulte qui alliait le lieu de restauration, le rituel du repas et sa tonalité psychologique. ”Leurs bistros favoris, ont-ils pour eux une âme, nous demandions-nous, ou, du moins, une physionomie personnelle ?” »
Andreï Makine, « Le testament français », II, 1

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par tom léo Mer 21 Déc - 16:35

Oui, Tristram, on remarquera même et aussi plus tard, un grand attachement à la France. Je pense au livre consacré au Lieutenant Schreiber ou "le pamphlet de ne pas oublier la France...

On a déjà « bien » parlé des romans, partagés en admiration avec beaucoup. Mais « Un amour humain » ne semblait pas avoir plu autant chez les lecteurs?. D’accord: C’est sûr que Makine y change un peu l’univers, peut-être aussi de langage (?) et c’est peut-être toujours une tentation de notre part de le voir dans ses anciens sujets?! Moi de ma part, j’ai aussi aimé « Un amour humain » et je vais alors essayé de vous en parler :

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L’amour humain

CONTENU:
Un agent/journaliste russe raconte la vie de son ami Elias Almeida, un révolutionnaire de métier angolais: de ses expériences d’impuissance face à l’oppression et la souffrance dans l’Angola natale. Comme enfant il y a vécu et a rencontré d’autres résistants comme son père mais aussi un certain Ernesto (Che) au Zaïre. Puis il a une formation à Cuba, ensuite à Moscou pour après vivre des opérations en Afrique. Quelques expériences clés et particulièrement un amour « impossible » envers Anna,  une Sibérienne vivant à Moscou ; marquent sa vie pour toujours.

REMARQUES:
D’un coté le livre me paraissait d’une certaine simplicité envoutante: de point de vue de langue et de certains énoncés. Mais à voir de plus près on y découvre des changements de perspectifs constants, des retours en arrière, des anticipations etc. A coté de la narration apparemment chronologique de la vie d’Elias, il y a toujours à nouveau l’apparition « concentrique » de certains motifs et sujets à l’intérieur du « rapport ». Au début j’y voyais une manque de finition, mais dans une remarque très belle l’auteur nous donne à travers le narrateur le début d’une réponse : l’essentiel dans nos vie est au bout du compte dans quelques gestes, rencontres, paroles, lesquels nous font vivre et nous nourrissent, nous accompagnent une vie durant.

On peut lire l’histoire sur des niveaux divers :
- comme la vie d’un agent et révolutionnaire professionnelle lequel nous accompagnons dans son cheminement du début d’une révolte envers des situations inacceptables en passant par sa formation jusqu’à ses opérations actives
- comme une histoire de la lutte de libération et de la guerre civile angolaises
- comme une analyse, un dialogue assez profonde de l’auteur des contradictions et limites du communisme (comme il s’est montré historiquement)
- comme une belle histoire d’amour

Et encore autrement.

Il était fascinant pour moi comment Makine présente le personnage central sans jugement hâtif et critique superficielle du système communiste, lui (Makine) qui a quand même vécu et connu l’Union soviétique de l’intérieur et aurait pu avoir une tendance de polémiquer. Mais non, il met Elias dans une tension très authentique et presque spirituelle entre l’idéalisme et la fidélité envers la révolution et puis, de l’autre coté, un désenchantement, l’expérience de mettre en question et soi-même et les données extérieures. Il pose la/une question centrale : est-ce qu’après la révolution les hommes et les femmes vont être autrement ? Est-ce qu’ils auront un autre comportement ? Et après un cheminement il va ajouter : est-ce qu’ils vont apprendre à (s’)aimer ?

Makine décrit certaines scènes de sexe et de violence assez, inmakinément me paraît-il, crument  et puis, comme dans un contrepoint, on y trouve des passages d’une grande beauté, d’un vécu intense. Cela reflète bien le champ de tension dans lequel se meut Elias et, peut-être avec lui, nous autres.


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Message par Tristram Sam 24 Déc - 13:42


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Message par tom léo Ven 17 Fév - 15:59

aventure - Andreï Makine Bm_97810


Le livre des brèves amours éternelles  


CONTENU:
Dmitri Ress s’est décidé très tôt pour la révolte. Sa résistance contre le régime soviétique revêt un aspect original : il ne critique pas tellement le régime comme plutôt la majorité plus ou moins tranquille qu’il divise, un peu cyniquement, en trois catégories. Mais voilà : trois longs séjours dans des camps en résultaient très tôt dans sa vie, et il en sort, prématurément vieilli et va en mourir déjà à l’âge de 45 ans. Un ami d’un ami d’un ami – le narrateur ! – se demande après une brève rencontre avec ce personnage, si celui-ci n’a jamais eu le temps d’aimer ou si, par un cruel destin, il n’a pas raté l’essentiel d’une vie.

Dans le „maintenant“ de l’écriture, vers 2010, ce narrateur se rappelle de cette rencontre, faite il y a une trentaine d’années. Et il y associe des histoires (six) de sa propre vie, commençant avec l’enfance dans les années 60/70 dans l’ère Brejnev jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique. A leurs manières, ces histoires lient brièveté et éternité.

REMARQUE:
Est-ce qu’au début de ce roman il y a alors la rencontre avec quelqu’un qui semble ne pas avoir eu des chances, qui n’a pas pu, apparemment, connaître un bonheur ? Alors : danger d’un apitoiement?

Alors quand le narrateur pense, après coup, à ce Ress, il va y associer des souvenirs de sa vie (6). Apparemment plus brillants !? Mais à voir de plus près, chacune de ces histoires commencent aussi à leur façon par des abandons vécus, par la stérilité d’une répétition, par des expériences différentes d’exclusion. Et puis, comme par un éclair, un cadeau, un scintillement de quelque chose d’eternel, surgit une expérience d’amour, quelques fois dans un très bref lapse de temps.

D’un coup, me semble-t-il, l’expérience du temps (vécu) est chamboulée : il y a des périodes si courtes, des minutes mêmes, qui peuvent revêtir une apparence d’éternité et qui peuvent compter tellement plus que de longues périodes qui, souvent dans un regard en arrière, se laissent résumer par quelques paroles.

De là le titre paradoxe et significatif ? « Des brèves amours éternelles ».

Et après ces six histoires de la vie du narrateur on retourne vers ce personnage de Ress qui, par un entretien avec un ami commun, reçoit d’un coup encore un peu plus de relief. Est-ce qu’alors pour lui aussi il y avait eu une histoire, un moment d’amour qui valait la peine pour tout le reste ?
Comment devenir des hommes et des femmes qui savent discerner le beau ? Devenir des vrais poètes ?

Livre excellent, qui m’a plu énormément. On y retrouve ce mélange makinien entre poésie pure et des descriptions d’un réalisme, venant de la vie en URSS.
Mais la critique d’un système (communiste) s’étend à tous régimes qui font croire que tout soit prévisible ou ordonnable. Mais jamais on pourra donner (ou défendre) l’amour par décret. Ces moments ne pourront pas devenir en absolu des victimes des structures.

Splendide !


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Message par tom léo Mer 9 Aoû - 22:19

aventure - Andreï Makine 51s-lv10

La vie d'un homme inconnu

Points a écrit:En partant pour Saint-Pétersbourg, Choutov, écrivain et ancien dissident, espère fuir l'impasse de sa liaison avec Léa, éprouver de nouveau l'incandescence de ses idéaux de jeunesse et surtout retrouver la femme dont il était amoureux trente ans auparavant. Son évasion le mènera vers une Russie inconnue où il découvrira l'exemple d'un amour qui se révélera la véritable destination de son voyage.

REMARQUES :
Ce roman est divisé en plusieurs chapitres bien distingués : une première partie apparemment moins forte correspond pour ainsi dire à une entrée en matière. Peut-être les réflexions de Choutov (=Makine) semblent « moins russe », et surtout dans un ton, un style qu’on ne retrouvera pas dans la partie centrale, éblouissante. Ici, dans la première partie, le langage paraît désabusé. Plus tard je me suis dit qu’indirectement par ce chemin là on apprend aussi beaucoup d’une manière russe de voir les choses. Choutov, après trente années d’exil, parle de ses jugements sur la superficialité en France, et se rappelle, entre des lignes, d’un mode de vie russe, de valeurs russes qu’il croit encore éternels, dont Tchekhov est ici un symbole (symbole peut-être mal « souvenu », comme on apprendra vers la fin du livre…). Ce premier chapitre donc est seulement à apprécier dans l’ensemble du livre, et n’a pas beaucoup de valeur en soi.

Dans le deuxième chapitre Choutov se met en route pour Saint Petersburg, en pleine fête du tricentenaire ! Quelle déception : de l’image de la femme qu’il avait aimé et voulait revoir ne restera pas grande chose et la nouvelle société russe paraît superficielle, perdant tout ce que Choutov valorisait. «Dans cette société « tout est là, et pourtant une chose leur fait défaut ». (Splendide phrase !!!)

C’est la rencontre fortuite avec un locataire grabataire qui va rappeler une autre époque : l’Union soviétique que ce Volski raconte du temps du blocus de Leningrad, du temps de la Grande Guerre Patriotique (comme disent les Russes), et le séjour en camp et en bannissement. Mais surtout, au milieu de l’horreur, ce Volski raconte l’amour vécu avec Mila…

Je m’arrête là avec le récit, mais ce long passage du roman sur ces deux protagonistes est d’une beauté éblouissante, où on retrouve un Makine qui sait reprendre un motif, qui fait allusion, qui peint un tableau avec quelques coups de pinceau. C’est du grand art. Mais surtout, c’est d’une humanité profonde. On gardera en mémoire quelques scènes…, quelques paroles.

Le sujet le plus fort – pour moi – c’est l’évocation d’un bonheur possible au milieu d’un profond malheur réel. En ce qui concerne un monde meurtri, on trouverait les mots d’ »un monde transfiguré », sujet de prédilection dans la spiritualité et philosophie russe.

On pourrait se demander si – pensant au « présent » de la Russie, comme décrite par Makine avec un œil très critique – il veut vraiment seulement parler d’un passé, bref : être nostalgique d’une période passée. Mais j’aimerais bien y voir une invitation de toujours à nouveau retrouver l’essentiel, aujourd’hui même.
Pour ma part je nourris l’espérance qu’il y aura toujours des hommes et des femmes qui sauront vivre l’amour, la solidarité et une vie qui ne soit pas uniquement centrée sur eux-mêmes.
Dans ma visite en Russie et dans mes contacts (nombreux) avec des Russes, j’ai pu constater que quelque chose de cette ouverture, de la « bonne culture russe » si désirée par Makine reste vivante ! Malgré tout.



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Message par églantine Mer 9 Aoû - 22:29

Ah quelle lecture .....
Merci Tom ....Et sur ton sillage , comme souvent ....

La vie d'un homme inconnu

aventure - Andreï Makine 51s-lv10

Après avoir refermé "La vie d'un homme inconnu" , il m'a été difficile d'enchaîner sur une autre lecture tant le monde de Makine nous imprègne dans la puissance" des mots pour exprimer l'horreur de celui-ci engendrée par le cours de l'histoire !!! j'ai cependant eu quelques difficultés à aborder ce livre au départ : Effectivement la première partie semble "longuette" : notre héros fatigué semble trainer en lui un immense vide qui lui ote toute substance , on a le sentiment qu'il joue un rôle dans une mauvaise pièce de théatre , tout sonne faux .......Après trente années d'exil , Choutov apparait comme un être usé , élimé , qui essaie de se donner un peu de "coffre" en s'insurgeant contre la société européenne où tout n'est qu'artifice ......mais dans laquelle il s'est fondu , se donnant même l'illusion d'être amoureux d'une "midinette" de passage dans sa vie !!!! un moment clé de cet état dans ce passage nous met en lumière la cruelle lucidité de cet homme face à lui même :"Un jour, dans un café plein de monde , il se figea . "chout" signifie en russe un clown, disait Léa , un bouffon". Un clown triste , ajouta-t-il ........."
Mu par l'espoir de redonner un sens à sa vie , il décide de retourner à ST Petersbourg pour faire renaitre un amour de jeunesse idéalisé par la force du souvenir .........Finalement cette rencontre n'aboutit qu'à une déception :" L'amoureuse "d'autrefois n'existe plus , à présent c'est une femme moderne , légère , futile et tournée vers 'la fièvre des nouvelles raisons d'être après la démence très raisonneuse de la dictature"!!! Tout ce monde s'agite autour de lui dans la même frénésie que celle du monde européen , boulimique pour rattraper le temps perdu et finalement la Russie apparait comme une véritable caricature du monde occidental !!! Vladimir (Vlad , ça fait plus tendance et efface l'appartenance Russe), le fils de cette amoureuse perdue , travaillant dans le monde du livre représente à lui seul cette fuite en avant : 'La vérité, les historiens la réecrivent chaque jour.Nous, ce qui nous intéresse, c'est de proposer la vérité qui pousse le lecteur à sortir son porte-monnaie "
.........
Pour Choutov , cet amour perdu ne sera qu'un passage .............Pour nous aussi lecteur , cela importe peu ....... C'est par la rencontre avec une "mémoire " du temps passé à travers ce vieux monsieur grabataire oublié du présent , encombrant pour cette nouvelle génération qui n'aspire qu'à se propulser dans l'étourdissement de cette société de consommation , que Choutov va accéder au but profond de ce voyage : réveiller la douleur du passé par la narration de cette Russie du temps des Purges et de cette "grande guerre patriotique"
, pour mieux voir triompher la force et la puissance de 'amour face à l'horreur et l'absurde .....!
A travers cette rencontre et le narration crue et éblouissante de vérité , Choutov semble effectuer un véritable chemin initiatique ........ Pour retourner au coeur de l'humanité ......... Une humanité qui sait encore triompher des forces du mal .............Les valeurs sont là , intrinsèques à l'homme au delà de ces agissements absurdes et terrifiants .........
J 'ai été bouleversée par cette lecture , Makine possède l'art de trouver les mots justes avec son style incomparable , poétique et sobre à la fois .......une musique presque (douloureuse à entendre souvent ) pour transcrire un hymne à la vie ........ en s'appuyant sur le plus insensé et le plus insoutenable de ce que peut faire l'homme pour faire exalter la puissance sans fin de l'amour ...........
Je continue mon "petit bonhomme de chemin" avec une nouvelle petite lumière pour avancer .....Merci monsieur Makine !!!!!

Commentaire rapatrié
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Message par Tristram Jeu 10 Aoû - 0:17

Vous savez convaincre... c'est dans la LAL !

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Message par Tristram Mer 25 Oct - 16:25

Au temps du fleuve amour

aventure - Andreï Makine Au-tem10

Une adolescence en Sibérie, oscillant perdue entre Est et Ouest, uniquement traversée par le Transsibérien, « autour des trois pôles de notre univers : taïga, or, camp. »

« Et la vie au village s'est limitée peu à peu à trois matières essentielles : le bois, l'or, l'ombre froide du camp. »

« Et même le camp trouvait sa place dans cette harmonie calculée ‒ il fallait bien un endroit pour ceux qui se montraient momentanément indignes du grand projet, pour ces inévitables scories de notre existence paradisiaque. »

« Le village n'a rien su préserver de son passé. Dès le début du siècle, l'histoire, tel un redoutable balancier, s'est mis à balayer l'Empire par son va-et-vient titanesque. Les hommes partaient, les femmes s'habillaient de noir. Le balancier mesurait le temps : la guerre contre le Japon ; la guerre contre l’Allemagne ; la Révolution ; la guerre civile… Et, de nouveau, mais dans l'ordre inversé : la guerre contre les Allemands ; la guerre contre les Japonais. Et les hommes partaient, tantôt traversant les douze mille kilomètres de l'Empire pour remplir les tranchées à l'Ouest, tantôt pour se perdre dans le néant brumeux de l'océan à l'Est. Le balancier s'envolait vers l’ouest : les Blancs rejetaient les Rouges derrière l'Oural, derrière la Volga. Son poids revenait en balayant la Sibérie : les Rouges repoussaient les Blancs vers l'Extrême-Orient. On enfonçait des clous dans les troncs des cèdres [pour pendre les ennemis du moment], on dynamitait les églises comme pour aider le balancier à mieux effacer toute trace du passé.
Un jour, ce va-et-vient puissant a même projeté les hommes du village vers cet Occident fabuleux qui s'était démarqué jadis dédaigneusement de la Moscovie barbare. De la Volga, ils sont allés jusqu'à Berlin en dallant cette route de leurs cadavres. Là, à Berlin, cette horloge folle s'est arrêtée un instant – court moment de victoire, – et les survivants sont repartis à l’Est : il fallait, en finir avec le Japon, à présent… »

Le roman commence par une scène érotique aussi originale que stylée, puis c’est l’initiation du jeune narrateur à l’amour dans l’isolement sibérien (avec la prostituée qui attend le client dans la salle d’attente de la gare).

« Et nous resterons dans ce chef-lieu où la bagarre éternelle finit seulement quand la lumière s’éteint sous les rafales de la tempête. Dans notre village où l’unique souvenir c’est la guerre d’il y a trente ans qui a transformé toute la vie en souvenir. Et cette gare où la seule femme qu’on puisse encore aimer attend le Transsibérien qui ne l’emmènera jamais nulle part. ce monde ne nous lâchera pas… »

Avec ses copains Samouraï et Outkine, ils forment un trio (« Amant, Guerrier, Poète ») qui découvre l’Occident sous l’espèce de Belmondo, dont les films ressassés les arrachent à leur destinée étriquée. Cette inattendue influence française postrévolutionnaire, chargée de fantaisie, d’aventure, de liberté et d’individualité, est touchante à plus d’un point ; on songe à l’influence western en France…

« Belmondo s’installa, prit ses quartiers dans [le cinéma] L’Octobre rouge, juste à mi-chemin entre le bâtiment trapu de la milice et du KGB locaux et l’usine La Communarde où l’on fabriquait les barbelés destinés à tous les camps de cette région de la Sibérie… […]
De nouveau, les habitants qui passaient à côté du magasin se disaient avec une joie secrète : "Mais ils ont fait quand même une énorme connerie, ces apparatchiks, en l’installant là, sur l’avenue !" »

Isbas ensevelies sous la neige entre Europe et Asie, la Kharg-racine, une ancienne aristocrate qui leur parle de Proust et de la langue française, de « faire une femme » à l’érotisme, la « chair-argile » modelée par le rêve occidental…

« Mais cet amour était muet. Il se passait des mots. Il était impénétrable à la pensée. Et moi, j’avais déjà fait mon éducation européenne. J’avais déjà goûté à la terrible tentation occidentale du mot. "Ce qui ne se dit pas n’existe pas !" me soufflait cette voix tentatrice. […]
Ma décision fut prise. Et comme l’intensité de nos rêves provoque logiquement des coïncidences qui n’arrivent pas en temps ordinaire, je reçus bientôt un encouragement évident… »

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Message par Bédoulène Mer 25 Oct - 16:46

tu as apprécié ? (le livre est dans ma pal, mais j'ai besoin de temps)

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Message par Tristram Mer 25 Oct - 17:37

Il me semble que ça ne tient pas tout à fait la longueur... même si le roman n'est pas long.

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Message par Tristram Mer 29 Nov - 14:09

La terre et le ciel de Jacques Dorme

aventure - Andreï Makine La_ter10

Un jeune garçon dans un orphelinat pour enfants de héros déshonorés, déchus (une spécialité soviétique, que de vouer à la vindicte des boucs émissaires choisis parmi les proches antécédents), découvre la langue « apprise » (le français, par opposition à la langue maternelle, le russe) dans une bibliothèque saccagée de Sibérie. Seule autre distraction, la figuration obligatoire dans des cérémonies pour apparatchiks (et, une fois, De Gaulle). Une « tante », Française exilée, participe beaucoup à cette découverte du français, langue quasi disparue.
Stalingrad, seconde Guerre Mondiale : entre trains qui alimentent la guerre en carburant, armes et hommes, et ceux qui les croisent, partant dans l’autre sens avec les blessés et mourants, Alexandra, infirmière de la Croix-Rouge assignée à résidence, a rencontré Jacques Dorme, un aviateur français venu participer à l’effort de guerre (pont aérien Alaska-Sibérie)… Leur histoire d’amour dura une semaine.
Même savamment structuré, ce roman reste de facture classique, ce qui n’enlève pas au plaisir de lecture. Métaphores filées, justesse du vocabulaire : je l’ai lu comme du petit lait (petit, parce qu’il s’en trouve peu).
Seulement progressivement gêné par le parti-pris cocardier de ce panégyrique de l’héroïsme à la limite du pathos (cocorico et à bas les bolcheviks), même si la langue française est belle, et le totalitarisme abominable.

mots-clés : #deuxiemeguerre #enfance #regimeautoritaire

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Message par tom léo Mar 20 Fév - 7:21

aventure - Andreï Makine 41wwfz10

Le pays du lieutenant Schreiber


Le roman d'une vie

Originale : Français, 2014

CONTENU:
Andreï Makine a écrit: Je n’aurais jamais imaginé un destin aussi ouvert sur le sens de la vie. Une existence où se sont incarnés le courage et l’instinct de la mort, l’intense volupté d’être et la douleur, la révolte et le détachement. J’ai découvert un homme qui avait vécu à l’encontre de la haine, aimé au milieu de la pire sauvagerie des guerres, un soldat qui avait su pardonner mais n’avait rien oublié. Son combat rendait leur vraie densité aux mots qu’on n’osait plus prononcer : héroïsme, sacrifice, honneur, patrie… J’ai appris aussi à quel point, dans le monde d’aujourd’hui, cette voix française pouvait être censurée, étouffée. Ce livre n’a d’autre but que d’aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l’oubli.

REMARQUES :
Il est bien probable que beaucoup de Français, écoutant le nom de(s) « Servan-Schreiber » y associent naturellement l' histoire assez illustre de toute une famille, d'origine juive-prussienne. Il est vrai que c'est impressionnant de voir à quel point différents membres de cette famille ont été présents dans le journalisme, la politique, les médias... (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?search=servan+schreiber&title=Sp%C3%A9cial%3ARecherche ). Mais - on le voit déjà dans ces paroles de préface de l'auteur français d'origine russe - qu'est-ce qui a poussé Makine a donner parole à travers son livre à Jean-Claude Servan-Schreiber (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Servan-Schreiber )? Donner de l'espace à quelqu'un qui a passé sa jeunesse sur les champs de bataille dans un bravour exceptionnel, mais aussi dans un apprentissage de ce qui reste, ne reste pas. Après avoir été témoin de tant d'horreurs : qui veut encore écouter un vrai témoignage de tout cela à son retour ? L'insouciance et l'oubli, voir même l'indifférence suivront – très rapidement après la libération, et aujourd'hui encore plus ?! Comme signe : dans l'article de wikipedia cette période de la guerre dans la vie de ce personnage est mentionnée avec une phrase lapidaire. Pourtant cela semble avoir été une expérience clé et un temps charnier. Donc, il s'agit pas tellement d'autres aspects de sa vie tumultueuse.

Cet homme là qui a dû assumer ses origines israélites tout en étant de tout cœur français, est, pour des camarades morts aujourd'hui (ou déjà lors des combats) celui qui conserve la mémoire. Qui garde, peut-être comme le dernier, une trace de leur existence : une parole, un geste... Nécessaire, important,. Quand il lira en 2006 ce livre d'Andreï Makine «Cette France qu'on oublie d'aimer »,  sera touché par l'amour porté par un "étranger" à l'histoire de la France et l'accusation de ses manquements. Et il y trouvera même mentionné deux de ses camarades ! Donc, il fera signe à l'auteur, et depuis ce temps-là, ils sont pas seulement entrés en contact superficiel, mais Makine, avec toute l'amitié qu'il est capable d'investir dans une telle relation, écoute, fait parler ce lieutenant d'une période que « personne n'intéresse plus ». Il le poussera à (faire) écrire ces souvenir, ces bribes de gestes, de rencontres, de paroles qui feront remonter à la mémoire la vie de tant de soldats, disparus. Makine pensera (ce n'était pas d'abord l'idée de Servan-Schreiber) à contacter un éditeur, est convaincu que cette histoire d'un jeune si engagé, frôlant la mort à plusieurs reprises, participant au débâcle de la France en 1940, fuyant vers l'Espagne, s'engageant dans le combat en Nord de l'Afrique, participant au débarquement en Provence, remontant avec les troupes la vallée de la Rhône et conquérant l'Allemagne sous d'immenses pertes, doit passionner les éditeurs, et les lecteurs.

Mais ce sera compter mal avec les idées courantes, la recherche de légèreté... Trouvé un éditeur sera une longue affaire, et puis le lancement sur « le marché » une entreprise de grande déception : personne s'y intéresse, à ces souvenirs. Et après les trois mois obligatoires et coutumières de lancement – hop!- le tirage à la poubelle. Quel destin, quelle réaction sur une vie...

Avec ce livre donc, Makine entreprend à donner une parole à cet homme, et à travers lui, à ces soldats. On trouvera une structuration plus poussée : 6 parties avec 2 à 8 sous-chapitres de 4-15 pages. Le tout toujours avec des titres.

Certes, vous l'avez compris, ce livre s'approche donc d'un vécu concret. On peut y déceler des invitations assez directes, des dénonciations, des indignations, voir aussi des accusations, des constatations tristes d'un certain état des choses. Et pourtant, on retrouvera dans la description de ces bribes de l'histoire de guerre de J-C SS pas seulement ou juste une énumération de soit disant « faits d'armes » (le lieutenant est beaucoup trop peu intéressé à se mettre en évidence), mais aussi des petites réflexions, gestes, paroles qui sont signes d'autres choses. Dans ces allusions on trouvera des éléments de ce qui passionne l'écrivain et l'homme Makine, ce qui a marqué tant de ses romans : certes, la présence d'une violence, d'une dureté, mais aussi le don de soi, l'oubli, l'amour, le pardon. Comment ne pas perdre la raison, l'amour au milieu de l'enfer des combats ? Et après ? Quel part de solitude est inéchappable, pour ainsi dire, et partagé avec tous ?

Puis ce constat, face aux simplifications d'idées (inclus la Résistance, l'ennemi, l'héroïsme, les démarcations etc) : « La vie, la vraie, est toujours plus complexe que tous nos schémas idéologiques. » Il y a plein de passages très forts, même si à la Makine, l'auteur reprend des éléments clés, les répète comme pour les (faire) comprendre et partager.

Intéressant (entre autre) : ses idées et le ressenti de J-C SS sur l'existentialisme, trouvé comme un mode en vogue en ce retour de guerre. Désillusions..., démontage d’idoles ?!

« Chacun de nous possède quelques humbles reliques dont le sens est inconnu aux autres. Oui, des pièces de notre arcéologie personnelle, des infimes fragments d'existence que même nos proches, si nous disparaissions, ne sauaient ni dater, ni rattacher à un souvenir précis. Les personnages de nos photos deviendraient anonymes, un galet ramassé jadis sur uhn littoral aimé – un simple petit caillou... »

Et pour ceux qui aiment Makine déjà à travers différents livres de son œuvre, il y a des bribes d'infos sur sa personne qui... pourraient aider à le situer un petit peu mieux : il se déclare clairement ancien combattant en Afghanistan. Peut-être, et le vétéran en face le lui rappelle, ce sont ces expériences communes face à la mort des camarades qui les unissent et le rend grave. Et en recherche d'autre chose.

Pour moi une grande invitation de faire mémoire, de ne pas oublier, de garder présent dans son esprit, son cœur. Peut-être aussi très bien-venu l'année du centenaire du déclenchement de la première guerre ? Mais pas juste pour un date ponctuel.

J'avais, à plusieurs reprises, des larmes aux yeux.


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Message par Bédoulène Mar 20 Fév - 10:55

merci Tom Léo, j'ai plusieurs livres de cet auteur, qui m'intéressent, donc un de ces jours.

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Message par tom léo Dim 27 Jan - 22:24

L'archipel d'une autre vie

aventure - Andreï Makine 41wrtv10

Originale: Français, 2016

CONTENU :
Aux confins de l'Extrême-Orient russe, dans le souffle du Pacifique, s'étendent des terres qui paraissent échapper à l'Histoire... Qui est donc ce criminel aux multiples visages que Pavel Gartsev et ses compagnons doivent capturer à travers l'immensité de la taïga ? Lorsque Pavel connaîtra la véritable identité du fugitif, sa vie en sera bouleversée.

REMARQUES :
La narration longue de Pavel Gartzev est encadré dans le premier et le dernier chapitre par le narrateur proprement dit. Il se trouve proche du « moment présent », mais avait fait connaissance de ce Pavel au début des années 70, devenant témoin de sa narration et nous laissant devant une fin ouverte. Ce narrateur là, orphelin et arpenteur un peu perdu dans l’Extrême-Orient de la Russie, avait alors observé à un hélioport un homme, paraissant bizarre. Attiré et fasciné il le suit dans la Taïga. Mais cet autre, apparemment un vrai expert des environs, le remarque rapidement et surprend l’adolescent. Quand le garçon raconte son histoire d’orphelin, Pavel est visiblement ému et raconte alors son propre histoire :

En 1952, ancien correspondent de guerre, âgé de 27 ans, il voulait se marier avec Sveta. Ce Leningradois pensait que la blessure énorme, presqu’un handicap, ne sera pas un empêchement et que Svetla le mariera par amour. Mais elle avait juste voulu s’implanter à Leningrad pour avoir un appartement… Trahison, tricherie ! Mais elles le libère, lui, d’être dupe.

Dans le cadre de la mobilisation générale au temps de la guerre en Corée, il sera muté à l’Extrême Est, proche de la mer d’Okhotsk. Il subira des mauvais traitements avant de ne devenir membre d’une troupe de cinq soldats de grades et caractères différents : A eux de rechercher et capturer le détenu évadé d’un camp voisin en vie, en vue d’une condamnation exemplaire. Eh bien : ils trouvent vraiment rapidement une trace, suivant cet homme parfois en vue. Mais celui-ce semble s’y connaître ici…, et les mène au bout du nez.

Laissons là la description, mais disons encore que chaque soldat sera décrit en soi et dans ses rapports avec les autres : la Taîga révèle les personnes. Le meilleur et le pire… La chasse à l’homme mène Pavel peu à peu à un rapprochement intérieur, oui, une sympathisation avec l’évadé. En particulier quand son identité se révèlera…

La recherche extérieur deviendra peu à peu quête existentielle : Où est la vraie vie ? Est-elle possible , autrement?

Makine décrit magnifiquement la nature et notre appartenance en alle (ou notre distance). Probablement il parle de son propre expérience. Quelle langue merveilleuse, cherchant sa pareille. Mais presqu’encore plus touchant : comment le clair et l’obscure, le bon et le mauvais, se trouvent parfois en grande proximité. Et comment le désir, parfois en nous tous caché et obnubilé, d’une vraie vie, d’une autre vie croît, une vie où nous ne serons plus des marionnettes de nos peurs et de nos pulsions, mais des êtres debouts.

Je tire mon chapeau… Merci, Monsieur Makine !


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Message par Invité Mer 15 Mai - 21:10

La femme qui attendait.

aventure - Andreï Makine 511ljo10


Tom Léo a fait un très beau commentaire. Qu'ajouter ?

Peu de choses si ce n'est qu'Andreï Makine me perturbe toujours par son écriture : elle est double. D'un coté, il est capable de suggérer des images très belles, de restituer des paysages avec une grande poésie et d'un autre, de décrire la violence et la cruauté des hommes de façon très directe.
On balance entre des pages très douces et qui font surgir tant d'émotions avec des lignes qui glacent le sang.

Ce livre est un beau portrait de femme en dépit du jugement du jeune homme qui pense tout connaître. Mais, lui, sans en être réellement conscient, a déjà choisi la société dans laquelle il veut exister...A-t-il raison ? Je ne le crois pas, personnellement. Du moins n'avons-nous pas la même échelle pour donner la valeur aux choses...

J'ai retrouvé cette écriture qui m'avait tant plu dans La musique d'une vie. Merci pour ce beau moment !

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Message par tom léo Jeu 14 Jan - 16:48

L’ami arménien

aventure - Andreï Makine Lami-a10


Originale: Français, 2021

CONTENU :
Grasset - raccourci a écrit:A travers l’histoire d’une amitié adolescente, Makine révèle dans ce véritable bijou de littérature classique un épisode inoubliable de sa jeunesse.
Le narrateur, treize ans, vit dans un orphelinat de Sibérie à l’époque de l’empire soviétique finissant. Dans la cour de l’école, il prend la défense de Vardan, un adolescent que sa  pureté, sa maturité et sa fragilité désignent aux brutes comme  bouc-émissaire idéal. Il raccompagne chez lui son ami, dans le quartier dit du « Bout du diable » peuplé d’anciens prisonniers, d’aventuriers fourbus, de déracinés égarés «qui n’ont pour biographie que la géographie de leurs errances. »
Il est accueilli là par une petite communauté de familles arméniennes venues soulager le sort de leurs proches transférés et emprisonnés en ce lieu, à 5 000 kilomètres de leur Caucase natal, en attente de jugement pour « subversion séparatiste et complot anti-soviétique » parce qu’ils avaient créé  une organisation clandestine se battant pour l’indépendance de l’Arménie.


REMARQUES :
Le narrateur de l’histoire raconte une épisode de plusieurs semaines en automne d’une année au début des années 70 dans une grande ville de Sibérie au bord de l’Ienissei : Il a treize ans, vit dans un orphelinat, connaît déjà les tracasseries d’une vie sous la violence. A l’école il se fait garde de corps de Vardan, d’un an son aîné, mais plus fin, gracieux, pure, atteint même d’une maladie dite « arménienne » - objet idéal pour les railleries. Ce garçon, bien plus mûr et « spirituel », va ouvrir au narrateur un autre monde. De par ses actes et paroles, il l’ouvre à une « autre dimension », à une vie qu’il ne croyait pas possible. La bonté exercée envers une prostituée ivre… ; le parabole du ciel qui commence sous nos pieds… Et ce garçon va le guider vers son chez soi, dans la petite communauté arménienne de la ville. Gens qui suivent leurs parents à ce lieu de détention, en attente de jugement… Il y rencontrera des figures splendides : Sarven la patriarche, imposant, sage ; Chaviram, la mère adoptive de Vardan, aimante ; la belle Gulizar qui a suivi avec dignité son mari qui se trouve au prison. Et quelques personnages autour qui goûtent aussi l’hospitalité de ce groupe bien pauvre, mais si chaleureux. Mais oui : « Le Royaume d’Arménie » tout proche, une sorte de refuge… Quel monde pour ce garçon orphelin qui en est transformé et marqué en ces quelques semaines de cotoiement !

Les victimes de la « Histoire », des guerres, des persécutions, revêtent une dignité et transmettent une nostalgie d’autre chose, ouvre  à un changement de vision. Ce milieu est complètement nouveau, et à jamais marquant, pour le jeune narrateur, l’Alter Ego de Makine, lui, qui reste si mystèrieusement inconnu dans sa biographie...

La langue est magnifique, c’est un français pas compliqué, mais d’une finesse et ciselé où chaque mot est bien pesé. C’est un bonheur. Et je le dis aussi vu que son dernier livre m’avait un peu étonné et laissé sur ma faim. Ici il réjoind les plus beaux livres qu’il nous a déjà laissés !


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