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Libar M.Fofana

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Message par Armor Ven 16 Déc 2016 - 21:24

Libar M. Fofana
Né en 1959


Libar M.Fofana Avt_li10

Né en 1959 à Conakry, Libar M. Fofana s'enfuit à dix-sept ans de Guinée où son père, accusé de complot, croupit dans la célèbre prison du Camp Boiro.

Pour échapper à la haine portée aux Peuls, considérés comme étant des ennemis de la révolution marxiste, il gagne Mali à pied, puis la Côte d'Ivoire. Après trois ans de petits boulots, il s'embarque pour la Suisse et suit une formation en génie électrique à l'Ecole d'Ingénieurs de Genève. En 1984, il arrive en France. Diplômé d'informatique à Aix-en-Provence, il travaille dix ans à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille. En 1993, il perd une grande partie de son audition au cours d'un concert. Il se consacre aujourd'hui à l'écriture.

Libar M. Fofana fait parti de cette nouvelle génération d’écrivains africains qui expriment avec force la réalité violente d’un continent enlisé dans la mémoire sanglante des indépendances trahies et des promesses démocratiques violées.
sources : Africultures et Etonnants voyageurs

Bibliographie :

2004 : Le fils de l'arbre
2005 : N'körö
2007 : Le cri des feuilles qui meurent
2012 : L’étrange rêve d’une femme inachevée
2016 : Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va
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Message par Armor Ven 16 Déc 2016 - 21:31

Libar M.Fofana 00012

Le fils de l'arbre

Pendant qu’ils causaient ainsi, une jeune fille s’était mise à vaquer dans l’exiguïté de sa cuisine. Elle allait d’une marmite à l’autre, une spatule à la main, et, par moments, s’arrêtait et penchait rêveusement sa jolie tête autour de laquelle flottait un foulard orange semblable à la huppe d’un oiseau rare. Elle avait de grands yeux noirs bordés de longs cils recourbés qui battaient l’air comme de minuscules éventails. De temps en temps, quand un sourire devenait irrépressible, elle montrait de magnifiques dents blanches entre deux lèvres charnues et sensuelles d’un brun rougeâtre. Elle se déplaçait avec beaucoup de grâce et déroulait derrière elle le ruban odorant d’un parfum bon marché dont elle s’était abondamment baignée. Deux ou trois fois, elle avait apporté à Bakari de petites choses à manger qu’elle avait déposées à ses pieds sans un mot, rougissant sous sa peau noire, et multipliant les témoignages d’un respect mêlé de crainte. Elle cachait laborieusement son bonheur, et, parfois, lorsqu’elle s’oubliait, celui-ci lui montait aux lèvres en mélodies douces et frivoles.

… ni n'yarabi ka yélé n'na wo di m'bö…*
Un sourire de mon bien aimé suffirait... (en malinké)

- Qui est cette fille ? Demanda Bakari
– Ils roulèrent de grands yeux étonnés.
– Mais… C’est Madam’zelle Bintou, ta femme (…)

Eh oui… De retour au village pour veiller son père mourant après dix ans d'absence, le jeune Bakari se découvre marié…et… père famille ! Un enfant et une épouse qu'on le prie instamment d'accepter comme les siens car, "y a-t-il une chose qui soit impossible à Allah ?"
Cette machination savamment orchestrée par un oncle lorgnant sur l'héritage familial porte rapidement ses fruits : Bakari s'enfuit. Les milices du dictateur Sékou Touré contrôlent alors les moindres faits et gestes d'une population exsangue ; il parvient néanmoins à leur échapper et à gagner la France.

Quarante ans ont passé, et Bakari est de retour dans son village, incognito.
S'il refuse de se sentir coupable d'une faute qu'il n'a pas commise, Bakari est tout de même hanté par le souvenir de la femme et de l'enfant qu'il sait avoir, par son départ, soumis à un sort peu enviable.
"Sa disposition d'esprit était celle d'un homme qui revient sur le lieu d'un drame qu'il a provoqué autrefois, un homme qui ne se sent pourtant coupable que d'avoir voulu vivre pour lui-même. (…) Dans la nuit de ses paupières, il se revit à son retour de la ville, quarante ans plus tôt, accouru au chevet de son père qui contemplait maintenant le coucher de son propre soleil. Encore une fois, il se demanda ce qu'il aurait pu faire d'autre. Doit-on tout accepter pour mériter de ses juges ? "

Conformément aux craintes de Bakari, Bintou, sa "femme",  très rapidement ostracisée, fut reléguée de l'autre côté de la rive avec son fils Youssoufou. Faisant fi des réticences des villageois, Bakari se lie peu à peu d'amitié avec Youssoufou. Mais parviendra-t-il  à panser ses plaies encore béantes et à se réconcilier avec ses racines ?

Dès les premières lignes, l'auteur m'a littéralement transportée dans ce village de Guinée. Sa plume, à la simplicité trompeuse, possède une vraie force évocatrice. Le village, comme figé dans ses coutumes ancestrales, régi par les maximes des anciens, semble intemporel. Mais sous l'image d'épinal du village africain, les vestiges de la dictature sanglante ont laissé des traces qui semblent avoir, pour certains, banalisé l'extrême violence…

Par petite touches savamment distillées,  Libar M. Fofana  reconstitue les parcours parallèles de Bintou et Bakari, deux êtres à jamais hantés par les conséquences d'une décision prise à l'âge de 17 ans.
Se concentrant essentiellement sur le personnage de Bakari, l'auteur entremêle savamment situations passées et présentes pour nous dresser le portrait complexe d'un homme tiraillé.  S'il peut difficilement être question de pardon, l'acceptation semble être la seule voie possible pour reconstruire une identité malmenée par le passé autant que par la désillusion de l'exil...
Comme souvent dans les romans africains que j'ai pu lire, si les hommes tiennent en apparence les rennes, ce sont les femmes qui incarnent véritablement l'espérance et la force. Qu'il s'agisse d'Anna la française ou de Bintou l'africaine dont Libar M. Fofana nous livre un bouleversant portrait, elles incarnent, ici encore, le fragile espoir d'un apaisement et d'une réconciliation...

Oublier est un privilège de Prince, reprit le griot très en voix. Notre métier est de vous servir de mémoire car que vaut une langue fidèle quand la mémoire ne l'est plus ? La mémoire, noble assemblée, est une vieille case où l'on jette les choses en attendant d'en avoir besoin. Un jour, en cherchant telle chose, on trouve telle autre qu'on croyait avoir perdue. Les mots ne sont que des habits pour la parole. Certains dissimulent le sens plus que d'autres. Chacun devrait avoir ses propres mots pour dire le fond de sa pensée. Mais on ne se comprendrait plus. C'est pourquoi les hommes sont condamnés à se servir des mêmes mots pour exprimer les choses différentes. Ni la mémoire ni les mots ne sont donc parfaits. Ainsi, notre travail consiste à conserver la vérité dans deux calebasses fêlées.

(Ancien commentaire remanié)
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