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Vercors

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Message par Nadine Sam 3 Déc 2016 - 6:33

Vercors (Jean Bruller, dit)
(1902-1991)

historique - Vercors 70751011

Jean Bruller est né d'une mère française, institutrice et d'un père éditeur d'origine hongroise.

Jean Bruller effectue ses études primaires et secondaires à l’École alsacienne à Paris. Après son bac, il veut devenir chercheur. Bien qu'il obtienne son diplôme d'ingénieur en 1923 avec la médaille de bronze, il ne souhaite pas rejoindre l'industrie.

Dès 1921, il devient dessinateur humoristique et illustrateur dans la lignée de Gus Bofa. Il publie ses premiers dessins dans la revue Sans-Gêne. Il rédige ses premières chroniques Les Propos de Sam Howard dans l'hebdomadaire Paris-Flirt en 1923-1924. Il signe ses dessins avec son pseudonyme Joë Mab. En juin 1923, il crée sa propre revue humoristique qu'il nomme L'Ingénu, en hommage à Voltaire. Il y dessine et rédige une chronique appelée Les Propos d'un Huron. En 1924 il met fin à l'expérience pour suivre sa formation militaire à Saint-Cyr Coëtquidan. Il effectue ensuite six mois de service militaire à Tunis, jusqu'au printemps 1925. De retour à Paris le dessinateur répond à de nombreuses commandes publicitaires. Il travaille notamment chez Fernand Nathan pour le compte de Citroën.

Pacifiste jusqu'en 1938, il est mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale à Mours-Saint-Eusèbe près de Romans au pied du massif du Vercors. Il entre ensuite dans la Résistance, encouragé par Pierre de Lescure. Jean Bruller prend alors le pseudonyme de Vercors, nom d'un massif montagneux sans savoir que celui-ci deviendra par la suite le théâtre d'événements liés à une branche de la résistance. À l'automne 1941, il fonde avec Pierre de Lescure les Éditions de Minuit, maison d'édition clandestine et y publie sa nouvelle Le Silence de la mer le 20 février 1942. Il est le concepteur du logo à l'étoile des Éditions de Minuit qui est utilisé à partir de 1945.
Il participe également au Comité national des écrivains (CNE) et au Mouvement de la paix. Il fait partie de la Commission d'épuration de l'édition, mais il en démissionne en raison de l'inégalité des sanctions à l'encontre des écrivains, collaborateurs avec l'Allemagne nazie, et à l'encontre de leurs éditeurs, jamais pénalisés. Il refuse dans le même temps de participer à l'établissement d'une « liste noire » et renvoie les auteurs au jugement de leur conscience.

En 1960, il fait partie, avec Sartre, des signataires du Manifeste des 121 écrivains et artistes qui déclarent « le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie ». En guise de protestation contre la torture pratiquée en Algérie, Vercors refusa la Légion d'honneur.
Il meurt à Paris dans la nuit du 9 au 10 juin 1991.
Source : Wikipédia

Bibliographie :

Romans
1952 : Les Animaux dénaturés : Page 1
1956 : Colères
1961 : Sylva : Page 1
1966 : Quota ou les Pléthoriens avec Paul Silva-Coronel
1969 : Le Radeau de la Méduse
1972 : Sillages
1973 : Comme un frère
1974 : Tendre naufrage
1977 : Les Chevaux du temps
1986 : Le tigre d'Anvers
Cette œuvre regroupe en fait deux récits publiés en 1951 : Les Armes de la nuit et La Puissance du jour. C'est une réécriture de la même histoire dans des décors différents.
1997 : Le Grenier d'Armor (posthume)

Nouvelles
1942 : Le silence de la mer : Page 1
1943 : La Marche à l'étoile
1943 : Ce jour-là
1944 : L'impuissance
1945 : L'imprimerie de Verdun
1946 : Les armes de la nuit : Page 1
1948 : Les yeux et la lumière
1951 : La puissance du jour : Page 1
1958-1960 : Sur ce rivage, I-III
1959 : Clémentine
1972 : Sept sentiers du désert
1979 : Le piège à loup

Théâtre
1963 : Zoo ou l'assassin philanthrope
1967 : Oedipe Roi
1969 : Le fer et le velours
1978 : Théâtre

Essais
1945 : Le sable du temps
1944 : Les Mots
1945 : Souffrance de mon pays
1946 : Portrait d'une amitié
1948 : Plus ou moins homme
1954 : Les pas dans le sable
1956 : Les divagations d'un Français en Chine
1957 : P.P.C. Pour prendre congé
1958 : Goetz (un écrit sur l'art)
1965 : Les chemins de l'être
1967 : La bataille du silence
1973 : Questions sur la vie à MM. les biologistes
1975 : Ce que je crois
1978 : Sens et non-sens de l'Histoire
1979 : Assez mentir !

Contes et récits pour enfants
1971 : Les contes du cataplasme
1978 : Camille ou l'enfant double

Autres
1923 : Les popos de Sam Howard, recueillis par Joë Mab
fin des années 1920 : chroniques bibliophiles
1974 : Tendre naufrage
1976 : Je cuisine comme un chef
1981-1985 : Cents ans d'histoire : I. Moi, Aristide Briand, 1981., II. Les occasions perdues, 1984., III. Les nouveaux jours, 1985
1985 : Ann Boleyn

màj le 16/11/2017


Dernière édition par Nadine le Dim 4 Déc 2016 - 10:43, édité 2 fois
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Message par Nadine Sam 3 Déc 2016 - 6:35

historique - Vercors 97822512

Le silence de la mer m'a enchantée.
j'avais besoin de nourriture, et de fluidité de lecture, après une période un peu statue-de-sel. 
J'ai opté pour la première voie, nourriture.
Et ai trouvé la seconde.

Parce qu'en fait je crois que le contenu discursif est assez bateau, finalement. La nourriture vient en écho, par la mise en scène, plutôt qu'intra diégétiquement. (Evidemment je ne suis pas au coeur de la drôle de guerre, moi.)

Le style très invisible (comprendre prose assez simple , précise et classique mais sans raideur, disons) m'a permis d'être happée sans aucune difficulté.
Ce rapt qu'on aime sans doute tous ici, au coeur d'un antre écrit. AHH quel bonheur. Abstraction de l'immédiat etc

Donc , me voilà embarquée sans aucun mal dans ce que j'ai compris être un livre de propagande (ou contre-propagande, ce qui est la même chose sur la forme) 
dont on sent les ficelles (dans ce cas fort simples, épurées à l'essence de ce qui est en jeu)
mais dont la dramaturgie est extraite à son maximum et avec élégance, ma foi.

J'ai beaucoup apprécié ce huis-clos jouant de la réitération factuelle, de la description des gestes et des émotions trahies.
Je m'intéresse beaucoup au langage des corps, aussi ce roman du Silence était très satisfaisant de ce point de vue.



J'ai été tres intéressée par la manière dont Vercors jongle avec tous ses objectifs d'écriture, 
Shanidar tu soulignais le contexte douillet, terrien, , le choix de mettre en scene une famille non conventionnelle (pas d'epoux ni de rapport parental), le choix d'un officier francophile et parleur, tout est bien choisi et avec efficacité, simplement mené à bien. 

Je ne pense pas que Vercors ait écrit pour être diffusé auprès de la population la plus large, mais plutôt pour ceux déjà acquis à sa cause, le profil des protagonistes n'est pas assez archétypale, 
enfin cette dernière remarque pour mieux dire l'intérêt que j'ai nourris à alimenter ma réflexion sur ce qu'est mettre-en forme-une lutte, faire acte de propagande. Sauf que là on ne peut je crois vraiment utiliser ce terme à cause de ce prisme à mon avis réduit d'influence et de diffusion. ça devait par contre aider à tenir sa barre, le récit fait en effet appel aux meilleures postures possibles face à une situation complexe.
A cet égard il est tout de même particulier d'éluder toute référence au commun des mortels. Pour mieux porter l'idée de l'Humain.
Je suppose à ce stade que Vercors est un grand pessimiste.

On va voir avec le reste.

Bon j'ai hâte de lire la suite.



Le silence ne parait jamais être barbare, l'auteur souligne l'accord tacite vite obtenu, de chacun, à évoluer dans un cadre de "monstration" hyper strict. Il y a en revanche mise en scène de ce qu'i implique, jusqu'au moindre méandre émotionnel.L'auteur n'a de cesse de mettre en scène les remises en cause de l'oncle à ce propos. Et sses observations empathiques. Bédoulène a été également sensible à cet aspect, il me semble.

Un seul bémol : les ficelles. Le soldat super idéaliste, super cérébral mais bleuet, la jeune fille hyper droite, l'oncle hyper humaniste. 
Au moins cela permet-il un manichéisme élégant, qui moins que moral devient éthique. Et c'est déjà heureux qu'il en soit ainsi.


mots-clés : #deuxiemeguerre #nouvelle
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Message par topocl Sam 3 Déc 2016 - 7:25

La puissance du jour

historique - Vercors 51vfy710

Un peu compliqué à commenter, ce livre.
D'abord, l'impression nettement prédominante de cette beauté pure que j'ai trouvée dans les autres textes de Vercors.
La guerre est finie, chacun a repris (ou pas), ses activités ordinaires. L'esprit d'aventure et d’amitié du réseau manque sans doute beaucoup, la conscience s'est mise au travail, chacun ressasse et tente de digérer à sa façon les bouleversements que la vie a semés en lui. C'est l'occasion de débats sans concessions, de belles confrontations, qui me rappellent d'autres lectures comme Le sang des autres de Simone de Beauvoir ou Les justes de Camus. Autant dire, du très bon.
Chacun sa vérité et chacun sa douleur, autour de thèmes comme la légitimité, la culpabilité, le pardon. Tout cela très résumé car c'est beaucoup plus complexe et nuancé que ça. Ou pour dire autrement : quel monde voulons-nous, et que sommes-nous prêts à faire, ou à accepter, pour l'atteindre ?
Il y a là une intensité dramatique faite d’épure qui accroche sérieusement le lecteur. Questions sans réponse, bien évidemment, et c'est peut-être le reproche que je ferais à Vercors, qui, choisissant l’ optimisme, offre une solution presque trop facile et  emmène si vite Pierre, héros un peu « trop beau » du tréfonds du désespoir à la limpidité lumineuse d'un nouveau départ.
Et…je dois avouer que je n'ai pas trop compris le rôle de la chirurgie du cerveau dans tout cela.


(commentaire rapatrié)

mots-clés : #campsconcentration #deuxiemeguerre #historique


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Message par topocl Sam 3 Déc 2016 - 7:25

Les animaux dénaturés

historique - Vercors 97822513

La surprise première quand on a commencé Vercors comme (presque) tout le monde par Le silence de la mer, c'est le ton léger et l'humour. Il a une façon de vous raconter ça, Vercors, de transformer en jolie galéjade ce questionnement fondamental sur le sens de l'homme et le sens de la vie .Il n'y a que deux explications possibles à la réussite complète de ce bouquin, soit c'est un miracle, sur cet homme a un talent fondamental.

Les animaux dénaturés se situe entre la controverse de Valadolid (1550 – les Indiens ont-ils une âme ?) et les interrogations de nos comités d'éthique actuels sur le sens de la vie, et le droit que nous avons de la manipuler. C'est dire si le sujet est sérieux . Avec toujours cet espoir que tout soit simple : définir, mettre en mots, fixer des limites, trois solutions impossibles face à des questions éternelles.

La force du livre de Vercors, c'est que ce questionnement, tant zoologique qu’anthropologique, philosophique, religieux, éthique, politique, est traité avec une brillante intelligence qui n'exclut pas l'humour.
Intelligence d'abord parce que tout ce qui est dit est d’une clarté lumineuse, présente les partis (et partis pris) opposés, chacun avec une propension à se croire détenteur de l’unique vérité, menant son propos jusqu'au bout, voire jusqu'à l'extrême, pour finir par mettre à jour ses contradictions. C'est assez jubilatoire, et intellectuellement très nourrissant, ce débat de grands esprits ancrés chacun dans ses positions.
Quant à l'humour, c'est difficile à croire, mais sur ce sujet, Vercors arrive à nous faire rire ou sourire à chaque page,: il y a une grande délicatesse à la fois attentive et amusée chez cet auteur.

Au milieu des tergiversations des savants, il construit peu à peu son héros. Doug est un gentil naïf, amoureux plutôt bêta, Candide égaré dans une expédition scientifique qui le dépasse. Il devient au fil des pages un honnête homme, qui, loin des vaines querelles des scientifiques, est prêt à risquer son amour, son honneur et sa vie pour une cause qui a quelque chose à voir avec la dignité. La grand message de son action, c’est que loin des classifications et des grandes idées, ce qui fait l'homme, c'est le refus et le combat.

Au final, on ne sait si c'est l'importance du propos ou l'exquise légèreté du récit qui l'emporte dans ce sentiment de se régaler tout au fil de la lecture.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #humour #science


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Message par topocl Sam 3 Déc 2016 - 7:27

Les armes de la nuit

historique - Vercors 97820210

C’est à peu près impossible de parler de ce livre. Indécent je dirais.
J’ai été gênée au début de l’idée de faire du romanesque avec un homme qui revient des camps. Mais finalement, non, il a raison,  Vercors, et il pratique une compréhension intime de l’homme en tant que bourreau qui, dès 46, lève cette idée absurde que de l’enfer on peut revenir.
C’est complètement idiot, comme commentaire , de dire que c’est bouleversant n’est ce pas ?
Mais c’est tellement utile de relire ça de temps en temps. Des fois que certains voudraient faire croire que c’était un détail.


(commentaire rapatrié)


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Message par Nadine Dim 4 Déc 2016 - 8:11

Topocl, merci d'avoir amené tes notes de lecture ici.


Shanidar nous a cité, il y a quelques temps, quand elle n'avait pas encore lu Vercors, un truc que je re-cite ici : 

"Il s'avère que dans la biographie lue dernièrement sur Arthur Koestler, Michel Laval écrivait ce qui suit (p.451) :
Citation :Les communistes ne pardonnaient pas non plus à Arthur Koestler sa critique du livre de Vercors Le Silence de la mer, qui était devenu un véritable livre culte, l'incarnation même de la Résistance française. L'analyse d'Arthur Koestler prêtait, il est vrai, à la controverse. L'idée qu'il développait était que le récit de Vercors n'était pas seulement invraisemblable sur le plan psychologique, mais, de surcroît, anachronique, voire franchement condamnable d'un point de vue politique. Le refus obstiné du vieil homme et de sa nièce de parler à l'officier allemand, Werner von Ebrennac, qui réquisitionnait leur demeure, le silence systématique qu'ils opposaient à toutes tentatives d'engager le moindre dialogue avec un homme qui témoignait à leur égard d'une réelle bienveillance et disait partager leurs valeurs, réduisait la guerre contre le nazisme à un classique affrontement franco-allemand, à une simple "allégorie patriotique". "Ce qu'il y a de plus exaspérant dans ce petit livre, écrivait Arthur Koestler, c'est le mélange d'arrogance et de complexe d'infériorité. S'il a jamais existé un ami de la France noble, bien intentionné, généreux, c'est ce héros rêveur qui pousse l'amour jusqu'au suicide. Alors pourquoi le punir par ce silence arrogant et stupide ? Uniquement parce que cet antinazi est né de parents allemands ? Nous avons là, en 1942, la répétition étrangement exacte de la mentalité qui en 1939 envoyait dans les camps de concentration les Allemands antinazis. Monsieur Vercors n'a pas plus appris que les politiciens français qui se chamaillent en exil.""



Ayant lu récemment Le silence de la mer, je trouve assez dingue que Koestler détourne les intentions archi étalées de vercors de traiter le silence entre les protagonistes comme tacite.


par contre, dans le commentaire de Koestler, il y a quelque chose à entendre, sur l'arrogance et le complexe d'infériorité, même si je trouve qu'il analyse de manière un peu outrée les sensibilités qu'expose Vercors. Il fait comme si elles étaient inconscientes chez Vercors, c'est un peu vache.


ça me rappelle les cas de conflits dans des groupes, où chaque intervention est détournée ou grossie, même si les interlocuteurs sont sains d'esprit.

Koestler :
"Alors pourquoi le punir par ce silence arrogant et stupide ? 
Uniquement parce que cet antinazi est né de parents allemands ? 
Nous avons là, en 1942, la répétition étrangement exacte de la mentalité qui en 1939 envoyait dans les camps de concentration les Allemands antinazis.
Monsieur Vercors n'a pas plus appris que les politiciens français qui se chamaillent en exil."


Déjà un roman met en scène des procédés, il n'est pas une illustration, à chaque ligne, de l'auteur. 
Vercors ne dit pas dans ce livre "ne parlez pas aux allemands". Il met en scène un silence tacite.


Vercors nous montre plutôt que le silence est ce que le soldat allemand attend d'eux. Par ethique. C'est une convention qui s'installe entre eux. C'est archi développé, mais Koestler refuse de le voir.


Pourquoi ? :
Koestler  : "Monsieur Vercors n'a pas plus appris que les politiciens français qui se chamaillent en exil."


Là on touche au point sensible. 
Pourtant la critique aura portée sur une reformulation aux antipodes du contenu du livre. 


C'et dommage quand même.


ça nous apprendra à aller voir par nous même, toujours.


Koestler semble très intéressant, Bédoulène a posté un fil sur lui, ça m'a arrêtée, hier, je vais creuser, le lire, j'espère.
Mais je le retrouve ici sous un jour passionné qui tronque son bon sens.


pour revenir au "Monsieur Vercors n'a pas plus appris que les politiciens français qui se chamaillent en exil" :
 c'est là que se joue son besoin de tronquer l'analyse du livre. mais s'en est-il seulement rendu compte, de cette revanche qui l'habite ? En attendant, son topo ne dit même pas ce qu'il y a pour lui à critiquer. Enfin pas de manière intelligente et reçevable. Crotte. J'aimerais bien retrouver sa critique complete de Vercors.


Au final, mais par de mauvais chemins, en tous cas sur la base de ce fragment,
Koestler met le doigt sur un truc  chez Vercors : 


Il y a une tres belle nouvelle que je viens de lire, L'impuissance, qui l'explicite très bien, dans toute sa teneur paradoxale.
Il veut croire à une resistance  reelle par l'ecriture. Vercors.
J'ai lu Animal ailleurs sur le Web , qui donne retour sur de nombreux livres de lui, ça a l'air d'être au coeur de son travail , cette ethique de la pensée et de l'Art .
Son livre Les mots a l'air de pourtant nous confier qu'il en connait la limite. J'en ai lu aussi un compte rendu.


Il nous dit tout. il nous dit même ses faiblesses. ça j'aime beaucoup. Beaucoup.
je reviendrai sans ce detour tarabiscoté sur Koestler  , une autre fois, parler des petites nouvelles du recueil.
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Message par topocl Sam 10 Déc 2016 - 7:00

Colères

historique - Vercors Images69

Il semble qu'il s'agisse, d'après le titre, d'hommes et femmes en colère, et qui cherchent chacun leur solution.
En colère contre un monde d’injustice, Pélion donne toutes ses forces à la fraternité chaleureuse des combats syndicaux. En colère contre un monde d'ignorance, Egmond fait le choix d’un salut individuel et s’enferre dans de curieuses transes-extases censées le mener à une connaissance intime de lui-même et de l’homme. Entre les deux, Pascale, écartelée entre l’amour des deux hommes, dont les emportements existentiels s'emballent dans une naïveté confondante. Et Mirambeau, savant reconnu et ancien résistant, qui réalise une espèce de référence commune, uniflant les deux combats.

Cela donne un roman assez disparate, très inégal, à la symbolique à la limite du pontifiant, facilement phraseur au milieu de belles envolées. Honnêtement je me suis promenée entre ennui et hilarité face aux explorations transcendantales d’Egmond, et leurs tentatives d’explications médicales qui frisent le grotesque.

Par contre quel talent, quelle vigueur à nous faire partager la lutte fraternelle des ouvriers de Cheaulieu. Quel roman nous aurions eu si Vercors avait limité son ambition à cette seule histoire !

Le style de Vercors reste toujours aussi prenant et noble ,et certains passages constituent de vrais morceaux d’anthologie (l’incendie du manoir peuplé d’animaux empaillés,  la réconciliation des ouvriers en grève et des « jaunes » sous le feu des CRS)

En somme un roman qui est loin de m’avoir convaincue, mais qui ne m’empêche pas de conserver une grande admiration pour l’écriture de Vercors, pour son empathie vis à vis d’hommes qui font des choix qu’ils assument avec courage.


On devrait vivre dans une colère constante, bouillir sans cesse de révolte, de fureur. Au lieu de ça, on pense sa petite histoire, un point c'est tout, on s'accommode. V’s comprenez ? Ne pas être inquiété, ni épaté, être seulement troublé. Les choses comme ça, donc elles sont très bien, et laissez-moi tranquille.

L’impuissance est décourageante, mais se décourager, c'est se faire complices, en fin de compte.


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Message par Bédoulène Sam 10 Déc 2016 - 10:52

Nous avons là, en 1942, la répétition étrangement exacte de la mentalité qui en 1939 envoyait dans les camps de concentration les Allemands antinazis.
 Monsieur Vercors n'a pas plus appris que les politiciens français qui se chamaillent en exil."

Il ne faut pas oublier que Koestler a été interné dans le Camp du Vernet parce qu'il était Allemand, et quand il a voulu s'engager, lui l'anti-nazi, a été rejeté ce qui lui a fait dire ironiquement la stupidité de refuser un anti-nazi pour combatte le nazisme.

Nadine il faut que tu le lises : la lie de la terre mais aussi ses autres livres autobiographiques.

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Message par Nadine Sam 10 Déc 2016 - 11:38

Ah mais oui, j'ai vu ton fil créé, aussi. c'est certain, Bédoulène. Et merci de resituer, ça explique bien d'où parle Koestler en effet. je l'ignorais ce que tu soulignes.
J'ai rendu Le silence de la mer à la mediatheque, je ne ferai pas plus de retour sur ce recueil de nouvelles, mais j'y reviendrai sur un autre titre sans doute. Et lirai Koestler c'est prevu.
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Message par bix_229 Mar 17 Jan 2017 - 16:57

Ce soir, 2O. 55 - N° 23 - Le Silence de la mer, téléfilm de P. Boutron, 2 004


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Message par Nadine Mar 17 Jan 2017 - 17:01

J'espere qu'il passera en replay.. C'est quoi la chaine 29.55 ?
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Message par bix_229 Mar 17 Jan 2017 - 17:06

Nadine a écrit:J'espere qu'il passera en replay.. C'est quoi la chaine 29.55 ?

Sorry, je mes uis planté sur l' horaire ! 20. 55.
La chaine, c' est Numéro 23, chaine-à-pub...
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Message par animal Mar 17 Jan 2017 - 17:20

Et bien moi je commence la récupération de commentaire avec


historique - Vercors Sylva10

Sylva

En 1924, Albert Richwick, un jeune gentleman farmer anglais, assiste à un prodige : une renarde poursuivie par des chiens sort d'une haie transformée en jeune femme. Il recueille celle qui n'est encore qu'un animal sauvage dans un corps désirable, et va suivre au fil des jours ses progrès vers l'humanité : apprentissage de la pensée, de la parole, maîtrise de l'objet, épreuve du miroir, découverte de la mort, de l'amour, du sens - tragique - de la vie... ce récit est aussi, on s'en doute, celui d'une extraordinaire histoire d'amour entre un Pygmalion et son élève. Histoire rendue plus émouvante encore par le calvaire de Dorothy, avec qui Richwick devait se marier et qui s'avilit dans la drogue à mesure que Sylva se libère.

Une petite histoire de 280 pages, un peu folle, qui se dévore. Tout au plus pourra-t-on reprocher à l'écriture d'être un poil carrée, mais bon... c'est quand même une sorte de cercle carré qu'il a écrit Vercors. Rondement mené et fourmillant d'idées organisées ce cercle ! Une fois de plus on peut se permettre d'être stupéfait par son mélange de lucidité et d'humour, jamais trop grinçant. Situer l'action outre Manche lui permet quelques pieds de nez divertissants, on peut aussi s'amuser de sa distance avec les bonnes mœurs et les apparences d'une bonne société. Mais si on s'arrêtait là, on n'aurait qu'une petite histoire plaisante.

Il creuse tout ça, et le cœur de l'homme en premier, ce Albert Richwick dit Bonny qui raconte à la première personne. Dans les coins du cercle on trouve une analyse assez juste du ou des sentiments amoureux (et des tiraillements contradictoires avec raisons, devoirs, jalousie, aspirations, ...) qui se bat avec une analyse plus compliquée mais vaguement siamoise de la "condition humaine". La renarde devenue humaine apprend la vie et l'humanité à travers quelques étapes clés avec les mots, la mort, le rire, ...

ça pourrait être plat et con, même, osons le mot si Vercors n'était pas réellement intelligent et motivé : le jeu qui se livre entre la morale, de l'individu ou de la société et quelques instincts plus profonds n'est pas gagné d'avance. Les développements ne sont pas évidents et de nombreuses réponses peuvent surprendre. La fable est amère. L'équilibre entre la femme humaine et la femme renarde se trouble quand les rapports de proportions s'inversent entre Dorothy et Sylva. Le simple idéal d'une femme parfaite à l'équilibre entre deux extrêmes si il ne disparaît pas totalement cesse d'être figé et découvre une des grandes forces de l'auteur : la volonté.

La volonté du choix et du changement, un choix loin d'un positivisme benêt, un choix du cœur dans un univers loin d'être idéalisé, une sorte de vrai choix motivé et puissant, en connaissance de cause, très vivant, intense. Dans ce livre ce choix est sous le charme constant et pénétrant de cette étrange femme renarde à la grâce envoûtante. Et peut être bien qu'elle n'enlève au fond rien aux autres.

Un excellent livre, très accessible et très fin (ce n'est pas contradictoire), très vrai aussi dans ses synthèses et observations. Il réalise un miracle propre aux livres (ou aux excès d'imagination) c'est de vraiment mélanger la femme et la renarde. Ce territoire étant, je crois, interdit aux images. Il en subsiste comme un étourdissement.

Les thèmes sont proches de ceux des animaux dénaturés, différemment j'ai retrouvé la même attention aux individus, la présence de la drogue dans Sylva m'a d'ailleurs semblé bien loin d'être un prétexte. C'est très fort.

extrait :

- Je veux dire, reprit-elle avec un peu d'agacement, que vous ne pourrez la présenter que comme un phénomène. Mais pas comme une parente, ni même comme une amie.
- Et pourquoi non ? (J'étais fort étonné.)
- Ce serait une atteinte aux convenances.
- Enfin, expliquez-vous ! m'impatientai-je.
- Elle a une jolie peau; mais c'est de l'ambre. De très beaux yeux, mais c'est du jais. Ses paupières, ce sont des amandes, sur deux pommettes comme des abricots...
- Vous faites un poème ou une nature morte ?
- En un mot, c'est une asiate mon cher. Je suppose que les renards, à l'origine, devaient venir d'Asie. Elle a l'air d'être née aux Indes ou en Cochinchine.
- Avec des cheveux roux ?
Elle eut une moue un peu narquoise et dit :
- Oh, quelque mésalliance...
J'étais un peu désarçonné. Je trouvais bien moi-même à Sylva un type vaguement exotique, mais à ce point... Si c'était rai, je me préparais en effet quelques humiliations, le jour où je prétendrais introduire une native dans la gentry... Je voulus en avoir tout de suite le cœur net. Je dis : "Allons la voir."
Nous remontâmes. Nous trouvâmes Sylva endormie, blottie dans un fauteuil, encore barbouillée d’œuf. Nous pûmes ainsi l'examiner un bon moment, puis nous nous retirâmes comme nous étions venus et je refermai la porte.
- Avouez, dis-je aussitôt, que vous exagérez.
- Vous n'êtes pas de mon avis ?
- Qu'il y ait un petit quelque chose, je ne dis pas. Mais de là...
- Peu ou prou, n'est-ce pas déjà trop ?
- Je ne vous savais pas si pointilleuse, m'étonnai-je.
- Moi ? J'adore les Hindous. Ghandi, Krishnamurti, Rabindarath Tagore... Mais à chacun sa place n'est-ce pas ?
- Je trouve, insistai-je, qu'elle ressemble plutôt à la duchesse de Bath.
- Personne n'ignore que la mère de la duchesse était au mieux avec je ne sais plus quel maharadjah.
- Eh bien, c'est vous qui l'avez dit : quelque mésalliance - comme la duchesse de Bath. N'en parlons plus.
- A votre aise mon cher. Mais je vous ai prévenu.
Le ton, de part et d'autre était poli, mais un peu sec. Je n'avais pas aimé ces réflexions. Certes, chacun à sa place, sinon la société va à vau-l'eau, mais je ne suis pas, quand même, un partisan des théories de ce petit Français qui s'appelle, je crois, Gobineau ou Gobinot. Il ne faut pas exagérer1.
Je proposai une promenade pour faire diversion. Dès qu'il ne fut plus question de Sylva, nous retrouvâmes cette bonne entente, cette chaude affection, cette vieille tendresse qui m'allaient droit au cœur. Nous passâmes une heure très exquise à déambuler dans les bois. Au retour, un peu lasse, elle s'appuyait légèrement sur mon bras. Après tout, étais-je tellement sûr que je n'étais plus amoureux d'elle ?

1. Ces remarques me paraissent bien tièdes, aujourd'hui ! Mais en ce temps, on ne connaissait pas le mot même de racisme, Hitler était un inconnu dans les prisons de la république de Weimar, chacun, sur ces sujets, pensait plus ou moins comme Kipling. Que de changements depuis !
mots-clés : #fantastique


Dernière édition par animal le Ven 18 Aoû 2017 - 17:53, édité 2 fois

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Message par animal Ven 18 Aoû 2017 - 17:46

historique - Vercors 51vfy710

Les armes de la nuit (1946)

Pierre est très attendu par ses amis lorsqu'il revient d'un camp en Allemagne, amis, compagnons de résistance. Est-il toujours lui même, presque méconnaissable mais surtout inaccessible. Dans ce texte assez court Pierre est à la fois acculé et abandonné. Il ne peut pas revenir.

Son ami narrateur conclut :

Je ne sais pas.
Je ne sais pas. Je ne sais pas.


Pierre n'est pas une invention, c'est (surtout ?) Pierre Daix, qui préface "l'édition collective" : Les armes de la nuit et La puissance du jour. Qui insiste sur le fait qu'en 45-46 évoquer certains des éléments sur les camps n'est pas anodin, sur le fait qu'on ne sait pas qu'il y aura un après. Un après à ce constat extérieur de cette fracture d'avec des "victimes qu'on ne peut pas aider". Pierre dit qu'il a perdu sa qualité d'homme. Tout le monde veut l'aider, l'entoure d'attention et de ménagements, est démanger par un besoin de savoir, un besoin de voir revenir à lui-même avec volonté et orgueil cet homme.

Vercors dit donc simplement ce qu'il a sentit, constaté, d'effroyable, exprime la volonté et l'impasse. Un geste insuffisant. En même temps pour y parvenir il efface d'une certaine manière la victoire de la survie et d'un comportement exemplaire. Car comment le voir autrement, même si. Il empêche la légende de prendre le pas sur ce geste vers l'autre. Un geste dans toute sa petitesse maladroite et essentielle.

C'est difficile d'imaginer que ça pourrait s'arrêter là. Parce que ça pourrait, et ça a du pour certaines personnes.  C'est réconfortant de trouver la suite, de pouvoir lire la première préface au livre. De pouvoir lire ensuite celle à La puissance du jour.

Pierre Daix a écrit:
Le nombre de ceux qui ont fait la queue pour mourir et ont réchappé à la balle dans la nuque est probablement encore plus faible. Eux non plus n'en parlaient à personne parce que ça ne leur semblait pas de mise face au nombre des morts et disparus. Au surplus, qui de nous n'a pas entendu les : "Comment ça se fait que vous soyez revenu ?", mêlés au rejet agacé : "Vous êtes vivant, qu'est ce que vous demandez de plus !"
(...)
Mais Les armes de la nuit  touche directement à ce qu'à notre retour nous demandions de plus que les attentions qu'on nous donnait. Ce plus, c'était la réception d'un message : ce qui nous était arrivé interpellait aussi ceux qui n'avaient jamais cessé de dormir dans leur lit et qui nous regardaient comme si nous débarquions d'un autre monde que le leur. C'est exactement là que réside l'universalité des Armes de la nuit. Si Pierre a perdu sa qualité d'homme, ce n'est pas affaire privée. C'est la nôtre. Qui que nous soyons.
et première préface :

Vercors a écrit:
   "Est-ce un récit fermé sur lui-même ? Ou la première partie d'un plus long récit ? Ce n'est pas moi qui peux répondre, - pas encore. Il n'est pas interdit de penser qu'il me faudra peut-être un jour écrire la suite. J'aimerais dire : j'espère qu'il le faudra. Non pas pour moi : pour mon héros. Car on dira de lui peut-être, la dernière page tournée : "Mais vous l'abandonnez !" Oui, je l'abandonne. Que faire d'autre ? Que feriez-vous, vous-même ? La nature du crime commis contre lui, le monde jamais n'en a connu de pareille. Comment secourir la victime ? O temps abominables ! C'est l'infernale horreur de ce crime, que la victime ne puisse être secourue. Nous ne pouvons qu'assister impuissants à ses efforts pathétiques, à ses espoirs, à ses échecs. Ne se surmontera-t-elle pas dans l'avenir ? Ah ! je l'espère. Je l'espère de toute mon âme. Mais, aujourd'hui, je ne le sais pas, et ni moi ni personne ne peut rien pour elle, - sinon elle-même. Elle seule. Nul plus que moi ne sera heureux si je puis un jour reprendre la plume, et dussé-je secouer tout l'oubli du monde, relater les étapes de la guérison."
Avec les qualités de Vercors, de simplicité, de finesse dans sa manière d'aborder les problèmes directement mais avec pudeur, d'accepter et de montrer les erreurs, de faire vivre son intention et quelques doutes dans sa langue.

C'est frappant, ça renvoie à beaucoup de choses, ça pose une ombre sur l'histoire, mais une ombre qui s'étend.

J'ai été surpris de ne pas avoir entendu parler de ce(s) texte(s) avant de tomber dessus par hasard.

(Rapatriement tardif).


Dernière édition par animal le Ven 18 Aoû 2017 - 17:55, édité 1 fois

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Message par animal Ven 18 Aoû 2017 - 17:48

historique - Vercors 51vfy710

La puissance du jour (1951)

La suite espérée. On parcourt le temps écoulé depuis qu'on a quitté Pierre pour arriver à l'heure du livre. Ces années d'immédiate après-guerre dévoilent le retour difficile de cet homme marqué à lui-même.

Destin particulier et histoire mouvementée donne un récit complexe qui par son jeu de dialogues aurait de faux airs de Malraux (faux). Nettement moins exalté et plus soucieux de faire parvenir à la lumière les enjeux pesés.

Parce qu'il ne faut pas la négliger il y a l'histoire : les actions du groupe de résistants auquel appartiennent Pierre, le narrateur, Nicole (jeune et éprise de Pierre qui met en mouvement ce retour par une manigance particulière) et quelques autres. Qu'en reste-t-il ? Quel est le poids de ces actions, chacun découvrant une part d'ombre et un prix élevé à son action ? Quel impact, quel résultat sur l'histoire. Mis en rapport avec les actes d'un préfet, exécutant zélé, ça reste compliqué et anxiogène. Et l'Espagne ?

Avec une manie du décorticage minutieux comme dans Les animaux dénaturés il s'agit aussi pour Pierre et le narrateur qui observe de mettre le doigt sur la "qualité d'homme". Individualité, orgueil,  caractères innés, impératifs moraux et actions. Ce qui se résout de façon positive dans une lutte active qui pourrait très sommairement (ça serait faire l'impasse sur la question et ça serait une erreur) se résumer en : "on ne nait pas forcément avec et ça se travail cette qualité d'essayer d'avoir l'action juste, utile ou positive".

Et un des mouvements du livre est par là-dessus de faire que la réflexion, les inflexions du cheminement et les éclairages nous sont refusés. Il en résulte une confusion choisie qui rebondit de petit pas d'aventures en retraits méditatifs. Et c'est vrai que nous sommes loin de la blessure, rupture qui habite les personnages. Il reste à faire encore ce pas vers eux. Complexes, imparfaits, mal connus, presque anonymes.

Pas la lecture la plus évidente qu'on puisse imaginer (malgré la langue toujours limpide dont use Vercors), pas la plus neutre, pas la moins torturée (parce qu'on sent le caractère volontaire et l'inquiétude d'être juste avec ses personnages et de faire passer son message) et pas la moins structurée avec ce que ça implique de manque d'évidences.

Avec de la retenue il y a l'humanité brute et un élan qui habite habituellement les pages de l'auteur. ça doit bien être le genre de livre qu'on doit pouvoir relire presque malgré soi bien plus tard et s'y perdre autrement.

L'effort de remise en cause ou de réalisation de disparition de ces actes de résistance, de leur effacement dans la vie publique (et la réintégration à des postes à responsabilités de personnalités compromises) sans que le trait soit trop marqué, ça tient du constat, pour ces années, ce contexte ça fait un drôle d'effet.

Ça donne le vertige, on pourrait presque parler de maladresse, c'est fort. Et tout ce souci est très attachant (et appelle à l'humilité).

(Rapatriement tardif suite).

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Message par animal Ven 18 Aoû 2017 - 17:49

La flemme de retoucher les phrases pas top mais le cœur y est.

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Message par bix_229 Mer 5 Déc 2018 - 16:15

historique - Vercors Vercor10

Plaque commémorative à la mémoire de Vercors sur le Pont des Arts
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Message par Invité Mer 5 Déc 2018 - 16:27

Marrant, j'ai commencé tout à l'heure le premier roman d'Emmanuel Dongala, et il fait référence à Vercors dans sa préface, qui lui avait attribué un prix, qui lui avait permis d'être connu à ce moment-là.
Marrant que tu fasses resurgir son fil, car ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu parlé de lui.

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Message par bix_229 Mer 5 Déc 2018 - 16:40

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Simplement profité de la parution d'un livre sur les plaques commémoratives à Paris.
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Message par Tristram Mar 25 Juil 2023 - 7:54

Les Animaux dénaturés

historique - Vercors Les_an11

Douglas Templemore, un journaliste, rejoint en Nouvelle-Guinée des anthropologues, dont Frances Sybil, une ancienne amante qui a épousé Cuthbert Greame, qui découvre le chaînon manquant entre le singe et l’homme – et celui-ci est vivant ! C’est le tropi (contraction d’anthrope et de pithèque : "homme-singe").
Le père Dillighan, qui les accompagne, est profondément troublé : est-ce que les tropis ont une âme ? Sont-ils des hommes, donc à baptiser, ou des bêtes ?
« Orthogéniste. Partisan de l’orthogenèse. Il croit que l’évolution a un but. Au moins une direction. »

« Toute classification est arbitraire. La nature ne classifie pas. C’est nous qui classifions, parce que c’est commode. Nous classifions d’après des données arbitrairement admises, elles aussi. Qu’est-ce que ça peut vous faire, au fond, que l’être dont voici le crâne entre nos mains soit appelé singe, ou soit appelé homme ? Il était ce qu’il était, le nom que nous lui donnerons ne fait rien à la chose.” »

« Combien faut-il de mots ou de sons distincts pour mériter le nom de langage ? »
La Société Fermière du Takoura (Australie) projette d’utiliser cette main-d’œuvre bon marché.
« À moins de remettre en question le droit que l’espèce humaine a pris d’utiliser à son profit le travail des bêtes domestiques, sur quelle base morale nous opposerions-nous aux projets de la Société Fermière ? »

« L’apparition des tropis, conclut-il, prouve l’inanité de la notion simpliste de l’unicité de l’espèce humaine. Il n’y a pas d’espèce humaine, il n’y a qu’une vaste famille d’hominidés, qui descend l’échelle des couleurs, au sommet de laquelle est le Blanc – l’homme véritable – pour aboutir, à l’autre bout, au tropi et au chimpanzé. »
La question est aussi d’importance parce que, faute d’une définition de l’humain, le racisme remet en doute l’humanité des « nègres » et autres populations non blanches.
Doug participe personnellement à l’essai d’un croisement avec l’homme, « un critérium de la définition de l’espèce [étant] que deux individus d’espèces différentes ne peuvent avoir de progéniture » : la reproduction est un succès – hybridation ou métissage ?
Afin de lutter contre l’exploitation des tropis, il tue son "fils" pour être traduit devant un tribunal du Royaume-Uni (où le sort des animaux semble plus émouvoir que celui des hommes, et les églises sont plutôt embarrassées).
Peut-il exister des hommes sans tabous, sans mythes ? Tout le roman tourne autour de la question du propre de l’homme. Le Parlement s’attache donc à établir « une définition légale de la Personne humaine ».
« Il n’existe pas d’espèce animale qui montre, fût-ce à l’état le plus rudimentaire, des signes d’esprit métaphysique. »
Cette conclusion assez floue (et assez religieuse) permet notamment de sauvegarder les intérêts des textiles anglais face à la concurrence australienne…
On conclut donc sur l’« idée que l’homme se distingue de l’animal par son opposition à la nature. Comment dites-vous ? Sa dénature. » À la lecture de Descola, cette conception ne manque pas de piquant !
« L’humanité ressemble à un club très fermé : ce que nous appelons humain n’est défini que par nous seuls. Nos règlements intérieurs ne sont valables que pour nous seuls. C’est pourquoi il était tellement nécessaire qu’une base légale fût établie, tant pour l’admission de nouveaux membres, que pour l’instauration de règlements applicables à tous. »
Pascal Picq dit de ce livre, dans Qui va prendre le pouvoir :
« On retrouve sous la plume géniale de Vercors un scénario de la même veine dans Les Animaux dénaturés (1952). Cette fois, plus question de grands singes ou de peuples attardés, mais de la découverte d’une population préhistorique sur une île perdue, les Tropis. Au fil des chapitres, tout le livre se préoccupe de ce qui constitue le propre de l’homme : ces Tropis sont-ils, ou pas, des humains ? Plus de soixante ans plus tard, il n’y a pas une ligne à changer dans ce texte. »
Thème fort approfondi par Vercors dans ce roman qui est peut-être devenu encore plus d'actualité de nos jours.

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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