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Maylis de Kerangal

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Message par Mordicus Mar 17 Jan - 8:31


Extrait de Naissance d'un pont


[...]
le pont se construisait, les hommes et les femmes du chantier ne levaient plus la tête mais travaillaient ramassés sur les gestes à faire, s'acquittant chaque jour des quotas de mètres carrés, de mètres cubes et de tonnes requis sur les tableaux relatifs au phasage des travaux, oui, le pont se haussait, il partait du plus bas, du plus profond, une profondeur dont personne à Coca n'avait la moindre idée, il prenait appui au fond de trouées calibrées au millimètre qui transperçaient une à une les strates de sédiments, se basait au cœur du mille-feuille mnésique, se soutenait de la glèbe la plus noire et le plus lourde, pâte grasse qui suintait des rigoles de jus archaïques, s'égouttait ploc ploc ploc, et ça résonnait comme dans un cachot, scintillait dans les faisceaux des lampes frontales puisque les têtes casquées s'y penchaient à l'examen puis se redressaient faces noires et yeux exorbités, on y est, on y est, le trou du cul du monde, ça gueulait dans toutes les langues, on y arrive, descends, encore un mètre, encore, vas-y, tu peux y aller, et alors les dents luisaient dans le noir, émaillées comme autant de lucioles, ça gueulait, talkies-walkies crochetés aux oreilles, encore, encore, vas-y descends, encore, dans le cul profond, quand là-haut, tout là-haut, à la surface du monde, dans le soleil éblouissant et l'éclat des berlines polishées carrosses, c'était encore des talons aiguilles tac tac tac, des pneus de gomme sculptée qui râpaient l'asphalte, des gens en marche qui vivaient la vie et ignoraient tout de ce qui se jouait.
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Message par Tristram Mer 18 Jan - 0:06

Pour faire bouger un peu les « choses », ci-dessous une critique politiquement incorrecte, vacharde mais un peu alambiquée, que je relaie sans avis personnel ou presque.
Extraits de l’article Pourquoi la littérature de langue française est nulle (du 7 janvier 2016, La Revue Littéraire, n°61, éditions Léo Scheer) qui a valu à Richard Millet d’être viré par l’éditeur son employeur :

« …] Mme de Kerangal aperçoit les migrants, ceux qui se noient dans la Méditerranée, pas les autres, lesquels n’entrent pas dans la « boucle tournoyante du sens » qu’elle tente de faire surgir de la nuit avec ce texte que son éditeur [à ce stade la nuit, aux éditions Verticales, filiale du groupe Gallimard], qui n’en est pas à une putasserie près, présente comme « intense » (ce qui oblige à une redéfinition de l’intensité, ce texte relevant surtout de la barbe à papa idéologico-esthétique) et comme un « jalon majeur dans le parcours littéraire » de son auteur [… »

« Ce livre, qui aurait le goût d’un steak de soja sans le lard humanitariste dont il est bardé, témoigne du naufrage de la littérature française: le lecteur est prié d’acquiescer à cette infantilisation idéologique où les clichés se battent pour donner un texte si lisse qu’il ne diffère en rien des autres romans jetables qui se publient chaque automne. Les milliers d’imbéciles qui lisent Babyliss de Kerangal sont coupables d’entretenir une imposture et, à ce stade du désastre, l’illusion que la littérature contemporaine existe, alors qu’elle n’est que de la propagande recyclée dans une langue transgénique. »

Il fustige encore les écrivains de France et francophonie,
« …] domestiques d’un Système qu’ils dénoncent sans relâche, tâcherons de la rentabilité médiatique, zélotes du narcissisme humanitaire, activistes de l’amour de soi déguisé en altruisme. »
Texte intégral : http://www.youscribe.com/catalogue/livres/litterature/la-revue-litteraire-n-61-2710992

Soutien de Marin de Viry à R Millet, plaidant pour que l’avis argumenté de ce dernier ait le droit d’être librement exprimé, et critiquant également la « sous-post-littérature » de « l’artiste postiche contemporain » :

« Comme lui, on peut penser que la vraie littérature est aujourd’hui affaire d’offensive, de désir de débouter le projet de l’époque, de reportage dans les abattoirs de l’esprit: a-t-elle, d’ailleurs, jamais été autre chose, et n’a-t-elle pas toujours été escortée par des imbéciles qui la prenaient pour une effusion sympathique? J’aurais tendance à penser que ce n’est pas grave: en me penchant sur le catalogue Gallimard d’il y a cinquante ans, je vois que se juxtaposent les génies et les littérateurs médiocres, assez heureux pour écrire convenablement, mais stériles à la lecture. Aujourd’hui encore, Gallimard publie Régis Debray, admirable, et David Foenkinos, globalement risible. Et il est vrai qu’il existe de nos jours beaucoup d’écrivains douteux, je veux dire dont on doute qu’ils soient vraiment écrivains, car ils sont sur la ligne de crête entre la posture et l’imposture. Un storyteller qui tire à la ligne en utilisant les procédés du page turner, tout en lardant son texte de marqueurs culturels qui le rendent bankable chez Gallimard, est-ce vraiment un écrivain ou du Canada Dry ? Comme Millet, je penche pour le Canada Dry.
La politique idéale d’un éditeur serait de laisser la postérité trancher en publiant aujourd’hui à la fois des auteurs à grosses ventes et à petit avenir pour financer leur contraire; mais tout se gâte, tout se passe comme si l’éditeur était désormais forcé de choisir, que tout ce petit monde ne pouvait plus vivre sous le même ciel. Les camps se sont formés autour d’une double querelle en imposture. La couronne de la vraie littérature ne doit pas revenir à la sous-littérature, pour un Millet, tandis qu’elle ne doit pas aller à la littérature « fasciste », pour ses détracteurs. »
Texte intégral : http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/files/2016/05/Affaire-Millet-suite-Marin-de-Viry.pdf

Je trouve tout ça intrigant et remue-méninges ; j’ai regardé sur le fil David Foenkinos (auteur que je n’ai pas lu), les commentaires vont dans le même sens que Viry.

J’aime l’idée que toute œuvre soit publiée, sans ostracisme, mais… avec aussi une critique vigoureuse (et sans censure, ni récupération) !

J’ai l'envie d’ouvrir un fil sur la critique littéraire, ça me paraît intéressant !?

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Message par Marie Mer 18 Jan - 1:30

Et bien... Very Happy
Extraits de l’article Pourquoi la littérature de langue française est nulle (du 7 janvier 2016, La Revue Littéraire, n°61, éditions Léo Scheer) qui a valu à Richard Millet d’être viré par l’éditeur son employeur :

Dans lequel Richard Millet écrit:

avec ce texte que son éditeur, qui n’en est pas à une putasserie près
Peut être que ceci n'a pas plu à Mr Gallimard, allez savoir, il y en a qui se vexent de si peu..

Mieux vaut donc se noyer que de lire Mme de Kerangal, me dit une amie qui est, par sa fonction, obligée de s’intéresser à cette littérature qu’elle trouve aussi insignifiante que celle de Nothomb, Vigan, Garcin, Pancrazi, Salvayre, Angot, Jourde ou Foenkinos.
Et bien qu'est ce qu'elle attend, alors son amie, on se le demande! Quel buzz! Je me noie dans la Seine ( du bon côté quand même) parce que mon employeur m'a obligée à lire les sus-nommés. Au secours, c'est froid, comment font-ils ces..comment on les appelle, déjà?

ceux-ci ne sont qu’un motif littéraire branché.
Ah. Peut être. Et Eloge littéraire d'Anders Breivik, c'est quoi alors, Mr Millet?

Bon je n'ai pas lu à ce stade la nuit , donc il m'est difficile de dire quelque chose sur le livre lui-même, mais le fond de la critique me semble plus une attaque ad hominem, ad mulierem  plutôt, que sur la littérature elle-même?

Quant à cela...
S’il est difficile d’imaginer que des êtres humains puissent être réparés, sauf à les considérer comme du matériel
???
D'abord ce "Réparer les vivants et enterrer les morts" n'appartient pas à Maylis de Kerangal, elle l'a emprunté à Tchekhov .
Et ensuite, si, Mr Millet, il y a des éléments qu'on peut réparer dans les êtres humains! Si, si!Non mais!!! Il y a même des pièces que l'on peut changer, vous imaginez. Non, n'imaginez pas, cela vaut mieux.

Moi, j'avais aimé
Réparer les vivants...

peinture - Maylis de Kerangal - Page 3 Talach12

Que faire, Nicolas ? – Enterrer les morts et réparer les vivants.
" Platonov ( Anton Tchekhov)

D'abord, j'aurais envie de saluer la langue, le style ,qui d'emblée , dès les premières lignes , surprennent et enthousiasment. Et ce dans chaque domaine que Maylis de Kerangal va évoquer, et ils sont nombreux:

Simon s'élance et rame de toutes ses forces, afin de prendre la vague de vitesse justement, afin d'être pris dans sa pente, et maintenant, c'est le take off, phase ultrarapide où le monde entier se concentre et se précipite, flash temporel où il faut inhaler fort, couper toute respiration et rassembler son corps en une seule action, lui donner l'impulsion verticale qui le dressera sur la planche, pieds bien écartés, le gauche en avant, regular, jambes fléchies et dos plat, quasiment parallèle au surf, bras ouverts stabilisant l'ensemble, et cette seconde-là est décidément celle que Simon préfère, celle qui lui permet de ressaisir en un tout l'éclatement de son existence, et de se concilier les éléments, de s'incorporer au vivant, et une fois debout sur le surf- on estime à cet instant la hauteur crête à creux à plus d'un mètre cinquante-étirer l'espace, allonger le temps, jusqu'au bout de la course, épuiser l'énergie de chaque atome de mer. Devenir déferlement, devenir vague.
Il prend ce premier ride en poussant un cri, et pour un laps de temps touche un état de grâce-c'est le vertige horizontal, il est au ras du monde, et comme procédant de lui, agrégé à son flux- l'espace l'envahit, l'écrase tout autant qu'il le libère, sature ses fibres musculaires, ses bronches, oxygène son sang; la vague se déplie dans une temporalité trouble, lente ou rapide, on ne sait pas, elle suspend chaque seconde une à une jusqu'à finir pulvérisée, amas organique sans plus de sens et, c'est incroyable, mais après avoir été tabassé par les cailloux dans le bouillon de la fin, Simon Limbres a fait demi-tour pour repartir direct, sans même toucher terre, sans même s'attarder sur les figures fugaces qui se forment dans l'écume quand la mer achoppe sur la terre, surface contre surface, il est retourné au large , ramant plus fort encore, fonçant vers ce seuil où tout commence, où tout s'ébranle, il a rejoint ses deux copains qui pousseront bientôt ce même cri dans la descente, et le set de vagues qui blinde sur eux depuis l'horizon, rançonnant leur corps, ne leur laisse aucun répit."

Ce n'est pas pour rien que ce roman démarre sur cette très belle description de jeunes hommes surfant un matin de très bonne heure dans une eau très froide. Le surf, pour certains, c'est la vie poussée à son extrême, prendre la vague, la bonne, au bon instant, c'est, ils vous le diront tous, le summum de l'émotion, de l'intensité de vivre de tout son corps et de tout son esprit concentré.
Car c'est un roman de vie écrit avec des vagues d'écriture. Des rouleaux..qui vont écraser le jeune Simon contre le pare brise, le tuant quasiment instantanément, s'abattre sur ses parents, sa famille, mais aussi sur tous ceux dont le destin va basculer , qui vont recommencer à vivre à partir de cet évènement tragique.
C'est le récit d'une greffe d'organe,ici le coeur, car le coeur est un symbole, mais c'est aussi le récit d'une course de 24 heures dans la vie de tous ces personnages sur lesquels Maylis de Kerangal prend le temps de s'arrêter pour successivement raconter un peu de leur histoire. Pourquoi si peu de temps pour quelque chose d'aussi tragique , et si difficile à annoncer aux proches? Parce que l'hémorragie cérébrale risque de noyer très vite les centres vitaux, et alors le coeur s'arrête et c'est trop tard pour que cette mort puisse servir à d'autres.
Revol et Thomas prendront eux  le temps nécessaire pour faire comprendre aux parents qu'un corps, même s'il semble vivre ,n'est pas tout. La mort cérébrale légalement constatée signe la mort tout court.

Ceci fait s'enclenche une chaîne de réactions ( mais elle était déjà enclenchée, dès l'arrivée et la constatation que rien ne pouvait être fait pour Simon , tout dépendait de l'acceptation des parents , du bilan des organes, et d'une ultime vérification pour bien s'assurer que Simon ne s'est pas inscrit dans un fichier où figurent ceux qui s'opposent à tout prélèvement d'organes).
C'est une chaîne bien rodée, huilée, entraînée , chacun sait ce qu'il a à faire, chacun est interrompu dans ses propres activités, mais c'est leur travail. Coordonne l'ensemble le très beau personnage de Thomas, infirmier et philosophe, chanteur et ami des oiseaux, chargé du bon déroulement dans le moindre détail, et que soit garanti jusqu'à la dernière minute le respect dû au corps de ce jeune homme:

Thomas résiste en silence à contre-courant de l'épuisement général, ou de l'urgence de clore, il ne lâche rien: cette phase du prélèvement, la restauration du corps du donneur, ne peut être banalisée, c'est une réparation; il faut réparer, maintenant, réparer les dégâts. Remettre ce qui a été donné comme il a été donné. Sinon, c'est la barbarie. Autour de lui, on lève les yeux au ciel, on soupire: qu'est ce que tu crois, on ne va rien bâcler, tout sera fait comme il doit être fait.

J'ai apprécié que ce roman soit plus centré sur le donneur et sa famille que sur les receveurs , les greffes d'organes maintenant sont presque banales, de la routine médicale de service de réanimation. Mais la mort d'un jeune homme ( et de quiconque d'ailleurs) ne doit jamais conduire à une routine des attitudes. Vont redémarrer d'autres vies ailleurs , mais lui, jusqu'au bout, doit nécessiter attention et respect.

C'est un magnifique roman qui témoigne d'une grande empathie de l'auteur pour tous ceux qui y sont décrits, quelque soit le degré de sympathie ou d'émotion qu'ils suscitent chez le lecteur. Je rajouterais quelque chose de sans doute plus personnel, j'ai beaucoup lu de récits, romans ou autres, approchant le domaine médical. Pas grand chose quand même sur ce qui se passe dans ces services si spéciaux de réanimation lourde . Mais c'est vraiment la première fois que je lis un texte si juste, sans une fausse note tant sur le plan technique pure, que dans les attitudes, les conduites, les dialogues. Tout cela a été étudié de très près.. Et je le prends comme un hommage à ce travail d'équipe , et il en a bien besoin car il n'est pas facile tous les jours.

En exergue: "My heart is full "( de l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, Paul Newman, 1973)
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Message par Tristram Mer 18 Jan - 3:29

Marie a écrit:une attaque ad hominem, ad mulierem  plutôt, que sur la littérature elle-même?
Oui, peut-être est-ce une attaque ad personem, mais il faut rappeler que la position (et/ou posture) de Millet depuis 30 ans au moins est de déplorer le passage de la culture au divertissement, et la « paupérisation de la littérature » par « dégradation » de la langue.
J’ai justement regardé un débat sur l’Eloge littéraire d'Anders Breivik  (https://youtu.be/M4hvtGQ8yXo), où Millet se défend en présentant le « monstre » comme un « écrivain par défaut »…

« Ai-je d’autre histoire que celle de la langue et de la littérature françaises ? Je n’habite pas un pays réel mais ses espaces textuels, rêvés, subjectifs. Seules la vie et la langue nous sont données ; le monde respire ou s’enténèbre dans la langue ; et je ne suis pas vraiment au monde comme je le suis à la langue. »
Richard Millet, « Une langue où mourir » in « Le Sentiment de la langue » I

Millet a un style superbe, mais peut-être aussi du mal à laisser place à d’autres écrivains (plus jeunes) ?
En tout cas il semble tomber à plat avec Kerangal (je n’ai pas lu non plus à ce stade la nuit, ni Réparer les vivants, seulement Naissance d’un pont) : Marie, je suis ravi, je n’avais pas espéré une telle réaction approfondie, ton exposé présente  son œuvre de façon fort humaine et convaincante.

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Message par Mordicus Mer 18 Jan - 8:15


Faire bouger les choses ?

C'est-à-dire ?

(Parce qu'on peut t'engager sur pas mal de fils alors ?)
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Message par shanidar Mer 18 Jan - 11:22

Si je peux ajouter un mot, ce n'est pas une attaque ad personem, mais bien ad mulierem comme le souligne Marie, puisque depuis des années Millet regrette qu'autant de femmes se soient mises à écrire et à être publiées. D'après lui, cela augmente la production de navets.
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Message par Tristram Mer 18 Jan - 11:26

Je suis très intrigué par les points de vues fort différents sur une même oeuvre, quand il n'y a pas du tout consensus, etc.
Je crois que je vais lancer ce fil sur la critique littéraire, mais hier j'avais écrit un commentaire assez long en réponse à Marie, le sien m'ayant vraiment impressionné, et j'ai dû faire une fausse manip, j'ai tout perdu, et il m'a fallu recommencer, plus brièvement parce qu'il était minuit ici... je vais maintenant rédiger hors ligne, tant pis pour la présentation !

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Message par Tristram Mer 18 Jan - 11:31

Shanidar a écrit:D'après lui, cela augmente la production de navets.
On pourrait ergoter que, mathématiquement, il a raison ! ou lui rétorquer que le premier roman français a été écrit par une femme !
Il revendique le multiculturalisme, admet son arrogance... peut-être a-t-il vraiment un problème avec la "concurrence" ?!

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Message par Tristram Mer 18 Jan - 11:46

Comme je disais, je n'ai encore lu que Naissance d'un pont, j'en parle plus haut. L'extrait de Réparer les vivants m'a frappé ; j'en suis à me demander par quoi continuer : la lire chnologiquement ?

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Message par shanidar Mer 18 Jan - 11:48

Tristram a écrit:Comme je disais, je n'ai encore lu que Naissance d'un pont, j'en parle plus haut. L'extrait de Réparer les vivants m'a frappé ; j'en suis à me demander par quoi continuer : la lire chnologiquement ?

excuse-moi, Tristram j'ai retiré ma question en me souvenant que nous avions parlé de Naissance d'un pont... Corniche Kennedy est aussi extrêmement intéressant d'un point de vue littéraire et de société, car on n'a pas si souvent l'occasion de côtoyer un groupe de jeunes marseillais avide de vie, d'amours et de transgressions.
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Message par Marie Jeu 19 Jan - 3:27

Tristram a écrit:En tout cas il semble tomber à plat avec Kerangal
Le moins que je puisse dire , c'est que démolir ainsi Maylis de Kerangal après lecture d'un seul de ses livres ( et sur celui-là, Topocl avait des réserves..) comme presque unique représentante de la littérature de langue française me semble un peu....on va dire rapide. Maylis de Kerangal n'est pas La littérature de langue française contemporaine, comme le rappelle avec humour Philippe Annocque ici
Il enchaîne d'ailleurs avec quelques commentaires sur les écrivains dits francophones qui peuvent laisser rêveur, non?

Le verbeux Mabanckou, l’inconsistant Abdellah Taïa, le filandreux Eugène Ébodé, le pleurnichard Gilbert Gatore, le scribouillard Yasmina Khadra, le prolifique Boualem Sansal qu’on s’efforce de faire passer pour un grand écrivain courageux, et son œuvre, abondante en lieux communs, pour un « réquisitoire féroce », ce que dément sa tête de vieille romancière néo-zélandaise plus versée dans la confiture de kiwi que dans le décryptage orwellien du monde contemporain. Tout ça n’a pas plus d’intérêt que la littérature de Mme de Kerangal : même indigence stylistique, même vision manichéenne, même inculture revendiquée comme signe d’authenticité culturelle, même arrogance au sein d’un infini naufrage littéraire,

etc...

En tout cas, merci beaucoup Tristram, j'ignorais tout de cette "affaire" qui semble avoir beaucoup remué les milieux littéraires!
J'imagine mal, par contre, après avoir parcouru un bon nombre d'articles, prises de positions, analyses etc  sur cette fameuse affaire, que son renvoi soit dû uniquement à ce texte revanchard . C'est, j'en ai l'impression, une  beaucoup plus  longue histoire dont les enjeux m'échappent largement .

Tristram a écrit:J’ai justement regardé un débat sur l’Eloge littéraire d'Anders Breivik  , où Millet se défend en présentant le « monstre » comme un « écrivain par défaut »
…Regardé, merci! Même si Taddéi n'est pas le pire interlocuteur pour ce genre d'exercice, loin de là, c'est très difficile d'expliquer une démarche dans ce genre d'exercice. Mais je trouve qu'il s'en sort mal... de l'ironie dans le titre? Ca ne tient pas!
Alors j'ai cherché un peu plus ce qu'il disait dans son texte, je crois avoir compris qu'effectivement son titre était tout simplement mauvais. Sur le fond , je  le renverrais plutôt à l' essai d' Hans Magnus Enzensberger, Le perdant radical .
Et critique pour critique, à l'analyse qu'en a fait un lecteur, Juan Asensio ici, qui a ,lui aussi ,le verbe facile ,brillant... et très méchant!
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Message par Tristram Jeu 19 Jan - 4:12

Merci une nouvelle fois Marie, en quelque sorte tu as fait tout le boulot : lire, même l'Eloge (ce que je n'ai pas fait)...

Effectivement, Juan Asensio n'est pas mal dans le genre, je vais creuser dans son blogue.

Marie a écrit:C'est, j'en ai l'impression, une  beaucoup plus  longue histoire dont les enjeux m'échappent largement .
J'ai compris que c'est la 2° affaire R. Millet, mais bon, déjà que je m'enfonce...

« Par sa surabondance, l’information crée de l’indécidabilité, et donc de la perplexité. »
Étienne Klein, « Le small bang Des nanotechnologies »

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Message par Nadine Lun 27 Mar - 17:40

peinture - Maylis de Kerangal - Page 3 410n8n10

à ce stade de la nuit
Je ne connaissais pas dutout le contexte d'écriture de cet opus, qui, si j'en crois la note à ce propos de topocl en page 1 du fil, est une sorte de commande de la maison d'édition. Quand j'ai lu ce fil d'auteur à mesure qu'il s'alimentait, je n'avais pas bien noté ce point, je survolais tout, pour ne pas trop déflorer, dés lors que mon intérêt était confirmé.
OK.
Je comprends mieux du coup. Et, en tenant compte de ce contexte, peux saluer, sereine, l'écriture .

Car, en effet, à sa lecture, j'ai trouvé gonflé ce petit livre. Je me suis dit qu'il serait succeptible d'être littéralement haï par certaines personnes.
C'est une sorte de soliloque élégant sur la pensée se faisant,
ajouter à cela qu'il est blindé de références plus élitistement traitées qu'usuellement, du moins apparemment,
et qu'il aborde comme par accident un drame humain ,  qu'il pose cependant celui-ci comme déroulé discursif.
Vous imaginez. Très casse pipe.

Tout en lisant, donc, ce court texte, d'une traite, ces réflexions me traversaient, et mon intérêt ne faiblissait pas pour autant. Parce que ce déroulé de pensée, un peu mis en avant, une fois admis, était très agréable, intellectuellement parlant.
Je me disais ahh si je pouvais communiquer ces portes, ces ponts d'idées, comme elle le fait, à un poilu qui parlerait aussi cette langue, quel pied ce serait, ahh si je prenais le temps d'estimer, ainsi, mes associations d'idées, et prenais le temps, comme cette auteure, d'aller creuser, ahhh quel monde idéal ce serait, ahhh : en somme, j'ai aimé suivre cette démonstration de cognitif très spécifique, très intellectuel, très empathique.

Aborder ce texte en pensant y trouver plus directement un traitement éthique de la question tragique du naufrage de ces hommes et femmes serait une fausse route. C'est ce que je veux dire.
Pourtant, c'est sur ce mode particulier, intérieur, que sont traitées beaucoup d'informations majeures, dans mon esprit. je suis donc assez heureuse d'avoir suivi ce fil. Et vais attaquer bientôt un roman d'elle, sans hésiter, loin des contraintes auxquelles elle répond ici brillamment. Apparemment.

J'aimerais bien que ma filleule, jeune fille encore toute hirsute, lise un jour ce texte, car son intelligence est de type analogique je crois, comme la mienne, pas vraiment intellectuelle, et cela paraitra peut-être bête de le dire ainsi, mais cet "essai" sur le langage et le sens pourrait constituer pour elle un bel exemple , discret, de l'art d'utiliser sa culture, sa capacité à relier, et sa créativité.

Ajouter à cela que le lexique est riche, aspect auquel je suis toujours assez sensible, et que l'auteur habite un espace sensible dénué de mésestime de soi. Je suis sensible également à ce trait en prenant de l'âge, j'aime rencontrer des énonciations sûres, mais modestes, précises et simples, pointues et par tous ces points légitimes et légitimées.
(J'avais abordé un peu ce truc, déjà, après ma lecture de Patti Smith.
Une écriture de soi qui évite le nombrilisme mais qui met en scène avec décence pourtant l'être au monde.)

Chouette petite parenthèse , donc.

ps : Elle parle du film de Perry et Pollack, "le plongeon", Animal, que je t'ai conseillé il y a quelques mois et que je conseille à tous. un bijou.

Ps : c'est un petit bouquin un peu en huis-clos. Il faut le reconnaitre. Je pense que je ne lirais pas une oeuvre entière sur ces procédés. Vous avez suivi.
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Message par Hanta Mar 18 Juil - 11:04

Tangente vers l'est

peinture - Maylis de Kerangal - Page 3 0bvnvn10


Un livre éblouissant !
En fait je vais préciser même si c’est un peu gâcher l’avis lapidaire que je souhaitais mettre tant il n’y a rien besoin de justifier.
L’histoire de deux destins qui se croisent dans le célèbre Transsibérien au cours d’un voyage si complexe et si simple, si fondamental, si initiatique même.
Je voulais sentir, percevoir la Russie. Je l’ai.
Moi qui rêve de voyager dans ce train, j’ai pu voyager grâce au livre.
Moi qui souhaitais des personnages complexes, émouvants, j’ai aussi.
Maylis de Kerangal réalise aussi un exploit, faire un huis clos avec la sensation d’un gigantesque espace. Avoir une promiscuité au travers de grandes distances. Avoir une proximité entre des personnages qui ne se comprennent que si peu par la langue.
C’est magistralement écrit. Le rythme est travaillé, le vocabulaire est méticuleux, il y a une grande précision dans la description des comportements et des émotions, il n’y a pas de fioriture, pas de volatilité du propos. Il n’y a rien d’inutile, tout est à sa place.
Brillant.


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Message par topocl Mar 18 Juil - 11:44

Merci pour ton commentaire Hanta. J'en garde un souvenir éblouissant.
Ne tenterais tu pas L'alcool et la nostalgie, de Mathias Enard? (écrit comme celui-ci après leur voyage par le transsibérien, il sont indéfectiblement liés en moi)

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Message par Hanta Mar 18 Juil - 11:47

Je note la proposition
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Message par Tristram Sam 22 Juil - 21:52

Je suis en train d'écouter ça, masterclass avec Maylis.
Elle dit notamment "tisser des échos entre les livres" (d'une collection d'une quinzaine d'ouvrages réunis autour de la gestation de chacun des siens)
Ecrire "c'est créer des rapports entre les choses" (le matériau des documentations diverses)

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Message par topocl Jeu 23 Aoû - 12:53

Un monde à portée de main

peinture - Maylis de Kerangal - Page 3 Maylis10

Maylis de Kerangal  nous offre un morceau de vie, un roman de formation, en la personne de Laura, jeune fille/femme qui avance d'un pas décidé,  la passion en bandoulière, « l'émerveillement qui lui tient lieu de méthode". Elle est douce, Laura, qui prend cet envol déterminé avec "cette vivacité vacharde qui est le défouloir de la tendresse.

Elle met le pied à l' étrier avec une formation intensive, dans une école de Bruxelles pour devenir « peintre en décor ». Ce rite de passage phagocytant, dont elle ressort éberluée, transformée, la fait intégrer la bande "[d]es copiste, [d]es braqueurs de réel, [d]es trafiquants de fiction", lui ouvre la porte d'une existence nomade, sans attache autre que le plaisir de donner sens à ses coups de pinceau. Entre les peintres anonymes de Lascaux et les dessinateurs assassinés à Charlie Hebdo, maillon fasciné et respectueux, elle découvre  que l'art la place tout à la fois en observatrice et exécutrice, mais la dresse aussi au centre du monde. Que l'art est réalité et fiction mêlées.

L'auteur explore, comme elle aime -et excelle - à le faire, un monde de  professionnalisme et de technicité, auquel elle  insuffle un lyrisme emporté, un bouillonnement d'émotions et de sensations, auquel elle donne sens et identité. Il y a une certain exaltation à apprendre ce métier à travers la passion de Laura - partagée par l'auteur  - , à en connaître les exaltations et les éreintements, l'humilité et la grandeur.

Derrière Laura, on devine l'écrivaine qui se dévoile, dans ce besoin compulsif du détail, la consultation compulsive des encyclopédies, à la recherche de l'histoire qui se cache derrière, dans la digression qui étaie, et qui, même parfaitement inutile (surtout parfaitement inutile?), nourrit la connaissance, enrichit le récit (et par là son auteur).

Cette connaissance exhaustive du sujet passe par l'amour de la langue, du mot juste, précis, technique : elle s'approprie le vocabulaire spécifique du métier, les mots pour le plaisir des mots, enfile les perles des mots rares  du savoir-faire pour construire ses longues phrases, ses énumérations emportées, les dérouler comme des vagues impétueuses.

Ils ont appris à glacer, à chiqueter, à blaireauter, à pocher, à éclaircir, a créer un petit moiré au putois ou un œillet sur glacis avec le manche du pinceau, à dessiner des veines courtes, à moucheter, à manier le couteau à palette, le deux-mèches, le deux-mèches à  marbrer et le pinceau à pitchpin, le grand et le petit spalter, le trémard, la queue de morue, le drap de billard et la toile à chiffonner ; ils ont appris à reconnaître la terre de Cassel et la craie Conté noire, le brun Van Dyck, les jaunes de cadmium clair ou orange ; ils ont peint ces mêmes angles de plafond Renaissance avec putti potelés, ces mêmes drapés de soie framboise écrasée plongeant depuis les corniches de baldaquins  Régence, ces mêmes colonnes de Carrare, ces mêmes frises de mosaïque romaine, ces mêmes Néfertiti de granit, et cet apprentissage les a modifiés ensemble, a bougé leur langage, marqué leur corps, nourri leur imaginaire, remué leur mémoire.

Un petit coup de mou dans le deuxième tiers, Maylis de Kerangal  se laisse emporter par la grandeur décadente des studios  de Cincinnati, sans doute un ou deux chapitres en trop. Si on regarde cependant avec plaisir de voir Laura participer à la réalisation des décors de Habemus Papam de Nanni Moretti, la subtile alchimie du grand art laisse pour quelque pages  la place à la technique comme un procédé qui déborde son auteur, petite longueur se dit-on malgré l'intérêt du sujet. Et puis cela repart, ce n'était qu'une accalmie, la houle langagière et émotionnelle nous reprend.



Mots-clés : #amitié #creationartistique #initiatique #jeunesse #mondedutravail #peinture


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Message par Tristram Jeu 23 Aoû - 13:01

Il y a donc un regard, une réflexion (de l'artiste) sur l'art, Topocl ?

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Message par topocl Jeu 23 Aoû - 13:28

Oui, ces jeunes gens rêvent tous de devenir peintres, alors qu'ils sont plutôt techniciens. Mais dans leur technique, ils se placent quand même dans une démarche artistique. Et s'ils ne sont pas directement dans l'usage de leur imaginaire, il suffit de voir comme ils ont besoin d'un contexte, de faits et d’émotions corollaires, tout cela pour faire que leur "copie" soit cependant habitée, unique, pour comprendre qu'à leur façon, ils sont bien des artistes.
Il y a aussi toute une description de la technique qui est passionnante, et qui n'exclue pas l'émotion non plus, et ce plaisir des mots liés, aussi.

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