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Message par Tristram Ven 24 Aoû - 2:13


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Message par Bédoulène Ven 24 Mai - 21:44

voilà, je viens de terminer mon premier Duras ! Barrages contre le Pacifique j'en sors bouleversée, incapable de trouver les mots pour dire les sentiments qui m'ont remuée durant cette lecture.

Donc quel livre pour continuer ?

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Message par animal Ven 24 Mai - 21:59

laissons la place aux spécialistes CampsConcentration - Marguerite Duras - Page 4 Kaio10

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Message par Tristram Ven 24 Mai - 22:23

Un petit Simenon, pour se remettre ?

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Message par Quasimodo Sam 25 Mai - 15:39

Je ne suis pas spécialiste Bédoulène, mais j'ai lu, dans l'ordre, Un barrage contre le Pacifique, Moderato cantabile et Le ravissement de Lol V. Stein, et j'ai de plus en plus aimé Duras.
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Message par Bédoulène Sam 25 Mai - 21:13

merci Quasimodo !

Tristram oui je vais intercalé moins pregnant !

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Message par Bédoulène Mar 28 Mai - 10:32

Un barrage contre le pacifique
CampsConcentration - Marguerite Duras - Page 4 Barrag10

rappel d'une histoire que les Chosiens ont certainement lue :

L'histoire se déroule dans le sud de l'Indochine sous colonisation française. Une famille française modeste composée de la Mère (veuve) du fils Joseph 20 ans et Suzanne 17 ans, la fille. La Mère après avoir travaillé durant une quinzaine d'années, en qualité d'institutrice, puis donnant ensuite des cours de français, de piano et pour finir jouant du piano dans un cinéma, investi son argent dans l'achat d'une concession octroyée par l'état français avec obligation de cultiver la parcelle. Les agents du cadastre se révèlent corrompus, la parcelle de la famille, comme d'ailleurs celles d'autres français modestes et des autochtones, s'avère être incultivable ; en effet régulièrement la mer de Chine qui baigne la côte envahi les terrains les abreuvant de son sel. Donc aucune plantations possibles, aucun revenu. La Mère ne perd pas espoir, elle décide de se battre et revendique auprès du cadastre une parcelle plus haute sauvegardée des inondations, mais reçoit un refus, elle écrira de très nombreuses lettres auprès de cette administration pour réclamer  son droit car les économies d' une vie de travail ont été englouties par l' octroi de la parcelle et la construction d'un bungalow (pas terminé d'ailleurs), les agents du cadastre l'ont volée !
La Mère doit une somme conséquente d' intérêts à la banque. Sa vie est jalonnée d'échecs, celui qui l'a durablement marqué c'est l' inutilité des barrages qu'elle avait pensé comme solution aux inondations, mais qui se sont écroulés au premier assaut de la mer. Des barrages construits avec l'aide des voisins qu' elle avait convaincus par son assurance, son optimisme.
L'attention que porte le fils d'un grand planteur de passage sur Suzanne conduit la mère à espérer en un mariage qui serait salutaire, mais Suzanne n' a pas l'envie de cet homme, elle compare d'ailleurs tous les hommes à Joseph, son frère et celui-là est loin d'être à la hauteur malgré tout son argent. Cependant elle obtiendra de lui, sans permettre grand-chose, juste son regard sur son corps nu quand elle prend le bain, une bague avec un diamant. Elle rejettera donc l'homme tout en ayant l'honnêteté de lui dire qu'elle ne voulait de lui que l'argent. Il traitera la famille d'immoraux !
La Mère pense vendre le diamant à la ville pour la somme que le planteur a annoncée comme valeur, seul Joseph y parviendra auprès d'une riche et belle femme avec laquelle d'ailleurs il partira après la mort de la Mère.
Suzanne perdra sa virginité dans les bras d'un voisin, Agosti, un homme qui se débrouille de vivre en fraudant : alcool, drogue, mais aussi un chasseur. De toute façon elle attendait près du pont le passage des chasseurs, elle se serait donnée à n'importe lequel pour sortir de l'ennui, de la solitude et parce que son corps réclamait.


Difficile d'exprimer tous les sentiments qui m'ont assaillie à cette lecture, cette écriture qui ne se détourne pas, qui trace sur l'essentiel. Les sentiments entre Mère et enfants sont saisissantes de précision dans l' amour comme dans la contrainte, dans l'échec comme dans l'espoir. Le profond espoir de quitter la plaine pour les jeunes.
La situation des colons français modestes, même si elle est moins cruciale dans la pauvreté que celle, évidemment, des autochtones, n'est pas enviable et particulièrement dans cette plaine sous la juridiction cadastrale corrompue, ignominieuse. que la Mère ne cessera de dénoncer.
Dur de voir, le sort de ces enfants qui meurent de maladie et de faim sous l'administration française et celui des exilés et des bagnards venus construire les routes.
La colonisation son orgueil, son inhumanité, son échec.
De forts portraits de ces femmes et de ces hommes.
Une lecture qui m'amène à poursuivre ma connaissance de l'auteure.

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Message par ArenSor Dim 11 Oct - 19:28

Agatha

CampsConcentration - Marguerite Duras - Page 4 Agatha10

En 1980 -81, Marguerite Duras entreprit la rédaction d’une pièce de théâtre « Agatha », et parallèlement, la réalisation d’un film « Agatha et les lectures illimitées ». Ces deux œuvres ouvrent le « cycle atlantique ».
Agatha est l’histoire d’un inceste (consommé ou fantasmé ?) entre une sœur et son frère. Le prénom fait directement référence à Agathe, sœur d’Ulrich, dans « L’Homme sans qualités » de Musil, couple également marqué par une relation incestueuse.
Le frère et la soeur sont une dernière fois réunis dans la villa Agatha, avant le départ. C’est Agatha qui a décidé de partir pour fuir cet amour impossible. Lui, n’en a pas le courage.
« C’est cette impossibilité dans laquelle il se tenait, lui, de partir d’elle, qui a fait qu’elle, elle ait pu envisager de partir de lui. »
Fuite sans fin puisque Agathe sait que son frère la suivra et qu’elle devra repartir à nouveau et ainsi sans cesse :
« LUI : Où allez-vous partir ?
ELLE : Loin de vous. C’est le mot. Avec lui loin de vous.
LUI : Je viendrai.
ELLE : Oui.
LUI : Et de là vous vous en irez encore.
ELLE : Oui
LUI : Et je viendrai encore.
ELLE : Oui. »
Agathe et son frère se remémorent le passé. Ils évoquent deux évènements importants, le premier s’est passé dans un hôtel des bords de la Loire en jouant une valse de Brahms au piano, le deuxième à la villa Agatha. C’est cette fois là que le frère découvre le corps de sa sœur :
« LUI : le bruit de la mer entre dans la chambre, sombre et lent. Sur votre corps le dessin photographié du soleil. Les seins sont blancs et sur le sexe il y a le dessin du maillot d’enfant. L’indécence de son corps à la magnificence de Dieu. On dirait que le bruit de la mer le recouvre de la douceur d’une houle profonde. Je ne vois plus rien que ceci, que vous êtes là, faite, que la nuit de laquelle vous êtes extraite est celle de l’amour. »
Deux propos de Duras viennent éclairer le propos :
« Il s’agit d’un amour qui ne se terminera jamais, qui ne connaîtra aucune résolution, qui n’est pas vécu, qui est invivable, qui est maudit, et qui se tient dans le sécurisation de la malédiction. »
« Il se souvient du regard sur le corps de sa sœur. C’est dire la force de ce regard, de cette découverte. D’une identité finalement. Ils sont du même sang. Ils sont les mêmes. Ils sont donc inséparables, puisque c’est comme un même corps, c’est ça que j’appelle le bonheur, et qui est recherché constamment et toujours à travers les tentatives de tous les amants. »
Le film, que j’ai vu avant de lire la pièce, est interprété par Yann Andréa, le dernier compagnon de Marguerite Duras, et Bulle Ogier. Par rapport à « India song », filmé quelques années plus tôt, « Agatha » est une œuvre plus épurée avec de longs plans-séquences de la plage de Trouville en hiver. Bien sûr les dialogues sont en off.
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Message par Nadine Dim 11 Oct - 20:47

Wotch. Merci, j'avais pas vu.
J'écoute.Là.
topocl tu te souviens j'avais parlé de Désertines , évoquée par les frères Botlansky. Je suis assez happée par la notion de "ton".
(Desertines

C'est une pépite de plus.
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Message par Tristram Dim 11 Oct - 21:44

ArenSor a écrit:Par rapport à « India song », filmé quelques années plus tôt, « Agatha » est une œuvre plus épurée avec de longs plans-séquences de la plage de Trouville en hiver. Bien sûr les dialogues sont en off.
On ne peut qu'effectivement songer à ce film que j'évoquais hier sur le fil Marguerite Duras réalisatrice (est-ce bien judicieux de séparer l'autrice en deux ?)


https://deschosesalire.forumactif.com/t869-marguerite-duras

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Message par ArenSor Dim 11 Oct - 22:30

Tristram a écrit: (est-ce bien judicieux de séparer l'autrice en deux ?)

Je me suis posé la question. De nombreuses oeuvres de Duras ont été déclinées en films et en pièces de théâtre. Peut-être le commentaire est différent selon le type de "média" (plus orienté texte avec la pièce et séquences, cadrages, lumières pour le cinéma ?) Il faudrait faire des renvois (pour un futur commentaire de la pièce "India song" ?)
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Message par Bédoulène Lun 12 Oct - 20:44

eh bien je vois l'intérêt de ce que vous dites Tristram et Arensor, posez un lien vers le fil cinéma ! ou recopiez votre message ICI du fil cinéma !

(je l'ai posé)

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Message par Plume Dim 18 Fév - 14:00

Cette jolie photo est de Robert Doisneau : Marguerite Duras au petit Saint Benoît, Paris, 1955

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Message par Tristram Mer 21 Fév - 11:13

La Douleur

CampsConcentration - Marguerite Duras - Page 4 La_dou10

(On trouve une présentation plus approfondie dans le commentaire d’ArenSor.)
Dans le premier texte, éponyme, Marguerite Duras évoque l’attente à Paris en avril 1944 de Robert Antelme, son mari prisonnier : de l’Allemagne écrasée reviennent peu à peu prisonniers et déportés. Ce récit est tiré de son journal, cahiers de la guerre tenus après l'arrestation de son mari, soit quarante ans avant la rédaction de ce texte, qui commence ainsi :
« Face à la cheminée, le téléphone, il est à côté de moi. »
Cet incipit elliptique et d’apparence gauche condense l’attente.
La guerre terminée, on en apprend davantage sur les camps.
« Ce nouveau visage de la mort organisée, rationalisée, découvert en Allemagne déconcerte avant que d’indigner. On est étonné. Comment être encore Allemand ? On cherche des équivalences ailleurs, dans d’autres temps. Il n’y a rien. D’aucuns resteront éblouis, inguérissables. Une des plus grandes nations civilisées du monde, la capitale de la musique de tous les temps vient d’assassiner onze millions d’êtres humains à la façon méthodique, parfaite, d’une industrie d’état. »
Si l’auteure n’apprécie pas De Gaulle, elle est en contact avec François Morland (Mitterrand), qui sauve providentiellement Robert Antelme, typhique méconnaissable à Dachau. Duras le soignera jusqu’à son rétablissement ; elle lui a annoncé qu’elle le quitte pour D. dit Masse (Dionys Mascolo), son amant et le meilleur ami de son mari, lui aussi résistant, qui l’a soutenue pendant son attente.

Monsieur X. dit ici Pierre Rabier, c’est l’agent de la Gestapo que Duras rencontre rue des Saussaies, où elle tente de faire parvenir un colis à son mari résistant, interné en juin 1944 (le débarquement commence) ; et c’est lui qui l’a arrêté.
« Je l’ai appris ensuite, Rabier était fasciné par les intellectuels français, les artistes, les auteurs de livres. Il était entré dans la Gestapo faute d’avoir pu acquérir une librairie de livres d’art (sic). »
Duras et Rabier se fréquenteront assidûment.
« Nous nous voyons tous les jours, D. et moi. Nous parlons de Rabier. Je lui raconte ce qu’il dit. J’ai beaucoup de mal à lui décrire son imbécillité essentielle. Celle-ci l’enveloppe tout entier, sans marge d’accès. Tout relève d’elle chez Rabier, les sentiments, l’imagination et le pire de l’optimisme. Cela, dès son abord. Il se peut que je n’aie jamais rencontré quelqu’un d’aussi seul que ce pourvoyeur de morts. »
Rabier est un Allemand qui vit sous l’identité d’un Français mort à Nice, ainsi qu’il apparaîtra lors de son procès (suivi de son exécution).
Je ne sais pas quelle est la part de fiction dans ces souvenirs (personnels et historiques), mais le récit est assez effarant.

Albert des Capitales : après l’Occupation, la Libération ; « Thérèse » (Duras) dirige l’interrogatoire (torture) d’un (supposé) donneur.

Ter le milicien : dans le même contexte, une exécution sommaire par les résistants, pendant qu’on cherche une roue de gruyère et un FM égarés. Ter a été arrêté :
« Il n’a aucune pensée en tête mais seulement des envies, il a un corps fait pour le plaisir, la bringue, la bagarre, les filles. »

« Ter était sans orgueil, rien dans la tête, rien que de l’enfance.
Nous n’avons pas su ce qu’est devenu Ter, s’il a été fusillé, ou s’il a vécu. Si Ter a vécu il a dû être de ce côté de la société où l’argent est facile, où l’idée est courte, où la mystique du chef tient lieu d’idéologie et justifie le crime. »
L’Ortie brisée :
Terrains vagues de l’après-guerre, ruines rasées et décombres envahis d’orties et autres rudérales, c’est mon enfance que je revois, avec cet enfant qui doit s’occuper du puîné, avide des adultes (et les baraquements, et jusqu’au doigtier de cuir me sont souvenirs d’enfance).
« De chaque côté du chemin s’alignent des baraques en planches recouvertes de tôle, entourées de clôtures gondolées sur lesquelles du linge sèche de loin en loin. Autour des dalles, dans les interstices, il y a des liserons sauvages et des orties. Il y en a aussi contre les clôtures qui bordent les baraques en planches, un envahissement. »
Aurélia Paris est une brève nouvelle sur une fillette juive réchappée des rafles.

Ces récits sont choquants, qui semblent mélanger histoire et imaginaire, voire y introduire grotesque et autofiction incongrus ; ils rendent compte de la fin d’une guerre, d’un début d’après-guerre lui aussi traumatisant, sale, d’une façon crue et complémentaire de ce qu’on en peut savoir. L’écriture paraît brute aussi, qui ne transmet guère de message ou jugement, mais laisse transparaître l’indicible. Me reste à lire L’Espèce humaine

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Message par Laurentides Mer 21 Fév - 14:36

Voici quelques informations historiques que j'ai glanées après la lecture du texte de Duras publié en 1985 et le visionnage de la très bonne adaptation cinématographique d'Emmanuel Finkiel sortie en 2017.

Selon Marguerite Duras biographie de Laure Adler, publiée en 1998 et basée sur la découverte d'archives inédites :

Pierre Rabier est le nom que donne Marguerite Duras à Charles Delval, gestapiste français qu’elle a fréquenté en 1944 dans l'espoir d'avoir des nouvelles de son mari, Robert Antelme, arrêté par les Allemands. Leur relation est particulièrement complexe, Marguerite Duras allant jusqu’à témoigner deux fois à son procès : une fois à charge et l’autre en sa faveur. Ce deuxième témoignage ne l’empêchera pas d’être fusillé au début de l’année 1945.

Et voici un court article du Monde du 26 août 1998, à la sortie de cette biographie qui met en valeur les liens pour le moins complexes entre histoire et imaginaire...

L'affaire Delval

Charles Delval, désigné dans La Douleur sous le nom de Rabier, est au coeur de l'une des zones d'ombre de Marguerite Duras pendant l'Occupation. Il est celui qui a piégé le réseau de résistance auquel appartenait Robert Antelme, le mari de Duras auteur de L'Espèce humaine , lequel dépendait du MNPGD (Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés) dont François Mitterrand (« Morland ») était le chef.
En tentant de retrouver les traces d'Antelme déporté à Buchenwald, Duras entretient une liaison ambiguë avec ce gestapiste. A la Libération, elle participe à son interrogatoire sous la torture. Il est finalement jugé, puis fusillé au début de l'année 1945. Duras n'a jamais su que, six mois plus tard, un enfant était né de l'union de son amant, Dyonis Mascolo, avec la femme de Charles Delval.

On est vraiment en zone grise...
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Message par Tristram Mer 21 Fév - 14:41

Tout à fait ; l'amour, la mort... Et un abîme de réflexions au sortir de cette lecture...

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