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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Message par Nadine Ven 3 Mar - 16:45

Elle parle trop vrai, c'est un postulat qui se tient oui.
Chapeau à elle.
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Message par églantine Sam 8 Avr - 17:03

L'occupation

Annie Ernaux - Page 2 Annie-10


Bien évidemment chez Annie Ernaux , l'occupation ne renvoie pas à l'histoire ...Ou plutôt si , à la sienne d'histoire . Comme toujours tant son besoin de tournicoter autour de son nombril semble devenu au fil du temps une nécessité hurlante.
Et dans ce texte incisif , tranché , raboté de tous côtés pour n'en laisser qu'un essentiel , ce besoin impérieux d'écriture cathartique se fait plus nu et violent que jamais .
L'occupation pour Annie Ernaux , c'est celle de "L'autre" .
"L'autre "qui a pris sa place aux côtés de l'homme . Son homme . Celui qu'elle a laissé pourtant .
"L'autre" c'est une construction imaginaire mais qui deviendra sa raison de vivre un temps . Supplantant la passion amoureuse . C'est une autre passion , la jalousie .
Elle s'en nourrit avec délectation . Elaborant tout un tas de scénarii pour vivre la volupté de la douleur .
C'est une femme blessée dans son amour-propre sombrant en conscience dans la folie , la déraison , le sordide , l'indignité , le bas-fond de son soi qu'Annie Ernaux décrit cliniquement dans une forme de mise à distance , d'objectivation .
"Je m'efforce seulement de décrire l'imaginaire et les comportements de cette jalousie dont j'ai été le siège , de transformer l'individuel et l'intime en une substance sensible et intelligible que des inconnus , immatériels au moments où j'écris s'approprieront peut-être "
"Ce n'est plus mon désir, ma jalousie , qui sont ces pages , c'est du désir , de la jalousie et je travaille dans l'invisible" .
........Oui n'empêche que c'est quand même d'elle qu'elle parle .
Cette prétention que celle d'offrir au lecteur une forme de purification à travers son acte de confession laique , au delà des oripeaux de la bonne ou mauvaise conscience m'a paru le comble du narcissisme et de l'arrangement avec son quant- à- soi .



mots-clés : #psychologique


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Message par Bédoulène Dim 9 Avr - 14:05

eh bien, une critique argumentée et sensible !

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Message par églantine Dim 9 Avr - 14:39

Je ne suis pas du tout à l aise dans mes baskets d avoir écrit cela.
En toute honnêteté après réflexion, introspection et autres, je pense que c'est très injuste envers Annie Ernaux. Ma critique est très très subjective. Féroce parce que non dégagée de mon moi.
Je viens enfin de le comprendre .
Mea culpa.
Je relirai La place et ses écrits de jeunesse qui ne m avaient pas fait cette impression. ( Les thèmes n'étaient pas les mêmes . )
Du reste, ma violence épidermique est probablement à la hauteur de son talent d écriture-scalpel ( nue brillante et dérangeante. On ne peut pas se cacher dans des plis).

En conclusion : Merci Annie Ernaux ?
Probablement. Lorsque ça aura fait son chemin.


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Message par bix_229 Dim 9 Avr - 15:43

Tu n'as pas tout à fait tort, Eglantine.
Il m'est arrivé de me sentir mal à l'aise en voyant à quel point, Annie E. pouvait être esclave de sa passion amoureuse
et de celui qui en était l'objet.
Elle se rabaissait, s'humiliait à un point incroyable. De façon morbide, masochiste et parfois dégradante.
Enfin pour ce que nous pouvons imaginer d'une femme aussi sensible et intelligente.

Mais voilà ! De tout cela, elle est consciente tout le temps. Elle se hait, se méprise, se maltraite, mais succombe.
Dans toute sa vie, Annie E. N. n'a aimé que la passion amoureuse et l'écriture.
C'est ce qu' elle a déclaré elle-même.
On peut considérer qu'elle y a quand même trouvé son compte dans les limites de son être et de son vécu.
Même si, à nos yeux, sa relation ressemble à un marché de dupe qu'elle ne maîtrise pas, ne veut pas maîtriser.
Sa passion est proche du sacrifice et de la mort.
Elle est extrême  comme l'est la passion tant qu' elle dure.
Ensuite vient le récit.


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Message par topocl Dim 9 Avr - 20:57

églantine a écrit: Ma critique est très très subjective.
N'est-ce pas absolument de qu'on recherche ici?

Le
églantine a écrit:Mea culpa.
conviendrait au contraire si tu nous proposais un avis bien "correct" et bien consensuel.

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Message par Bédoulène Lun 10 Avr - 8:31

Faut que je lise cette auteure qui procure tant d'émotions diverses à églantine ! Smile

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Message par Jack-Hubert Bukowski Ven 14 Avr - 7:53

Entre les quatre postures proposées jusqu'à date - le côté dérangeant d'Annie Ernaux évoqué par Nadine, l'introspection d'Églantine suite à une lecture d'Annie Ernaux, l'appréciation circonstanciée de Bix et les résumés d'appréciation plus sobres à l'instar de topocl... je vais tenter d'ajouter ma pierre à l'édifice concernant La place d'Annie Ernaux.

Tout d'abord, si Annie Ernaux dérange à ce point, je pense que ce n'est pas étranger au fait que c'est une écriture de viscères. Elle décortique vraiment les choses les unes après les autres.

Par exemple, elle nous dit :

J'écris lentement. En m'efforçant de révéler la trame significative d'une vie dans un ensemble de faits et de choix, j'ai l'impression de perdre au fur et à mesure la figure particulière de mon père. L'épure tend à prendre toute la place, l'idée à courir toute seule. Si au contraire je laisse glisser les images du souvenir, je le revois tel qu'il était, son rire, sa démarche, il me conduit par la main à la foire et les manèges me terrifient, tous les signes d'une condition partagée avec d'autres me deviennent indifférents. A chaque fois, je m'arrache du piège de l'individuel.

(p. 451, édition Quarto)

Ce dernier extrait a tendance à me dire qu'il s'agit avant tout d'une posture d'écrivaine. J'avoue bien volontiers qu'il s'agit d'un biais en ce qui me concerne, car je me considère également écrivain et que j'ai tendance à défendre «mes semblables».

La place semble être un de ces livres marquants au point de déranger l'épiderme sensible des gens qui s'identifient au sujet du roman. À mon sens, il a bien fallu qu'Annie Ernaux ait porté les marques de ce qui a fini peu à peu à la distinguer de son père :

Bavard au café, en famille, devant les gens qui parlaient bien il se taisait, ou il s'arrêtait au milieu d'une phrase, disant «n'est-ce pas» ou simplement «pas» avec un geste de la main pour inviter la personne à comprendre et à poursuivre à sa place. Toujours parler avec précaution, peur indicible du mot de travers, d'aussi mauvais effet que de lâcher un pet.

(p. 459)

Ainsi, j'ai l'impression que le monde juge très sévèrement ce qu'Annie Ernaux a pourtant pu sentir un jour de façon aussi intime :

Il disait toujours ton école et il prononçait le pen-sion-nat, la chère Soeu-oeur (nom de la directrice), en détachant, du bout des lèvres, dans une déférence affectée, comme si la prononciation normale de ces mots supposait, avec le lieu fermé qu'ils évoquent, une familiarité qu'il ne se sentait pas en droit de revendiquer. Il refusait d'aller aux fêtes de l'école, même quand je jouais un rôle. Ma mère s'indignait, «il n'y a pas de raison pour que tu n'y ailles pas». Lui, «mais tu sais bien que je vais jamais à tout ça».

p. 463

Nous pouvons fort bien comprendre le ressenti de quelqu'un qui se sent étranger à ce monde. Il ne faut toutefois pas, ne fut qu'une question de bienveillance éducative, tenter d'inculquer ces complexes à nos propres enfants. Une fois cette part de subjectivité dépassée, nous pouvons voir ici où Annie Ernaux a senti l'écart de cette distance infranchissable entre le monde de son père et elle :

Au repas de mariage, dans un restaurant avec vue sur la Seine, il se tient la tête un peu en arrière, les deux mains sur sa serviette étalée sur les genoux et il sourit légèrement, dans le vague, comme tous les gens qui s'ennuient en attendant les plats. Ce sourire veut aussi dire que tout, ici aujourd'hui, est très bien. Il porte un costume bleu à rayures, qu'il s'est fait faire sur mesures, une chemise blanche avec, pour la première fois, des boutons de manchette. Instantané de la mémoire. J'avais tourné la tête de ce côté au milieu de mes rires, certaine qu'il ne s'amusait pas.

p. 472

Déjà, au départ de ce projet d'écriture :

Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d'une vie soumise à la nécessité, je n'ai pas le droit de prendre d'abord le parti de l'art, ni de chercher à faire quelque chose de «passionnant», ou «d'émouvant». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d'une existence que j'ai aussi partagée.

p. 442

Elle a décrit ce qu'elle écrivait sous la lorgnette de l'écriture plate. Platement, elle a décrit ce qu'elle a vu dans sa vie, de la manière qu'elle rapportait tout aussi platement les nouvelles à ses parents. Il faut y voir une part de la solitude d'écrivain lorsque nous lisons ce cri du cœur, même épuré, magnifié...

En résumé, je lirai encore Annie Ernaux. J'aime tout autant celle qui se fait interviewer que celle qui écrit, et elle m'a convaincu de la manière qu'elle amène les choses. Nous pouvons être en désaccord avec certaines de ses positions, de ses postures, il n'en reste pas moins qu'elle façonne quelque chose d'authentique et nécessaire dans la contrée de la littérature.


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Message par Nadine Ven 14 Avr - 19:39

Je ne relis pas mes commentaires ci dessus, mais s'il faut préciser, Annie Ernaux est entrée dans mon Panthéon. C'est une grande grande écrivaine. Et ton commentaire est riche, merci JHB.
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Message par églantine Ven 14 Avr - 20:02

L'heure bleue , émission de Laure Adler consacrée à Annie Ernaux : CLIC -message 64
(Merci Shanidar )
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Message par Bédoulène Ven 14 Avr - 23:42

les livres de l'auteure son-ils tous des biographies ? parce que je viens de terminer "les armoires vides" et ce que tu dis de "Mémoire de fille" semble être la même histoire.

Elle déchire à belles dents sa famille, mais elle se salit et s'abîme aussi. Sa honte, sa haine je pouvais la partager à son âge.

De plus j'ai retrouvé l'ambiance de ces années, les chansons des Platters, Paul Anka et Luis Mariano et les roses blanches pour mes parents.

C'est le premier livre que je lis et c'est un grand coup à l'estomac, elle m'a coupé le souffle.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Sam 15 Avr - 7:57

Enfin, tu y viens, bédou, oui c'est un formidable coup à l'estomac pour paraphraser Gracq... Smile
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Message par Bédoulène Sam 15 Avr - 16:16

je vais y retourner ! Smile

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Message par églantine Dim 16 Avr - 17:13

J'ai écouté ces trois émissions cet après-midi .
Pour ceux que ça intéresse :

Hors-champs  par Laure Adler en 2014


Annie Ernaux (1/3) : la lecture
Annie Ernaux (2/3) : l'atelier d'écriture
Annie Ernaux (3/3) : le rapport au temps
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Message par églantine Ven 21 Avr - 10:17

Je viens de relire Une femme ( lu à sa sortie en 1988) .


Annie Ernaux - Page 2 Une_fe10

Comment ne pas être bouleversé en lisant les" mots-clôtures" de ce livre .





Ceci n'est pas une biographie , ni un roman naturellement , peut-être quelque chose entre la littérature , la sociologie et l'histoire .Il fallait que ma mère , née dans un milieu dominé , dont elle a voulu sortir , devienne histoire , pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où , selon son désir , je suis passée .

Je n'entendrai plus sa voix . C'est elle , et ses paroles , ses gestes , sa manière de rire et de marcher ,
qui unissaient la femme que je suis à l'enfant que j'ai été .J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue .


Rien de plus . L'émotion accrédite la qualité de l'ouvrage .
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Message par shanidar Jeu 27 Avr - 19:04

Annie Ernaux - Page 2 411ijq11

Passion simple

Difficile de trouver les mots pour parler de ce très court récit (76 pages). Sans doute parce que je n'ai pas vraiment réussi à comprendre pourquoi Annie Ernaux écrivait et publiait ce texte.
L'idée est-elle pour l'auteure de décrire une 'passion' ? Si c'est le cas cet objectif ne semble pas être vraiment atteint, comme si Annie Ernaux avait voulu se dérober à la description, comme s'il était bien trop douloureux pour elle d'évoquer frontalement, dans le détails, les péripéties de sa 'passion'. Et pourtant c'est bien de cela dont il est question dans ce texte, de cette attirance insurmontable envers un homme marié, étranger, qui se dérobe sans cesse et ne lui offre que quelques miettes de temps. Et Annie, elle, passe son temps à attendre… C'est peut-être cela le cœur réel de la 'passion' d'Annie Ernaux : l'attente, l'absence, la douleur…

Ceux qui ont déjà vécu une 'passion' ne trouveront sans doute pas grand-chose de neuf sous la plume d'Ernaux, ils retrouveront la douleur de l'attente, l'avilissement devant l'autre, la réduction de la vie, de l'espace et du temps à la seule mise en présence de l'autre et le ressassement. L'impossibilité de s'ouvrir vers un ailleurs. L'enfermement.

Reste deux éléments qui ont fait tilt chez moi : la notion de dépense (chère à Georges Bataille) et une réflexion attentive sur le temps de l'écriture, le temps du vécu et le temps de la publication (avec toujours en filigrane chez Ernaux, ce sentiment de dévoilement impudique qui salit et avilit).

La 'passion' est donc inséparable de la notion de dépense, c'est-à-dire l'idée de donner sans compter, donner son temps, donner toutes ses pensées, ne se tourner que vers un seul but : l'autre ; donner son argent (acheter des vêtements qui seront mis un quart d'heure avant d'être obsolètes) ; donner son corps ; donner son esprit au point de frôler la folie. Une 'passion' quelle qu'elle soit est à ce prix.

Quant à la question du temps de l'écriture et du temps de la publication en lien avec la question de l'autofiction, voici ce qu'écrit Ernaux :

Je ne ressens naturellement aucune honte à noter ces choses, à cause du délai qui sépare le moment où elles s'écrivent, où je suis seule à les voir, de celui où elles seront lues par les gens et qui, j'ai l'impression n'arrivera jamais. (…)

(C'est donc par erreur qu'on assimile celui qui écrit sur sa vie à un exhibitionniste, puisque ce dernier n'a qu'un désir, se montrer et être vu dans le même instant.)

On peut donc lire ce récit comme celui légèrement avorté d'une tentative de description d'une passion, ou mieux de sa douleur, du temps et du lieu de la douleur ; mais ce serait sans doute faire erreur, car si le texte d'Annie Ernaux se veut, comme l'indique son titre 'simple', il est bien plus riche qu'il n'y paraît au premier abord et il se révèle lentement, au fil d'une seconde puis d'une troisième lecture, tissant des fils instables mais pertinents autour de la question de l'étranger, de la langue, de la représentation du corps aimé, de ce qui est dicible, de ce qui touche à l'impudeur et à la transgression.


Annie Ernaux voulait faire de son récit, la description quasi clinique d'un acte sexuel dans une suspension du jugement moral, il me semble qu'elle en a fait tout autre chose et que cette chose est bien plus troublante, dérangeante, déstabilisante qu'une simple proposition pornographique (ce qu'elle n'est de toute manière pas du tout).
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Message par Bédoulène Jeu 27 Avr - 19:08

merci Shanidar, je ferai l'impasse sur ce livre, je veux garder le plaisir que j'ai eu avec "les armoires vides"

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Message par chrysta Dim 28 Mai - 8:14

Annie Ernaux - Page 2 89353910

Les armoires vides


« Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence... Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi. »
Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'auteur de La place.


Avec ce livre, je découvre A.Ernaux, et je dois dire que je suis très partagée et ambivalente quant à ce que j’ai pu penser et ressentir au fil de cette lecture, cela du à son style d’une part, à la teneur du fond d’autre part.

L’écriture d’Ernaux est imagée, elle renvoie à ce que l’on perçoive et vive quelque chose de ce qu’elle a vécu. A la lire, sauf quelques bouffées d’oxygène parfois, je me suis sentie comme étouffée par son style littéraire, ses phrases denses, faites de juxtapositions de mots jetés tels qu’ils viennent, phrases qui parfois ne me semblent même pas prendre sens. Ce sentiment d’oppression que j’ai ressenti presque tout au long de cette lecture et la pénibilité que cela a été de poursuivre me font dire que je n’ai pas apprécié. Après, si je dois aller plus loin sur la forme, je dois reconnaître à l’auteur d’amener le lecteur à se sentir pris dans la même suffocation qu’elle a de son milieu. Elle arrive à ce que l’identification fonctionne si bien qu’on plonge avec elle, et pour cela je reste admirative, mais je ne suis pas sûre d’avoir envie de nouvelles apnées à ses côtés.

Ce qui m’a tenue est surtout le fond de l’œuvre et la finesse avec laquelle l’auteur livre les ressentis de Denise. Petite reine dans son quartier populaire, fille de commerçants ayant une épicerie-bar, Denise dite « Ninise »  passe son temps à manger des bonbons dans l’épicerie de sa mère,  à se moquer des ivrognes qui passent dans le bar de son père, jouer la voyeuse quand ils vont « pisser » dans la petite cour, écouter les confidences osées des dames à sa mère, partager des moments avec ses amies et s’amuser avec elles à se tripoter le « quat sous »,  à  débiter en riant  jurons et expressions populaires, langage fleuri qui lui donne le sentiment d’entrer dans la cour des grands.

Puis, Denise va découvrir l’école libre, éloignée de nombre de manière de son quartier. Elle découvrira vite là-bas qu’elle n’est rien du tout, et prendra conscience d’un autre monde que celui, lourd, pégueux, vulgaire, de la rue Clopart. Dévorée d’envie envers ses camarades de classe de milieux plus bourgeois, et humiliée par elles, elle va faire la peau à la détermination sociale et s’accrocher à sa place de première pendant toutes ses années d’école, de collège, de lycée .... En parallèle, ce qu’elle admirait et appréciait de son quartier, des gens qui y vivent, de ses parents, va peu à peu s’effriter et ses sentiments se muer en haine, dégoût, honte, assortis de la culpabilité de dénigrer ainsi les siens, tout en même temps qu’elle les déteste aussi d’être si gentils, de tant se sacrifier, alors qu’elle les méprise tant.

Ce déchirement qu’elle décrit entre deux milieux, et la honte qu’elle porte comme un costume depuis son entrée à l’école libre vont aller croissant. Ernaux arrive à nous faire vivre le basculement progressif de sa pensée et son évolution au fil des années de Denise, partagée entre honte et culpabilité. Elle nous montre comment avec moult efforts elle tente de s’extirper de son milieu, tout en même temps qu’elle ne s’en extirpera jamais vraiment, tant aucune réussite ne pourra vraiment  l’extraire de cette image d’elle-même comme étant la Ninise des quartiers populaires, une identité qui lui colle à la peau et la rattrape tout le temps.

Une lecture qui mériterait un approfondissement et une re-lecture purement analytique de cette évolution des sentiments de Denise, mais la lourdeur de l’écriture me fait renoncer à cela, car malgré toutes les qualités que je lui trouve sur le fond, je ne me sens pas de refaire une traversée dans les bas-fonds puants, étouffants, oppressants, aux côtés de Ernaux.


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Message par Bédoulène Dim 28 Mai - 14:58

merci Chrysta pour ton commentaire (dit celle qui a beaucoup aimé mais n'a pas fait de commentaire)


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Message par Bulle Mer 2 Mai - 14:42

J'ai lu quelques livres d'Annie Ernaux.
'' Je ne suis pas sortie de ma nuit '' reste pour moi, le plus symbolique.
On y parle d'Alzheimer.
Je vais essayer de tous lire ses livres. Un livre à la fois!
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Annie Ernaux - Page 2 Empty Re: Annie Ernaux

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