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Jean-Yves Jouannais

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Message par shanidar Ven 2 Déc - 16:26

Jean-Yves Jouannais
Né en 1964

Jean-Yves Jouannais Photo_10


Jean-Yves Jouannais est un auteur que je lis depuis peu de temps mais dont les obsessions et sa manière de les mettre en scène me fascinent.

Parti à la recherche d'une littérature sans livres, il écrit des essais passionnant sur de faux écrivains, qui n'ont parfois même jamais écrits mais aussi sur des figures connues de nos bibliothèques, de Borges à Barthes en passant par Vila-Matas, avec lequel il a noué une relation intertextuelle sans jamais l'avoir rencontré.

Jouannais aime interroger les éléments les plus anodins de notre quotidien, du nain de jardin au château de sable de l'enfance, de l'idiotie à l'absence d'œuvres.

Il a été rédacteur en chef d'Art Press et commissaire d'expositions (sur le fiasco par exemple à Nice), ce qui lui donne un avis pointu sur la production contemporaine d'œuvres d'art.

Fasciné par la guerre et tout ce qui a été écrit sur elle, il s'adonne aujourd'hui (pour un projet qui devrait -selon ses propos- durer vingt ans) à des performances autour d'une Encyclopédie des guerres au centre Georges-Pompidou.

Auteur atypique, joueur et en même temps tout à fait sérieux, on ne sait jamais exactement où il se situe et cette sorte de "déprise" est un plaisir.


Bibliographie :

1997 Artistes sans œuvres : I would prefer not to,
1999 Des nains, des jardins : essais sur le kitsch pavillonnaire,
1999 Armand Silvestre, poète modique,
2001 Jésus Hermès Congrès,
2003 L'Idiotie. Art. vie. politique - méthode,
2004 Prolégomènes à tout château d'eau,
2012 L'usage des ruines : portraits obsidionaux,  
2014 Les Barrages de sable,
2016 La bibliothèque de Hans Reiter,
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Message par shanidar Ven 2 Déc - 16:31

Artistes sans œuvres

Jean-Yves Jouannais Sans1011


Artistes sans œuvres est une invitation à penser la littérature hors du livre, à s'interroger sur certaines figures qui n'ont jamais publié mais ont imprimé leur marque sur la création artistique.
 
De Jacques Vaché dont Breton fera l'un des tous premiers écrivains sans livre à Marcel Duchamp en passant par le fameux (pour ne pas dire fumeux) Félicien Marbœuf inventé pour l'occasion, Jouannais déroule un catalogue abrasif d'artistes sans postérité matérielle, sans support écrit, physique, auditif ou visuel, ce qui ne veut pas dire sans oeuvres.
 
De ceux qui inspirèrent les autres sans jamais rien produire (Felix Fénéon, Pepin Bello ou Armand Robin), de ceux qui ne publièrent rien de leur vivant (Joseph Joubert), ceux dont l'œuvre fut anéantie par le temps (Antisthène), des 'héros de l'Art Brut' chers à Dubuffet, Jouannais ne cesse de poser la question de l'absence d'œuvre, de l'intérêt de l'objet comme œuvre d'art, de l'importance du geste créatif. L'art contemporain ne relevant plus de la souffrance, du travail mais se substituant au labeur par mutisme, copie complète ou musées imaginaires, la question est de savoir où et comment on peut rendre compte de ces œuvres ou plutôt de ces non-œuvres.
 
De Roland Barthes écrivant des essais pour ne pas écrire le roman qu'il voudrait, de la pose du dandy, esthète absolu désirant faire de sa vie une œuvre d'art, de l'excentrique dont en effet chaque geste pourrait s'inscrire dans une chanson de geste, de Borgès imaginant Pierre Ménard copiant mot à mot le Don Quichotte de Cervantès ou qui passe le plus clair de son temps d'écriture à compiler les œuvres des autres, de Marcel Duchamp mettant en œuvre la mort annoncée de l'art rétinien et se complaisant à ne rien produire, jusqu'à Rauschenberg qui en grattant une peinture de Willem de Kooning amène l'œuvre à sa propre destruction, atomisation, inexistence.
 
De l'art conceptuel comme art dont l'objectif est la dématérialisation de l'art, aux arts idiots c'est-à-dire singulier, donnant à l'instantanéité du geste une dimension qui questionne le rapport au temps de l'œuvre, du pas franchi aisément qui conduit du dandy au dilettante et du dilettante à l'amateur (dans le sens de Barthes), jusqu'à la célébration ultime de ce qui n'a pas eu lieu.
 
Jouannais nous convie à un bien étrange voyage en terre inconnue, illisible parce que illusoire, non avenue, incréée.

Mais tout de même, le grand absent de cet essai est le lecteur lui-même ou le spectateur, du moins celui qui reçoit (ne reçoit pas) l'œuvre. Qu'en est-il du 'réceptionneur' du XXème siècle et du XXIème ? Quels sont ceux qui vont écouter les 24 mn silencieuse d'une œuvre de John Cage, qui s'intéresse à la non-œuvre de Duchamp (celle qu'il n'a pas peinte, pas modélisée), qui croit encore à l'éphémère dilettantisme des artistes sans œuvres et les revendiquent ? Que sommes-nous devenus, nous lecteurs, nous spectateurs, visiteurs de musée dans lesquels les performances artistiques ne peuvent plus être accrochées aux murs puisqu'elles sont par essence 'des actions d'une seule fois'. Que faire de cet art, comment le cataloguer ? Comment le reconnaître ? Comment l'aimer ?
 
Il semblerait que le nombre d'artistes sans œuvres, du moins d'artistes ne proposant plus des œuvres tangibles soit en augmentation, alors il est intéressant de se poser la question de leur place, de leur réception, dans le champ culturel et chez les 'amateurs' d'art.
 
On peut aussi se demander jusqu'où peut aller cette forme d'art, si elle ne prédit pas une fin totale de la 'représentation' du monde, de l'être, des objets qui nous entourent. Est-ce à dire que nous tombons dans une forme de cécité artistique ou que cette absence d'objets ouvre une nouvelle ère ?
 
Toutes ces questions restent en suspens. Dommage. J'aurais aimé que Jouannais creuse encore plus loin sa réflexion, mais il se peut que les réponses à ces questions se trouvent en chacun de nous et que ce soit notre 'charge' de les penser.
 
Ce livre est écrit comme une sorte d'hommages à ceux qui n'ont rien laissé derrière eux ou si peu, il est bourré d'anecdotes, de situations, d'interrogations, il pourrait être considéré comme étonnant puisqu'il donne à Jouannais la possibilité d'écrire une œuvre sur l'absence d'œuvre, sur la non-création, mais il révèle au fond la belle puissance de l'homme dépassant la production d'objets et faisant travailler à plein son propre imaginaire.
 
A la fois passionné, érudit et ludique.


mots-clés : #creationartistique #essai
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Message par Nadine Sam 3 Déc - 0:44

Certains titres sont inspirants !
L'Idiotie. Art. vie. politique - méthode,
Barrages de sables


Plein de références que je connais très mal ou pas dutout. Mais c'est intéressant parce que  ces questions m'ont déjà occasionné des réactions un peu enflammées, en émule ou scandalisée.
merci Shanidar je note . PAF/PAC  : pile à feuilleter à creuser Smile) pour mieux les muer en PAL, j'espere.
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Message par shanidar Sam 3 Déc - 12:24

Je me rends compte que j'ai déjà lu cinq livres de Jouannais, avec une préférence pour L'usage des ruines, peut-être parce que c'était le premier...

Il me reste L'Idiotie à lire que j'aimerai coupler avec Stupidity d'Avital Ronell...
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Message par Bédoulène Sam 3 Déc - 14:28

le genre de livres difficile à trouver gratis mais je note

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Message par shanidar Sam 3 Déc - 17:03

médiathèque ? (emprunt numérique ?)...
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Message par shanidar Lun 5 Déc - 16:36

Jean-Yves Jouannais C_lusa10

L'usage des ruines

En bon falsificateur de la réalité littéraire, Jouannais entame son premier chapitre par ces mots : Où l'on commence, naturellement, par en savoir davantage sur le véritable auteur de cet ouvrage… qui n'est pas Jouannais mais bien Enrique Vila-Matas, également auteur du livre de Jouannais Artistes sans œuvres, alors que Jouannais se revendique l'auteur d'un livre de Vila-Matas : Abrégé d'histoire de la littérature portative

Mais ce n'est pas ni le plus troublant, ni le plus ludique des tours de l'auteur, car lors d'un dîner avec Vila-Matas il lui demande de devenir l'un de ses personnages, parce que seul un personnage peut éprouver la mélancolie qui est décrite dans les livres et non seulement il veut devenir un être de fiction mais il veut que Vila-Matas l'envoie à la guerre ! Mais pourquoi moi, s'exclame Vila-Matas. Parce que Sebald est mort. Répond Jouannais.

Quelques mois plus tard, Jouannais reçoit le manuscrit de Vila-Matas, L'usage des ruines, recensant la destruction de 22 + 1 villes et autant de conquérants, soldats ou autres témoins des désastres. A charge pour Jouannais (et peut-être aussi pour le lecteur) de s'immiscer dans l'une de ces courtes histoires (pas plus de quatre ou cinq pages) qui reviennent toute sur l'idée de laisser derrière soi… une ruine.

Ce qui ressort en premier lieu de cette lecture, c'est que bien souvent le conquérant par ses actes de dévastation parvient en général à éprouver du remord et une immense frustration devant les ruines des villes fabuleuses qu'il a voulu combattre. Certaines anecdotes (car il est bien question ici d'une sorte de mini-encyclopédie ludique et brillante) montrent l'effet totalement contre-productif de la destruction : Naram-Sin incendiant Ebla et cuisant ainsi des milliers de tablettes cunéiformes qui permettront de faire revivre la ville dans ses moindres détails ou Otto von Gentz qui de 1914 à 1918 combattra dans le village de Vauquois, lequel à la fin de la guerre n'est plus qu'un… trou.

La brume est mêlée de lourds nuages de gaz asphyxiants. Lorsque les Américains pénètrent dans le village, les combats sont brefs, acharnés et pourtant empreints d'une lassitude nouvelle. Je me rends avec une poignée de survivants. Il est 10 heures du matin. Le brouillard s'est levé. Je m'apprête à quitter Vauquois quand je m'aperçois que le village n'existe plus, pas même à l'état de ruines. Aucun décombre. Quand a-t-il disparu ? (…)

La butte avait été littéralement retournée, évidée, écimée. Son sommet s'était affaissé de dix-huit mètres, dix-huit mètres de roches et de terre volatilisés par les explosions et les sapes. En tout, 218 mines allemandes et 321 françaises avaient redessiné l'éminence en fosse. Bien avant la fin du conflit, le village avait entièrement disparu au fond de ce cratère.

Jean-Yves Jouannais Vauquo10

Mais au-delà de l'aspect étonnamment curieux de l'objet-livre (on y apprend une foultitude de choses vraiment passionnantes) se pose la question de la véracité des évènements, des mots, des actions, des journaux intimes que cite allègrement l'auteur. Se glisse souvent le doute sur l'authenticité des gestes, des émotions, des images et de ce doute né l'envie d'aller encore plus loin dans les recherches de l'auteur, de se pencher encore et encore sur les ruines fumantes de Carthage, sur la campagne allemande recouverte de papier aluminium, sur la mégalomanie des uns et les remords des autres. Jouannais, tel un petit poucet de la littérature guerrière, laisse derrière lui une tonne de références qu'on aimerait patiemment explorer et défricher, comme si tout à coup la destruction, son récit devenait construction imaginaire, littéraire, stratégique, histoire du monde et des hommes, tour de Babel ou jardin babylonien dont les plans se dressent lentement sous nos yeux. Comme si soudain les récits de destruction prenaient le contre-pied de ce qu'ils disent et nous parlaient, par la force du souvenir et de l'imagination de villes bien réelles, celles de nos rêves, de nos émotions, de nos fictions sensibles. Comme si la sensation pouvait prendre le pas sur la matière…


J'avoue que cette expérience rare me réjouit et nourrit nombre de mes rêvasseries depuis quelques jours…
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Message par Bédoulène Sam 10 Déc - 22:36

même pas Shanidar

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