Maurice Barrès
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Maurice Barrès
Maurice Barrès
(1862-1923)
(1862-1923)
Maître à penser de toute une génération, Maurice Barrès le fut tout autant par son œuvre littéraire que par son style de vie. Dans les années 1880, il fréquenta à Paris le cénacle de Leconte de Lisle et les milieux symbolistes. Parallèlement à sa carrière d’écrivain qui lui assura un succès précoce — il n’a que vingt-six ans quand paraît le premier tome de sa trilogie « Le culte du moi » — il se lança dans la politique. Boulangiste par anticonformisme et par rébellion contre l’ordre établi, il fut élu député de Nancy en 1889. L’Affaire Dreyfus qu’il vécut comme une menace de désintégration de la communauté nationale l’incita d’emblée à se placer dans le camp des antidreyfusards dont il devint l’un des chefs de file. Dès lors, sa pensée s’orienta vers un nationalisme traditionaliste, plus lyrique et moins théorique que celui de Maurras, mais fondé sur le culte de la terre et des morts.
Pour défendre ses idées, il fonda, en 1894, son propre journal, La Cocarde, et écrivit surtout entre 1897 et 1902 la trilogie du « Roman de l’énergie nationale » dans lequel le « culte du moi » se trouvait enfin transcendé dans la fidélité au sol natal.
À la suite de « l’Affaire », il ne devait plus quitter l’arène politique, assumant la présidence de la Ligue de la Patrie française puis celle de la Ligue des patriotes, à la tête de laquelle il succéda à Paul Déroulède en 1914, affichant enfin pendant toute la durée de la guerre un patriotisme cocardier qui lui valut d’être élu par « Le Canard enchaîné », chef « de la tribu des bourreurs de crâne ».
Dès avant la guerre cependant, l’année 1906 devait lui apporter la consécration politique et littéraire grâce à une double élection : comme député de Paris — il le resta jusqu’à sa mort — et comme académicien.
(source : Académie française)
Œuvre littéraire :
Romans
• « Le Culte du Moi » (trilogie romanesque)
o « Sous l'œil des barbares », Paris, Lemerre, 1888
o « Un homme libre », Paris, Perrin, 1889
o « Le Jardin de Bérénice », Paris, Plon-Nourrit, 1891
• « L'Ennemi des lois », Paris, Perrin, 1893
• « Le Roman de l'énergie nationale » (trilogie romanesque)
o « Les Déracinés », Paris, Fasquelle, 1897
o « L'Appel au soldat », Paris, Fasquelle, 1900
o « Leurs figures », Paris, Juven, 1902
• « Les Bastions de l'Est » (trilogie romanesque)
o « Au service de l'Allemagne », Paris, A. Fayard, 1905
o « Colette Baudoche - Histoire d'une jeune fille de Metz », Paris, Juven, 1909
o « Le Génie du Rhin », Paris, Plon, 1921
• « La Colline inspirée », Paris, Émile Paul, 1913
• « Huit Jours chez M. Renan », Paris, Émile Paul, 1913
• « Un jardin sur l'Oronte », Paris : Plon, 1922
• « Le Jardin de Bérénice », Pour Les Cent Bibliophiles, 1922,
• « Le Mystère en pleine lumière », Paris, Plon, 1926
Théâtre
« Une journée parlementaire » (comédie de mœurs en 3 actes), Paris, Charpentier et Fasquelle, 1894
Impressions de voyage
• « Du sang, de la volupté et de la mort », Paris, éd. Plon, 1894
• « Amori et Dolori sacrum. La mort de Venise », Paris, éd. Émile-Paul frères, 1903
• « Le Voyage de Sparte », Paris, éd. Émile-Paul, 1906
• « Greco ou le Secret de Tolède », Paris, Plon-Nourrit, 1911
• « Une enquête aux pays du Levant », Paris, Plon-Nourrit, 1923
ArenSor- Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Maurice Barrès
La Colline inspirée
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la renommée littéraire qu’a connue Barrès de son vivant et l’influence qu’il a eue sur plusieurs générations d’écrivains : Mauriac, Montherlant, Malraux, Aragon, Yourcenar, etc.
Encore en 1950, « La Colline inspirée » est considéré comme un des douze romans importants de la première moitié du siècle. A présent, il est même difficile de le trouver en librairie !
Vaut-t-il donc la peine d’ouvrir cet ouvrage, cent ans après la disparition de son auteur ?
Le véritable héros du roman est la colline de Sion-Vaudémont, centre mystique de la Lorraine, un de ces lieux sur lesquels « souffle l’esprit » et dont l’auteur cite les noms en longue litanie
Lieu d’un pèlerinage à la Vierge et avant elle, lieu de culte à la déesse Rosmerta, la colline sacrée concentre en elle les forces vives de la « race lorraine » qui se sont transmises de générations en générations. Elle est manifestation du vieux fonds celtique contre l’envahisseur romain. On y retrouve un thème cher à l’auteur : la densité de la terre natale et celle des morts qui y ont vécu, où ils ont été enterrés.
La rencontre entre Léopold et Vintras est décisive. Revenu à Sion, Léopold échappe à tout contrôle ecclésiastique, prêche ses fidèles, leur distribue des talismans et les hosties ensanglantées que lui a confiées Vintras, ce qui entraîne son excommunication, ainsi que celle de ses frères.
L’écriture de « La Colline inspirée » est d’un lyrisme qui peut paraître parfois grandiloquent. On ne peut toutefois nier son authenticité et avouons qu’elle présente un certain panache !
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la renommée littéraire qu’a connue Barrès de son vivant et l’influence qu’il a eue sur plusieurs générations d’écrivains : Mauriac, Montherlant, Malraux, Aragon, Yourcenar, etc.
Encore en 1950, « La Colline inspirée » est considéré comme un des douze romans importants de la première moitié du siècle. A présent, il est même difficile de le trouver en librairie !
Vaut-t-il donc la peine d’ouvrir cet ouvrage, cent ans après la disparition de son auteur ?
Le véritable héros du roman est la colline de Sion-Vaudémont, centre mystique de la Lorraine, un de ces lieux sur lesquels « souffle l’esprit » et dont l’auteur cite les noms en longue litanie
« Dans tous nos cantons, dès que le terrain s’élève, le regard découvre avec saisissement la belle forme immobile, soit toute nette, soit voilée de pluie, de cette colline, posée sur notre vaste plateau comme une table de nos lois non écrite, comme un appel à la fidélité lorraine. Et sa présence inattendue jette dans un paysage agricole, sur une terre toute livrée aux menus soins de la vie pratique, un soudain soulèvement de mystère et de solitaire fierté. »
Lieu d’un pèlerinage à la Vierge et avant elle, lieu de culte à la déesse Rosmerta, la colline sacrée concentre en elle les forces vives de la « race lorraine » qui se sont transmises de générations en générations. Elle est manifestation du vieux fonds celtique contre l’envahisseur romain. On y retrouve un thème cher à l’auteur : la densité de la terre natale et celle des morts qui y ont vécu, où ils ont été enterrés.
L’aspect de la colline est décrit par toutes saisons. Ce sont peut-être les passages les plus beaux du roman (J’ignore les liens entre Barrès et Bernanos, mais j’ai retrouvé chez ce dernier un même lyrisme pour décrire les paysages austères de l’Artois).« Le génie du passé vient m’assaillir avec des accents tout neufs. Il me conduit aux couches les plus profondes de l’histoire et jusqu’au temps de Rosmertha. Je me retrouve en société avec des milliers d’êtres qui passèrent ici. C’est un océan, une épaisseur d’âmes qui m’entourent et me portent comme l’eau soutient le nageur. Me voici sur la prairie où l’on trouve la clef d’or, la clef des grandes rêveries. »
L’esprit de la colline s’incarne parfaitement dans l’histoire vraie des trois frères Baillard. Léopold, François et Quirin sont prêtres. Ensemble, ils s’attachent, dans les années 1820, à redonner son lustre au pèlerinage de Sion-Vaudémont et à d’autres lieux saints dont le mont Sainte-Odile. Leurs projets trop ambitieux se heurtent aux dures réalités économiques. Les dettes s’accumulent. Par ailleurs, leur indépendance d’esprit les rend suspects à la hiérarchie catholique, c'est-à-dire l’évêque de Nancy. Bientôt, les trois frères sont relevés de leurs responsabilités et doivent effectuer une retraite dans un monastère. C’est là que Léopold entend parler d’Eugène Vintras, un voyant qui se prétend la réincarnation du prophète Elie, annonce l’Apocalypse prochaine et le règne du Saint-Esprit. (le personnage d’Eugène Vintras, qui a réellement existé, a choisi comme successeur l’abbé Boullan, personnage central dans « Le Cimetière de Prague » d’Umberto Eco).« Le secret de Sion doit être cherché dans ce regard tourné vers les nues qu’il y eut toujours sur cette colline. Elle est dévastée, dépouillée, toute pauvre. Rien n’y rend sensible l’histoire, rien n’y raconte avec clarté la succession des siècles. Qu’est-ce que la tour Brunehaut, la chapelle du pèlerinage où si peu de parties sont vieilles, et trois, quatre pierres sculptées éparses dans Vaudémont ? Mais ainsi dénudée, la colline nous propose toujours, au milieu de la plaine, sa vétusté sereine, son large abandon, sa terrasse à demi morte, sa gravité, sa tristesse vaste et nue en hiver, sa force en toute saison, pareille à celle d’une falaise dans la mer, son indifférence à ce que nous pensons d’elle, sa résignation qui ne réclame rien, qui ne prétend même pas à la beauté. Elle demeure, elle reste à sa place, pour être un lieu de recueillement où nous rassemblons nos forces, pour nous remuer d’un pressentiment, nous enlever à l’heure passagère, à nos limites, à nous-mêmes, et nous montrer l’éternel. »
La rencontre entre Léopold et Vintras est décisive. Revenu à Sion, Léopold échappe à tout contrôle ecclésiastique, prêche ses fidèles, leur distribue des talismans et les hosties ensanglantées que lui a confiées Vintras, ce qui entraîne son excommunication, ainsi que celle de ses frères.
Dans la figure de Léopold, Barrès voit la force sauvage, primitive, « barbare » de la colline ; son antique poésie."Il a rompu violemment le câble qui le rattachait à la terre ferme ; il a levé les ancres : il va à travers les nues, à la merci des quatre vents. »
Parcours d’un religieux qui sombre dans l’hérésie, Barrès pose la question de la validité de la croyance mystique lorsqu’elle n’est pas encadrée par la raison institutionnelle. C’est même tout l’enjeu du livre.« Conçoit-il que son âme a été formée, il y a des siècles, et qu’elle baigne dans un mystique passé, qu’elle fleurit à la surface du vieux marais gaulois à demi desséché ? Qu’il le sache ou qu’il l’ignore, c’est un fait qui le commande. Son orgueil n’est si solide, son être ne se durcit au passage des Oblats, il ne les sent comme des étrangers sur la colline que parce qu’il les tient pour des Romains et que, lui, il y a des années, avant que saint Gérard y installât la Vierge, il était déjà là-haut avec Rosmertha. »
L’écriture de « La Colline inspirée » est d’un lyrisme qui peut paraître parfois grandiloquent. On ne peut toutefois nier son authenticité et avouons qu’elle présente un certain panache !
ArenSor- Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Maurice Barrès
merci Aren !
de l'intérêt de cette lecture pour croyants et non croyants ?
de l'intérêt de cette lecture pour croyants et non croyants ?
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21018
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Re: Maurice Barrès
Il y a le fond qui pose le problème de la dualité instinct / raison, Dionysos / Apollon, ce qui dépasse largement le cadre du religieux. A mon avis, être croyant ou non croyant n'est pas un critère important. Quant à la forme, le style est très marqué. On y est sensible ou non. C'est selon les goûts des uns et des autres.
ArenSor- Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes
Re: Maurice Barrès
merci Aren !
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Bédoulène- Messages : 21018
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