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François Mauriac

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Message par églantine Sam 3 Déc - 15:20

 François Mauriac (1885 – 1970)

François Mauriac 330px-12

  François Mauriac, né le 11 octobre 1885 à Bordeaux et mort le 1er septembre 1970 à Paris, est un écrivain français. Il est élu membre de l'Académie française au fauteuil no 22 en 1933. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952.

Dernier d'une fratrie de 5 enfants, François Mauriac est orphelin de père à vingt mois. Elevé par une mère très pratiquante, il fait ses études dans des institutions privées où il fera la rencontre d'un ami d'une vie, André Lacaze.
En 1902, la mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent qu'il est, constatant la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante.
En terminale, il a pour professeur Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et Gide, tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel.

Son premier volume de poèmes, Les Mains jointes, publié en 1909, retient l'attention des milieux littéraires. Mais Mauriac ne sera connu du grand public qu'une dizaine d'années plus tard. En 1913, il épouse Jeanne Lafon. Ils auront 4 enfants.
Sa carrière littéraire est interrompue par la Première Guerre mondiale, durant laquelle il s'engage un temps, bien que réformé et de santé précaire, dans un hôpital de la Croix-Rouge. Après la victoire de 1918, il reprend ses activités et publie, en 1921, Préséances, qui le brouille pour longtemps avec la bonne société bordelaise.

Dans une vie d'abord marquée par les mondanités littéraires puis par des engagements politiques guidés notamment par un idéal chrétien socialisant, Mauriac est avant tout occupé par la composition d'une œuvre romanesque. Il se révèle un remarquable analyste des passions de l'âme et un virulent pourfendeur de la bourgeoisie provinciale. La plupart de ses romans évoquent, avec une certaine intensité tragique, le conflit entre la foi et la chair et développent plusieurs images récurrentes comme le fameux « désert » spirituel que les personnages doivent traverser.
La qualité de ses romans et de sa poésie lui vaut d'être triomphalement élu à l'Académie française le 1er juin 1933 au premier tour.

Tout en poursuivant son œuvre littéraire, il prend part à de nouveaux combats politiques, notamment au moment de la guerre d'Espagne, d'abord en faveur des Nationalistes avant de se ranger, dès le drame de Guernica connu, avec les chrétiens de gauche. Cet engagement provoquera une première rupture avec sa famille politique. Robert Brasillach lui dédicacera son ouvrage sur la guerre d'Espagne : « à F.M. égaré ».
Sous l'Occupation, après quelques hésitations, il publie en 1941 La Pharisienne, qui peut se lire en creux comme une critique du régime de Vichy. Au sein de l'académie française, il fait partie avec Georges Duhamel, Louis Gillet et Paul Valéry du petit groupe tenant tête à la fraction pétainiste de l'institution. Il adhère au Front national des écrivains et participe à l'œuvre de Résistance à travers la presse clandestine. Il fait paraître en 1943, aux Éditions de Minuit, sous le pseudonyme de « Forez », Le Cahier noir, qui est diffusé sous le manteau.
Au moment de l'épuration, il intervient en faveur de l'écrivain Henri Béraud, accusé de collaboration, et signe la pétition des écrivains en faveur de la grâce de Robert Brasillach, qui est condamné à mort et qui sera malgré cela exécuté. Cet engagement lui vaut le surnom de « Saint-François-des-Assises ».
Entre 1946 et 1953, éditorialiste au Figaro, F. Mauriac s'illustre par la virulence de son anticommunisme dans le contexte de la Guerre froide.

En 1952, François Mauriac reçoit le Prix Nobel de littérature. Polémiste vigoureux, d'abord absent du débat sur la guerre d'Indochine, il prend ensuite position en faveur de l'indépendance du Maroc et de la Tunisie, puis de l'Algérie, et condamne l'usage de la torture par l'armée française. Il préside aussi le Comité de soutien aux chrétiens d'URSS. Il s'exprime notamment dans son fameux Bloc-notes, qui paraît dans différentes revues au fil du temps.
Il soutient un temps Pierre Mendès France sous la IVe République, mais le putsch des généraux à Alger précipite son ralliement sans faille au général de Gaulle auquel il demeurera fidèle jusqu'au bout.
François Mauriac meurt à Paris le 1er septembre 1970.

Œuvre

Romans, nouvelles, récits

1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver (nouvelle)
1922 : Le Baiser au lépreux Page 1
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix : Page 1
1924 : Le Mal : Page 1
1925 : Le Désert de l'amour (Grand prix du roman de l'Académie française, 1926)
1927 : Thérèse Desqueyroux : Page 1
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères : Page 1
1933 : Le Drôle (conte pour enfant)
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1944 : Les Arbres et les Pierres
1951 : Le Sagouin : Page 1

1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne (posthume)

màj le 15/12/2018
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Message par Allumette Sam 3 Déc - 15:26

François Mauriac Theres10

Thérèse Desqueyroux

Eu égard aux commentaires des lecteurs qui l'avaient déjà lu, je m'attendais à un livre qui me fasse plus d'effets, plus vibrer. Certes, l'écriture de ce livre est belle, le sujet intéressant, mais il me reste à la fin comme une impression d'inachevé, un point d'interrogation.
Au demeurant, l’enfermement de Thérèse dans un monde qui ne lui correspond pas est bien rendu, son passage par le rejet de son mari, puis le rejet d'elle même est poignant.
Mais, Thérèse reprendra-t-elle vraiment sa liberté - imposée par Bernard ? Ou finalement n'est-elle pas abandonnée à sa personnalité fragile ? Avant un destin tragique ? J'aurais aimé lire une suite !

Lu en octobre 2014


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Message par églantine Sam 3 Déc - 15:32



Dernière édition par églantine le Jeu 8 Déc - 21:51, édité 1 fois
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Message par églantine Sam 3 Déc - 15:38

Le Noeud de vipères

François Mauriac 79323410


Sentant sa fin prochaine Louis , avocat brillant et fortuné , motivé par un dernier sursaut de haine revancharde, autant que par une volonté de faire amende honorable à l'égard de sa famille ,écrit une longue lettre destinée à être lue par sa femme haie une vie durant .

Un roman surprenant, par l'audace de l'auteur qui dénonce avec violence mais subtilités , sans aménités aucune , un milieu social qu'il décrit comme perfide , sournois , vil : cette société catholique bien-pensante dont il est lui-même issu .
Mais ce que je retiens surtout , au delà de cette maestria pour tirer à boulets rouge sur ce qu'il considère comme la médiocre petite bourgeoisie Bordelaise , c'est l'immense talent de l'écrivain pour mettre en lumière la vaste comédie humaine : dans cette histoire familiale chacun y va de son rôle , qu'il s'attribue par voie de conséquences , victime du passé ou du regard des autres ! Et comme il est difficile de détourner le cours des choses dès lors que les processus psychologiques sont enclenchés ! Enfermé dans des schémas réactionnels , des définitions , chacun mènera sa vie conditionné par l'attente de l'autre, par les automatismes mis en place pour survivre ...

Dès lors on prend conscience ,à travers le portrait de ce Louis pétri de contradictions que les hommes , au delà des apparences , du sens qu'ils ont voulu donner à leur vie se rejoignent dans leurs travers , leurs noirceurs autant que dans une certaine grandeur d'âme ....
Dans cette confession d'un vieillard qui n'a plus rien à attendre , Mauriac souligne toutes les facéties de l'être humain : celui qui se définit toute sa vie comme un être méprisable , cruel , capable des pires actes possède en lui une part de pureté ....Au bout du chemin seule l'espérance peut libérer l'homme de sa grande solitude et l'unique salut possible semble celui qui émanerait d'une force supérieure : tel est le constat de Louis aprés cette vie uniquement occupée à nourrir rancoeur , haines en cultivant l'appât du gain !

Mais Mauriac n'assène pas une vérité catholique , c'est une réflexion toute en finesse et ouverture , à l'opposé de ce qui se dégage de prime abord de son personnage inflexible , intransigeant :" le bien et le mal ne s'épouse-t-il pas "chantait Jacques Brel ...
L' écriture est d'un classicisme aigu , d'une précision chirurgicale pour dépeindre avec incision et éclat la psychologie de ses personnages , aucune fioriture qui tendrait à détourner le lecteur : un texte tendu , écrit presque au cordeau , froid et laissant pourtant éclater par les fissures de celle- ci une sensibilité extrême .
Belle découverte d'un roman riche comme un puits sans fond .


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Message par églantine Mar 15 Aoû - 10:07

Génitrix


François Mauriac Mauria10

Certes François Mauriac n'appartient à cette race d'audacieux qui feront avancer la littérature sur de nouveaux sentiers , il est catho aussi et se positionne en tant que tel dans son écriture et tout cela n'est pas très vendeur ....Je me souviens de la bouille condescendante de mon ancien libraire lorsque je souhaitais savoir s'il était entré en Pléiade ...Mais moi j'aime Mauriac , et je le tiens en haute estime .
Lire Mauriac , c'est accepter de se glisser dans une prose sans surprise , finement travaillée mais sans ces coups d'éclats inattendus qui portent le lecteur dans un ravissement ponctuel , influençant quelquefois avec quelques facilités l'adhésion du lecteur ...Non , Mauriac , c'est le souci de vérité , c'est le travail bien fait d'un écrivain scrupuleux , probablement viscéral mais canalisant par une volonté de "rendre juste " .
Force est de constater ,après avoir lu plusieurs de ces oeuvres majeures, qu'il n'élargit guère son champ d'observation et d'analyse . Scrupuleusement attaché à ses racines terriennes , formaté par une éducation catholique et un milieu bourgeois provincial , son univers littéraire restera confiné dans un microcosme dont il semble tirer une palette pourtant infinie de couleurs .
Génitrix donc ?
A haute voix , ça claque , sans appel , toute violence déversée dans l'instant , aucune échappatoire possible et déjà Vipère au poing apparait en effet de résonnance !
Alors oui , Mauriac nous décrit la lente descente aux abîmes d'un fils et sa mère ,victimes de leur incapacité à couper leur lien hautement toxique :prisonniers de leur système relationnel construit sur un amour puissant et pervers , addictif , destructeur , alimentant leur déchéance respective .... Félicité , la mal-nommé, incapable de respirer sans la présence physique de son fils à ses côtés , Fernand son bien-aimé incapable de jouir de la vie , mais aussi des femmes sans une relation conflictuelle et perverse , deux âmes tricotées l'une dans l'autre , se suffisant à eux-mêmes dans leur auto-destruction , incapable de s'abstraire de ce fonctionnement puisque faisant partis de leur identité presque .
Si Fernand tentera de s'émanciper par un mariage raté , ce ne sera que pour revenir plus violemment encore dans le giron de sa mère . Ses incartades ponctuelles "à la ville" pour assouvir quelques besoins besoins primaires avec "son habitude", le ramène aussi rapidement vers son poison , sa source vive ," la queue entre les jambes ", plus dépendant et morveux que jamais .
La mort de la Génitrix , loin d'apaiser enfin le fils , ne fera qu'attiser cet "amour" démoniaque et plus que jamais enfermé dans les griffes du diable , il basculera dans une sorte de schizophrénie , incarnant la personnalité de la défunte .
Nous sommes dans la campagne Bordelaise , dans une immense propriété (qui n'est pas sans rappeler celle de Mauriac , Malagar ),et on sent le poids des traditions séculaires , l'inscription de la généalogie dans la terre brûlante sous le soleil du Sud-Ouest .
Et c'est aussi dans cette appartenance familiale et terrienne et sociale qu'il faut appréhender l'écriture et les thèmes un peu obsessionnels de l'écrivain .
Dans Génitrix par exemple , gravitent autour du couple Mère/fils quelques personnages clés pour saisir la réalité sociale : Marie de Lados , la bonne et dévouée servante qui jouera un rôle majeur dans l'histoire de ses maitres .
Et c'est probablement là un des piliers de soubassement de l'oeuvre de Mauriac que cette capacité à éviter toute forme de binarité et de manichéisme primaire : personnages et lieux ont une importance essentielle pour mener son histoire en soulignant leur place , leur impact dans l'identité autant individuelle que collective :rien n'est schématisé , démonstratif et basique : Mauriac affine ses personnages , ses perceptions et flirterait presque avec une analyse psychanalytique .
En ce sens Génitrix me parait incontournable pour qui souhaiterait découvrir Mauriac tant il me parait le plus représentatif de toutes ces particularités .


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Message par Aventin Mar 15 Aoû - 17:00

Merci beaucoup Églantine de ce point de vue frais, parce qu'on en a tant entendu...
Mauriac a été plutôt sali par des gens qui ne l'avaient guère lu, je veux le croire, au siècle précédent.

Cependant il compte parmi les très rares écrivains français de premier plan, de grande audience, à ne pas s'être commis avec la moindre faction entichée de l'un de ces totalitarismes du siècle, les ayant tous combattus - à l'opposé de ceux qui le honnissaient tout en tenant le haut du pavé et faisant l'opinion...

Il en reste peut-être encore des étiquetages faciles, des raccourcis de mauvais aloi, et des a-prioris quasi-calomnieux, mais le temps en a déjà effacé la plupart, donc laissons Chronos faire le ménage.

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Le Sagouin

François Mauriac 417pqz10

Roman, paru en janvier 1951, 135 pages environ, 4 chapitres numérotés et innomés.

Mauriac est un écrivain qui peut s'avérer d'une grande violence, et assez souvent encore. On n'est jamais dans une violence d'affrontement physique au premier degré, avec action, mais dans une violence sourde, qu'il fait surgir, puis explore et n'hésite pas à pousser jusqu'à des points complètement paroxystiques.

A noter que le village (et le château, et donc le titre nobiliaire rattaché) de Cernès n'existe pas, mais, comme vous le dira votre moteur de recherches, ce patronyme se rattache à un territoire géographiquement Mauriacien par excellence !

Il s'agit d'un des romans les plus populaires de Mauriac, peut-être le plus lu aujourd'hui et, si la sortie de Galigaï se fait concomitamment à la remise du Nobel (ou très peu avant), c'est bien Le Sagouin le titre ultime que l'Académie Suédoise avait en tête et en mains lors du choix de Mauriac (Galigaï n'était pas encore traduit).  

Le contexte social est particulièrement digne d'intérêt, puisqu'on trouve la très haute bourgeoisie bordelaise via Paule Meulière, fille d'un ancien maire de Bordeaux, la noblesse via Galéas et Guillou (enfin, si l'on veut, eux sont d'"ailleurs"!) et beaucoup via la Baronne de Cernès. On rencontre aussi le milieu instituteurs-laïques-communistes par Robert et Léone Bordas, et le personnel domestique par Fräulein.
Et la misère, la misère du cœur, ainsi que le sentiment du malheur et celui d'être inadapté au monde, rejeté, est ici l'apanage des plus hautes couches.

Paule Meulière épouse "un nom", un titre nobiliaire qui lui faisait tellement envie depuis l'âge des bacs à sable et des jeux de jardins publics. Comme un decorum de luxe. Galéas de Cernés est handicapé mental ("demeuré" -sic- autrement dit simple d'esprit).

Chapitre I a écrit:La nuit, dérision du sort, l'horreur de s'être vendue pour une vanité dont l'ombre même lui était dérobée, occupait son esprit, la tenait éveillée jusqu'à l'aube.

Guillaume naît de cette union -sur un seul rapport sexuel, isolé, apprend-on. Souffre-douleur de sa despotique mère, son refuge, qui est aussi le refuge familial hors Paule, est la chambre de sa grand-mère.

Chapitre I a écrit:    Ce soir-là, Paule ne gagna pas directement la salle à manger, et, poussée par le désir de rouvrir au plus tôt le débat au sujet de l'instituteur, se dirigea vers la chambre de sa belle-mère. Elle n'y pénétrait pas dix fois dans l'année. Au moment d'entrer, elle hésita, attentive à ce brouhaha joyeux des trois complices derrière la porte, à un air joué avec un doigt par Galéas. Une réflexion de Fräulein faisait rire aux éclats la vieille baronne, de ce rire complaisant et forcé que Paule exécrait. Elle poussa la porte sans frapper. Comme les automates d'une horloge, ils devinrent tous à la fois immobiles. La baronne demeura un instant la main levée, tenant une carte. Galéas pivota sur le tabouret après avoir fait claquer le couvercle du piano. Fräulein tourna vers l'ennemie sa figure écrasée de chatte qui, en présence d'un chien, aplatit ses oreilles, devient bossue et se prépare à cracher. Guillou, entouré de journaux dans lesquels il découpait des photographies d'avion, posa les ciseaux sur la table et se coula de nouveau entre le prie-Dieu et le lit. Là, il rentra les pattes et se fit cadavre.

   Autant que Paule y fût accoutumée, elle n'avait jamais eu une conscience si claire de son pouvoir maléfique sur les êtres avec lesquels il lui fallait vivre.    

Terrorisé et honni par sa mère, cancre, sevré d'amour maternel, renvoyé de tous les établissements scolaires et attardé dans son parcours d'écolier, Guillou demeure là, en attendant qu'une solution soit trouvée. Mais Paule, sa mère, est tenue à l'écart par tout le village et les environs, suite à une amitié, même pas une liaison, avec un jeune prêtre, naguère, qui a dégénérée en calomnie.

Cependant, l'instituteur, après une démarche de Paule qui fait suite à une première, sans succès, de la Baronne, accepte de s'en occuper. Guillou s'y rend un soir mais, dès le lendemain, pour raisons de convictions politiques, l'instituteur décline l'offre de Paule...

Personnages fondamentaux, inacceptés, Galéas et Guillou, qui sont l'un comme l'autre l'innocence et l'incompréhension incarnées s'en vont pour leur promenade vespérale...


(message du 1er octobre 2014 sur Parfum, allégé)
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Message par églantine Mar 15 Aoû - 18:26

Et merci à toi Aventin : je me sens moins seule sur ce fil qui me tient à coeur ! cheers
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Message par Aventin Jeu 10 Mai - 21:35

Le baiser au lépreux

François Mauriac Le-bai10

Roman, 1922

Le premier grand succès de Mauriac, celui qui lui mettra le pied à l'étrier.

Déjà ces malaises campés, devenant paroxystiques, cette forme de violence, le mot n'est pas trop fort, qui sourde (du verbe sourdre) plutôt qu'elle ne jaillit.
Peintre éternel d'atmosphères empoisonnées, dans les lieux et des temps qui nous semblent très révolus à un siècle de distance, Mauriac donne les prémisses de ses futurs romans (dit pour ceux qui considèrent qu'il écrit toujours le même roman, ce qui équivaut à dire que J-S Bach ou J Coltrane n'ont toujours fait "que" la même musique, une musique une, si vous voulez, encore qu'on peut chicayer, mais une musique qui leur soit identité artistique ?).

Alors oui, je l'ai lu sous les grands pins frémissants, pour tout vous dire en posant de temps en temps le livre pour contempler la chorégraphie mystérieuse des libellules et leurs parures encore plus sophistiquées devant le Courant de Contis, avec l'océan en décor sonore de fond, et oui, bien sûr, Mauriac se déguste mieux quand tu connais les lieux; Giono, quelque part (je sais que le chosier doit être solide sur ses sources, mais celle-là je ne vous la retrouverais pas, c'est dans le Pléiade écrits non romanesques je crois, Giono donc explique que les romans de Mauriac doivent être ramenés à l'humus Girondin ambiant si ce n'est prégnant, et, sans qu'il n'y ait prééminence, au miyeu chochial si particulier, qui est tout autant conditionnant).

Subséquemment je choie (du verbe choyer) les lieux, qui me sont proches tant par la géographie que par la toponymie, voire même les rares gasconismes et autres occitanismes que l'auteur dispose avec une homéopathique parcimonie.

Bref, sableux, perméable, résineux, un lointain espéré vineux, comme un désir d'aristocratie pour le bourgeois, à ciel immense s'il n'est pas voilé, landeux, fait-néant (rentier), paysan ou plus exactement rural, fragile, décadent parfois, Grandes Familles, conventions, qu'en-dira-t-on et cœtera.

Et là, c'est un peintre avec de la munificence dans la palette. Comme dit plus haut sur ce fil, romancier qu'il a fait bon détester lors de la seconde moitié du XXème en France, par une frange qui faisait l'opinion, mais aujourd'hui, s'il vous plaît, justice !

En deux mots, parce qu'il faut tout de même faire commentaire n'est-ce pas, quel est le prétexte à l'une de ces agapes mauriaciennes de choix ?

Un mariage arrangé entre un laideron sensible, héritier fortuné, et une beauté de famille ruinée. Le père du laideron est un de ces extrêmes malades professionnels démentiels et dictatoriaux. La fille est pure, brute de décoffrage de sacristie.
Le laid sensible, et ceci est lentement traduit par un glissement rendu par une qualité littéraire loin des plumes utilitaires, finit en odeur de sainteté.
Or le titre est une allusion qui ne vous a pas échappée à François d'Assise, ce baiser donné au lépreux qui le rebutait tant qu'il croyait la chose insurmontable, puis, une fois donné ce baiser, il se complaira dans la compagnie, l'amour des lépreux.
Ici, le baiser qui répugne, il est du côté de la fille. Un cas d'impossibilité conjugale, tellement le mari est laid, hideux. Mais en l'occurence c'est celui qui reçoit le baiser qui est finalement le saint. Le casuiste littéraire verra là un renversement de la proposition.

Qu'on se débrouille, avec un tel sujet, et une accroche qui fasse autant bayer, pour pondre un ouvrage de la hauteur et de l'intérêt de celui-ci, la tâche est ardue. Si je puis me permettre, peut-être, seul Mauriac...

Pour bien faire, il faudrait toucher un mot ou de préférence davantage sur le style Mauriac, les adverbes à l'antépénultième, les adjectifs avant les mots, la chevauchée des phrases pour marteler un rythme (longues, brèves, médianes etc...), mais procrastination, quand tu nous tiens, on en papotera dans d'autres commentaires, il y a le temps...
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Message par colimasson Ven 11 Mai - 10:57

Ouah... un commentaire que je déguste avec les papilles aussi...
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Message par églantine Ven 11 Mai - 11:56

Oui ça fait envie .
J'aime Mauriac , il faut que je m'y remette .
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Message par Antoine8 Lun 18 Juin - 7:42

Cela fait longtemps que j'ai envie de me plonger dans l'oeuvre de Mauriac, je compte donc m'y mettre très vite avec Genitrix et Thérèse Desqueyroux, en plus on retrouve les thèmes du mal et de la potentialité d'une rédemption que je suis en train de découvrir chez Flannery O'Connor !
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Message par Bédoulène Lun 18 Juin - 17:04

lu, il y a très longtemps le noeud de vipères et thérèse Desqueyroux ; j'ai apprécié les deux

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
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Message par Aventin Sam 15 Déc - 9:26

Le Mal

François Mauriac Le_mal10


Roman, 175 pages environ, paru en 1924, mais n'a reçu sa forme définitive qu'en 1955, après divers avatars.

Eu la chance de le chiner, pour des clopinettes, dans l'édition mouture définitive, qu'on ne va tout de même pas qualifier d'originale contrairement aux sopalinades de l'éditeur, en l'occurrence  Arthème Fayard 1955 (ci-dessus).

Donc ouvrage paru en revue ("Demain") en 1924. Puis un premier tirage chez Grasset ne vit, finalement, pas le jour.
Quelques chapitres isolés paraissent en 1926 sous le titre Fabien, en édition illustrée, chez Librairie Sans Pareil.
Grasset édite à nouveau le roman version 1924, à petit tirage, en 1935 et 1936.

Puis, le temps passe. Mauriac lui-même est réticent à la publication de cet ouvrage, mais, comme il est repris dans le tome VI de ses Œuvres Complètes et -je cite Mauriac:
"Surtout parce que mon éditeur américain en a donné la version anglaise dans le même volume que celle du Sagouin, et qu'à mon grand étonnement l'accueil du public et de la critique a été chaleureux, - ce qui est très nouveau pour moi: les traductions de mes livres par Gerard Hopkins n'ayant jamais trouvé aux États-Unis le succès qu'elles connaissent en Angleterre."

Le Mal, un Mauriac de seconde zone ?
J'en suis persuadé, du moins pendant un gros tiers, presque une moitié du livre.

Bref une fratrie de deux, dans Bordeaux-centre. Un père décédé avant de voir grandir les enfants. Une mère pas juste pratiquante, non, au-delà, janséniste si l'on veut.

C'est tellement biographique...avec le père décédé alors que Fabien avait l'âge de vingt mois, la scolarité du jeune Fabien, jusqu'au quartier même de Bordeaux qui est celui où grandit François Mauriac, jusqu'à la ferme et les terres des Landes girondines où la famille va passer la belle saison, jusqu'à la "montée" de Fabien jeune homme à Paris, l'inscription à l'École des chartes, d'où Fabien, comme Mauriac, démissionnera, jusqu'à la piaule d'hôtel, etc...


 Mauriac met à mal les nerfs de ses plus fervents lecteurs dans ce livre, qui paraît manquer de souffle, les personnages de Fanny l'irlandaise amie de la mère de Fabien, et de Joseph, le doux et pieux frère de Fabien, pas maladroitement campés j'admets (comparé au personnage de la mère de Fabien) ne sauvent pas tout, on va s'enliser, on voit vaguement d'où ce "Mal" peut venir, et puis, et puis...

Subtilement, les divers éléments hétérogènes se forment (comme en chimie) en un précipité solide, les temps forts du livre arrivent enfin, toute la longue mise en place -très autobiographique, donc- trouve enfin sa justification.

Un Mauriac de seconde zone, disais-je ?
Plus si sûr au final, toutefois je ne le recommande pas en porte d'entrée à cet auteur (voir, au reste, les réticences de Mauriac lui-même quant à sa publication...).

Chapitre V a écrit:
- Viens... viens dans l'ombre...viens !
Elle avait jeté un manteau sur ses épaules.
Elle entraîna Fabien. Il sentait à son bras la crispation d'une main de noyée.  Cette odeur de marécages et de tabac opiacé, les vacillantes colonnes rouges et vertes dans l'eau noire que font les lanternes, tout ce qui avait été présage funèbre s'associait soudain et pour jamais à la frénétique joie de Fanny. Ce port des embarquements pour le néant devenait le léger décor de sa tendresse heureuse.

Chapitre VII a écrit:
On le vit muet, contre une porte à ces fêtes, dont les hôtes lui étaient aussi mystérieux qu'une tribu sauvage. Il errait parmi eux, Gulliver mélancolique, prisonnier d'une race inconnue. [...)
D'incompréhensibles peintures effaraient le jeune homme - et cette musique comme des coups de poing ! Durant les soupers sans domestiques, si l'ivresse faisait tomber des masques, il en restait toujours un collé à chaque visage. Quelle plaie eût-on déchirée en les arrachant ?

Enfin je reproduis celle-ci sur un autre fil (La littérature c'est quoi ?) où elle me semble à sa place:
Chapitre VII a écrit:Il ne comprenait pas ces poèmes, ces peintures, ces musiques autour de lui, - mais il se disait que peut-être ces artistes usaient de leur art pour créer un univers de monstres et pour y passer inaperçus. Il se demandait si leur art n'était pas la forme de leur désespoir.


mots-clés : #autofiction #initiatique
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Message par Bédoulène Sam 15 Déc - 14:34

merci Aventin ! (on ne s'arrête pas donc sur le Mauriac de seconde zone ?) Smile

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Message par Aventin Sam 15 Déc - 18:56

Bédoulène a écrit:merci Aventin ! (on ne s'arrête pas donc sur le Mauriac de seconde zone ?) Smile
Moins flemmard il faudrait que je rapatrie d'anciens commentaires - pour te répondre, à l'échelle du Sagouin ou du Nœud de vipères, par exemple et on peut en trouver d'autres, c'est en-deçà (à mon humble avis, qui semble être aussi celui de Mauriac), mais pas indigne d'intérêt...
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