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13 résultats trouvés pour guerreduvietnam

James Crumley

Le dernier baiser

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Le_der11

(Lu dans la troisième traduction, par Jacques Mailhos.)
Le détective privé C. W. Sughrue piste pour le compte de son ex-femme un vieil écrivain et poète, Abraham Trahearne, en virée dans les bars au travers des États-Unis, de préférence avec un chien alcoolique (en l’occurrence un bulldog, Fireball Roberts). Et il est beaucoup question d’alcool.
« − J’ai ralenti avant d’être obligé de m’arrêter, dis-je. Maintenant, j’essaie de garder deux verres d’avance sur le réel et trois de retard sur les ivrognes. »

Sughrue emmène Trahearne (et Fireball) sur les traces d’une autre disparue, Betty Sue Flowers, et le ramène chez lui, où il réside avec sa femme, son ex et sa mère de façon assez insane… L’histoire pourrait finir là, mais on n’en est même pas à la moitié du livre…
« − Les histoires sont comme des instantanés, fils. Des instants arrachés au flot du temps, dit-il, avec des bordures propres, nettes et dures. Mais là, c’était la vie, et la vie commence et s’achève dans un bazar sanglant. Du berceau au caveau, ce n’est qu’un gigantesque bazar, une boîte remplie de vers qu’on laisse pourrir au soleil. »

« Bon sang, parfois je me demande si je n’ai pas déjà sauté la dernière femme qui valait le coup, bu la dernière rasade de la dernière bonne bouteille, et écrit la dernière ligne un tant soit peu correcte, et je n’arrive même pas à me rappeler quand la chose s’est produite. Je n’en ai aucun souvenir. (Il leva la tête vers moi, ses yeux troubles ourlés de larmes.) Je ne me souviens pas quand cela s’est produit, j’ignore où ça a disparu. »

« − Le grand rêve américain, l’interrompis-je. Paye tes études avec l’argent du crime. »

« − Vous voulez de la pitié à deux balles, mon vieux, ou bien de l’efficacité à cent dollars par jour ?
− Des mots gentils à cinq ou six balles, ce serait possible ? demanda-t-il presque en souriant.
− L’Oncle Sam m’en a offert une grosse poignée, dis-je, mais je n’arrive jamais à les placer. »

« La guerre, c’était être capable de tuer sans flancher et de vivre sans flancher. (Il se tut un moment et jeta son arme sur un tas de feuilles volantes.) C’est comme ça que je vis depuis cette nuit-là, et c’est ça qui ne va pas. Si tu ne peux pas flancher, alors autant être mort. »

Avec lyrisme et désenchantement, entre roman noir et road-movie (et malgré des allusions aux références qui me sont obscures et doivent désespérer ses traducteurs), c’est plutôt une réussite du genre. On est dans l’"école du Montana", d’ailleurs le livre est dédié à Richard Hugo (et le titre tiré d’un des vers de ce dernier) ; la nature est bien là, ainsi que l’inévitable pêche à la truite (dans un épisode assez parodique), mais c’est un polar, une critique sociale, et surtout le portrait du haut en couleur et brutal vétéran du Vietnam hautement alcoolisé, indépendant et jusqu’au-boutiste (sans omettre un comportement problématique avec les femmes et les autorités, notamment judiciaires) – dans une figuration qui éclipse nombre d’autres de ce qui est devenu un poncif, souvent surfait.

\Mots-clés : #guerreduvietnam #polar
par Tristram
le Jeu 4 Aoû - 17:24
 
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Sujet: James Crumley
Réponses: 6
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Craig Johnson

Enfants de poussière

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Enfant10

Toujours le cocktail d’Indiens, de souvenirs de la guerre du Vietnam en longs flash-backs, de meurtres récents dans le comté fictif d'Absaroka, Wyoming (avec un zeste basque, et bien sûr une large rasade de Longmire pur jus), et je n’en suis pas encore lassé.
Cette fois c’est respectivement un Cree colossal, Virgil White Buffalo, Bad War Honors, membre des Crooked Staff et des Crazy Dogs (sociétés de guerriers) ; Mai Kim, la « minuscule prostituée » du Boy-Howdy Beau-Coups Good Times Lounge à Tan Son Nhut en 1967, à laquelle Longmire appris l’américain ; Ho Thi Paquet est la (première) victime,
« …] une Amérasienne, une enfant de poussière : une de ces enfants de mère vietnamienne et de père américain. »

(Coïncidence, l’action se passe essentiellement dans les parages de la Powder River.)
Quant à Walt et son meilleur ami, Henry Standing Bear, dit l’Ours, ou la Nation Cheyenne, c’est toujours un grand plaisir de les fréquenter, ainsi que leurs proches.
L’enquête actuelle est en fait narrée en parallèle de la précédente, au Vietnam.
« Peut-être était-ce lié à l’endroit ; la jeunesse ne pouvait durer sans l’innocence. »

« Tu te préoccupes moins des vivants que des morts. »

« − Je me demande parfois si tu n’es pas en train d’essayer de résoudre du même coup deux mystères qui se sont produits à presque quarante ans d’intervalle. »

Des indications très précises renforcent l’impression de crédibilité dans le rendu de la guerre, du Vietnam, de l’histoire du Wyoming, des usages indiens.
« Les night-clubs à Hue ont des noms comme Apocalypse New et M16. »

Mais peut-être un peu trop de démesure dans l’action (violente) ?

\Mots-clés : #amérindiens #guerreduvietnam #polar
par Tristram
le Dim 29 Mai - 13:14
 
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Sujet: Craig Johnson
Réponses: 38
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Doug Peacock

Une guerre dans la tête

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Une_gu10

Doug Peacock évoque sans relâche son « vieil ami, l’écrivain anarchiste Edward Abbey », mentor paternel qu’il fréquenta vingt ans, jusqu’à sa mort comprise, et auteur de Le Gang de la Clef à Molette où Doug apparaît sous les traits de Hayduke.
Voilà un texte assez décousu qui mêle marches souvent solitaires dans différents paysages, évidemment les zones arides états-uniennes, mais aussi, en alternance, le Dhaulagiri au Thibet (sur les traces de la panthère des neiges, où il a une hémorragie dans la gorge, comme Abbey mortellement malade). Revient également de façon récurrente le souvenir traumatique du Vietnam, le vécu de son syndrome du vétéran, l’impression laissée par le massacre de My Lai. Toujours partagé entre son foyer et ses « moyens primitifs d’introspection – la marche, la solitude, le contact avec la nature − », Peacock se reconnaît (et est officiellement reconnu comme) asocial.
« Cela me convenait parfaitement : un paysage désert est un antidote au désespoir. »

« J’avais toujours vu dans la chasse la clef de voûte de l’évolution humaine. »

« Je crois que pour moi, les hélicoptères représentent le Mal en personne. Au Vietnam, ils semaient la mort à tout vent dans le ciel, en toute impunité. »

« D’avoir lâché prise, d’avoir chuté, m’avait calmé. La mort n’est pas l’adversaire de la vie, me dis-je, l’ennemie, c’est la peur d’appréhender la vérité, la crainte d’une véritable introspection. Ed m’avait appris cela, et ce soir-là j’éprouvai avec humilité la vérité de ses paroles. En fin de compte, il fallait lâcher prise, laisser aller la colère, le désir de possession et les attachements, laisser aller jusqu’au désir. »

« Je frôlai un genévrier et m’arrêtai soudain ; je sentais une odeur âcre de sécrétions félines, trop puissante pour provenir d’un simple chat sauvage. Je le savais d’expérience, car j’étais depuis longtemps familier de l’odeur des lynx, et j’avais un jour eu la bonne fortune de pouvoir sentir l’odeur fraîche d’un jaguar dans la Sierra Madré et, chose encore plus rare, celle d’un tigre de Sibérie, sur la rive d’un fleuve de l’Extrême-Orient russe. Cette région n’était pas une zone de jaguars, l’odeur provenait donc d’un couguar. La piste était toute fraîche. »

« La guerre est elle aussi un voyage initiatique. »

Considérations sur les vestiges indiens : les kivas (chambres cérémonielles des Indiens Pueblos, généralement de forme circulaire), les peintures rupestres avec Kokopelli, le joueur de flûte mythique ; évidemment rencontres avec des grizzlis ; fantasmes de félins.
On perçoit le désarroi de Peacock, où sourd aussi, parmi de déchirantes contradictions, une sorte d’élan mystique, ou plutôt un sens du sacré.

\Mots-clés : #amérindiens #ecologie #guerre #guerreduvietnam #initiatique #mort #nature
par Tristram
le Jeu 21 Avr - 12:31
 
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Sujet: Doug Peacock
Réponses: 25
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Denis Johnson

Arbre de fumée

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Arbre_19

Ce livre renvoie, implicitement comme explicitement, à Un Américain bien tranquille de Graham Greene ; j’ai donc lu ce dernier en premier, chronologie oblige.
« William "Skip" Sands, de la Central Intelligence Agency des États-Unis », « – Skip Sands l’Américain bien tranquille, l’Affreux Américain – » et d’autres personnages sont suivis de 1963 à 1983, gravitant essentiellement autour et au Vietnam. On retrouve la haine aveugle du communisme considéré comme une menace qu’il faut combattre au niveau géopolitique, et même la « troisième force », dans ce théâtre de la guerre froide en ex-Indochine.
La guerre du Vietnam proprement dite est bien sûr présente, et les atrocités commises de part et d’autre ne sont pas omises :
« Je sais que tu as rejoint le gouvernement pour servir le monde, mais nos dirigeants envoient de braves garçons détruire un autre pays et peut-être perdre leur vie sans la moindre explication convaincante. »

« Aujourd’hui on est les héros, demain on est des nazis. »

Skip vit dans la villa de Bouquet, un Français demeuré en Indochine où il est mort d’une explosion dans un tunnel, qui l’inspire comme il citait Artaud ou écrivait à Bataille à propos de son livre Lascaux ou la naissance de l’art. Skip lit aussi Marc Aurèle, Cioran, autrement à peine occupé à des tâches administratives apparemment aussi absurdes qu’inutiles (croisement de fiches bristol résumant d'anciens entretiens, compilation de contes vietnamiens).
« Quelqu’un garde une trace des moindres détails. Mais qui garde la trace de celui qui garde la trace ? »

C’est pour l’essentiel un roman d’espionnage, sur ce temps de guerre confus (et fumeux) où se mêlent vrais et faux agents, y compris un agent double, et le thème central est celui de la désinformation.
« Arbre de fumée – (pilier de fumée, pilier de feu) la "lumière guide" d’un but sincère pour la fonction du renseignement – refaire de la collecte des informations la principale fonction des opérations de renseignement, plutôt que de fournir des justifications à la politique. Car si nous ne le faisons pas, la prochaine étape permettra aux bureaucrates blasés, cyniques, carriéristes, assoiffés de pouvoir, d’utiliser le renseignement pour influencer la politique. L’étape ultime consiste à créer des fictions et à les servir à nos politiciens afin de contrôler la direction du gouvernement, et puis – "Arbre de fumée" – remarque la similarité avec le nuage en forme de champignon. HAH ! »

« C’est Psy Ops. Nous parlons de déboussoler le jugement de l’ennemi. »

C’est peut-être le déploiement de cette méthode militaire qui a mené à généraliser la stratégie tactique d’enfumage à toute la société (aparté personnel).
L’oncle de Skip est un colonel haut en couleur, à la stature mythique, retraité de l’armée de l’air, héros évadé de captivité chez les Japonais, proche des locaux et responsable (pour son compte personnel ?) du Labyrinthe, projet de cartographie près de Cu chi, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Tunnels_de_C%E1%BB%A7_Chi et https://fr.wikipedia.org/wiki/Rat_des_tunnels :
« Cette terre sous nos pieds, c’est là que le Viêt-cong situe son cœur national. Cette terre est leur mythe. Si nous pénétrons dans cette terre, nous pénétrons leur cœur, leur mythe, leur âme. Voilà de la vraie infiltration. Telle est notre mission : pénétrer le mythe de la terre. »

Denis Johnson donne aussi des points de vue vietnamiens :
« Les Américains ne gagneront pas. Ils ne se battent pas pour leur terre natale. Ils veulent simplement être bons. Afin d’être bons, ils doivent se battre un peu et puis s’en aller. »

« Les communistes croient seulement à l’avenir. En son nom ils détruiront tout, ils rempliront l’avenir de néant. »

« Sans la présence du colonel pour s’interposer entre le regard de Minh et tous ces Américains, ils lui semblaient incroyablement vides, confus, sincères, stupides – des monstres infantiles équipés d’armes chargées. »

Nous suivons également les frères Houston, Bill et James, respectivement engagés dans la marine et l’infanterie, paumés caractéristiques d’une Amérique perdant ses valeurs dans le vide existentiel et la violence.
« Il était ainsi, voilà tout, surtout quand il picolait, c’est-à-dire la plupart du temps ; sinon, il était tout simplement jeune et idiot, comme la plupart d’entre eux. »

En définitive, c’est le désarroi moral (notamment religieux) aux États-Unis qui est au cœur de ce livre :
« Calvin ne parle pas de désespoir, mais il s’agit bel et bien de cela. Je sais que l’enfer est ici, ici même, sur la planète Terre, et je sais aussi que toi, moi et nous tous avons seulement été créés par Dieu pour être damnés. »

« Il y avait une limite. Il l’avait franchie. Mais les communistes aussi l’avaient franchie. Des criminels ? En Chine, en Ukraine, ils avaient massacré davantage de gens que le criminel Adolf Hitler aurait même pu rêver d’en liquider. On ne pouvait certes pas le crier sur les toits, mais il ne fallait jamais l’oublier. Parfois, peut-être – afin de se colleter avec un tel ennemi –, on franchissait comme lui la fameuse limite. »

Il y a aussi Kathy, infirmière dans une ONG, un tueur professionnel allemand, un détecteur de mensonge, Storm qui est particulièrement cinglé (plus encore que « Lieut Givré »).
« Break on Through, c’est une chanson. C’est ma philosophie, ma devise. »

Si je ne m’abuse, c’est des Doors et Jim Morrison.
Lecture captivante et profonde, où on pense (de loin) à Conrad (et/ou Coppola).
« − Cherchez-vous la légende, ou les faits ?
− Je veux savoir la vérité, mec.
− J’irais jusqu’à dire que la vérité est dans la légende.
− Et les faits, alors ?
– Indisponibles. Rendus opaques par la légende. »

« Au Sud Vietnam je croyais qu’on m’avait mis sur la touche. Relégué en un lieu où je pourrais réfléchir à la guerre. Mais dans une guerre personne n’est épargné et dans une guerre on ne doit pas réfléchir, on ne doit jamais réfléchir. La guerre, c’est l’action ou la mort. La guerre, c’est l’action ou la lâcheté. La guerre, c’est l’action ou la trahison. La guerre, c’est l’action ou la désertion. Comprends-tu ce que je veux dire ? La guerre, c’est l’action. La réflexion aboutit à la trahison. »


\Mots-clés : #espionnage #guerre #guerreduvietnam #trahison #xxesiecle
par Tristram
le Lun 5 Juil - 13:27
 
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Sujet: Denis Johnson
Réponses: 14
Vues: 1353

Graham Greene

Un Américain bien tranquille

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Un_amz10

Le narrateur, Fowler, est un correspondant de presse britannique faisant le reportage de la guerre des Français à Saigon (ce que Greene fit également) ; il est présent depuis des années, se drogue à l’opium et n’envisage pas de jamais quitter le Viet-nam.
« Mes confrères journalistes se faisaient appeler correspondants, je préférais le titre de reporter. J’écrivais ce que je voyais, je n’agissais pas, et avoir une opinion est encore une façon d’agir. »

Son ami Pyle, « un Américain bien tranquille », jeune attaché à la Mission d’aide économique, aussi « chargé de missions spéciales » est retrouvé mort. Phuong, qui fut sa compagne avant de le quitter pour Pyle, revient vivre avec lui.
C’est un aperçu de la guerre contre le Viet-Minh au milieu des « armées privées », comme celle du général Thé (phénomène qu’on reverra souvent, et pas qu’en Lybie) :
« Ce pays était en proie aux barons rebelles : on aurait dit l’Europe du Moyen Âge. »

Il y a aussi un regard intéressant sur les Vietnamiens (et Vietnamiennes) et les Occidentaux à l’époque, la religion syncrétique caodaïste, le travail de journaliste forcément limité par le pouvoir militaire qui contrôle l’information et censure. Même un personnage secondaire comme Vigot, officier de la Sûreté française expert du 421 et de Pascal, devient attachant et caractéristique. Il y a aussi de l’action violente (la nuit dans la tour de guet), du témoignage de guerre…
Mais le thème principal est l’étude psychologique de l’étrange duo Fowler-Pyle ; si le premier est plutôt désabusé et cynique, Pyle est plus naïf et « innocent » (image étonnante a priori, que j’ai également gardée de nombre d’États-Uniens rencontrés lors de mes séjours outre-mer).
« Un homme devient digne de confiance, dit solennellement Pyle, quand on a confiance en lui. »

Cela n’empêche pas cet idéaliste d’œuvrer à la surrection d’une « Troisième Force » afin que la démocratie affronte victorieusement le communisme, et qu’importent les explosifs placés dans la foule. (Greene semble considérer que la guerre d’Indochine n’était pas essentiellement « coloniale ».)
Ce bref roman qui commence par la fin devrait ne pas présenter beaucoup d’intérêt dû au suspense, mais le lecteur comprend que c’est le contraire d’une maladresse lorsqu’il parvient au renversement final : Fowler, qui se targuait d’être et de vouloir rester non « engagé », y viendra à son tour...

\Mots-clés : #colonisation #complotisme #espionnage #guerreduvietnam #politique #psychologique #terrorisme
par Tristram
le Mer 30 Juin - 15:46
 
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Sujet: Graham Greene
Réponses: 31
Vues: 3429

Gustav Hasford

Le Merdier

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Merdie10

Dans un style direct, parfois très cru, Hasford nous plonge au cœur de la guerre dans toute son horreur et son absurdité. Le récit est glaçant et fait froid dans le dos. Une sorte de témoignage coup de poing, probablement salutaire pour ne pas oublier les aspects abjects de la guerre…

« A des milliers de mètres sous l’appareil, le Vietnam est une mince bande de merde de dragon séchée sur laquelle Dieu a posé des tanks, des avions et beaucoup d’arbres, de mouches et de Marines. »


Le conducteur se retourne. Son visage est dur : « J’les ai pas vus, enfoirés, et puis qu’est-ce-qui leur prit de ne pas s’écarter ? Est-ce que ces bouseux  de Chinetoques ne savent pas que les tanks ont la priorité ? » Le visage du conducteur est recouvert d’une fine couche d’huile et de sueur ; l’acier a pris possession de son âme. Il est devenu un rouage du tank. Il transpire de l’huile pour en lubrifier les engrenages et les pignons. »


« C’est une enfant, elle n’a pas plus de quinze ans ; un ange eurasien, svelte, aux beaux yeux noirs. Des yeux qui sont aussi les yeux durs d’un grognard. Elle ne fait pas un mètre-cinquante. Ses cheveux longs, noirs, brillants sont attachés en queue de cheval par un cordon en cuir. Sa chemise et son short, couleur kaki moutarde, ont l’air tout neufs. Un sac de tissu blanc rempli de riz est accroché en bandoulière sur sa poitrine et sépare ses deux petits seins. Ses sandales « Gooodyear » ont été découpées dans de vieux pneus. Autour de sa taille de guêpe, accrochées à sa ceinture, des grenades à main artisanales avec des poignées en bois, des boîtes de Coca bourrées de poudre noire, un couteau de pêcheur, et six poches en toile contenant des chargeurs en forme de banane pour le fusil d’assaut AK-47 pendu à son dos. [….] Nous faisons cercle autour du franc-tireur. Elle respire à grand-peine. Ses entrailles colorées se déversent à travers ses blessures. Une partie de sa jambe droite a été arrachée. Elle serre les dents et gémit comme un chien qui vient d’être écrasé par une voiture. »


« Chaque coup de feu devient un mot prononcé par la mort. La mort nous parle. La mort veut nous raconter un secret marrant. Nous n’aimons peut-être pas la mort mais la mort nous aime.  »


« Du jour où j’ai tué un ennemi, les conversations avec les cadavres sont devenues plus intéressantes que les discussions avec des gens qui étaient encore en vie. »


« Les gens que nous avons butés aujourd’hui sont les meilleures personnes que nous connaîtrons jamais. Quand nous reviendrons dans le Monde, ça va être dur de ne plus avoir quelqu’un qui mérite d’être flingué. Ces gars-là sont le sel de la terre, ils vont nous manquer. »


« Les civils ne retiennent de l’horreur de la guerre que les tripes et l’hémoglobine. Mais la laideur de l’être humain… La laideur du sourire qui a intégré la mort… La guerre est laide parce que la vérité est parfois laide et que la guerre est tout ce qu’il y a de plus sincère. »


Spoiler:


\Mots-clés : #guerre #guerreduvietnam
par ArenSor
le Lun 8 Fév - 17:40
 
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Sujet: Gustav Hasford
Réponses: 3
Vues: 603

Michael Herr

Putain de mort

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire Putain10

Michael Herr a été correspondant de guerre au Vietnam pendant un an, et c’est de ses notes qu’il a tiré ce roman, d’où est issu le film Apocalypse now, auquel l’auteur a collaboré ; on retrouve les hélicoptères, la folie des combattants, particulièrement les « Lurps », Long Range Reconnaissance Patrols (L.R.R.P.), ainsi que la dimension esthétique et fascinante de la guerre.
« Toutes les cinq balles, il y avait une traçante : quand le Fantôme était à l’œuvre tout s’arrêtait et un torrent figé d’un rouge éclatant se déversait du ciel noir. Vu de très loin le torrent semblait se tarir entre deux giclées, s’évanouir lentement du ciel à la terre comme la queue d’une comète, et même le bruit s’éteignait quelques secondes après. »

On apprend évidemment sur la guerre du Vietnam ; ça en dit aussi beaucoup sur les USA, l’armée, la presse. Et la peur omniprésente, permanente :
« La peur et bouger, la peur et rester là, pas possible de choisir, pas possible de bien voir ce qui était pire, l’attente ou la chose elle-même. »

« Tout ce qu’on peut faire, c’est regarder les autres pour voir s’ils sont aussi assommés par la peur que vous. S’ils n’en ont pas l’air vous pensez qu’ils sont fous, s’ils en ont l’air vous vous sentez encore plus mal. »

Et bien sûr la mort.
« Quel que soit le nombre de fois où ça s’est passé, si je les avais connus ou pas, peu importe ce que je ressentais ou la façon dont ils étaient morts, leur histoire était toujours là et c’était toujours la même. Ça disait : "Mettez-vous à ma place." »

« Une fois, j’ai rencontré un colonel qui voulait abréger la guerre en lançant des piranhas dans les rizières du Nord. Il parlait de poissons et il avait les yeux pleins d’un immense rêve de mort. »

« On était toujours à vous dire qu’il ne fallait pas oublier les morts, toujours à vous dire qu’il ne fallait pas trop y penser. On ne pouvait pas rester efficace comme soldat ni comme journaliste si on restait obsédé par les morts, si on retombait sans cesse dans une sensibilité morbide ou si on restait dans un deuil perpétuel. "Vous vous habituerez", disaient les gens, mais je n’ai jamais pu, en fait c’est devenu personnel, c’est allé en sens inverse. »

C’est rendu par scènes, aperçus, instantanés, images, flashes ; d’ailleurs le titre original est parlant : Dispatches (Dépêches). Le style est particulier, dense, cassant, elliptique, cru, et paraît haché (en rafales), éclaté (par la drogue ?), et difficultueusement rendu par la traduction (par ailleurs peu soignée dans la présentation ‒ vocabulaire, orthographe, etc.)
Rendre compte correctement de ce livre est sans doute d’en citer des extraits, sur le principe même de sa rédaction :
« La moindre des contradictions de cette guerre était peut-être que pour avoir un peu moins honte d’être américain il vous fallait quitter les coince-la-bulle de Saigon, les centaines de quartiers généraux qui ne parlaient que de bonnes œuvres et ne tuaient jamais personne, pour aller vers ceux de la jungle qui, eux, n’avaient que le meurtre à la bouche et passaient leur temps à massacrer. »

« "Si vous êtes touché, m’a dit un toubib, l’hélico peut vous ramener à l’hôpital du camp de base en vingt minutes à peu près."
"Si t’es vraiment salement touché, m’a dit un soldat, ils amènent ta boîte au Japon en douze heures."
"Si vous vous faites tuer, m’a promis un sergot 4 des Sépultures, on vous ramène chez vous dans la semaine." »

« Recherche-et-Destruction, plus un gestalt qu’une tactique, sortie vivante et fumante de la psyché du Commandement. Pas seulement une marche et une fusillade, sur le tas il aurait fallu dire l’inverse – Ramassez les morceaux et voyez si vous pouvez arranger un bilan, les annonceurs refusent les cadavres de civils. Les VC [Vietcong] avaient une tactique visiblement semblable appelée Trouve et Tue. De toute façon, c’était comme ça, on le cherche et il nous cherche pendant qu’on le cherche, la guerre sur une boîte de Vache qui rit, répétée jusqu’à l’infiniment petit. »

« Beaucoup savaient que le pays ne serait jamais regagné, seulement détruit [… »

« (Personne ne disait jamais "Quand-cette-foutue-guerre-sera-finie". Seulement "Combien t’as encore à tirer ?".) »

« Dormir à Khe Sanh, parfois, c’était comme s’endormir après quelques pipes d’opium, une dérive flottante mais consciente, de sorte que même en dormant on se demandait si on dormait, on notait chaque bruit à la surface, chaque explosion, chaque frisson qui parcourait le sol, en classant chaque détail sans jamais se réveiller. Il y avait des Marines qui dormaient les yeux ouverts, les genoux levés, raides, se levant souvent en plein sommeil comme si on leur avait jeté un sort. Dormir n’était pas un plaisir, pas un vrai repos. C’était une commodité qui vous empêchait de tomber en morceaux de même que les rations C froides ou pleines de gras vous évitaient de mourir de faim. »

« Ce colonel en particulier adorait faire voler l’hélico assez bas pour qu’il puisse décharger son 45 sur les Cong, et il voulait toujours qu’on en prenne des photos. »

Khe Sanh, le Diên Biên Phu états-unien qui n’a pas eu lieu, est un épisode plus développé du livre.
À la fin, est évoquée l’empreinte indélébile sur toute une génération.
« Dehors dans la rue je ne pouvais pas distinguer les anciens du Vietnam des anciens du rock and roll. Les années soixante avaient fait tant de victimes, leur guerre et leur musique avaient tiré l’énergie du même circuit si longtemps qu’il n’a même pas eu besoin de fondre. La guerre vous préparait à des années infirmes tandis que le rock and roll devenait plus féroce et dangereux que la corrida, les stars du rock se mettaient à tomber comme des sous-lieutenants – l’extase et la mort et (naturellement bien sûr) la vie, mais alors on n’aurait pas cru. Ce que je croyais être deux obsessions n’en était qu’une seule, je ne sais pas comment vous dire à quel point ma vie en a été compliquée. »

Il est fait référence à Catch-22 de Joseph Heller, à propos des rapports guerre et folie.
Et on se dit qu’on aimerait connaître des versions vietnamiennes, du Nord… La même chose, en pire (sans technologie de pointe) ?


Mots-clés : #guerre #guerreduvietnam #mort #violence
par Tristram
le Mar 1 Déc - 22:12
 
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Sujet: Michael Herr
Réponses: 6
Vues: 832

Jon Swain

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire 5114r812

River of time

L’Indochine, Jon Swain en a toujours rêvé. Aussi, lorsque l'AFP lui propose en 1970 de couvrir les conflits alors en cours au Vietnam, au Laos et au Cambodge, n’hésite-t-il pas une seconde. Entre l’Indochine et lui, c’est le coup de foudre. Jon Swain sillonne inlassablement le terrain, passant d’une armée à une autre, d’un pays à un autre, toujours au plus près des évènements. Une vie trépidante et dangereuse, qui coûta la vie à de nombreux reporters. Entre deux bouffées d’adrénaline, les journalistes se retrouvent dans les fumeries d’opium, les bordels, ou au bord des piscines où les expatriés continuent le cours d’une vie en apparence insouciante. La première moitié du livre nous raconte donc cela, d’un ton assez distancié malgré quelques moments forts au milieu des combattants. L’intérêt du propos est indéniable, mais il me manquait quelque chose, une implication plus personnelle de l’auteur, plus de chair et de vérité.

C’est arrivé d’un coup, et je l’ai reçu en pleine face.

Lorsque les khmers rouges envahissent Pnom Penh, Jon Swain se retrouve parqué avec des centaines d’étrangers à l’ambassade de France dans des conditions plus que précaires. Là, il voit la mort en face, les proches arrachés à leur famille au sein même de l’ambassade, les colonnes d’habitants sommés de partir pour la campagne, la barbarie innommable des vainqueurs. Lui-même, fou d’inquiétude, est sans nouvelles de sa compagne, restée à Saïgon qui vient de tomber aux mains des communistes. Des jours de tensions extrême, narrés au plus près, où se révèlent toute la mesquinerie ou la grandeur des êtres.
Anéantie, la petite équipe de journalistes doit laisser partir vers l’inconnu leur ami et collaborateur Dith Pran qui, quelques heures plus tôt, les avait sauvés d’une mort certaine.

Il nous avait enseigné ce qu’est l’amitié et lorsque la chance avait tourné, nous n’avons rien eu à lui donner, sinon de l’argent et de la nourriture. L’avoir abandonné me confirma que nous autres journalistes n’étions au bout du compte que des passagers privilégiés, en transit dans l’enfer cambodgien. Nous étions les témoins d’une gigantesque tragédie humaine qu’aucun de nous ne comprenait. Nous avions trahi nos amis cambodgiens. Nous n’avions pas été capables de sauver ceux qui nous avaient sauvés. Nous n’étions protégés que par nos peaux blanches. J’avais honte.


Jon Swain révèle dans des pages poignantes sa détresse face aux civils mutilés, son sentiment d'impuissance et d'inutilité. Il n'en continue pas moins d’écrire et d’alerter sur le calvaire des boat people et du peuple cambodgien. L’on sent toute sa révolte face au silence assourdissant de l’Occident, sa colère et sa tristesse face à la destruction de cultures qu’il avait appris à aimer.
Puis Jon Swain a continué sa vie de reporter, ailleurs. Il a été pris en otage en Ethiopie, a failli être tué au Timor. Au final, il n’est resté que 5 ans en Indochine. Mais elle lui a valu ses plus beaux reportages (et de prestigieux prix journalistiques). Elle lui a surtout laissé au coeur une trace indélébile. Son livre est un véritable cri d’amour à l’Indochine, à ses habitants, ses paysages, son atmosphère... Et à une femme. Si la première partie m’a laissée quelque peu sur ma faim, la seconde m’a conquise et parfois bouleversée.
River of time, ou le spleen infini de l’Indochine...

J’étais convaincu que, pour ma part, il n’y aurait jamais d’autre Indochine.
S’étaient réunis par hasard les éléments créant une alchimie unique : le lieu, la guerre, l’histoire, la femme que j’aimais ; l’endroit le plus gai et le plus romantique pour un jeune homme encore bardé d’un optimisme et d’un idéalisme forcené.



Mots-clés : #guerre #guerreduvietnam #medias #temoignage
par Armor
le Mer 18 Déc - 6:02
 
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Sujet: Jon Swain
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Bernard B. Fall

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Rue sans joie, Indochine (1946-1962)

quatrième de couverture a écrit:Cette « Rue sans joie », étroite bande de terre entre mer et montagnes de l’Annam, théâtre de combats meurtriers, fut l’un des hauts lieux de cette guerre d’Indochine qui a dominé la politique française de 1946 à 1954 et dont le souvenir a pesé lourdement sur le drame algérien. Renaissant de ses cendres en 1957, elle n’a cessé ensuite de poser un problème insoluble aux États-Unis. Incapables de résoudre leurs propres contradictions, le Laos et les deux Viêt-Nam n’en sont pas moins venus à bout des meilleures armées du monde. Pourquoi et comment ?
Bernard Fall qui a fait de ce lieu un symbole du désastre indochinois répond à ces deux questions avec l’autorité d’un spécialiste du Sud-Est asiatique et de la guerre subversive. Il est le seul écrivain à avoir eu accès aux archives officielles du Corps Expéditionnaire d’Indochine. Mais sa réponse est également celle du témoin direct. Ni militaire, ni journaliste, il a participé sur le terrain aux opérations, parfois sur les arrières ennemis, et recueilli de la bouche même des rescapés le récit des atroces embuscades qui marquèrent cette guerre. Témoin capital de l’agonie française en Indochine, il en a écrit le maître-livre.


Une lecture qui coupe le souffle mais rendue aisée par le style direct de l'auteur, que ce soit pour décrire des manœuvres militaires ou politiques ou pour les nombreux compte-rendus très factuels du "comment ça c'est passé". L'ensemble étoffe l'image, lointaine, de cette guerre qui pour l'essentielle est probablement composée de parachutiste et de légionnaires aux traits très européens. Ils sont présents certes mais pas seuls et Bernard Fall n'oublie pas grand monde que ce soit des autres (ex-)colonies de la France ou des habitants de la région. Il revient même à chaud sur des images apparemment déjà acquises comme légion = nazis reconvertis.

Il parle aussi du soutient américain, de la proche Guerre de Corée, il donne des chiffres parle des soutiens russes et chinois, et avec quelques "focus" chronologiques décrit comment militairement et humainement ça c'est mal passé. Les chiffres sont effrayants tout comme la relation des conditions de vie et de mort dans cette guerre de la jungle.

C'est en fait l'histoire d'une guerre perdue d'avance qu'il fait en opposant des choix stratégiques traditionnels et souvent coupés de la réalité à une guérilla révolutionnaire très mobile (et qui subit des pertes au moins aussi effrayantes).

Des erreurs "culturelles" en quelque sorte qu'il prolonge vers l'épisode américain de la Guerre du Vietnam.


Mots-clés : #guerre #guerreduvietnam
par animal
le Mar 26 Nov - 21:34
 
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Sujet: Bernard B. Fall
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Anna Moï

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Riz noir

Il s’agit du premier roman d’Anna Moi. Elle s’y laisse inspirer par l’histoire authentique de deux sœurs au milieu de la guerre du Viet-Nâm. Après avoir rempli des missions de courrier pour les Nordistes s’approchant autour de l’an 1968, leur emprisonnement les mènera vers des camps et la torture inhumaine sur l’île de Poulo Condor. La narratrice, la cadette des deux sœurs, se rappelle aussi des scènes de sa vie antérieure et de sa famille, si ancrées, enracinées dans l’histoire du pays, les coutûmes, les couleurs.

Des larges parties de ce livre nous laissent muets face aux descriptions des brutalités subies qui malheureusement ont rien à envier aux méthodes des différentes totalitarismes. Mais comme (en ce qui me concerne) j’étais trop jeune au temps de cette guerre-là, ce livre est un rappel important des souffrances dans ce pays. Quelques images connus y sont tissés : l’auto-dafé d’un moine bouddhiste, l’exécution d’un « ennemi »… Et pourtant le livre n’est pas seulement cela, pas juste accusation ou pitié avec soi-même : au milieu de tant de souffrance des images de l’histoire familiale surgissent, et la jeune femme de seize ans, avec toutes ses blessures intérieures et extérieures résiste de façon incompréhensible avec une tête et un coeur debout.

Certains passages semblent comme collés les uns après les autres, sans transition, abruptes – pour notre entendement. Parfois Moi laisse se promener son écriture entre le présent dans la cellule, des bribes d’histoires de codétenus et des souvenirs du passé. On remarque peut-être qu’ici écrit quelqu’un d’une autre culture, pas seulement à cause des couleurs et certaines descriptions exotiques, mais parce qu’elles pensent les choses ensemble, dans une autre façon de les aborder. Et pourtant nous trouvons l’universel...


Mots-clés : #guerreduvietnam
par tom léo
le Lun 10 Juin - 21:50
 
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Sujet: Anna Moï
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Javier Cercas

À la vitesse de la lumière

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Ce qui me semble éclairer le procédé de ce roman au narrateur à la première personne du singulier, lui-même un romancier, qui présente des similitudes biographiques avec l’auteur :
« Je lui ai expliqué que s’il y avait quelque chose dans mon roman dont j’étais sûr, c’était précisément de l’identité du narrateur : un type exactement comme moi, se trouvant exactement dans la même situation que moi. “Alors le narrateur, c’est toi ?” a avancé Rodney. “Pas du tout, ai-je dit, content d’avoir à mon tour réussi à le troubler. Il me ressemble en tout point, mais ce n’est pas moi.” Excédé par l’objectivisme de Flaubert et d’Eliot, j’ai argumenté que le narrateur de mon roman ne pouvait être moi sinon, dans ce cas-là, je serais obligé de parler de moi, ce qui n’était pas seulement une forme d’exhibitionnisme ou d’obscénité, mais une faute littéraire, parce que l’authentique littérature ne révélait jamais la personnalité de l’auteur, elle la cachait. “C’est vrai, est convenu Rodney. Mais beaucoup parler de soi, c’est la meilleure façon de se cacher.” »

« …] il s’agissait d’un roman de fantômes ou de zombis situé à Urbana, et dont le protagoniste me ressemblait en tout point et se trouvait exactement dans la même situation que moi… »

Réflexion sur l’écriture, où l’on peut glaner quelques définitions :
« Je veux dire que les gens normaux ou subissent la réalité ou en jouissent, mais ils ne peuvent rien en faire, alors que l’écrivain si, parce que son métier consiste à transformer la réalité en sens, même si ce sens est illusoire ; c’est-à-dire qu’il peut la transformer en beauté, et son bouclier, c’est cette beauté ou ce sens. »

« Tout le monde regarde la réalité, mais rares sont ceux qui la voient. L’artiste n’est pas celui qui rend visible l’invisible : ça, c’est vraiment du romantisme, bien que pas de la pire espèce ; l’artiste est celui qui rend visible ce qui est déjà visible et que tout le monde regarde et que personne ne peut ou ne sait ou ne veut voir. Que personne ne veut voir surtout. »

« ‒ C’est possible, ai-je admis, sans vouloir en rester là. Mais peut-être que les seules histoires qui valent la peine d’être racontées sont celles qui ne peuvent pas l’être. »

« …] parce que j’étais écrivain et que je ne pouvais pas être autre chose, parce qu’écrire était la seule chose qui pouvait me permettre de regarder la réalité sans me détruire ou sans que celle-ci s’abatte sur moi comme une maison en flammes, la seule chose qui pouvait doter la réalité d’un sens ou d’une illusion de sens, la seule chose qui, comme cela s’était produit pendant ces mois d’enfermement et de travail et de vain espoir et de séduction ou persuasion ou démonstration, m’avait permis d’entrevoir vraiment, et sans le savoir, la fin du voyage, la fin du tunnel, la brèche dans la porte en pierre, la seule chose qui m’avait sorti du sous-sol au grand jour et m’avait permis de voyager plus rapidement que la lumière et de récupérer une partie de ce que j’avais perdu dans le fracas de l’écroulement, je terminerais le livre pour cette raison et parce que le terminer était aussi la seule façon, même si ce n’était qu’enfermés dans ces pages, de maintenir en quelque sorte Gabriel et Paula en vie, et de cesser d’être celui que j’avais été jusqu’alors, que j’avais été avec Rodney – mon semblable, mon frère –, pour devenir un autre, pour être, d’une certaine façon et en partie et pour toujours, Rodney. »

Ce roman est encore l’histoire d’un work in progress, celui du récit de la vie et du destin de Rodney ; la littérature est le moyen de témoigner de celui qui, s’il a perpétré des horreurs, s’est aussi exposé pour défendre une jeune Vietnamienne dans un bar, alors que le narrateur-auteur n’est pas intervenu dans un autre bar lorsqu’une femme était tabassée : Rodney lui répugne, mais il commettra lui-même des actes répugnants. À propos, je reconnais que les deux principaux personnages sont assez exécrables, Quasimodo, à rapprocher du protagoniste de Les soldats de Salamine ‒ ouvrage qui présente bien des analogies, comme l’a souligné Topocl.
Sur l’idéal brisé de la jeunesse se développe la culpabilité au travers de la thématique du succès et de l’échec (perdre ou réussir dans la vie, notamment littéraire, ou à la guerre) :
« …] ces hippies des années 1960 qui n’avaient pas voulu ou pu ou su s’adapter au cynisme joyeux des années 1980, comme si de gré ou de force ils avaient été laissés sur le bas-côté de la route pour ne pas perturber la marche triomphante de l’Histoire. »

« Je me rappelle très bien un détail curieux : la dernière chanson qu’ils mettaient tous les soirs et qui annonçait discrètement aux habitués que le café allait fermer était It’s Alright, Ma (I’m Only Bleeding), une vieille chanson de Bob Dylan que Rodney adorait parce que, de même que ZZ Top me renvoyait au chagrin infini de mon adolescence, elle le renvoyait lui à la jubilation hippie de sa jeunesse – bien que ce soit une chanson on ne peut plus triste qui parle de mots sans illusion qui aboient comme des balles et de cimetières bourrés de faux dieux et de gens solitaires qui pleurent et ont peur et vivent au fond d’un puits, conscients que tout n’est que mensonge et qu’ils ont compris trop vite qu’il valait mieux ne pas tenter de comprendre. Elle le renvoyait à cette jubilation peut-être en raison d’un vers que moi non plus je n’ai pas pu oublier : “Celui qui n’est pas occupé à vivre est occupé à mourir.” »

« Peut-être qu’on n’est pas seulement responsable de ce qu’on fait, mais aussi de ce qu’on voit, de ce qu’on lit ou de ce qu’on entend. »

Sur un sujet aussi rebattu que la guerre du Viêtnam, Cercas parvient à donner un point de vue assez renouvelé, surtout celui d’une jeunesse sacrifiée dans un conflit particulièrement indigne, et dont les rescapés sont conspués :
« …] cette guerre était différente de celle qu’il avait menée et probablement différente de toutes les autres guerres : il comprit ou imagina que dans cette guerre-ci il y avait un manque absolu d’ordre, de sens ou de structure, que ceux qui la livraient manquaient d’objectifs clairement définis et que, par conséquent, ceux-ci n’étaient jamais atteints, qu’on n’y gagnait ni ne perdait jamais rien, qu’il était impossible d’y mesurer le moindre progrès, et d’éprouver le moindre sentiment non pas même de gloire, mais de dignité. »

« Il est possible que très vite il se fît à l’idée que personne ne revient du Viêtnam : qu’une fois qu’on s’y est retrouvé tout retour est impossible. Et il est presque certain que, comme tous les vétérans du Viêtnam, il se sentit bafoué, car, à peine eut-il touché le sol américain, il sut que tout le pays le méprisait ou, dans le meilleur des cas, souhaitait le cacher comme si sa seule présence était une honte, une insulte ou une accusation. »

Contrairement à certains, j’ai beaucoup apprécié le style, ces phrases souvent longues et bien construites qui restent souples, sans heurt à la lecture.
Voici une de ces reprises symphoniques qui parcourent le roman comme une houle :  
« À présent, je vis une fausse vie, une vie apocryphe, clandestine et invisible, bien que plus réelle que si elle était vraie [… »

« …] je sens que je vis une vie qui n’est pas vraie, mais fausse, une vie clandestine et cachée et apocryphe, bien que plus réelle que si elle était vraie. »

« …] une vie aussi apocryphe et réelle, au milieu de nulle part. »

« Ce sera un roman apocryphe, comme ma vie clandestine et invisible, un roman faux, mais plus réel que s’il était vrai. »

Autre leitmotiv :
« Mais ce dont je me souviens le mieux, c’est de la fin de notre conversation, sans doute parce qu’à ce moment-là j’ai eu pour la première fois l’intuition fallacieuse que le passé n’est pas un lieu stable, mais changeant, altéré en permanence par l’avenir, et que par conséquent rien de ce qui est déjà arrivé n’est irréversible. »

Le titre est lui-même évoqué plusieurs fois :
« …] j’avais voyagé plus vite que la lumière et que ce que je voyais maintenant, c’était l’avenir. »

Cercas sait décrire avec bonheur...
« Comme toutes les villes universitaires, c’était un endroit aseptisé et trompeur, un microclimat dénué de pauvres et de vieux où, tous les ans, atterrissait et d’où, tous les ans, décollait vers le monde réel une population de jeunes gens de passage [… »

...et, oui, son livre est assez noir :
« “Vous êtes trop jeune pour penser à avoir des enfants, m’a dit le père de Rodney au moment de nous séparer, et je ne l’ai pas oublié. N’en faites pas, parce que vous vous repentirez. La vie est comme ça : quoi que vous fassiez, vous vous repentirez. Mais laissez-moi vous dire une chose : toutes les histoires d’amour sont insensées, parce que l’amour est une maladie ; mais avoir des enfants, c’est s’aventurer dans une histoire d’amour tellement insensée que seule la mort est capable de l’interrompre.” »


Mots-clés : #guerreduvietnam
par Tristram
le Lun 27 Mai - 15:23
 
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Sujet: Javier Cercas
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Daniel Lang

Incident sur la colline 192  

Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire 41hkzn10

Le traumatisme que Eriksson a rapporté de la guerre du Viet-Nam, c’est d’avoir participé à une mission d’observation avec quatre autres soldats, dont le chef a sciemment décidé d’enlever une jeune vietnamienne, de se donner du bon temps avec ses copains et de la tuer. Eriksson a refusé de participer à cette folie prédatrice, pris le risque de dénoncer les faits à sa hiérarchie, de s’obstiner malgré les réticences, et des sanctions ont, à force de persévérance, été  prises - puis trop prévisiblement aménagées.

Eriksson un taiseux  du Minnesota, raconte ça à l’auteur, entre de grands plages de silence, réfléchissant à ce que la guerre fait des hommes, mais pas tous.

C’est d’une grande pudeur dans un récit auquel  la précision très clinique donne une grande intensité. Daniel Lang  expose des faits qui impliquent ce que sont les hommes au sens de masculin et ce que la guerre biaise (ou révèle?) en eux. C’est un intéressant retour, digne et retenu, quoique impitoyable, sur notre condition d’humains.


Mots-clés : #conditionfeminine #guerre #guerreduvietnam #justice #temoignage
par topocl
le Lun 13 Mai - 9:29
 
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Sujet: Daniel Lang
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David Morrell

Rambo  / Premier sang

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Dialogue imaginaire.
-Tu lis quoi en ce moment ?
-Premier sang, de David Morel.
-Ah ouais ? C'est quoi ça ?
-Le livre dont a été tiré Rambo.
-Ah ouais ? Rambo?  Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire 575154626
-Oui, c'est animal  qui m' a dit !
-Aaaaaaaah! animal!
-Ben oui Tag guerreduvietnam sur Des Choses à lire 1384701150
-Et c'est bien?
-Oui, pas le coup de génie, mais vachement bien  Very Happy  !

Donc si on se dit que c'est Rambo, le Rambo de Sylvester Stallone, en effet, ça peut faire un peu peur, au début.



En fait si  on a l'impression que le film suit scrupuleusement le scénario objectif du livre, si on est embarqué dans une course-poursuite haletante, totalement in-crédible mais à laquelle on croit  quand même à chaque instant, si plus on avance, plus ça devient dément et violent, le livre est loin de n'être que cela. C'est beaucoup plus nuancé, il n'y a pas de vrai salaud, les héros, dont j'imagine que dans le film on peut croire qu'ils n'ont que des muscles, ici, ont un cœur et un cerveau.

Sous couvert d'action, le livre est une réflexion navrée, quoique enlevée, sur le thème : Regardez ce que nous faisons de ces hommes que nous envoyons à la guerre. La guerre ne fait pas que des morts au combat, elle nous détruit tous à petit feu (enfin, grand feu un peu dans le livre, hein...). Un jour au Vietnam ce sont nos héros, un jour aux USA ils devraient rentrer dans le moule qu'on leur a soigneusement fait quitter et il deviennent inacceptables .
On est impressionné par ces trois hommes pris dans des sables mouvants  de haine, de fascination, de fierté et qui le paient le prix fort.
Et le dosage est plutôt habile entre la pensée et l'action.

(commentaire récupéré)

Mots-clés : #captivite #guerreduvietnam #thriller #violence
par topocl
le Ven 17 Fév - 11:14
 
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Sujet: David Morrell
Réponses: 5
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