Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Ven 19 Avr - 12:59

11 résultats trouvés pour solidarite

Fabio Andina

Jours à Leontica

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« Nous avions parlé un moment puis je lui avais demandé s’il serait d’accord que je le suive dans ses journées. Histoire de vivre un peu comme lui. »

Le narrateur accompagne donc le Felice, ancien maçon de « nonante ans », à la « gouille » (point d’eau) où il se baigne chaque petit matin (on est fin novembre, à mille quatre cents mètres d’altitude).
« Le plus souvent, Felice ne marche pas pour se déplacer mais pour passer le temps. »

« Le Felice n’a pas la télévision, ni la radio, ou le téléphone. Il n’a même pas de boîte aux lettres. Le peu de courrier qu’il reçoit, la factrice Alfonsa le lui remet en mains propres, ou alors elle le laisse sur le banc avec une pierre par-dessus, et s’il pleut elle le pose sur la table de la cuisine, de toute façon la porte est toujours ouverte. »

« C’était nous, les enfants, qui allions dans les bois les ramasser avec nos paniers, parce qu’à l’époque c’était ou patates ou châtaignes, ou châtaignes ou patates, si tu veux savoir. Ou grillées ou cuites. Ou cuites ou grillées, les châtaignes. C’était soit l’un soit l’autre. C’était pas comme les patates, qu’elle savait préparer de mille et une façons, alors on pouvait pas dire qu’on mangeait tout le temps la même chose. Non, on mangeait des gnocchis, de la purée, des patates cuites au four avec du romarin ou dans les braises. On mangeait la soupe de patates, les patates avec des oignons, ou juste cuites à l’eau avec un peu de sel, et j’en passe. »

À Leontica, village des Alpes tessinoises avec ses baite (chalets) couvertes de piole (lauzes, pierres plates), il y a aussi le Floro dit le Ramoneur, le Sosto et le Brenno, la Vittorina, la Sabina, la Candida, la Muette, le Pep, l’Emilio…
« À ses bestioles il donne un fourrage fait d’herbes triées sur le volet qu’il ramasse en se promenant à travers champs. Un jour je lui avais apporté un plein sac d’herbe de mon jardin, mais il m’avait dit que ses lapins n’y toucheraient pas, parce que je l’avais coupée à la débroussailleuse et qu’ils le sentent quand ça pue les gaz d’échappement. »

Et les chiens, les chats, et la nature.
« Des lames de lumière froide percent la pinède. Les rayons obliques illuminent les plumes bleues des ailes de deux geais qui se pourchassent en jasant entre les sapins. Hors de la pinède, au bord de l’étroit chemin de terre, sur le tronçon qui relie les deux ponts, un écureuil fourrage dans les taillis. Il nous aperçoit, bondit sur un grand tronc et disparaît dans une cavité, une châtaigne entre les dents. Ses dernières provisions avant l’hiver. »

« L’Adula, avec son glacier en lutte contre le réchauffement climatique, contraint jour après jour de laisser dévaler des pans entiers de notre histoire. Ses souvenirs toujours plus étriqués, comme un vieillard devenant sénile. »

Il y a aussi quelques points mystérieux : le Felice semble lire les pensées, à été en Russie, prépare l’arrivée de quelqu’un.
« Puis j’entends encore ses mots, ses histoires, celle de sa mère qui cuisinait des gnocchis le dimanche, celle de la gouille en Russie et de la vache tuée pendant son service militaire et que le monde est rempli de crétins qui se font plumer comme des pigeons, que le monde est aux mains des plus grands margoulins de cette terre. Et au fait qu’il ne croyait qu’au respect réciproque et rien d’autre. »

Sorte de chronique testimoniale, à valeur quasiment historique voire ethnologique (avec notamment le recours judicieux au vocabulaire local), sur un terroir, et une personne sensible à son environnement. La paisible routine du hameau, élevage de la volaille à la vache, potager, troc, entraide (et pourtant indépendance respectée), une certaine sobriété (mais pas toujours en ce qui concerne l’alcool et le tabac), une qualité de silence, de lenteur (pas toujours non plus), et beaucoup de routine, parties de scopa au bar et l’essentielle Sarina (fourneau à bois). Une communauté avec aussi ses drames, dans un passé prégnant.
Merci @Topocl, j'ai aimé !

\Mots-clés : #amitié #lieu #nature #nostalgie #ruralité #solidarite #vieillesse #viequotidienne
par Tristram
le Jeu 1 Fév - 11:30
 
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Sujet: Fabio Andina
Réponses: 16
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Jean Giono

Triomphe de la vie

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Dans ce supplément aux Vraies Richesses, c’est toujours l’engagement de Giono pour les « réalités essentielles ».
Une défense et illustration de valeurs telles que le respect de l’individu, le travail manuel, la vie près des saisons :
« La paysannerie et l’artisanat sont seuls capables de donner aux hommes une vie paisible, logique, naturelle »

Intéressant à (re)lire en ces temps d’épuisement des extractions, d’essoufflement capitaliste ; daté par certains aspects factuels, une réflexion qui cependant dénonce la fuite en avant, et annonce une fin de cycle :
« On a tellement poussé de hourras que tous les chevaux de l’esprit emballés, sans rênes ni freins, on s’est enivré d’une vitesse de route sans s’apercevoir que c’était une vitesse de chute, qu’on roulait en avalanche sur des pentes de plus en plus raides, qu’on tombait (alors, oui, ça va vite) [… »

« Le seul mot d’ordre depuis l’ivresse de la fin du XIXe siècle, c’est aller de l’avant. Tout cela est bel et bon quand on sait en premier lieu qu’aller de l’avant c’est retourner en arrière. »

« Si le progrès est une marche en avant, le progrès est le triomphe de la mort. […]
Car l’opération qui s’appelle vivre est au contraire un obligatoire retour en arrière de chaque instant. En effet, vivre c’est connaître le monde, c’est-à-dire se souvenir. »

Giono fait référence au Triomphe de la mort de Breughel, puis allègue une sorte de mémoire de la vie chez le nouveau-né :
« Car, à peine déposée aux confins où notre connaissance des choses commence, cette chair est déjà pleine de souvenirs ; déjà elle peut aller en arrière d’elle-même, se souvenir de la réalité essentielle qui lui permet, dès que je mets mon doigt dans cette petite main neuve, de serrer mon doigt [… »

On retrouve sans surprise une récusation des cités artificielles vis-à-vis de « la petite ville artisanale », des décisions venues de haut et de loin versus « les lois naturelles ».
Magnifique description du travail du cordonnier, avec une précision ethnographique, mais non sans le comparer à un « oiseau magique, le rock de quelque conte arabe » qui bat des ailes… C’est bien sûr la figure paternelle. Puis c’est l’évocation du début de la journée d’humble labeur paisible des autres métiers, lyrique, splendide, presque gourmande (dans les années trente).
« La matière qui se transforme en objet appelle furieusement en l’homme la beauté et l’harmonie. »

Critique du travail à la chaîne, réduit à un seul geste « machinal », sans « goût », et du « squelette automobile » qui remplace la marche.
« Le souci des temps d’autrefois s’est souvent préoccupé de cette disparition des valeurs premières. Il se la représentait sous la forme d’une danse macabre. C’étaient des temps où l’on avait tellement confiance dans l’appareil passionnel qu’on s’efforçait de recouvrir de chair tous les symboles, tous les dieux. L’inquiétude, au contraire, décharnait et le symbole de la chute des hommes rebelles, c’était le squelette. Ils voyaient des squelettes envahir les jardins, marchant avec de raides génuflexions à la pavane ; ils claquaient des condyles, oscillaient de l’iliaque, basculaient de l’épine, balançaient les humérus, saluaient du frontal, arrivaient pas à pas, secs, les uns après les autres un peu comme des machines qu’un esprit conduirait ; ils se mêlaient à la vie et le somptueux déroulement des champs, des fleurs et des collines s’éloignait de l’autre côté du grillage blanc de leurs os. Le même rire éperdu qu’aucune lèvre ne contenait plus éclairait toutes ces têtes aux grandes orbites d’ombre. »

Giono revient à son éloge de « l’amour d’être », abordant la réalité paysanne :
« …] agneler la brebis, frotter l’agneau, soigner l’agneau qui a la clavelée, le raide, le ver, la fièvre, faire téter l’agneau dans le seau avec le pouce comme tétine, lâcher les agneaux dans l’étable, aller les reprendre sous chaque ventre, les enfermer dans leurs claies, porter l’agneau dans ses bras le long des grands devers de fougères qui descendent vers les bergeries, tuer l’agneau, le gonfler, l’écorcher, le vider, lui couper la tête, abattre les gigots et les épaules, scier l’échine par le milieu, détacher les côtelettes, racler la peau, la sécher, la tanner, s’en faire une veste [… »

Il réaffirme ses valeurs :
« Je n’ai pas intérêt à être malin ou riche d’argent ou puissant sur les autres ; vivre, personne ne peut le faire à ma place. »

Puis il narre en conteur éblouissant la livraison de commandes artisanales à la ferme écartée de Silence, où leur arrivée suscite une « fête paysanne » impromptue. Bonheur d’expression dans ce chant des beaux chevaux, de l’odeur de l’huile d’olive, de la joie champêtre… sans compter les « vraies nourritures terrestres ».
Giono médite tout ce texte dans un triste café de Marseille.
« Une grande partie de ce pauvre million d’andouilles passe sa vie à des besognes parfaitement inutiles. Il y en a qui, toute leur vie, donneront des tickets de tramway, d’autres qui troueront ces billets à l’emporte-pièce, puis on jettera ces billets et inlassablement on continuera à en donner, à les trouer, à les jeter ; il en faudra qui impriment ces billets, d’autres qui passeront leur temps à coller ces billets en petits carnets ; quand ils seront bien imprimés, bien collés, bien reliés, celui-là vient qui passe toute sa vie à les déchirer du carnet, à les donner, puis un qui les troue, puis un qui les jette. »

Giono se fait une « machine à cinéma », et reparaît Pan tandis qu’il panoramique sur un regain de village, où on a besoin d’un forgeron pour faire un soc de charrue adapté à la terre – un ouvrier pour qui la passion coïncide avec le métier.
Grand nocturne de la scène XII, les forêts dans le vent :  
« Chaque fois que la traînée d’étoiles tombe sur la terre avec un claquement de tout le ciel, les forêts apparaissent tassées arbre contre arbre, comme des troupeaux de cerfs : ramures emmêlées, hêtres allongeant le museau sur l’encolure des chênes ; bouleaux serrant leurs flancs tachetés contre les érables ; alisiers secouant leurs crinières encore rouges. Les arbres piétinent leur litière de feuilles mortes ; ils se balancent sur place, emmêlant leurs cous et leurs cornes ; ils crient, serrés en troupeau. Arrive le hurlement de détresse d’une forêt perdue loin dans le nord ; on l’entend s’engloutir ; elle a dû se débattre et encore émerger ; elle appelle de nouveau. C’est dans ce côté du ciel où même il n’y a pas d’étoiles ; les gouffres sont luisants comme de la soie à force de frottement de vent. Des montagnes étrangères passent au grand large, en fuite devant le temps, couchées en des gîtes de détresse, embarquant jusqu’à moitié pont ; la fièvre soudaine d’une constellation que le vent attise éclaire leurs agrès épars dans les bouillonnements de la nuit. »

Je pense n’avoir pas lu auparavant ce texte présenté comme un essai, en tout cas il vaut d’être lu pour l’actualité des propos en cette époque où l’on parle d'authenticité, de retour à la campagne et de décroissance, et surtout pour la superbe verve de Giono, ses métaphores filées, son écriture comparable à celle de ses romans.

\Mots-clés : #identite #nature #ruralité #solidarite #traditions #viequotidienne #xxesiecle
par Tristram
le Dim 12 Déc - 19:38
 
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Sujet: Jean Giono
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Theodore Sturgeon

Cristal qui songe

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Horty (Horton) Bluett est un enfant trouvé de huit ans. Mal aimé à l’école (qui l’a renvoyé pour avoir mangé des fourmis) comme dans sa famille d’accueil, son seul ami est Junky, un cube de bois bariolé contenant un diablotin à ressort, jouet qu’il possède depuis l’orphelinat. Armand, son père adoptif, lui ayant écrasé trois doigts (ainsi que la tête de Junky), Horty fugue. Il est recueilli par des nains qui vivent en forains, travaillant pour le directeur de la troupe, le Cannibale, un médecin surdoué devenu un haineux misanthrope.
Ce dernier a découvert le « cristal », être vivant totalement étranger à notre perception du monde ; ils peuvent « copier les êtres vivants qui les entourent », mais involontairement, un peu comme une chanson est le sous-produit de l’amour qui fait chanter l’amoureuse :
« Leurs rêves ne sont pas des pensées, des ombres, des images, des sons, comme les nôtres. Ils sont faits de chair, de sève, de bois, d’os, de sang. »

Le Cannibale parvient à les contrôler, les contraignant par de torturantes ondes psychiques à créer des êtres vivants, parfois inachevés – des monstres.
Horty, devenu Hortense (ou Kiddo), s’épanouit dans la communauté du cirque, où sa maternelle amie Zena le chaperonne, déguisé en fillette ; guidé par cette dernière, il lit beaucoup, se souvenant de tout grâce à sa mémoire prodigieuse ; et sa main coupée repousse…
« Horty apprenait vite mais pensait lentement ; la mémoire eidétique est l’ennemie de la pensée logique. »

(Eidétique au sens d’une mémoire vive, détaillée, d'une netteté hallucinatoire, qui représente le réel tel qu'il se donne, d’après Le Robert.)
Bien qu’il lui soit difficile de prendre seul une décision, Horty devra s’enfuir pour échapper à la dangereuse curiosité du Cannibale.
« Fais les choses toi-même, ou passe-t’en. »

Une douzaine d’années plus tard, Kay, la seule camarade de classe d’Horty à lui avoir témoigné de la sympathie, est draguée par Armand, devenu veuf et juge, qui la fait chanter pour parvenir à ses fins…
Horty affrontera le Cannibale − cette histoire est un peu son roman d’apprentissage −, et il comprendra les cristaux mieux que lui.
« …] les cristaux ont un art à eux. Lorsqu’ils sont jeunes, lorsqu’ils se développent encore, ils s’exercent d’abord en copiant des modèles. Mais quand ils sont en âge de s’accoupler, si c’est vraiment là un accouplement, ils créent du neuf. Au lieu de copier, ils s’attachent à un être vivant et, cellule par cellule, ils le transforment en une image de la beauté, telle qu’ils se la représentent. »

Considéré comme un classique de l’étrange, ce roman humaniste a pour thème la différence, physique ou de capacités psychiques particulières, thème qui sera développé dans Les plus qu'humains.
« Les lois, les châtiments font souffrir : la puissance n’est, en fin de compte, que la capacité d’infliger de la souffrance à autrui. »

« Tout au cours de son histoire, ça a été le malheur de l’humanité de vouloir à tout prix que ce qu’elle savait déjà fût vrai et que ce qui différait des idées reçues fût faux. »

En cette époque où le souci de l’Autre devient peut-être de plus en plus important, cet auteur un peu oublié m’émeut toujours par son empathie pour l’enfant et le différent.

\Mots-clés : #enfance #fantastique #identite #initiatique #philosophique #psychologique #sciencefiction #solidarite
par Tristram
le Jeu 9 Déc - 11:58
 
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Sujet: Theodore Sturgeon
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Gunnar Gunnarsson

Merci Bix ! Tu as si joliment présenté cet ouvrage, qu'ajouter ?

À noter une singularité, qui est qu'avec Gunnarsson on arrive à...plusieurs "titres originaux".
En effet, il a composé toute son œuvre en Danois, étant parti à dix-huit ans, petit paysan de l'Est de l'Islande, étudier "à la capitale", Copenhague (l'Islande faisait alors partie du Royaume du Danemark), avec, déjà, la volonté de devenir écrivain, mais devant se coltiner avec une langue qu'il maîtrisait mal: il sait lire le Danois, très peu le parler, encore moins l'écrire.
Ça changea ensuite, puisque dès les années 1920 il devint un des écrivains-phares de la littérature en langue danoise.

Puis, sur ses vieux jours, Gunnarsson a entrepris de traduire lui-même en Islandais son œuvre (laquelle avait déjà été presque en totalité traduite déjà, y compris par des "pointures", tel le futur Nobel de littérature Halldór Laxness).

Cas particulier, Le Berger de l'Avent résultait d'une commande venue d'Allemagne (pays de première publication, en langue allemande donc) après une première nouvelle, inspirée de faits réels qui se sont déroulés en 1925: un berger, Benedikt Sigurjónsson, a la tête d'un groupe d'hommes, a affronté l'hiver islandais pour aller chercher des bêtes égarées, et en est revenu vivant...  

Ces précisions, parmi tant d'autres, dans la riche postface de Jón Kalman Stefánsson.
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Le Berger de l'Avent

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Nouvelle, 1936 en allemand. Titre original danois (1937): Advent. Titre original islandais (1939): Aðventa.


Beaucoup de profondeur dans une limpide sobriété !
C'est magnifique, pour tous âges et vite lu, lumineux de simplicité bien qu'aux antipodes de la mièvrerie.

Donc un trio, à la tête l'homme, Benedikt, et deux animaux, qui ne sont pas seulement des aides. Il s'agit d'un couplage de forces en trident, en quelque sorte. Par facétie, Gunnarsson le nomme "la sainte Trinité".
Un bien beau bref passage, à l'économie de mots:
Depuis des années, tous les trois étaient inséparables. Et cette connaissance profonde qui ne s'établit qu'entre espèces éloignées, ils l'avaient acquise les uns des autres. Jamais ils ne se portaient ombrage. Aucune envie, aucun désir ne venait s'immiscer entre eux.


Benedikt, "homme simple, homme de peine", 54 ans, 27ème voyage, comme un anniversaire...qui ne se fâche pas quand d'autres (la fermière de Botn, Sigridur) lui exposent qu'en fait d'autres guettent sa venue, pour qu'il se mette, lui, à prendre tous les risques pour retrouver leur bétail égaré dans la montagne hivernale en furie.
Oui, mais il y a ces bêtes en perdition, alors... ce berger, c'est la bonté auto-missionnée, qui trace droit au-dessus des petitesses et de la mesquinerie des intérêts.

Benedikt parle peu et juste, ne boit pas d'alcool, ne joue pas aux cartes.

Quant aux descriptions d'ordre météorologique et montagnard, elles sont remarquables, sonnent singulièrement réalistes et fouillées: souvenirs d'enfance du petit Gunnar, histoires de veillées dans l'Est islandais ?

Comme il y a union quasi fusionnelle entre l'homme, le bélier et le chien, il y a, dans le rapport au terrain enneigé et montagneux et les éléments (déchaînés, parfois), quand même pas une osmose, mais pas une lutte, en tous cas.
Du savoir et de la volonté, ceux d'un berger et de deux animaux, naît une compréhension/appréhension de la réalité, laquelle est inhumaine ou surhumaine, et une adaption à ce contexte-ci avec ces moyens-là, dérisoires à ce qu'il nous paraît, alors que quasi tout le monde périrait.
Benedikt et ses compagnons à quatre pattes, eux, avancent.
Vont de trous en refuges.
Ont le flair, ou l'expérience, pour savoir où le bétail a pu se remiser.
Benedikt est le berger de l'Aventure, au sens étymologique "ce qui doit arriver, se produire" autrement dit ad-venir.

Parmi les rares personnages secondaires, il y a un Benedikt, un jeune. On imagine un flambeau qui se transmet...

\Mots-clés : #aventure #intimiste #ruralité #solidarite #solitude #voyage
par Aventin
le Jeu 17 Déc - 17:57
 
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Sujet: Gunnar Gunnarsson
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Ursula K. Le Guin

Les Dépossédés

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Deux planètes jumelles, Urras et Anarres (chacune étant la lune de l’autre…) ont des civilisations ayant évolué différemment : la seconde a été colonisée par des rebelles de la première voici près de deux cents ans.
« En fait, le Monde Libre d'Anarres était une colonie minière d'Urras. »

« Vous êtes notre histoire. Et peut-être sommes-nous votre avenir. »

Le Dr Shevek, éminent physicien d'Anarres, vient sur Urras de sa propre initiative afin de tenter de rapprocher les deux mondes, porteur d’un plaidoyer « pour la communication libre et la reconnaissance mutuelle entre le Nouveau Monde et l'Ancien. » Pionnier en chronosophie, il développe une Théorie Temporelle Générale qui pourrait déboucher sur des moyens de transport spatial moins lents, et qu’il entend partager avec la planète originelle, et l’ensemble de l’Ekumen.
« L'unité fondamentale des points de vue de la Séquence et de la Simultanéité devenait évidente ; le concept d'intervalle servait à relier les aspects statique et dynamique de l'univers. »

Anarres, dans un milieu aride et pauvre, a une société « odonienne » (communiste-libertaire) sans lois ni gouvernement, administrée par la CPD, « Coordination de la Production et de la Distribution », communautaire, décentralisée et pragmatique, où les notions de possession et de contrainte sont rigoureusement combattues voire inconnues, et communes les valeurs de partage, de solidarité et d’aide mutuelle.
« Rien n'est à toi. C'est pour utiliser. Pour partager. Si tu ne partages pas, tu ne peux pas utiliser. »

« Mais pour ceux qui acceptaient le privilège et l'obligation de la solidarité humaine, l'intimité n'avait de valeur que lorsqu'elle servait une fonction. »

« L'existence est sa propre justification, le besoin est le droit. »

« Il reconnaissait ce besoin, en termes odoniens, comme étant sa "fonction cellulaire", le terme analogique désignant l'individualité de l'individu, le travail qu'il pouvait accomplir au mieux, donc sa meilleure contribution envers la société. Une société saine le laisserait exercer librement cette fonction optimale, trouvant dans la coordination de telles fonctions sa force et sa faculté d'adaptation. »

La belle Urras, ou tout au moins la nation de l’A-Io, est caractérisée par une société plus ancienne, plus riche, plus élégante, cultivant dans le confort un luxe inutile et ostentatoire, hiérarchique, centralisée, inégalitaire, égotiste, éprise de politique, capitaliste, composée d’exploités et d’exploiteurs ; elle présente aussi une édifiante démonstration de sexisme et de machisme appliqués.
« Les Urrastis avaient du goût, mais il semblait être souvent en conflit avec un désir d'exhibition - une ostentation coûteuse. L'origine naturelle et esthétique de l'aspiration à posséder des choses était dissimulée et pervertie par les contraintes économiques et compétitives, qui à leur tour exerçaient un effet néfaste sur la qualité des choses : cela ne leur donnait d'ordinaire qu'une sorte de surabondance mécanique. »

« Il avait remarqué, dès le début de son séjour sur Urras, que les Urrastis vivaient parmi des montagnes d'excréments, mais ne mentionnaient jamais la merde. »

Sur Urras également, Thu a un régime socialiste, autoritaire, et le Benbili est une dictature militaire.
« La liberté de la presse est complète en A-Io, ce qui veut dire inévitablement que beaucoup de journaux ne renferment que des idioties. Le journal thuvien est bien mieux écrit, mais il donne uniquement les faits que le Présidium Central Thuvien veut y voir figurer. La censure est totale, en Thu. »

Si cette planète est un reflet de la nôtre, la société d'Anarres présente une culture issue d’un projet anarchiste aux conséquences imaginées par l’auteure.
« La validité d'une promesse, même d'une promesse sans terme indéfini, était très importante dans la pensée odonienne ; bien qu'on pût penser que l'insistance d'Odo sur la liberté de changer invalidât l'idée de promesse ou de vœu, c'était en fait la liberté qui donnait de l'importance à la promesse. Une promesse est une direction prise, une limitation volontaire du choix. Comme Odo l'avait fait remarquer, si aucune direction n'est prise, si l'on ne va nulle part, aucun changement ne se produira. La liberté de chacun de choisir et de changer sera inutilisée, exactement comme si on était en prison, une prison que l'on s'est construite soi-même, un labyrinthe dans lequel aucun chemin n'est meilleur qu'un autre. Aussi Odo en était-elle arrivée à considérer la promesse, l'engagement, l'idée de fidélité, comme une part essentielle dans la complexité de la liberté. »

« Mais les brutalités étaient extrêmement rares dans une société où le désir sexuel était généralement comblé dès la puberté, et la seule limite sociale imposée à l'activité sexuelle était la faible pression en faveur de l'intimité, une sorte de pudeur imposée par la vie communautaire.
D'un autre côté, ceux qui entreprenaient de former et de conserver une alliance, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, se heurtaient à des problèmes inconnus de ceux qui se satisfaisaient du sexe là où ils le trouvaient. Ils devaient faire face, non seulement à la jalousie, au désir de possession et autres maladies passionnelles pour lesquelles l'union monogamique constitue un excellent terrain, mais aussi aux pressions externes de l'organisation sociale. Un couple qui formait une alliance devait le faire en sachant qu'il pourrait être séparé à tout moment par les exigences de la distribution du travail. »

« Si nous devons tous être d'accord, tous travailler ensemble, nous ne valons pas mieux qu'une machine. Si un individu ne peut pas travailler solidairement avec ses compagnons, c'est son devoir de travailler seul. Son devoir et son droit. Mais nous avons dénié ce droit aux gens. Nous avons dit de plus en plus souvent : vous devez travailler avec les autres, vous devez accepter la loi de la majorité. Mais toute loi est une tyrannie. Le devoir de l'individu est de n'accepter aucune loi, d'être le créateur de ses propres actes, d'être responsable. Ce n'est que s'il agit ainsi que la société pourra vivre, changer, s'adapter et survivre. Nous ne sommes pas les sujets d'un État fondé sur la loi, mais les membres d'une société fondée sur la révolution. La Révolution est notre obligation : notre espoir d'évolution. »

Nombre de réflexions d’Ursula K. Le Guin sont imputées à Odo, la femme à l’origine de la rébellion.
« N'avons-nous pas mangé tandis que d'autres mourraient de faim ? Allez-vous nous punir pour cela ? Allez-vous nous récompenser pour avoir été affamés alors que d'autres mangeaient ? Aucun homme ne possède le droit de punir, ou celui de récompenser. Libérez votre esprit de l'idée de mériter, de l'idée de gagner, d'obtenir, et vous pourrez alors commencer à penser. »

Les clins d’œil à nos époque et planète ne sont pas rares, et souvent intéressants :
« A l'époque féodale, l'aristocratie avait envoyé ses fils à l'université, conférant une certaine supériorité à cette institution. Maintenant, c'était l’inverse : l'université conférait une certaine supériorité à l'homme. Ils dirent avec fierté à Shevek que le concours d'admission à Ieu Eun était chaque année plus difficile, ce qui prouvait le côté essentiellement démocratique de cette institution. "Vous mettez une nouvelle serrure sur la porte et vous l'appelez démocratie", leur dit-il. »

Une perception fine du désordre hormonal des ados :
« Ils étaient venus sur cette colline pour être entre garçons. La présence des filles les oppressait tous. Il leur semblait que ces derniers temps le monde était plein de filles. Partout où ils regardaient, éveillés ou endormis, ils voyaient des filles. Ils avaient tous essayé de copuler avec des filles ; certains d'entre eux, en désespoir de cause, avaient aussi essayé de ne pas copuler avec des filles. Cela ne faisait aucune différence. Les filles étaient là. »

Livre publié en 1974 :
« On lui fit visiter la campagne dans des voitures de location, de splendides machines d'une bizarre élégance. Il n'y en avait pas beaucoup sur les routes : la location était très élevée, et peu de gens possédaient une voiture privée, car elles étaient lourdement taxées. De tels luxes, si on les autorisait librement, tendraient à épuiser des ressources naturelles irremplaçables ou à polluer l'environnement de leurs déchets, aussi étaient-ils sévèrement contrôlés par la réglementation et le fisc. Ses guides insistèrent là-dessus avec une certaine fierté. Depuis des siècles, disaient-ils, l'A-Io était en avance sur toutes les autres nations dans le domaine du contrôle écologique et de l'administration des ressources naturelles. Les excès du neuvième millénaire étaient de l'histoire ancienne, et leur seul effet durable était la pénurie de certains métaux, qui heureusement pouvaient être importés de la Lune. »

« ‒ Ma planète, ma Terre, est une ruine. Une planète gaspillée par la race humaine. Nous nous sommes multipliés, et gobergés et nous nous sommes battus jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, et ensuite nous sommes morts. Nous n'avons contrôlé ni notre appétit, ni notre violence : nous ne nous sommes pas adaptés. Nous nous sommes détruits nous-mêmes. Mais nous avons d'abord détruit la planète. Il ne reste plus de forêts sur ma Terre. »

Entr’autre histoire d’un étranger qui découvre une civilisation fort différente de la sienne, un peu dans la position du sociologue ou de l’ethnologue, ce roman ambigu est un bel exemple de fiction spéculative, c'est-à-dire de laboratoire des sciences humaines : ce sont les possibilités sociétales qui sont explorées par ce puissant outil de réflexion ("expérience de pensée") sur les questions éthiques (au-delà du niveau de lecture d’évasion). Ce genre, exemplairement pratiqué par des auteurs majeurs, tels que Huxley, Orwell, Brunner, Ballard ‒ et Damasio ‒ est voisin de l’utopie, comme c’est le cas de Les Dépossédés, même si la société anarrestie ne constitue pas une réussite idéale (par exemple, Shevek se heurte à des « murs », l’administration devient une structure de pouvoir, l’isolationnisme menace à terme la révolution de sclérose, son professeur se révèle égotiste, etc.)
« Ces administrateurs du Port, avec leur formation particulière et leur position importante, avaient tendance à acquérir une mentalité bureaucratique : ils disaient automatiquement "non". »

Léger reproche, d’ailleurs souvent mérité dans ce même genre, la rédaction comme la traduction auraient peut-être mérité plus de finition.

Mots-clés : #politique #sciencefiction #social #solidarite
par Tristram
le Jeu 25 Juin - 15:04
 
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Sujet: Ursula K. Le Guin
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Francis Jammes

Monsieur le Curé d'Ozeron

Tag solidarite sur Des Choses à lire Mr_le_10
[i]Roman, 270 pages environ, un prélude, quatorze chapitres, un épilogue. Paru en 1918.[/i]

On dit parfois d'une personne d'apparence prude et innocente, mais à fond hypocrite, que c'est une sainte-nitouche.
De Jammes ne pourrait-on dit que c'est un écrivain sain, mais qui ne touche pas aux basiques de la façon littéraire, un sain n'y-touche-pas, à savoir qu'il se contente d'affleurer, de désigner d'un geste qu'on devine lent, mesuré, précis et efficace, sans asticoter le lecteur ni, d'une certaine façon, faire le job, à savoir être assez cabotin, ou technicien, et on sent que c'est voulu (ce qui peu agacer le lecteur non prévenu) ?
Jammes, c'est un hôte qui vous reçoit dans sa demeure, il n'y pas de portes, pas d'armoires, pas de meubles à tiroirs, pas de placards, tout est là. Au surplus, si vous ne voyez pas vous-même, il prendra un geste ample mais discret pour vous désigner ce que vous cherchez, mais tout est là, à quoi bon... ?

Monsieur le Curé d'Ozeron est une œuvre d'apparence très naïve et c'est un choix, une toile rurale et de foi. A peine un semblant d'intrigue, d'histoire ou de sous-historiette s'y noue que nous devinons sans peine ce qu'il en adviendra dans quelques pages ou chapitres. Mais, comme il fait frais et doux dans ce livre !

N'y allez pas chercher de grands élans théologiques, il n'y en a pas, juste de rares et basiques références bibliques directes.
Les références indirectes, en revanche, il y aurait de quoi alimenter d'épaisses notes à chaque chapitre.

Une fois de temps en temps, à titre exceptionnel, Jammes à dû laisser une phrase partir toute seule, ou appuyer un peu plus fort la plume sur le papier, comme dans cette courte saillie:

Chapitre IV a écrit:
  Une telle doctrine peut faire sourire ou scandaliser le monde. Mais ceux  qui vivent de la Grâce, ils ne faut point qu'ils raisonnent à la manière des païens, ils doivent être surnaturels.


Chapitre IV qui est mon préféré de l'ouvrage, au reste. Je ne résiste pas à la joie de vous faire partager ce petit morceau, poétique, de cette légère mystique qui est un nectar que Jammes élabore à merveille:

Chapitre IV a écrit:
  Le soleil échancre de son feu liquide la crête boisée. Il aveugle.
  Il se lève au bas de cette fluide et pâle et fraîche étendue bleue, qui est
  une mer dont les nuages sont les sables qui se rident çà et là.
  L'un de ces nuages, au Nord, est immense et léger. Il brille.
  Il a la forme d'un crustacé dont les anneaux transparents sont à
  peine teintés de rose dans cet azur un. peu vert où il baigna.

  C'est le jour qui est blanc.

  Du cœur de Monsieur le curé d'Ozeron monte
  une salutation vers les choses visibles: ce globe
  d'où découle une lumière jaune; ces montagnes comme dessinées à la mine de plomb;
  ces collines ruisselantes, tendues de toiles d'araignée, hérissées d'arbrisseaux, d'ajoncs, de
  fougères, de bruyères; ces prairies où, comme une buée, la première gelée se pose.
  Et voici la salutation vers les choses invisibles auxquelles nous croyons par la foi en Notre-Seigneur,
  qui, en ce moment, repose sur le cœur de Monsieur le curé d'Ozeron.




Élagué et assemblé de deux messages sur Parfum, 24 Mars et 27 Mars 2014.



Mots-clés : #religion #ruralité #solidarite #spiritualité #viequotidienne #xxesiecle
par Aventin
le Lun 6 Avr - 19:33
 
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Sujet: Francis Jammes
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Daniel de Roulet

10 petites anarchistes

Tag solidarite sur Des Choses à lire Index14

Au XIXème siècle, elles partent du Jura suisse  où les hommes et la vie les ont déçues, ces 10 jeunes femmes qui vont, avec une belle bande d’enfants,  tenter de vivre une utopie anarchiste en Amérique du Sud. L’exil, le climat, la rudesse des mâles, la difficulté de la tâche, l’amour, la mort, vont les éliminer une à une en dix  chapitres ouvertement placés sous la  férule d’Agatha Christie. Mais elles auront vécu – et partagé par ce roman - une belle aventure tout à la fois politique et humaine : d’amitié, de coopération .


Mots-clés : #amitié #conditionfeminine #immigration #politique #social #solidarite #xixesiecle
par topocl
le Jeu 3 Oct - 11:15
 
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Sujet: Daniel de Roulet
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Howard Fast

Tag solidarite sur Des Choses à lire Memoir10

Mémoires d'un rouge

Encore un commentaire qui ne rendra pas justice à la somme de choses qu'on trouve dans le livre. Surtout qu'il a du métier ce Howard Fast dont je ne connaissais pas le nom, les environ 550 pages de ses mémoires passent avec une facilité déconcertante.

On démarre fort avec un jeune homme qui rêve de s'engager contre le nazisme et qui se retrouve presque à regret à travailler comme un damné à la préparation des bulletins d'information qui seront diffusés dans toutes l'Europe occupée.

On découvre ensuite derrière ce patriotisme un parcours assez dur : très jeune il a dû travailler, se battre aussi et à côté de ça il a réussi malgré tout à lire, et à écrire. L'obsession après avoir juste ce qu'il faut pour se loger et se nourrir avec ses frères et leur père.

De rencontre en rencontre il se démène et accepte l'importance de sa tâche, stimulé aussi par sa place au cœur du système et de l'information. Néanmoins il veut partir, se confronter à la réalité de la guerre. Ce qui ne se fera pas comme il l'espérait. Ses penchants "à gauche" ou pro-russes alors que le conflit va toucher à sa fin dérangent et son départ se fera pour l'Afrique du Nord avant l'Inde.

Patriotisme toujours, et pacifisme encore plus fort face aux absurdités et injustices de la guerre. Nous voilà partis dans un vrai voyage qui vient nourrir l'homme et ses convictions. Il y a des pages très fortes là-dedans aussi.

De retour aux Etats-Unis les années difficiles pour les communistes et sympathisants sont là. D'auteur à succès il devient persona non grata. Procès, refus des éditeurs... Condamnation et montage de sa propre maison d'édition. Prison, campagnes politiques, meetings, récoltes de fonds pour les plus démunis, combat contre le racisme des années difficiles mais riches encore. La mise en place du maccarthysme et de mascarades judiciaires aux frais du contribuable sont décrites dans l'ombre non pas des écoutes et tracas incessants causés par un FBI envahissant mais plutôt dans la tension entre le parti communiste et ses lignes directrices et le sentiment d'injustice car au fond il reste et est volontairement ce qu'on pourrait un "bon américain" avec des idéaux indéboulonnables de liberté.

Des pages assez incroyables encore. Il faut aussi parler de la menace d'une troisième guerre mondiale avec la menace atomique mais aussi de l'antisémitisme et des rumeurs d'une URSS de moins en moins idyllique. Ne pas oublier les tentatives de lynchages ?

C'est dense, très dense, très riche et avance vers l'inévitable ras le bol d'un parti qui s'est peut-être d'abord plombé lui-même à force de rigidité et de dogmatisme aveugle. Désillusion ? Ptet ben que oui, ptet ben que non.

Après tout pour Howard Fast ce qu'on lit c'est sa volonté mais soutenue par les rencontres, sa femme, ses enfants et les amis d'un jour ou de toujours, ce sont aussi ses chroniques au Daily Worker et surtout surtout l'indépendance et la liberté de penser, de s'exprimer et d'aider.

Et il y a les images et idéologies qui sont mises en lumière dans le livre avec leurs reflets d'aujourd'hui...

Mots-clés : #autobiographie #documentaire #guerre #justice #politique #racisme #social #solidarite #universdulivre
par animal
le Jeu 26 Sep - 14:08
 
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Sujet: Howard Fast
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Andrzej Szczypiorski

Tag solidarite sur Des Choses à lire La_jol10


La Jolie Madame Seinman. - De Fallois

Madame Seinman est jeune et jolie. Très jolie. Et ses yeux sont très bleus. Mais elle est juive et en 1943, dans Varsovie occupée par les nazis cela équivaut à un arrêt de mort.
Elle a pourtant un excellent faux passeport. Mais lorsqu'on l'arrête, elle commet une erreur fatale.
Heureusement pour elle, elle a des amis qu'elle ne savait pas.
Madame Seinman n'est qu'une des protagonistes de cette histoire tragique, pleine d'atrocités, mais aussi de solidarités quasiment miraculeuses. Une sorte de chaine mystérieuse les lie, qui tente de sauver ce qui peut l'être encore.
Quelques vies sauves et inespérées.

Le ghetto de Varsovie résiste encore mais sera finalement écrasé dans le sang.
Dans l'ombre, la Résistance polonaise essaie de s'organiser.

Le récit est exempt de tout naturalisme. Sans doute, parce que le narrateur a du recul sur l'évènement. Et il a tendance à mettre en évidence les destins croisés de personnages de tous milieux, dont les plus émouvants sont de jeunes ados, dont l'un est juif et l'autre polonais, un juge et Mme Seinman..
Le style est limpide et d'une seule coulée et se lit avec facilité et plaisir.


Mots-clés : #deuxiemeguerre #solidarite
par bix_229
le Dim 8 Sep - 18:33
 
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Sujet: Andrzej Szczypiorski
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Jocelyne Saucier

Il pleuvait des oiseaux

Tag solidarite sur Des Choses à lire Cvt_il10
Originale : Français (Quebec/Canada, 2011)

CONTENU :
1996 : Dans les larges étendues du Canada, une photographe est à la recherche d'Edward (ou Ted, Ed) Boychuck, l'un des derniers témoins des « Grands Feux » des années 1911-16 (voir aussi par exemple : http://voyagesontario.com/points-interets/le-grand-incendie-de-1916 ), en vue d'un réportage et une exposition de portraits de ces survivants. Mais c'est trop tard : quand elle arrive devant des baraques isolées, loin de tout, Boychuck était mort depuis juste une semaine. Ses compagnons des dernières années, vivant plus ou moins proche, mi-éremite, mi se tenant compagnie, se montrent plutôt pas impressionnés par cette mort, mais en font plutôt des blagues. L'arrivée de la photographe (qui demeurera sans nom) est presque vécue comme une intrusion, même si elle est sous le charme de ces vieillards loufoques. Mais qu'est-ce qui s'est vraiment passé ? Et pourquoi est-ce que ces trois avaient décidé de vivre dans un tel éloignement du monde ?

Plus tard apparaît encore une femme d'âge avancée, tante d'un des hommes qui sert comme intermédiaire entre les hommes et la ville. Cette femme va remuer les habitudes des uns et des autres et apporter une touche de féminité dans cet univers masculin. Et au bout, ce sera aussi une histoire d'amour...

REMARQUES :
Je suis tombé sur ce livre par la récommandation de notre bibliothècaire, et en plus il y avait une histoire de discerner/découvrir le Prix France-Québec (que ce livre a finalement gagné!). Je me suis laissé avoir et je n'ai pas regretté.

Les chapitres différents sont introduits – en français même différents par le choix de lettres en italique – par des espèces de vues panoramiques. Les trois premières parties seront racontées par trois différents acteurs (la photographe et deux des personnages intermédiaires entre le camp et le monde extérieur), avec leur vues sur le déroulement des choses, leur connaissance des « trois vieux ». Puis un narrateur omniscient (première personne) qui va, en partie chronologiquemment, mais aussi avec des regards en arrière, parler d'éléments divers.

En 1996 Tom a 86 et Charles déjà 89 ans. Avec Ed ils étaient plus ou moins longtemps ensemble dans cet écart du monde et il doit y avoir des raisons. Ed avait été le premier à s'installer : il avait survécu le grand feu de Matheson de 1916, sujet (Leitmotiv) qui revient plusieurs fois au cours du roman. Il s'est retiré plus tard dans sa vie ici et travaillait pendant des mois sans grand contact extérieur sur ses peintures. Aussi chez les autres il a du y avoir des raisons diverses qui les a menées dans cet isolement choisi. Pas seulement par haine envers l'espèce humaine, mais partiellement même « chassés » de la communauté. Et il y a des raisons différentes qui poussent alors des hommes (et ici plus tard aussi une femme) à chercher la solitude relative. Fuite ? Protection ? Calme ?

Vers les nouveaux arrivants il peut y avoir une méfiance : est-ce qu'il ou elle va déranger l'ordre de cette cohabitation ? Le mépris, est-il justifié ? Peu à peu l'histoire nous revèle ce cheminement, et pendant des moment on pourrait bien se sentir un peu sur une mauvaise piste et se faire désorienter par une espèce de jeu avec les genres : au début il y a même une allusion qui laisserait craindre le pire (un crime) ! L'installation de la vieille Gertrude – qui avait été internée injustement pendant 60 ans dans un asyle psychiatrique ! - va bousculer l'ordre et remuer ces vieux messieurs. Et des sentiments naissent. Oui, le grand âge n'empêche pas de tout une histoire d'amour à naître. Dont il sera question, comme aussi du sujet de la liberté (de quoi ? Pour quoi?), et du vieillissement, la dignité, la mort.

Un bon roman, une belle histoire d'amour tardif, mais aussi un témoignage sur ces grands feux si dévastateur au Canada, surtout dans les années 10 du XXème siècele. Et le titre n'a d'un coup rien de symbolique : derrière une formulation quasiment poètique se cache une dure réalité qui me rappelait un autre roman, allemand, sur les incendies de Dresde : dans la chaleur inimaginable il pleuvait littéralement des corps calcinés d'oiseaux...


Mots-clés : #amour #catastrophenaturelle #solidarite #vieillesse
par tom léo
le Sam 15 Juin - 18:08
 
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Sujet: Jocelyne Saucier
Réponses: 10
Vues: 794

Aminata Sow Fall

La Grève des bàttu (1979)

Tag solidarite sur Des Choses à lire 5182sp10

Kéba-Dabo avait pour tâche, en son ministère, de " procéder aux désencombrements humains ", soit : éloigner les mendiants de la Ville en ces temps où le tourisme, qui prenait son essor, aurait pu s'en trouver dérangé. Et son chef, Mour Ndiaye, a encore insisté : cette fois, il n'en veut plus un seul dans les rues ; et ainsi fut fait. Mais les mendiants sont humains, et le jour où, écrasés par les humiliations, ils décident de se mettre en grève, de ne plus mendier, c'est toute la vie sociale du pays qui s'en trouve bouleversée. A qui adresser ses prières ? À qui faire ces dons qui doivent amener la réussite ?
Avec humour, avec gravité aussi, Aminata Sow Fall dénonce dans ce roman les travers des puissants et donne un visage aux éternels humbles, du Sénégal ou d'ailleurs.


Cette quatrième de couverture m'avait attiré. Sujet intéressant et lecture un peu dépaysante au programme.
Malheureusement je n'ai pas franchement accroché à l'écriture. Trop descriptif et narratif peut-être. Ça manque de style pour moi, et j'ai eu du mal à m'intéresser au fond du coup. Fond qui ne m'a pas paru non plus extraordinaire,
Ah je suis dur.
Livre qui devrait plaire à d'autres lecteurs je pense. cat


Mots-clés : {#}humour{/#} {#}social{/#} {#}solidarite{/#}
par Invité
le Mar 11 Juin - 13:23
 
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Sujet: Aminata Sow Fall
Réponses: 4
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