Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Ven 29 Mar - 6:14

281 résultats trouvés pour autobiographie

Grégoire Bouillier

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Bouill10

Rapport sur moi

Je ne suis pas particulièrement adepte de l'autofiction, ni très friande des confidences des écrivains, je ne sais donc pas vraiment pourquoi le petit livre de Grégoire Bouillier m'est tombé entre les mains, en dehors de son format sympathique, de son doux papier accueillant et du joli travail de l'éditeur Allia… Cela allait-il être suffisant pour me faire apprécier ce récit, ce 'Rapport sur moi' dont le titre, éloquent, aurait eu tendance à me faire fuir… ?

Et bien, je dois dire que ce 'Rapport' est une bonne pioche, très agréable lecture, qui m'extrait généreusement de mes sentiers battus et m'emmène vers des horizons attrayants. L'écriture, à elle seule, a retenu mon attention et l'esprit caustique de l'auteur possède une certaine force d'attraction sans lorgner du côté d'un déshabillage décomplexé et arrogant. Ça pique mais en douceur...

Le récit de Grégoire Bouillier commence ainsi :

J'ai vécu une enfance heureuse.

Un dimanche après-midi, ma mère surgit dans notre chambre où mon frère et moi jouions chacun dans notre coin. "Les enfants, est-ce que je vous aime ?" Sa voix est intense, ses narines fantastiques. Mon frère répond sans ambiguïté. J'hésite à me lancer du haut de mes sept ans. J'ai conscience de l'occasion et, en même temps, je redoute la suite. Je finis par murmurer : "Peut-être que tu nous aime un peu trop." Ma mère me regarde avec épouvante. Elle reste un instant désemparée, se dirige vers la fenêtre, l'ouvre avec violence et veut se jeter du cinquième étage. Alerté par le bruit, mon père la rattrape sur le balcon alors qu'elle a déjà passé une jambe dans le vide. Ma mère hurle et se débat. Ses cris résonnent dans la cour. Mon père la tire sans ménagement en arrière et la ramène comme un sac à l'intérieur de la pièce. Dans la lutte, la tête de ma mère heurte le mur et ça fait klong. Visible sur le mur, une petite tache de sang témoigna longtemps de cette scène. Un jour, je dessine au feutre noir des cercles autour et m'en sers de cible pour jouer aux fléchettes ; lorsque je mets dans le mille, j'imagine retrouver un bref instant la faculté de parler sans crainte.


Déroulant sur 159 pages alertes l'histoire de son existence, Bouillier semble chercher (et trouver) les explications des ratages de sa vie d'adulte dans les effondrements, les rendez-vous manqués, les béances de son enfance et cela en utilisant un système qui consiste à se pencher essentiellement sur la valeur des mots pour en extraire tous les échos. Cette espèce de grille de lecture, qui force bien souvent l'interprétation, mais reste si ce n'est logique du moins ludique donne de belles perspectives d'illustrations à l'auteur qui ne se prive pas d'explorer pas à pas les jeux de langage qui, des traumatismes de l'enfance l'ont conduit à ce qu'il est (un homme en attente (?)).

Un livre extrêmement réjouissant. Pas du tout nombriliste malgré un titre légèrement ronflant. Qui laisse une belle part à la signature, au style d'un auteur en verve, désireux de comprendre sa vie, ne cherchant jamais à rattacher son existence à une quelconque initiation intellectuelle, mais se maintenant à flot par la grâce d'une écriture joueuse sans être voyeuse, intelligente sans être érudite, confidentielle sans être scabreuse, pleine d'humour et sans jugements.


Joli tour de force pour un premier livre qui se lit avidement.


mots-clés : #autobiographie
par shanidar
le Mar 28 Fév - 16:44
 
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Sujet: Grégoire Bouillier
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André Beucler

De Saint-Pétersbourg à Saint-Germain-des-Prés

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 De-sai10

En treize chapitres André Beucler, prince des nuits parisiennes de l’Entre-deux-guerres raconte ses souvenirs avec d’illustres écrivains qui furent ses amis. Il y a en priorité Valéry Larbaud et Léon-Paul Fargue avec qui il est particulièrement proche. Beucler trouve de belles phrases pour parler du premier :
« Il s’agissait exactement, dans le cas de Larbaud, d’écrire avec allégresse ce qui vous passe par la tête et par le cœur, à condition d’avoir une bonne tête et un cœur pur. Il s’agissait aussi de parties fines avec son imagination d’où naissent en abondance sentiments et souvenirs, ou encore de songeries profondes et complaisantes sur soi-même, de méditations poétiques sur ces images qui, précisera plus tard Gaston Bachelard, nous apprennent sans cesse à parler »

On y rencontre aussi Gaston Gallimard, Paul Morand fou d’automobiles, Saint-John Perse dans son bureau des affaires étrangères, Robert Desnos, Max Jacob, Louis Jouvet, Drieu la Rochelle, Roger Martin du Gard ; un autre très proche, Giraudoux présenté sous un jour facétieux, s’amusant à ajouter des plats fictifs sur les menus des restaurants et y semant une belle pagaïe : « concombres illustrés », « poitrines de veau farcies à la hussarde », « Langoustines d’Elseneur » etc… Giraudoux également, ministre de l’information en 40, qui envoie Beucler réaliser une mission périlleuse en Autriche.

La plupart de ces écrivains sont issus d’un milieu bourgeois, ils ont reçu une éducation soignée, possèdent une culture raffinée. Beucler montre combien ils sont perdus dans un Paris qui se transforme et s’enlaidit, comment ils s’éloignent d’un monde qu’ils trouvent de plus en plus vulgaire et où leur politesse exquise ne trouve plus place. La preuve, ce joli mot de R. Martin du Gard à ses amis, alors qu’il sort de clinique après une quinzaine de jours d’hémorragies internes :
« Roger Martin du Gard, en convalescence, après des ennuis de santé, qui l’ont obligé à un long repos, vous remercie bien vivement de votre témoignage de sympathie, et s’excuse d’être encore, pour le moment dans l’impossibilité de répondre aux amicales attentions dont il a été l’objet ces derniers temps. »


Ces souvenirs dont le seul reproche est d’être parfois hagiographiques – Sachs est de ce point de vue plus direct – donnent envie de lire, relire des auteurs parfois quelque peu oubliés aujourd’hui ; plus particulièrement en ce qui me concerne : Larbaud, Fargue et Martin du Gard (colonel Maumort notamment).


mots-clés : #autobiographie
par ArenSor
le Dim 19 Fév - 18:43
 
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Sujet: André Beucler
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Tamiki HARA

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 51dwj610

Ce n'est pas évident de parler de Fleurs d'été. Je crains de ne pas pouvoir éviter les lieux communs ni la maladresse. Le caractère documentaire de ce texte complique toute prise de distance. Je vais commencer par mon ressenti.

J'ai rarement, peut-être jamais, lu un texte qui m'ait autant bouleversé. Je suis sans doute très naïf. Sans doute, à l'école, on m'a appris ce qui s'est passé à Hiroshima le 6 août 45. On ne nous en a certainement pas fait l'éloge, et je me rendais vaguement compte que c'était mal. Mais est-ce que j'étais un enfant tout à fait insensible, me l'a-t-on enseigné d'une façon légère, inconséquente ? Certes le lieu et la date nous en éloignent, mais je réalise, et cruellement, qu'on n'insiste pas beaucoup sur cet aspect de la guerre. L'éloignement géographique, la France alors déjà libérée, ça nous donne le droit de se sentir moins concerné ?
Les Etats-Unis des années 40, des "gentils Alliés" ? Je pense que c'est une blague.
Je caricature un peu, mais je ne suis pas certain d'être le seul à avoir eu ce vague sentiment de confort, en pensant à ces sauveurs d'Américains. Qu'on ait pu me le faire éprouver, ce sentiment, et aussi tard, voilà ce que je ne supporte pas.

En 1945, l'auteur est réfugié à Hiroshima. Quelques jours avant la fête des morts, redoutant une attaque imminente, il se rend sur la tombe de sa femme pour y mettre des fleurs. La ville est calme, il fait beau. L'auteur laisse paraître doucement sa tristesse. L'atmosphère est paisible, presque religieuse. Ce sera ses derniers souvenirs de Hiroshima telle qu'il l'a connue.

Le surlendemain, c'était la bombe atomique.


Il survit au bombardement. Fleurs d'été en est le récit, ainsi que des jours qui ont suivi. Tout d'abord, le choc du bombardement vécu par l'auteur dans la maison familiale. De la véranda, il voit la ville écrasée; seul, au loin, un bâtiment de béton armé est encore debout. Puis, la fuite : des incendies se déclarent un peu partout dans la ville. Il s'enfuit vers la rivière, progressant sur les maisons effondrées, complètement aplaties. Là-bas, il retrouve ses frères, sa sœur et beaucoup d'autres rescapés. Tous racontent ce qui leur est arrivé, puis ils se séparent. Soudain l'auteur, cherchant à passer la rivière, croise des hommes et des femmes gisant sur le sol. Le corps brûlé, dégénéré, flétri : image plus saisissante et plus terrible encore que s'ils étaient morts, ils agonisent.

Comme nous avancions sur l'étroit chemin de pierre qui longe la rivière, je vis pour la première fois des grappes humaines défiant toute description. Le soleil était déjà bas sur l'horizon, le paysage environnant pâlissait. Sur la grève, sur le talus au-dessus de la grève, partout les mêmes hommes et les mêmes femmes dont les ombres se reflétaient dans l'eau. Mais quels hommes et quelles femmes ...! Il était presque impossible de reconnaître un homme d'une femme tant les visages étaient tuméfiés, fripés. Les yeux amincis comme des fils, les lèvres, véritables plaies enflammées, le corps souffrant de partout, nus, tous respiraient d'une respiration d'insecte, étendus sur le sol, agonisant.


L'auteur commence à prendre la mesure du désastre. Il s'agit ensuite de retrouver les membres de sa famille, et les emmener se faire soigner dans des centres improvisés. La mort est partout; les gens se meurent dans la rue, sous les arbres, près de la rivière, partout où ils ont pu trouver une place pour s'allonger. Après quelques jours, l'auteur et ceux de sa famille qui ont survécu trouvent à se réfugier dans un village de la région. Par manque de soins et de nourriture, chacun s'affaiblit; certaines maladies se déclarent, certains succombent à leurs blessures. Le récit s'arrête là.

J'en suis sorti complètement sonné. Il était temps de lire ce texte. On se trouve complètement démuni face à un tel déchaînement aveugle, face à l'ampleur de ce crime. L'auteur se tient au récit de ce qu'il a vu, dans toute son horreur. Il n'ajoute aucun jugement personnel, ne fait presque pas allusion aux agresseurs. De cette manière, il fait paraître, contenus, son incompréhension et son désespoir face à l'attaque d'un ennemi invisible, muet, dont on n'imagine pas que les mouvements puissent avoir une quelconque logique.

C'est tout de même un très beau texte, plein de simplicité et de force, servi par une écriture claire et sensible. C'est une œuvre terrible, essentielle et dont on sort changé.
On peut regretter que Tamiki Hara ne soit pas plus traduit en français.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
par Quasimodo
le Dim 19 Fév - 14:48
 
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Sujet: Tamiki HARA
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Stefan Zweig

Le monde d'hier

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Images10


Nous sommes en 1941. Stephan Zweig, désespéré de l'homme et du monde, dévasté par un nouvel exil, joue une fois de plus son rôle d'écrivain : témoin et penseur se retournant sur son histoire et l'histoire de ce siècle . Ce livre se partage entre l' autobiographie à orientation littéraro-intellectuelle, et un témoignage historique. On sent dès le début que c'est un cri désespéré.

La première moitié du livre est consacrée au tournant XIXème-XXème siècle , cet avant guerre insouciant.  De Vienne, à la fois libérale et puritaine, Zweig, jeune homme précocement brillant et descendant d'un bourgeoisie plus qu'aisée, voyage sans limites à travers l'Europe et le monde, tisse des amitiés artistiques dans toutes les capitales... jusqu'à l'assassinat de Louis- Ferdinand et au déclenchement de la 1ere guerre mondiale, où, citoyen européen qui commence à être reconnu en tant qu'auteur, il se retrouve l'un des seuls à prôner un pacifisme résolu, attaché à sa « liberté intérieure».

C'est un récit à la fois fort instructif, élégant et très maîtrisé , les différences de mentalités entre les capitales sont finement analysées, Zweig décrit de belles figures d'amis artistes. Par contre absence totale de femmes,  on est là pour parler de choses sérieuses...
J'ai également  été gênée par une vision du monde tout à fait biaisée par sa situation privilégiée, ignorant tout du sort des moins favorisés (les ouvriers étaient bienheureux en ces temps où l'on avait réduit leur temps de travail, explique-t'il) et l’impression que tous les citoyens partagent, et son bonheur, et ses points de vue. Comme s'il régnait une fraternité universelle, comme si la notion de nationalisme n'avait émergé que le jour de la déclaration de guerre, pour mieux exploser dans les décennies suivantes. Cette « naïveté » explique sans doute sa  surprise à découvrir les excès de la haine et les enthousiasmes belliqueux.

Dans l'après-guerre, les blessures du traité de Versailles qu'on croit enterrées, la misère et la famine jugulées, l'inflation maîtrisée, s'installe un temps que Zweig veut croire serein.
Il y connaît un succès planétaire, fréquente les grands de ce monde en matière de pensée et d'art, sa collection d’autographe trouve un essor éblouissant, dans le temps-même où le festival de Salzbourg s'épanouit. Quelques confrontations avec les chemises noires mussoliniennes, lui mettent la puce à l'oreille, mais son ingénuité est toujours là, ce sont des temps heureux. Là encore il semble curieusement croire que cette plénitude est commune à tous.

Ce n'est que peu à peu qu'émergent Hitler et ses sbires, « dressés à l'attaque, à la violence et à la terreur », sans trop attirer l'attention. Puis, brutalement, les interdictions aux Juifs, les brimades, et pour Zweig, le choix de l'exil d'où il sera confronté aux tentatives de conciliation qui n'empêcheront pas la déclaration de guerre. C'est la fin des choix, la perte d'une nationalité, l'effroyable statut d'apatride, puis d'étranger ennemi. Là encore une certaine ingénuité, l'idée qu'en Amérique du Sud, loin de l'Europe explosée, un monde meilleur de tolérance est possible.

Témoignage et réflexion sur un monde en mutation qui perd une certaine innocence et qui court à sa perte, on ne doit pas attendre de Le monde d'hier une objectivité historique ; c'est le regard désespéré d'un homme des plus choyés,  naufragé au sein d'un monde en perdition. On découvre cet homme et sa vision de l'histoire des quarante premières années du XXème siècle. Car Stefan Zweig a choisi de s'épargner de voir la suite.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #historique #regimeautoritaire
par topocl
le Mer 15 Fév - 11:31
 
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Sujet: Stefan Zweig
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Joseph Gourand

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 00429010

Les cendres mêlées

Dans la préface de Serge Klarsfeld : réflexion «  Le lecteur ne sort pas indemne de cette plongée dans un univers maudit,  … Jo sera son guide plutôt que Primo Levi.  Y aurait-il une victime plus méritante, plus juste qu’une autre ?  ou bien ai-je mal compris ?


C’est le récit par l’auteur de la déportation du jeune homme de 17 ans qu’il était au jour de son arrestation à Lyon par la gestapo ; passage à Drancy.

A l’’insouciance des années d’adolescence de ce « titi parisien » s’oppose  l’horreur des camps de concentration. Le lecteur suit Joseph sur  ce trajet en train qui conduit à la mort.  Ses parents, sa sœur Marie et son frère ainé André sont ses compagnons de « voyage » terminus Auschwitz. Il sera le seul à en revenir.

Pourquoi crois-je qu’après plusieurs lectures je sortirai de celle-ci moins touchée ? Impossible, les ressentis s’ils sont tous aussi terribles sont exprimés pour chacun de manière si personnelle  que j’apprends encore sur la déshumanisation, des bourreaux comme des victimes . C’est terrifiant pour une victime d’avoir conscience de sa déchéance.

Reste à survivre  et  Joseph a l’indéfectible soutien de son père car lui-même a la naïveté de l’ enfance.:  nous avions vite compris que le tabac était la monnaie d’échange.
Un trafic avec les vêtements soustraits aux déportés faisait l’objet d’une économie de survie.

Après que les anciens du camp ne leur aient pas caché la destination de la mère et de la soeur Joseph assistera à l’abandon de son frère André qui se suicide, à la sélection fatale pour son père.

Les allemands pris en tenaille entre les troupes russes à l’est et les autres pays  Alliés à l’ouest ne voulant pas reconnaître leur prévisible défaite poussent dans un sursaut de haine les déportés sur les routes.

Joseph sera l’un des squelettes fantomatiques qui se traînera dans la marche de la mort mais qui ne l’arrêtera pas ;  il a les paroles de son père pour le soutenir et la promesse faite de construire une famille, pour que vive le NOM et à travers lui les disparus.

C’ est une constante aussi dans les témoignages des déportés de s’interroger sur Dieu, sur sa présence ou son absence.
« Je ne crois pas que Dieu ait jamais séjourné dans aucun des camps de la mort, mais ce jour de Kippour, à Auschwitz, il fallait qu’Il fût sourd pour ne pas entendre. »

C’était une lecture qu’il me fallait faire. Dans ce livre le lecteur voit le bonheur dans l’ enfance, l’ horreur dans le camp puis le ré-apprentissage de la vie au retour en France.

Malgré la charge émotionnelle l’ auteur a épargné le lecteur : "Tout raconter était impossible et le serait à jamais. Ici, dans ces pages, je ne livre que des bribes. Reste l’intransmissible, l’incommunicable, ce que chacun des survivants porte enfoui en lui."
 


Extraits

Les enfants n’échappent pas aux épidémies. Il n’y avait donc aucune raison pour que le virus antisémite les épargnât davantage.

D’in côté la peur et l’angoisse, de l’autre des rires et des pâmoisons. Toute la pornographie d’une époque. Notre mort programmée leur tenait-elle lieu d’aphrodisiaque ?

Aujourd’ hui, lorsque je repense à ces heures, une seule question me hante : pourquoi les alliés n’ont-ils pas bombardé les lignes de chemin de fer menant aux camps de concentration ? Le risque militaire n’aurait pas été bien grand, et le geste Ô combien symbolique.

Eux qui avaient pour fonction et vocation de faire mourir des juifs ne supportaient pas qu’un seul se soit donné la mort. Ils assimilaient cela à une sorte d’évasion réussie. Une libération anticipée.

Je ne me suis jamais beaucoup interrogé sur la notion de culpabilité collective du peuple allemand. C’est l’Homme lui-même qui a failli durant la seconde guerre mondiale et révélé la bête humaine. Tout ce que j’ai vu et entendu depuis n’a fait que me conforter dans cette opinion.

Enfant les morts me faisaient peur, mais désormais c’étaient eux que je craignais le moins. Les morts n’ont ni religion ni nationalité. Ils étaient devenus mes amis.




mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Jeu 9 Fév - 23:32
 
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Sujet: Joseph Gourand
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Willy Holt

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Femmes10

Femmes en deuil sur un camion


Rien ne diffère des autres livres lus des survivants des camps (Semprun, Levi, Klugër, Kerstez) ;  de la barbarie, de l’indicible, la faim, le froid, l’épuisement, l’humiliation, la mort.

 Willy Holt  a connu  les camps,  d’Auschwitz à Buna, Buchenwald, Dora jusqu’à Bergen-Belsen, les marches forcées à chaque évacuation de camp quand les Alliés talonnaient les Allemands.

Il a acquis la nationalité française en 1923 au retour de sa mère dans son pays, la France, mais lorsqu’il est arrêté dans un train fin  décembre 43 avec un  manuel de guerilla urbaine (qu’il devait résumer pour le réseau de résistance auquel il appartenait), donc potentiellement « terroriste » lors du bain javellisé qu’il subira les allemands s'aperçoivent qu’il est circoncis, donc Juif,  raison pour laquelle il portera une étoile rouge et jaune à son arrivée à Auschwitz.

Lui qui ne connait absolument rien des Juifs sera donc considéré tel pendant sa détention. (le médecin qui l’avait fait naître avait proposer la circoncision à sa mère pour éviter plus tard une maladie)

Willy a suivi les conseils du chef du premier  block où il échoue, un Polonais qui connait la langue française :

1) Se laver tous les jours
2) ne jamais échanger de nourriture
3) Ne jamais donner aux allemands l’impression qu’il a peur d’eux, ni de l’un d’eux

Willy reconnait qu’il doit en grande partie sa survie pour avoir suivi ces conseils.

Mais aussi parce qu’il s’est servi  de son aptitude au dessin et à la peinture.

Dans ces camps posséder la maîtrise d’un métier  utilisable était un atout. En tant que peintre il s’est vu confier des travaux durs à l’extérieur mais un kapo l’ayant vu dessiner  l’envoya dans une section de peintres  en lettres ; c’est là qu’il fit son premier tableau et qu’ il eut pour « clients » les chefs de l’administration allemande, lesquels payaient en nature (cigarettes, pain) Willy offrait les cigarettes car il ne fumait pas. Cela parait anodin une cigarette mais ceux, ils étaient nombreux, qui étaient en manque pouvaient être poussés à des extrémités.

Dans chaque camp où il est passé il se procurait ses outils de survie : crayon et papier. Son travail de peintre lui permettait d’être à l’abri, ce dont il se satisfaisait car ayant aussi travaillé à l’extérieur il avait pu se rendre compte de l’extrême rigueur du climat et du poids du travail.

Pendant les derniers mois de détention les déportés entendent alternativement les bombardements et les pauses qui génèrent tout à tour espoir et désillusion. C’est au camp de Bergen-Belsen qu' ils  apprennent la défaite des allemands et les français sont  les premiers rapatriés.


J’ ai apprécié ce qu’écrit Holt dans sa préface

Le tatouage du numéro : cette marque « antivol »

« Ma seule culpabilité serait l’oubli »

« sur la chemise de mon dossier, marqué en grosses lettres capitales « TERRORISTE »
J’allais donc savoir « pourquoi », à Auschwitz, j’étais en train de vivre la conséquence d’actes auxquels je pouvais, dans ma détresse, parfois me raccrocher. Je m’étais battu, je me battais encore, contre quelque chose de concret, pour quelque chose de concret.
Autour de moi, des centaines de milliers d’autres, désespérés, enduraient le même supplice, sans en admettre aucun « pourquoi ». Il leur fallait subir, et mourir, sans avoir ce recours de vivre la suite de leurs actes, puisque la raison de leur calvaire, en toute conscience, n’existait pas. »



C’est une belle écriture, un homme qui relate honnêtement ses ressentis, qui essayait  simplement de survivre du mieux possible  sans nuire aux autres.
Il s’explique aussi sur sa position lorsqu’ il se retrouve dans le magasin (vêtements et objets soustraits aux déportés) et qu’il se sert (pour des camarades et lui-même) car le lecteur a une distance que ni lui ni les autres déportés  n’avaient  et,  peut être indigné.

Cela me fait penser aussi  que généralement le regard que les gens portaient sur les survivants à leur retour était ressenti  par eux comme une suspicion, il l’exprime très bien dans sa préface.

De nos jours où plusieurs pays d’Europe sont tentés par les idées extrêmes  ces lectures  rappellent un passé pas si lointain


Extraits :

« Je suis terriblement, violemment tenté de garder pour moi ma part de saucisson, que j’ai dans la main. Il me faut lutter contre moi-même pour enfin tenir parole. «

Pendaisons : « Celle d’un jeune Juif français de seize ans condamné pour vol de pain et de confiture, trouvant à la dernière minute le courage d’entonner la Marseillaise, faisant passer sur nous tous un frisson de révolte et déclenchant chez les SS une réaction de ricanements haineux. »

« Dans un allemand impeccable, sans le moindre tremblement de voix, le supplicié aura ces mots superbes, criés de toutes ses dernières forces : « Gardez l’espoir, je suis le dernier »

« Au sein de ce malheur constant, de cette misère avilissante, de cette détresse, Dieu existe-t-il ?
Bien sûr, Dieu existe. La preuve ? Je le prie et l’injurie alternativement tous les jours. »

« Je suis venu tenter d’apporter du réconfort et c’est moi qui en reçois, par la grâce d’une voix toulousaine, merveilleuse, ensoleillée, et je ne suis pas au bout de mes surprises. »

« Le possesseur de cet accent méridional porte sur son pyjama l’étoile de David. Réflexe typiquement raciste, j’en rougis : sur le moment, cet amalgame judéo-occitan m’étonne. C’est idiot ! Pourquoi les familles juives installées en France, dès avant le Moyen-Age, en particulier justement dans le Midi, n’auraient-elles pas nos accents ? «

« Quatre femmes en grand deuil, quatre Allemandes, ignorant les armes braquées des gardes, nous distribuent, par-dessus les ridelles du camion, des pommes et du pain.
Les SS furieux hésitent. Ces femmes, ils le savent, n’ont plus rien à perdre. Elles tentent, par ce geste, d’absoudre, un peu, la faute de tout un peuple. Faute pour laquelle elles ont payé déjà le lourd tribut : leurs amours, maris et fils, probablement disparus dans la tuerie de la guerre.





mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Dim 5 Fév - 20:28
 
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Sujet: Willy Holt
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Harry Wu

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 5151dc10

Vents amers

C’est un vrai livre-témoignage de Harry Wu Hongda sur ce qui est résumé en haut en quelques lignes…: sa naissance au sein d’une famille bien placée à Shanghai en 1937 qui ne lui laissait voir que par un filtre une réalité longtemps ignorée : la souffrance du peuple simple et pauvre, quelques rues plus loin, dans des quartiers jamais visités. L’arrivée au pouvoir de Mao et les changements dans la famille et la société sont racontés d’une manière sobre, et aussi en avouant les illusions, les rêves qui allaient de pair au début. L’auteur ne cache pas une première fascination. Puis, un moment donné, c’est une affaire « stupide » qui va le conduire en prison, au camp, les redoutés Laogai chinois qui n’avaient rien, mais vraiment rien à envier au Goulag soviétique, ni certains camps de sinistres mémoires. Il va passer 19 ans dans différents camps, frôlant la mort par épuisement et faim. Il ne nous épargne pas les cotés les plus durs de ce système concentrationnaire et devient par son engagement inlassable d’en parler un « Soljénitsyne » chinois. Il est absolument miraculeux que cet homme garde une certaine simplicité et ne se laisse pas remplir par une simple amertume. Un moment donné, au milieu de la nuit des camps, il a vécu une invitation au devoir de survivre pour rendre témoignage. C’est ce qu’il a fait !

Je fus très impressionné par ce livre. Pas que j’ignorais les horreurs des camps en Chine, mais de lire un tel récit nous met aux frontières humaines. Les expériences de l’humiliation par d’autres et par l’épuisement complet et les pressions de s’autocritiquer poussent aux limites pour redevenir « animal ». Il y avait très peu de lumière…, juste de temps en temps paraissent quelques prisonniers (pas des anges) ou même gardes qui se gardent des traces d’humanité. Et l’auteur, je le mets un peu dans la compagnie des gens comme Primo Levi…

Pour celui qui veut avoir un document clé sur la Chine, probablement un livre incontournable…


mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #revolutionculturelle
par tom léo
le Jeu 26 Jan - 17:07
 
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Sujet: Harry Wu
Réponses: 4
Vues: 919

Marjane Satrapi

Persepolis

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 410

La petite Marjane avait 10 ans lors de la révolution iranienne, 11 ans au début de la guerre Iran-Irak, 14 ans quand ses parents l'ont envoyée en Autriche poursuivre ses études, 18 ans quand elle est revenue chez elle, dévastée par la solitude et  l'exil, 21 ans quand elle s'est mariée, 24 ans quand elle a définitivement quitté l'Iran pour faire l'Ecole des Arts décoratifs à Strasbourg.

C'est donc un récit autobiographique en noir et blanc des plus intéressants, réaliste, tendre, plein d'humour. Je l'ai sans doute moins apprécié que je ne l'aurais fait si je n'avais pas lu très récemment En censurant un roman d'amour iranien, de Shahriar Mandanipour, car on retrouve, très proches, les mêmes  informations sur l'oppression des islamistes, et les capacités de résistance souterraine dans ce milieu instruit et occidentalisé. De même Le jeu des hirondelles, qui raconte l'histoire de l'enfance gâchée de Zeïna Abirached pendant la guerre au Liban, jette une certaine ombre sur ce récit par un esprit encore plus frondeur, plus poétique et un graphisme plus original et ludique.

Il n'en demeure pas moins qu'on voit grandir la petite Marjane, vieillir son entourage, qu'un trait discret, voire un point suffisent à exprimer la psychologie des personnages. Les illusions s'effacent peu à peu, mais il est plaisant de voir cette capacité  continuer à penser par soi-même et à résister en frôlant (et jouant avec) les limites,  et à se garder son petit coin de bonheur, à se serrer les coudes, s'aimer et rester soi.

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 110  Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 210  Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 310

(commentaire récupéré)


mots-clés : #bd #autobiographie #regimeautoritaire
par topocl
le Jeu 26 Jan - 13:50
 
Rechercher dans: Bande dessinée et littérature illustrée
Sujet: Marjane Satrapi
Réponses: 4
Vues: 1680

Pierre-Jakez Hélias

Le Cheval d’Orgueil

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Témoignage sur son enfance en pays bigouden, pleine de sensibilité, par un breton de souche. Les sabots, les lits-clos, les coiffes, mais aussi la grande place de la misère ou au moins de l’indigence (« la Chienne du Monde »), la faim ‒ et le corollaire respect pour la nourriture, le pain, les pommes de terre, le cochon familial (« le sacrifice du prince entripaillé ») ‒, les jeux astucieux avec des riens, cueillettes, chapardages, glanes diverses, recadrent d’ailleurs un peu notre passé proche, avec cette constatation que j’ai pu faire moi-même dans d’autres régions « défavorisées » : l’altruisme et l’entraide naturels dans la collectivité (en l'occurence, "coterie", clan) et le bonheur « simple » que vivent paradoxalement les gens des sociétés matériellement pauvres, mais qui ont encore cette dignité ici appelée orgueil (honneur et vergogne).

« Mais chacun est juge de ses devoirs. »


Hélias cite, en épigraphe au chapitre VI (La vie dure) le philosophe Destutt de Tracy (à qui on doit notamment le terme idéologie), homme politique dès la révolution (d’origine noble, il s’engage pour l’abolition des droits féodaux) :

« Les nations pauvres, c’est là où le peuple est à son aise ; les nations riches, c’est là où il est ordinairement pauvre. »

observation qui (me) donne à réfléchir.

Le passage de la langue bretonne au français, autour de la charnière de la première guerre mondiale notamment (première « ouverture » sur le reste du monde), et des Rouges de la République opposés aux Blancs dans la « nationalisation » de la France, constitue aussi un des thèmes principaux qui se dégagent. Aucun côté revendicateur chez l’auteur, qui manie parfaitement les deux idiomes (le livre, originellement écrit en breton, a d’ailleurs une vraie valeur littéraire) ; mais il souligne le malaise civilisationnel consécutif au déclassement qu’apporta l’interdiction du breton à l’école.

« Avec le français on peut aller partout. Avec le breton seulement, on est attaché de court comme la vache à son pieu. Il faut toujours brouter autour de la longe. Et l’herbe du pré n’est jamais grasse. […]
Et puis, ma mère le lit un peu certains soirs, en suivant la ligne avec le doigt de la bouillie [l’index], moi derrière elle, essayant de mettre des sons sur la balle de blé noir des signes. »


Un témoignage précieux, effectivement, sur la disparition de la paysannerie (« les jardiniers du monde »), de l’indépendance et de l’art de vivre en collectivité rurale bretonne. Aller-retour de l’exode et du tourisme, du folklore à la contestation... Plus globalement, je dirais perte de diversité (dans l’uniformisation) : appauvrissement…

« Il est plus facile d’être de son temps que d’être de quelque part. »



mots-clés : #autobiographie
par Tristram
le Lun 23 Jan - 13:09
 
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Frédéric Beigbeder

Un roman français

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C’est l’histoire d’une Emma Bovary des seventies, qui a reproduit lors de son divorce le silence de la génération précédente sur les malheurs des deux guerres. C’est l’histoire d’un homme devenu un jouisseur pour se venger d’être quitté, d’un père cynique parce que son cœur était brisé. C’est l’histoire d’un grand frère qui a tout fait pour ne pas ressembler à ses parents, et d’un cadet qui a tout fait pour ne pas ressembler à son grand frère. C’est l’histoire d’un garçon mélancolique parce qu’il a grandi dans un pays suicidé, élevé par des parents déprimés par l’échec de leur mariage. C’est l’histoire d’un pays qui a réussi à perdre deux guerres en faisant croire qu’il les avait gagnées, et ensuite à perdre son empire colonial en faisant comme si cela ne changeait rien à son importance. C’est l’histoire d’une humanité nouvelle, ou comment des catholiques monarchistes sont devenus des capitalistes mondialisés. Telle est la vie que j’ai vécue : un roman français. » F.B.


Autoflagellation , condescendance et rébellion d'un aristo à particule , soit le paradoxe de toute sa vie :
Beigbeder se vante d'être issu d'une famille ayant sauvé des juifs durant la seconde guerre mondiale et pleure sur son sort après son arrestation pour détention de drogue sur la voie publique tout en déclarant la guerre à un procureur (non éditée) dans son livre , la peur au ventre face à l'éventualité d'avoir un procés...
Encore une fois , l'auteur joue la carte d'une certaine mélancolie , de dégoût de la société , un brin torturé et brisé afin de mieux faire passer son cynisme et son arrogance à coup de révolte prépubère et de sensibilité déguisée ne mettant en avant que son hypothétique grandeur d'esprit..
Tant de simulations larmoyantes rendent terne l'éclat qu'aurait pu avoir sa réflexion si celle-ci avait eu le visage de la sincérité.
« Un roman français » se veut être un parcours de vie , un constat personnel , un voyage intérieur mais n'en ressort qu'un Beigbeder qui s'écoute et se congratule de sa différence dans une dédaigneuse jouissance à rabaisser son prochain tel un chevalier sans peur mais plein de reproches qui crève des nuages invisibles à coup de discours pathétiques dans un commissariat afin de se positionner en petit roi qui a besoin de briller pour exister.
Si Beigbeder cherchait l'apaisement et la reconnaissance dans cet exercice c'est bien essayé mais il semblerait que c'est raté , il n'en ressort que rancune et aigreur.
J'ai bien essayé de trouver un peu de compassion durant cette lecture parce que la vérité c'est qu'il est touchant ce garçon (normalement ) , tenté d'y voir un peu de loyauté mais j'avoue que le costume qu'il endosse ressemble de trop près à une farce nauséabonde qui pourtant , à en croire son prix Renaudot, n'a pas éclaboussé la bonne majorité.
Je dédie ces quelques lignes à Beigbeder et à sa dignité disparue dans ces centaines de pages.


mots-clés : #autobiographie
par Ouliposuccion
le Mar 17 Jan - 20:41
 
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Artur Klinau

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Minsk cité de rêve

quatrième de couverture a écrit:“Je suis né dans la Cité du Soleil. Y ai-je été heureux ? Oui, certainement. Chaque être humain a sa propre Cité du Soleil – son enfance, pour laquelle le lieu de naissance importe peu. Ai-je été heureux au Pays du Bonheur ? Oui, certainement. Aussi longtemps que j’ai cru en lui. Nous croyions en cette scénographie merveilleuse dressée à la frontière entre utopie et réalité.?
Artur Klinau n’avait pas 25 ans lorsque le mur de Berlin est tombé. Son enfance, il l’a passée dans ce qui était alors le Pays du Bonheur – l’Union soviétique – avec les défilés sur la place du Kremlin conduits par le Métaphysicien et ses ministres Amour, Sagesse et Droiture.
Il se souvient de Minsk, la ville où il a grandi, la Cité du Bonheur, à l’époque où les habitants imaginaient qu’elle était l’utopie réalisée. Aujourd’hui il sait que l’utopie n’existe pas, mais sa tendresse pour sa ville est intacte et il nous la fait partager.


Un souvenir de la ville agrémenté de photos de l'auteur (qui est aussi photographe) pour ce livre d'abord publié en allemand en 2006. On pense souvenir forcément car c'est le point de vue de l'enfance qui est choisi et sa tonalité candide qui perdure assez longtemps dans l'ouvrage. C'est un peu déroutant car on sent bien que tout n'est pas si simple mais justement. C'est ce qui lui permet de petit à petit nous emmener plus profondément dans la ville, ses histoires et celle de son pays au voisin très encombrant. C'est aussi le ton qui permet de résoudre une partie du problème et de témoigner de chaleur et de nostalgie pour une ville presque neuve qui devait elle faire vivre une utopie. Un voyage forcément dépaysant qui conserve des masques sur certaines de ses figures mais lève un coin du voile pour le voyageur étranger.

Minsk cité de rêve, Cité du Soleil bâtie sur la rivière Nemiga aux portes du Pays du Bonheur. La tendresse n'empêche pas les années et la maturité d'arriver, ni même le dégel mais ce monde, excessif, factice, dur, complexe n'est pas rejeté. On sent qu'Artur Klinau à sa manière l'intègre à sa personnalité et à ses espoirs d'un pays différent et meilleur. Il y a une brume dans cette exploration, un mystère, une incertitude qui doit perdurer en longeant les palais et en traversant les places immenses de Minsk ou si l'on doit s'arrêter un instant dans une arrière cour ou laisser vagabonder une pensée jusqu'aux faubourgs.

Le vocabulaire et la tournure faussement enfantine peuvent gêner, dérouter mais le texte est bien construit et dans cette mouvance des livres qui parlent d'une ville il choisit non pas le catalogue documenté (on a l'impression que les informations distillées au fil des pages coulent de source pour l'homme du cru) mais l'affectif. Un affectif apaisé pour une histoire douce mais pas si simple. Ça m'a bien plu, ça travaille beaucoup la curiosité, ça raconte un peu au gamin de la fin de la guerre froide que je suis de cette énigme de l'Est. Une énigme qui perdure et une énigme qui est aussi la nôtre, la «forme de la ville» qui voudrait être celle de la pensée ?  Pas mal du tout et beau petit livre. J'ai bien fait de céder au traducteur et à l'éditrice lors de mon dernier passage au salon de l'autre livre !Et c'est volontiers que je lirai autre chose de leur répertoire : signesetbalises.fr


mots-clés : #autobiographie #initiatique #lieu #regimeautoritaire
par animal
le Dim 15 Jan - 20:10
 
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Luciano Bolis

Luciano Bolis (1918-1993)

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Luciano Bolis (né le 17 avril 1918 à Milan et mort le 20 février 1993 à Rome) est un homme politique antifasciste italien, qui fut membre du mouvement Giustizia e Libertà, du Parti d'action (Partito d'Azione) et milita au sein du Mouvement fédéraliste européen, créé en 1943 à Milan par Altiero Spinelli.

Né dans un milieu bourgeois, Luciano Bolis prend position contre les convictions fascistes de ses parents, entraînant avec lui ses deux frères dans les rangs de la Résistance.
Étudiant en littérature et en philosophie, sportif accompli, il mobilise - lors de son arrestation par les Chemises noires - des ressources exceptionnelles de résistance physique et morale. Après la guerre, il devient un militant actif de la construction européenne.
Luciano Bolis est mort en 1993.

source : wikipedia.org


Bibliographie :

- Mon grain de sable (1946)

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Mon grain de sable

quatrième de couverture de fosse aux ours a écrit:GÊNES, FÉVRIER 1945 : Luciano Bolis, un des responsables de la résistance génoise, est arrêté par les fascistes.

Sauvagement torturé, il se tranche avec une lame de rasoir les veines du poignet puis la gorge, afin de ne pas « donner » ses camarades.

Ses bourreaux lui refusent cette délivrance et le conduisent, mourant, à l’hôpital.

A la Libération, Bolis rédige un compte rendu quasi clinique des instants terrifiants qu’il vient de vivre. Un récit, sobre et violent, qui analyse de façon subtile les réactions d’un homme seul face à la souffrance physique et au suicide.

Rarement description d’actes commis par un « héros ordinaire » a atteint un tel degré de dépouillement et d’intensité.

Ce livre, découvert par Natalia Ginsburg et Cesare Pavese, est constamment réédité en Italie.

Luciano Bolis (1918-1993) a été, après la guerre, un militant actif de la construction européenne.


un extrait, le début, de la préface de la traductrice Monique Baccelli :

Le 20 Août 1780 grâce à l'action des philosophes et plus particulièrement de Voltaire, une déclaration royale abolit la "question" en France. Cette réforme, déjà effective en Russie, s'étendra progressivement aux autres pays d'Europe. Cela pour la légalité. Dans les faits, et clandestinement, deux siècles plus tard la torture est toujours pratiquée, avec des procédés de plus en plus "scientifiques", sur tous les continents. Le mécanisme et les conséquences de ce comportement inhumain, qu'on dirait indéracinable, ont rarement été étudiés avec autant d'impartialité et de lucidité que par Luciano Bolis. Certains aspects de son témoignage prennent une valeur tellement générale qu'ils se situent hors du temps et de l'espace, d'autres ont au contraire besoin d'être éclairés par quelques précisions historiques et biographiques.

Commençons par là : l'historique, un éclairage direct sur la vie "chez les méchants", si on peut dire, (un peu comme seuls dans Berlin mais en plus court), ça sonne comme les histoires de résistants "de chez nous". Le reste pour faire rapide, c'est une arrestation, des tortures, une tentative de suicide, une libération. Et le vrai, non pas le "vrai reste" - puisque le reste (le précédent) est très vrai et essentiel aussi horrible soit-il - c'est les réflexions, l'esprit, de ce (jeune) homme, sa volonté, sa force pour ne pas parler. "Incroyable" est un mot facile pour en parler. C'est bref, effrayant, déstabilisant, factuel. Une sensation de vertige et de peur. Un certain questionnement. Une volonté, celle ce Luciano Bolis, intellectuelle mais physique, qui dépasse... tout, qui dépasse la douleur, la peur, la solitude... tout. Qui résiste même dans son hospitalisation dans un état certainement plus catastrophique que ses mots ne le laisse paraître.

je vous laisse les premières lignes de ce témoignage singulier :

Cette chronique d'une aventure qui m'est arrivée à Gênes dans les derniers temps de la domination nazie-fasciste n'a pas de prétention littéraire, ni d'intentions apologétiques ou polémiques. Elle n'est donc pas une défense du suicide, ni un acte d'accusation contre l'ennemi et encore moins la valorisation d'un comportement, mais un simple exposé des faits et un éclaircissement des circonstances, alternant avec le rappel d'états d'âme et de pensées qui m'a semblé indispensable à la compréhension d'un épisode peut-être intéressant en soi; l'expérience d'un suicide manqué n'étant pas des plus courantes.
La valeur de cette histoire est donc l'authenticité absolue de ce qu'elle apporte, une authenticité que j'ai respectée justement à cause de l'urgence de vérité qui m'a incité à exprimer par des mots une expérience qui pouvait sembler impossible à raconter, à moi qui ne suis pas écrivain de métier. C'est ce même besoin de vérité qui m'a conduit à l'usage de la première personne, fastidieuse pour des raisons évidentes, mais que j'ai fini par accepter pour éviter d'inutiles artifices et m'exprimer avec davantage de naturel.


Deux passages extrêmement durs : les tortures et la tentative de suicide. Il y a une formidable humanité, jusque dans son regard sur ses bourreaux, et une vitalité stupéfiante.


... Ici s'arrête la récup.

Presque dix années après la lecture, les contours se sont brouillés mais pas ces deux lignes directrices : cet aperçu de la résistance italienne et surtout ce choc d'une situation anormale à plus d'un titre. C'est choquant.  Effrayant d'imaginer ne plus pouvoir s'appartenir dans ces dernières extrémités, derniers retranchements, dans des conditions pareilles. Et il raconte le pas qu'il a franchit. Son retour, l'énergie dont il fait preuve dans ce témoignage, sa lucidité sont un espoir. C'est inoubliable et terrifiant.



mots-clés : #autobiographie #captivite #deuxiemeguerre
par animal
le Mer 11 Jan - 22:48
 
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Sujet: Luciano Bolis
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Maurice Sachs

Le Sabbat

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Quel étrange destin que celui de Maurice Sachs, sa biographie offre l’image d’un salaud absolu. A lire « Le Sabbat », la réalité semble plus complexe. Cette autobiographie menée jusqu’à la fin des années 30 est une sorte de catharsis par laquelle Sachs cherche à comprendre comment il s’est trouvé entraîné dans un cercle infernal plongeant de plus en plus bas. Il est je pense sincère, lucide également, il ne tente pas de se disculper de ses erreurs sans pour autant s’auto flageller.
Son enfance est catastrophique, au sein d’une famille divisée. L’amour et l’admiration du jeune Maurice se portent alors vers des êtres qui ne le méritent visiblement pas. Toute sa vie il éprouvera un besoin d’affection et d’admiration, c’est en partie ce qui le perdra. Il a aussi de nombreux défauts, racontant ainsi comment très jeune il éprouva la volupté du vol. Il est faible et ne peut résister aux différentes tentations, celles du sexe, de l’alcool, de la grande vie qu’il a connu dans les années folles lorsque l’argent coulait à flots. L’un entraînant l’autre, Sachs multiplie les dettes, les détournements de fonds, les trahisons. Tour à tour secrétaire de Cocteau et de Gide, éditeur, marchand de tableaux, ses rêves de grandeur s’achèvent dans des déroutes absolues. Pourtant on se dit qu’il suffisait parfois de peu de choses pour qu’il en soit autrement. Sachs le sait et se promet à chaque crise de s’amender, en vain. Tardivement, il se rend compte que sa vocation est l’écriture, mais il paresse et papillonne autour des lumières de la fête. C’est probablement la fin qu’il sent proche qui le pousse à rédiger plusieurs livres dans une sorte de boulimie de ce qu’il a à dire. Son style est clair, précis, formé de longues phrases. « Le Sabbat » est un livre intéressant sur un milieu et une époque, le Paris des années folles, par la mise à nu d’une personnalité sensible, souvent attachante, avec pourtant de grandes zones d’ombre.


mots-clés : #autobiographie
par ArenSor
le Mer 11 Jan - 16:34
 
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Frederick Exley

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Le dernier stade de la soif

Frederick Exley écrit  brillamment son autobiographie, celle d’un homme peu brillant qui ne sait se dépêtrer de son questionnement existentiel autrement que dans la fuite, dans l’alcoolisme et l’apathie . De ces hommes invivables pour leur entourage, mais qui donnent de bons bouquins.

Si la lucidité de Exley lui permet de nous fournir des portraits caustiques de ses contemporains américains, elle ne lui permet malheureusement pas de tirer son épingle du jeu, car à part débiner les  autres ou en abuser,  et lui-même s’autodétruire, Exley n’a d’autre talent que sa plume. Cela donne un récit alerte et séduisant d’un homme qu’on a en même temps envie de plaindre et d’envoyer promener, un homme qui reconnaît lui-même son ambiguïté par rapport à un système qui le fascine mais qu’il exècre.

L’écrivain manipule son lecteur, mais pas plus que l’homme ne manipule son entourage : il ne sait transformer ses révoltes - mais aussi les mains tendues, finalement assez nombreuses, même si elles sont parfois maladroites -  qu’en effondrement.

C’est triste, triste. Que reprocher à cet homme mené par la fatalité de sa fragilité ? Mais qu’accepter de sa démission, qui n’est pas qu’autodestructrice ? Cette équivoque, où il ne manque pas de toucher  à la malhonnêteté, m'a assez souvent mise mal à l'aise mal à l’aise. Mais peut-être était-ce le but réel de ce livre?

(commentaire récupéré)


mots-clés : #addiction #autobiographie
par topocl
le Dim 8 Jan - 10:02
 
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John Clare

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Voyage hors des limites de l’Essex & autres textes autobiographiques

À l’époque du romantisme tardif, entre le Lenz de Büchner et l’Aurélia de Nerval, l’écriture autobiographique de John Clare (1793-1864) témoigne d’une volonté et d’une nécessité de préserver « l’identité propre », d’un combat mené contre une double aliénation, sociale et mentale.
Issu d’une famille « illettrée au dernier degré », ignorant orthographe et ponctuation, John Clare écrivit très tôt de nombreux poèmes dont certains furent publiés par John Taylor, le premier éditeur de Keats et Thomas de Quincey. Il fut cependant accusé de ne pas être l’auteur de son premier recueil. La célébrité atteignit pourtant le « poète-paysan », qui rencontra Coleridge et De Quincey à Londres, mais elle fut de courte durée, et les publications s’espacèrent. Sujet à des crises de plus en plus fréquentes dont l’origine remontait à l’enfance, Clare décida de se faire interner en 1837. C’est en s’évadant de l’asile en 1841 pour retourner chez lui et les siens, vivants et morts, qu’il rédigea les notes au rythme heurté, haché, du Voyage hors des limites de l’Essex. Recueilli quelque temps par sa véritable épouse, Patty, John Clare retourna finalement à l’asile et y resta jusqu’à sa mort en 1864, écrivant lettres et poèmes.

L'éditeur Grèges

Il est un des motifs qui revient dans London Overground de Iain Sinclair et à peine posé la question à mon libraire que j'avais le livre dans les mains. Parfois les lectures s'imposent.

Avec ce voyage on survole peut-être une oeuvre ou on la contourne puisqu'il n'y a que très peu de morceaux de la poésie de l'auteur, par contre on plonge au cœur du problème, ou du système, ou du sujet, selon la branche à laquelle on veut se raccrocher.

Pas de poésie mais une autobiographie fragmentée qui précède le Voyage. Une longue lettre adressée à son éditeur qui n'est pas une justification, pas non plus vraiment une explication, un témoignage pas forcément. Ca ressemble plus à un aveu, une mise à nu ou livraison à nu, une affirmation de soi pour ce poète qui n'aurait pas du l'être. Un homme qui n'aura peut-être jamais été tout à fait lui-même.

Dans l'exercice de sa profession de foi de poète comme dans sa vie sentimentale il semble à la fois coincé dans sa condition d'origine (sociale) et motivé par le fossé à franchir. Mais ça c'est en second. En premier lieu c'est l'affirmation. De la poésie, de la nature, du besoin de dire et d'écrire. De célébrer comme de créer sa propre planche de salut ?

Le texte respecte au mieux le manuscrit : absence de ponctuation, espaces pour marquer des séparations et sans syntaxe des articulations de phrases qui utilisent certains mots comme pivots. mots qui terminent une phrase en étant déjà le début d'une autre. Le rythme peut-être, un phrasé et la nudité du propos rappellent une voix comme celle de Pierre Rivière (ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère... ), ce que souligne d'ailleurs aussi le traducteur.

C'est par moments autre, incertain et néanmoins indiscutable.

Plus on s'approche du voyage plus se fait évident un phénomène de déconstruction-réassemblage de certains repères, temporels notamment et probablement une réécriture de soi qui n'en est pas exactement une de réécriture. Le sens "remplace" un autre sens antérieur ou "réel" pour les autres. Toujours est il que c'est dans cette ambiguïté qu'on ressent la continuité de la poésie, de sa poésie.

C'est le genre de lecture qui fait partie des voyages accompagnés à la frontière de nous-mêmes. Un autre rapprochement avec un auteur comme Stanislas Rodanski peut-être, des personnalités très différentes mais qui sont passées de l'autre côté de la barrière mais on écrit, se sont écrites et ainsi élevé le sens de ce geste. On peut se détacher de ce type d'expérience, il y a fatalement une pointe de vertige au bord de ce gouffre. Troublant et étrangement instructif.


mots-clés : #autobiographie
par animal
le Mer 4 Jan - 21:38
 
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Tim O'Brien

A propos de courage

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Alors qu’il n’avait pas encore 20 ans , Tim O’Brien après avoir bien réfléchi, décida de partir au Vietnam avec les autres. Il se dit qu'il ne pourrait plus regarder en face ses parents, ses amis, les gens de son village s'il ne le faisait pas. Il n'est pas sûr que cette décision lui ait réellement éét dictée par le courage…

À 43 ans, devenu écrivain et père de famille, Tim O'Brien nous livre sa guerre à travers de petits récits précis et oniriques. Ou plutôt l'histoire de sa guerre, car il a bien notion des distorsions que le temps, la volonté, la mémoire apportent à son récit. Il nous parle de l'ambiguïté de la guerre, cet enfer, cette terreur, et pourtant, l'étincelle du défi de l'aventure ; cette période insoutenable de sa vie qu'il a tant de mal à quitter. Il nous parle des amis qui ont partagé son quotidien, de l'insoutenable humour macabre qui seul leur permettait de tenir, de joies douces et éblouissantes au milieu de l'horreur boueuse, et surtout, surtout, de l'émerveillement d'être encore en vie après le combat.

   Une blessure devrait être une expérience dont on puisse retirer quelque fierté. Je ne veux pas parler de machisme. Tout ce que je veux dire c’est qu'on devrait être capable d'en parler : l'impact brutal de la balle, comme un coup de poing, la manière dont elle vous fait perdre le souffle et tousser, comment le bruit du coup de feu vous parvient environ 10 ans plus tard, et la sensation de vertige, l'odeur de soi-même, les choses que l'on pense et que l'on dit et que l'on fait immédiatement après, la manière dont le regard se focalise sur galet blanc ou sur un brin d'herbe et comment on se met à penser : Mon Dieu, c'est la dernière chose que je verrai jamais, ce galet, ce brin d’herbe, et ça vous donne envie de pleurer.


   Quelque chose était allé de travers. Quand j'étais arrivée dans cette guerre, j'étais une personne calme et réfléchie, diplômée d'une université, appartenant à la fraternité Phi BetaKappa et titulaire du tableau d'honneur, j'avais toutes mes lettres de créance mais, après sept mois dans la jungle, je réalisais que tous ces grands honneurs de la civilisation avaient été plus ou moins écrasés sous le poids de la banale réalité du quotidien. J'étais devenue méchant à l'intérieur de moi-même. Si ce n'est parfois un peu cruel. En dépit de toute mon éducation, de toutes mes excellentes valeurs libérales, je ressentais maintenant une immense froideur, quelque chose d'obscur et au-delà de la raison. C'était difficile à admettre, même pour moi, mais j'étais capable de faire du mal.


   C'était une plaisanterie éculée. D'ailleurs, tout était éculé. Le film, la chaleur, l'alcool, la guerre


   Ensemble nous comprenions ce qu'était la terreur : vous n’êtes plus humain. Vous êtes une ombre. Vous glissez hors de votre propre peau, comme lors d'une mue, abandonnant derrière vous votre propre passé et votre propre futur, laissant tout ce que vous avez jamais été ou souhaité ou cru. Vous savez que vous allez mourir. Et ce n'est pas un film et vous n’êtes pas un héros et tout ce que vous pouvez faire, c'est gémir et attendre


   Nous sommes maintenant en 1990. J'ai quarante trois ans, ce qui aurait semblé impossible à un élève du huitième, mais cependant lorsque je regarde des photos de moi tel que j'étais en 1956, je réalise que dans les grandes lignes je n'ai pas changé du tout. On m’appelait alors Timmy ; maintenant on m’appelle Tim. Mais l’essence reste la même. (…). À l'intérieur du corps ou à l'extérieur du corps, il y a quelque chose d'absolu et de constant. La vie humaine est une chose cohérente, comme une lame traçant des arabesques sur la glace : un gamin, un sergent d'infanterie de vingt trois ans, un écrivain entre deux âges ayant connu la culpabilité et le chagrin.



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(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #guerre
par topocl
le Dim 1 Jan - 17:21
 
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Sujet: Tim O'Brien
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Daniel Pennac

J'aime beaucoup Daniel Pennac. Comme un roman est un livre culte pour moi. Les Malaussènes, c'était quelque chose! J'avais été un peu déçue par

Journal d’un corps


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Qu'on se le dise, Daniel Pennac ne veut plus entendre parler de sentiments, d’émotions ou d'opinions, et, quand il fait écrire à son héros un journal, ce n'est pas le classique journal intime , c'est le  « journal d'un corps » où il recense scrupuleusement le vécu et les sensations de celui-ci à l'exclusion de tout sentimentalisme ou intellectualisme. D’aucuns disent que c’est révolutionnaire, que cela n'a jamais été fait. Mais est-ce que ça n'a jamais été fait de parler de sexe, et de petites misères physiques ? Est-ce que c'est révolutionnaire de parler de la crotte de nez que l’index décolle soigneusement de la narine, roule doucement contre le pouce avant de l'éjecter en direction du sol ? Est ce que là il ne fait pas simplement un peu son malin, à jouer la provoc ? Regardez comme j’arrive à écrire sur n’importe quoi ! Ca ne me choque pas, cela m’ennuie et cela ne me parait pas génial. Si « cela n’ a jamais été fait »  comme cela se disait avec enthousiasme au Masque et la plume, ce n’est peut-être pas sans raison, parce que ça n’a guère d’intéerêt..

Il est certain que j'exagère, que je caricature. L'absence de pudeur comme un défi ? Il n'y a là  que du descriptif, rien de vraiment excessif, et contrairement à ce que j'avais pu redouter avant ma lecture (appréhension qui est partagée par beaucoup je crois) ce livre ne doit pas effrayer. Il n’est ni choquant, ni salace, ni vulgaire, ni trash, je l’ai plutôt trouvé  un peu VAIN par rapport à l’objectif annoncé. Certes brillant, Pennac a des capacités d’écriture, d’intelligence et d’humour qui ne se démentent pas ici. Il y a des passages auxquelles on adhère complètement, brillants , percutants parfois même éblouissants, des choses touchantes (c’est dans le touchant qu’il est le meilleur, bien meilleur que dans le trivial,. Je note aussi que les moments les plus touchants sont ceux où il s’écarte un peu , consciemment ou non , de son pari initial pour laisser parler son cœur ou son cerveau à la place de son corps) .


Cela a un petit côté catalogue, j’ imagine Pennac faisant la liste de toutes les choses dont il veut parler autour du corps (on trouve d’ailleurs cette liste dans l’index de la fin du livre, comme si j’allais rechercher toutes les pages du livre où il  a parlé de…la varicelle, par exemple , ou des poils…), et cochant sa liste chaque fois que l’un de  ces sujets a donné lieu a un développement (je regrette qu’il ait oublié le baiser). Cette sensation de liste est aggravée par la présentation sous forme de journal, avec de multiples petites entrées et sans lien narratif fluide. Il me manque un souffle. Cet homme réduit à son corps est totalement… désincarné !
Peut-être parce que je ne peux me passer d’un peu de cœur derrière le corps ?

Donc d’excellents moments pour un exercice que j’ai trouvé plutôt démonstratif et artificiel. Un défi que Pennac s’est lancé , qu’il a réalisé du mieux qu’on peut le faire, un exercice talentueux, mais qui sonne assez creux
Un peu d’âme par pitié, ne serait pas du luxe !


mots-clés : #autobiographie
par topocl
le Dim 1 Jan - 11:29
 
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Daniel Pennac

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Chagri10


Chagrin d'école

Ce livre est plus un documentaire qu'un roman. L'auteur endosse tout à tour le statut d'élève cancre et celui d'enseignant. Un témoignage lucide et honnête sur les affres du cancre et, sans complaisance, sur certains enseignants qui les ont laissés s'installer dans un «non-avenir». Un constat de l'échec de l'Education Nationale par déficit de formation : l'ignorance des Enseignants devant les élèves ignorants. La transmission du savoir pour être efficace doit intégrer les problèmes sociaux, économiques, environnementaux... L'auteur dénonce notamment la prépondérance de la consommation qui fait de l' élève un «élève-client» donc une perte de l'élève Individu au profit de l'élève Marketing. La métaphore finale résume dans une envolée l'essentiel de la méthode que l'auteur enseignant honore. Quelques passages répétitifs mais la lecture de ce livre est agréable, c'est avec tendresse, humour et honnêteté que l'auteur nous délivre son message. De plus ce récit est très argumenté.

quelques passages :

«- les profs, ils nous prennent la tête, m'sieur !

- tu te trompes. Ta tête est déjà prise. Les professeurs essayent de te la rendre.
Cette conversation je l'ai eue dans un lycée technique de la région Lyonnaise. Pour atteindre l'établissement il m'avait fallu traverser un no man's land d'entrepôts en tous genres où je n'avais rencontré âme qui vive. Dix minutes de marche à pied entre de hauts murs aveugles, des silos de béton à toit de fibrociment, c'était la jolie promenade du matin que la vie offrait aux élèves logés dans les barres alentour.»


«- et toi Samir, qu'est-ce que tu portes, là ?

Même réponse instantanée :

-C'est mon L, m'dame !
Ici j'ai mimé une agonie atroce, comme si Samir venait de m'empoisonner et que je mourais en direct  devant eux, quand une autre voix s'est écriée en riant :

- Non, non c'est un pull ! Ca va m'sieur, restez avec nous, c'est un pull, son L c'est un pull !

Résurrection :

-Oui c'est son pull-over, et même si pull-over est un mot d'origine anglaise, c'est toujours mieux qu'une marque !

[...]

parce que ce sont les marques, Maximilien, qui vous prennent la tête, pas les profs !
Elles vous prennent votre tête, elles vous prennent votre argent, elles vous prennent vos mots, et elles vous prennent votre corps aussi, comme un uniforme elles font de vous des publicités vivantes, comme les mannequins en plastique des magasins!»



mots-clés : #autobiographie
par Bédoulène
le Dim 1 Jan - 10:06
 
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Gyula Illyès

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Produc13

Ceux des Pusztas

Qu’est une Puszta ? un domaine : un château où vit soit un aristocrate, un membre de l’église ou un régisseur, au gré des siècles ou des années et autour sous leur responsabilité, mais à distance respectable, car dérangeantes, des familles vivant dans une grande promiscuité  dans un long bâtiment scindé en pièces, s’y ajoutent les bâtiments indispensables à la vie d’une ferme, étable, porcherie etc.
C’est dans une grande misère qu’au début du 20ème siècle ces domestiques agricoles vivent exploités par les propriétaires du domaine, à l’écart des villages, du reste de la Hongrie. L’auteur est né dans une de ces pusztas, s’il raconte la vie de sa famille c’est simplement pour faire connaître au monde, et  honorer à travers eux tous les habitants des pusztas.

Dans les pusztas aussi, il y a une hiérarchie sociale, les Bergers sont par exemple d’une classe supérieure et les statuts sont hérités par les fils : le fils d’un valet ne sera à son tour que valet etc.
La plupart des gens des pusztas  ont pour origine les Magyars, il ne faut donc pas s’étonner qu’ils aient malgré des siècles conservé les traits de caractères de cette tribu. (Je reprends un passage de la LC 13ème tribu car là aussi étaient les Magyars : Les Magyars qui ont été les alliés des Khazars, de nombreuses années ont reculés (harcelés par les Pétchénègues) à l'ouest jusqu'au territoire actuel de la Hongrie)

L’auteur rappelle les différentes invasions subies par la Hongrie et les dates importantes de l’Histoire.
J’apprécie que l’auteur ne se dérobe pas quand il avoue qu’ après avoir vécu en dehors de la puszta, à l’étranger, qu’à son retour dans le foyer familial il soit lui aussi dérangé par l’atmosphère prégnante, difficilement supportable.
Il explicite les conditions de vie de ceux de la puszta en citant les textes de lois et des documents comme les « conventions » qui un temps liaient les domestiques agricoles au propriétaire du domaine. Souvent personne parmi les domestiques agricoles ne peut bénéficier des « avancées » sociales inscrites dans les lois.

La génération des grands-parents de l’auteur restait aussi esclave après la guerre d’Indépendance qu’avant ou pendant celle-ci.
Lorsque les parents de l’auteur quittent la puszta pour habiter une maison dans un village la mère et le fils sont apeurés par toutes les habitations, ils craignent les villageois, se cachent.
Alors qu’ils se rendent avec appréhension dans une mercerie acheter du fil :

« Nous rapportons la bobine de fil en souriant, comme si elle était un trophée de victoire.
C’ est alors que nous avons pris conscience vraiment que nous étions des gens d’une puszta. »


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Ce récit rend justice à ceux des puszta et représente pour l’auteur je pense un rachat pour les années où il n’ a pas mesuré l’importance qu’ils avaient pour lui, pour la force et l’humanité dont il a hérité de ce lieu de vie. Il s'agit d'une bonne lecture! Je poursuivrai avec un petit texte de cet auteur.

Extraits :

« Le droit de participer aux affaires nationales se trouvait lié à la propriété terrienne : l’histoire de la Hongrie était donc celle des grands propriétaires ; le compte-rendu de leurs querelles. »

« Combien l’évolution historique est rapide chaque fois qu’elle peut se faire dans un sens inhumain ! »

« Bien sûr le servage a été aboli en 1848 et le Parlement a supprimé les droits féodaux. C’eût été très beau de sa part, s’il l’avait fait plus tôt. Dans ce cas là, la noblesse aurait mérité le qualificatif de magnanime, mais étant donné qu’elle avait pris ces mesures, acculée et morte de peur, elle n’a pas le droit d’y prétendre. »

« Malheureusement, il ne leur était pas donné souvent de devenir des êtres humains. Les blasphèmes et les rixes réveillent l’ambiance des pusztas plus souvent que les rires. »

« Moi, j’avais des ennuis surtout avec mon odorat, ce qui n’ a pas échappé à la perspicacité de ma grand-mère. Elle ne me reprochait ni ma lavallière, ni mes souliers cirés d’une façon ostentatoire ; mais elle observait, avec inquiétude et méfiance, mon idée fixe de l’aération. « Ferme donc cete fenêtre, disait-elle en croisant frileusement sur la poitrine son vieux châle tricoté. Ne peux-tu même plus supporter notre odeur ? » Effectivement, je la supportais mal et j’en rougissais. Je me faisais d’amers reproches, je me santais un traître. »

Je dirais que l'affectif a amené l'objectif mais comme le dit Louis Guilloux dans l'intéressante préface

«En lisant Ceux des pusztas, on sent partout que l'auteur lui-même paysan par naissance, l'est resté aussi par sa manière de savoir et de voir, de dire, qu'il a hérité des qualités foncières des paysans de tous pays qui sont la prudence, l'exactitude dans le jugement, l' honnêteté quand il s'agit d'expliquer les choses ou de prévoir le Temps qu'il fera.»

«Avant  d'être bonne ou mauvaise, une chose est vraie ou elle ne l'est pas. Gyula Illyès ne triche jamais. On ne triche pas avec l'évidence. Si on se pose en témoin, on ne triche pas non plus avec soi-même. On fait attention. L'art de Yula Illyès en fait à chaque instant la preuve.»


Un autre extrait car je pense qu'il faut connaître la vie de ces gens :

«La nature procède par bonds, le processus de réadaptation ne se fait pas sans excès. Il a fallu que j'échoue sur les rives de l'océan atlantique, que je fasse l'orateur enflammé aux réunions des débardeurs noirs de Bordeaux, avant de comprendre les raisons qui m'avaient mis en route. Il a fallu que je retourne souvent chez moi, en rechignant, que je trouve non seulement les étables et les bicoques sans charme, mais même les couchers de soleil de la puszta plus tristes qu' ailleurs, avant de pouvoir y rapporter mon coeur. Ensuite, il a fallu du temps pour que mes yeux voilés par l'amour fanatique de la paysannerie et l'enthousiasme des enfants prodigues rentrant au bercail, s'ouvrent et contemplent le paysage dans sa réalité. Les vallées et les collines me connaissaient mieux que je ne les connaissais»

La 4ème de couverture explique l'intérêt du récit suivant, Déjeuner au château :

«Complément indispensable, où, à travers les rapports complexes qui se sont établis entre les aristocrates déchus et leurs anciens domestiques, se dessine, sur l'ancien tableau en ce qu'il a de permanent la figure nouvelle des pusztas.»


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Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 31emlp10

Le déjeuner au château

L'auteur à présent «reconnu» fait des séjours au château de la puszta de son enfance, il est invité par le dernier propriétaire le Comte au château de Ürgöd car le seigneur de la puszta n'y vivait pas. À la réforme agraire de 1945 les terres des aristocrates ont été redistribuées aux paysans, domestiques agricoles qui travaillaient pour beaucoup depuis plusieurs générations pour les seigneurs des pusztas. Ce passage des terres est appelé "la relève". Le Comte se retrouve donc hébergé par son ancienne secrétaire et ne dispose que d'une surface très modeste.


«L'aristocratie Hongroise, dépouillée de ses terres, a vécu une expérience curieuse : elle s'est approchée de l'humain.»

«Depuis des siècles, l'aristocratie hongroise redoutait la couche de la population à qui elle devait ses fabuleux privilèges  - ceux qui travaillaient sur ses terres la faisaient trembler. D'ailleurs cette peur hystérique était justifiée. Les grands propriétaires méprisaient, opprimaient le peuple, avec une rigueur qui dépasse l'imagination. Jadis les manants étaient mieux traités.»


Ce déjeuner est l'occasion pour l'auteur d'une joute verbale avec celui pour lesquels ses grands-parents et parents travaillaient. Le Comte essaie de convaincre Illyès de sa proximité avec le peuple paysan en flattant son grand-père berger, lequel était apprécié, mais l'auteur mène la conversation, à chaque tentative du Comte sur le grand-père de la Princesse (la femme du Comte) Metternich qui a inculqué à sa petite fille, la peur du Hongrois.

«Elle jeta un regard embrasé sur son mari, puis sur moi aussi . L'angoisse brillait au fond du brasier. Ce n'est pas la surdité qui l'empêchait de répondre.»

Je l'ai rassurée; le peuple Hongrois, tout au moins la partie du peuple qui sème et laboure les champs voisins, n'éprouve pas les sentiments de rancune incoercible à l'égard du noble chancelier que ses cauchemars lui faisaient croire. Et, pour la première fois, le démon de la familiarité insolente des subalternes s'exprimait par ma voix :

«Grand-papa exagérait !»

L'auteur qui est retourné sur la puszta pour écrire dans un lieu tranquille (son étude de la puissance sur la psychologie), explique à son hôte qu'il n'est intéressé que par l'état psychologique des aristocrates. Le Comte pense que l'aristocratie a contribué à faire l'Histoire ; Illyès lui répond qu'«Ils ont guidé cette nation vers l'une des plus sanglantes catastrophe de son Histoire.»

C'est à l'aide d'exemples que l'auteur fait entrevoir au Comte les exactions, les turpitudes, les actions les plus saugrenues des aristocrates sur le peuple des pusztas. Nombres d'aristocrates sont morts, délaissés par leurs anciens domestiques, ne sachant ni s'habiller, se nourrir etc.... «être servi à ce point devient une servitude» Seule une tranche plus en phase avec la Nature, donc plus proche du peuple paysan a été soutenu et a pu se reconvertir.

La secrétaire à propos d'une parente démunie du Comte -«Pourquoi ne regretterait-elle pas ce qu'elle possédait légalement, puisqu'elle en avait hérité?»

Silence. Un silence légèrement accusateur qui m'incitait à répondre :

- Je crois qu'on ne peut hériter légitimement l'injustice.

Le Comte : Et si vous aviez hérité une ferme ?

- Hériter un outil de travail, à l'usage personnel, c'est différent. Hériter un moyen d'exploitation, c'est illégitime, puisqu'on avait déjà dû le prendre à la communauté de manière illégitime.

L'intervention de la parente du Comte relevant certainement d'un état pathologique l'auteur a hâte de quitter le château mais comme le Comte le pique encore c'est sur une correction grammaticale vexante pour ce dernier qu'Illyès prend congé de l'«aristocratie»!

Le Comte : - Vous aviez dit que vous étiez le dernier Petchenègue qui en ait conscience !

Pour la première fois, le rire du Comte était dur et son ton n'admettait pas de contradiction.

- Le dernier Petchenègue qui en eût conscience, aurais-je dit, monsieur le Comte.

Conclusion d'Illyès : «Une gifle vieille de cinq cents ans, a dû m'être rappelée par un de mes gènes, ce coup de malotru devait être sa réaction.»

Je le regrette.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

C'était une lecture intéressante car contradictoire avec Ceux des pusztas. Par l'Histoire qui y est intégrée, par la connaissance des deux peuples, celui des paysans et celui de l'aristocratie.



mots-clés : #autobiographie #social
par Bédoulène
le Dim 1 Jan - 0:56
 
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Klaus Mann

Le tournant

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 12 Image226

Le tournant m'a narguée, tentée, m'a été proposé plusieurs fois et pourtant, j'ai renâclé. Et j'avais tort. Malgré ses 700 pages, ses centaines de personnages cités, cette autobiographie se lit avec passion, qu'on s'attache au portrait d'un homme ou au portrait d'un siècle.

Deux superbes chapitres racontent une enfance munichoise heureuse, pleine de tendresse. Puis le jeune homme  croque la vie à belles dents entre jouissance et désespoir, toujours parti, écrivain insatiable à l'ombre de son père, membre d'une jet-set européenne avide de culture.


« un vieil individualiste, un vagabond, non dépourvu de tendances excentriques et anarchistes »


L'exil forcé qu'il subit sous la menace du nazisme en tant qu'opposant au régime transforme ses voyages de plaisir en une errance dévastatrice, et déclenche un militantisme forcené : Klaus Mann prend sa canne de pèlerin, informe, explique, convainc et finit , lui, le pacifiste, par s'engager dans l'Armée américaine.
A travers son histoire personnelle (qui refuse tous les détails croustillants), c'est bien sûr l'histoire du monde qui se déroule.

C'est vraiment un bouquin impressionnant, et qui parle tout autant de notre époque, si comparable quand on veut bien y porter attention, et c'est assez terrible.


Quelques citations de le Tournant, correspondant à la période 1923-24:

   « La crise morale et sociale au centre de laquelle nous nous trouvons, et dont la fin ne semble pas encore prévisible, était pourtant bien, déjà en ce temps-là, en plein développement. Notre vie consciente commençait à une époque d'incertitude oppressante. Alors que tout, autour de nous, se crevassait chancelait, à quoi aurions-nous pu nous raccrocher, selon quelles lois aurions-nous  dû nous diriger ?"

   
   «Nos poètes à nous, nous transmirent le dédain de l'intellect, la préférence accordée aux valeurs biologiques et irrationnelles aux dépens des valeurs morales et rationnelles, la survalorisation du somatique, le culte de l'Éros. Au milieu de la vacuité et de la désagrégation générale, rien ne semblait avoir une réelle importance que le voluptueux mystère de notre propre vie physique, le miracle sensuel de notre existence terrestre. En présence d'un Crépuscule des Dieux qui mettait en question l'héritage de deux millénaires,  nous cherchions un nouveau concept de base pour notre pensée, un nouveau leitmotiv pour nos chants, et nous trouvions « le corps, le corps électrique »."

   
 
« La glorification des vertus physiques  perdait à mes yeux toute espèce de charme et toute force de persuasion, quand elle s'alliait à un pathos héroïque et militant, ce qui était, hélas, souvent le cas. Je ne comprenais d'ailleurs absolument rien aux fanatismes sportifs, qu'il nous faut considérer comme un autre symptôme – peut-être le plus  important ! - de l'état d'esprit anti spiritualiste de l'époque. Qu'est-ce que les gens pouvaient bien trouver de si excitant et de si merveilleux à des combats de boxe et à des matchs de football ? Je ne les comprenais pas… »


   « Ce n'était pas à la conscience et à la réflexion qu'aspirait cette société vidée de son sang et désorientée ; ce que l'on voulait, c'était bien plutôt oublier  - la misère présente, la peur de l'avenir, la faute collective... »


   « Ces messieurs Krupp et Stinnes se débarrassent de  leur dette : ce sont les petits qui payent. Qui donc se plaint ? Qui proteste ? Tout cela, c'est à se tordre, c'est à crever de rire, c'est la plus grande rigolade de ce qu'on appelle l'histoire du monde ! »



... qui me terrifient car elles me font furieusement penser à la période actuelle,( bien que le contexte soit différent), et qu'on sait comment ça a fini.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #historique #regimeautoritaire
par topocl
le Sam 31 Déc - 10:09
 
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Sujet: Klaus Mann
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