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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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65 résultats trouvés pour colonisation

Alice Zeniter

L'art de perdre

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Il y a Ali, le maître incontesté du clan, un kabyle qui a trouvé un certaine richesse. Il a donné deux ans de sa vie pour la France, pendant la guerre. il n'en a jamais parlé. Au moment de la guerre d 'Algérie, il a choisi le "mauvais" côté (choisi? le "choix" d'être "protégé d'assassins qu'il déteste par d'autres assassins qu'il déteste") et il a du fuir la vengeance du FLN en 62, avec sa famille et guère de bagages.
La France l'a "accueilli" dans un camp, sous une tente, puis dans des baraquements , et des années après, quand on lui a attribué un appartement, c'était à des centaines de kilomètres de là. Il a continué à se taire.

Son aîné Hamid a grandi dans cette misère et ce renoncement, puis  s'est peu à peu détaché, "émancipé" dit-on, il a mis une distance, a construit autre chose, l'islam se perd en route.. Mais lui aussi s'est toujours tu sur son passé et ses blessures. "Il a confondu l'intégration avec la technique de la terre brûlée".

Sa fille ainée Naïma, qui a été nourrie à ce silence, a longtemps fait comme si de rien n'était. mais c'était là, évidement, l'histoire était là, incrustée d'Histoire,  les haines autour d'elle persistaient, et il a bien fallu une espèce de retour, même si

-Ce qu'on ne transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n’est pas chez toi.


Il s'agit donc du récit de ces pertes diverses mais semblables, auxquelles  chaque génération donne sa problématique propre. Ces pertes chacun  les mène  avec son art propre, silence ou parole, avec ou sans bonheur, mais vaille que vaille, chacun à sa façon.

Tout cela donne un beau roman, quoique un peu appliqué dans le style, sans doute un peu trop sage dans la forme, mais dont l'intelligence humaine et géopolitique portant sur tout un siècle font que je lui "pardonne". Il y a pas mal de maladresses, surtout dans la première partie où, comme églantine, j'ai du mal à entrer et sentir les personnages incarnés. Dans ce début,  Alice Zeniter ne sait pas trop jouer de l’œil de Naima sur l'histoire de ses ascendants (soit trop soit pas assez présent) , adopte par moments un discours plus documentaire que romanesque. Et puis,, quand la révolte de Hamid se construit, la sauce a fini par prendre pour moi, et je me suis attachée à ces hommes et ces femme que je ne connaîtrai jamais (même si je les ai parfois ne face de moi), mais que l'auteur m'apprend à connaître au delà de mes  (nos)idées toutes faites.

Il y a beaucoup à apprendre, bien au delà des seuls faits dans l'art de perdre.
Car  l'extrême talent  d'Aiice Zeniter est  de faire de cette histoire que d'aucuns pourraient trouver simple (les harkis, l'immigration maghrébine, et les générations suivantes) ou en tout cas plus simple qu'elle n'est, tout un nœud de complexités,  de contradictions, de nuances, un nœud inextricable mais qui permet de voir l'autre aussi différent qu'il soit, comme un possible - et un possible souffrant.  C'est un appel vivant à une compréhension mutuelle.

mots-clés : #colonisation #devoirdememoire #exil #guerredalgérie #historique #identite #relationenfantparent
par topocl
le Jeu 17 Mai - 10:38
 
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Sujet: Alice Zeniter
Réponses: 35
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Jérôme Ferrari

A fendre le cœur le plus dur
avec Oliver Rohe
Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Fendre10

Ce texte est paru, initialement aux Editons Inculte dont Olivier Rohe est l'un des créateurs,   dans le cadre de l'exposition éponyme qui exploite des archives mêlant  photographies et textes d'un écrivain-reporter de guerre, Gaston Chérau, envoyé en Libye lors de la guerre italo-turque en 1911. Quelques photos reproduites donnent un reflet de ce terrible corpus de plus de 200 clichés.

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Chyrau10

Passée la sidération de la découverte de clichés reproduisant la pendaison de 14 rebelles dans une mise en scène soigneusement organisée, les auteurs les mettent en perspective avec le reste du corpus, et  réfléchissent  à la propagande photographique en temps de guerre, et au sens à décrypter à travers ces cliches, à la question de la représentation de la  violence dont l'obscénité même justifie, ici, la nécessité.

Ce texte est constitué de petits chapitres qui lui donnent un côté un peu disparate. Il laisse un petit goût de superficialité cachée derrière une rhétorique pompeuse, qui le mène parfois à la limite de l'obscur. On regrette que la seule réflexion soit mise en avant, au détriment d'une connaissance du photographe, Gaston Chérau, dont la position face à ces clichés n'est que vaguement ébauchée (à tel point qu'on ne peut savoir si elle s'appuie sur l'analyse des documents écrits, ou s'il s'agit d'une interprétation des auteurs). Il n'en demeure pas moins qu'il pose de bonnes questions, fait émerger des documents jusque là oubliés quoique primordiaux, et qu'on y trouve quelques idées à glaner. L'exposition devait être passionnante!

mots-clés : #colonisation #essai #guerre #violence
par topocl
le Jeu 15 Fév - 13:33
 
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Sujet: Jérôme Ferrari
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Oliver Rohe

A fendre le cœur le plus dur
avec  Jérôme Ferrari
Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Fendre10

Ce texte est paru, initialement aux Editons Inculte dont Olivier Rohe est l'un des créateurs,   dans le cadre de l'exposition éponyme qui exploite des archives mêlant  photographies et textes d'un écrivain-reporter de guerre, Gaston Chérau, envoyé en Libye lors de la guerre italo-turque en 1911. Quelques photos reproduites donnent un reflet de ce terrible corpus de plus de 200 clichés.

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Passée la sidération de la découverte de clichés reproduisant la pendaison de 14 rebelles dans une mise en scène soigneusement organisée, les auteurs les mettent en perspective avec le reste du corpus, et  réfléchissent  à la propagande photographique en temps de guerre, et au sens à décrypter à travers ces cliches, à la question de la représentation de la  violence dont l'obscénité même justifie, ici, la nécessité.

Ce texte est constitué de petits chapitres qui lui donnent un côté un peu disparate. Il laisse un petit goût de superficialité cachée derrière une rhétorique pompeuse, qui le mène parfois à la limite de l'obscur. On regrette que la seule réflexion soit mise en avant, au détriment d'une connaissance du photographe, Gaston Chérau, dont la position face à ces clichés n'est que vaguement ébauchée (à tel point qu'on ne peut savoir si elle s'appuie sur l'analyse des documents écrits, ou s'il s'agit d'une interprétation des auteurs). Il n'en demeure pas moins qu'il pose de bonnes questions, fait émerger des documents jusque là oubliés quoique primordiaux, et qu'on y trouve quelques idées à glaner. L'exposition devait être passionnante!

mots-clés : #colonisation #essai #guerre #violence
par topocl
le Jeu 15 Fév - 13:32
 
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Sujet: Oliver Rohe
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Alexis Jenni

Alexis Jenni
Né en 1963

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Jenni11

Alexis Jenni, né en 1963 à Lyon, est un écrivain français. Il a reçu le prix Goncourt 2011 pour son premier roman, L'Art français de la guerre.

Alexis Jenni a passé son enfance et suivi sa scolarité à Belley, dans l'Ain. Titulaire d'une agrégation, il exerçait en tant que professeur de sciences de la vie et de la Terre au lycée Saint-Marc de Lyon.

Son premier roman publié, L'Art français de la guerre, reçoit un accueil souvent élogieux. Il figure dans la première sélection du prix Médicis, ainsi que dans celle du prix Femina. Il reçoit finalement le prix Goncourt le 2 novembre 2011.
Des réactions réservées, voire hostiles, sont néanmoins enregistrées, comme dans le magazine Les Inrocks où Nelly Kaprièlian écrit notamment : « Ce Goncourt 2011, l'avènement du toc contre la littérature  ».

source : Wikipédia

Bibliographie :

L'Art français de la guerre, Gallimard, 2011
Élucidations. 50 anecdotes, Gallimard, 2013
Le Monde au XXIIe siècle, utopie pour après demain (collectif), PUF, 2013
Son visage et le tien, Albin Michel, 2014
Jour de guerre, reliefs de 1914-18, Éditions du Toucan, 2014
La Nuit de Walenhammes, Gallimard, 2015
Les Mémoires dangereuses, (avec Benjamin Stora), Albin Michel, 2016




Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Images46

Je referme L'art français de la guerre d'Alexis Jenni.
Quelqu'un l'a-t-il lu?

L'Art français de la guerre est un roman d'Alexis Jenni publié le 18 août 2011 aux éditions Gallimard et ayant reçu le prix Goncourt la même année.

L'histoire se concentre sur la vie du narrateur dont le nom n'est pas précisé, jeune homme désœuvré habitant la banlieue lyonnaise, et sa rencontre avec Victorien Salagnon, un vétéran des guerres d'Indochine et d'Algérie. Les deux hommes vont se lier d'amitié et Victorien Salagnon va initier le jeune narrateur à la peinture tout en lui livrant ses souvenirs sur son passé de militaire.
La narration alterne entre des passages se déroulant dans le passé racontant les expériences de Victorien Salagnon pendant la guerre et des passages dont l'action est contemporaine qui présentent l'évolution du narrateur ainsi que ses réflexions sur la France, ses rapports à l'armée, son héritage colonial ou encore son racisme ambiant.

Un livre touffu comme les forêts d'Indochine... Intéressant, mais je suis heureuse d'en sortir... vivante!


mots-clés : #colonisation #guerre
par Plume
le Sam 26 Aoû - 22:31
 
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Sujet: Alexis Jenni
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Arno Bertina

Des lions comme des danseuses

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 51unlt10

C'est une petite pochade sous forme de nouvelle qui démonte astucieusement les vols culturels exercés en leur temsp par le colonialisme, et le  paternalisme persistant de nos décideurs culturels. C'est la révolte amusée des rois africains, qui réclament la gratuité pour les ressortissants africains qui veulent aller admirer "leurs" œuvres d'art en France, qui met un grain de sable dans l'engrenage et définit par démonter tout le capitalisme.
Aussi bref que jouissif, plein  d'humour impertinent et d'intelligence pétillante, écrit avec une ironie adaptée à la chose, ce cours opuscule donne envie de mieux connaître Arno Bertina.


mots-clés : #colonisation
par topocl
le Jeu 3 Aoû - 16:23
 
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Sujet: Arno Bertina
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Peter Matthiessen

En liberté dans les champs du Seigneur

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 En_lib10

Martin et Hazel Quarrier, missionnaires protestants, arrivent avec leur jeune fils Billy dans une bourgade écartée de l’Oriente, Madre de Dios. Accueillis par leurs prédécesseurs Leslie et Andy Huben, ils viennent pour « moissonner » une tribu de la sylve amazonienne, les Niarunas, jusque-là réticents à se laisser convertir/ civiliser/ pacifier. Dans leur lutte contre Satan à grand renfort de citations tirées des Saintes Écritures, les missionnaires sont de suite confrontés à l’Opposition, i.e. les papistes, représentés par le père Xantes, et à Guzman le comandente corrompu qui souhaite faire exterminer les Niarunas par deux pilotes hors-la-loi américains : le froid métis cheyenne Lewis Moon qui use de l’ayahuasca ("la Vigne de Mort", psychotrope des chamanes locaux) et son ami, le Juif Wolf (un bel éventail de croyances "religieuses"). Voilà les personnages principaux, avec les Amérindiens Uyuyu ou Yoyo et Kori, obséquieux truchements indigènes déjà « moissonnés », puis Tukanu, leur pendant, Boronai, le chef de tribu, le farouche et hostile Aoere, enfin Pindi, future partenaire sexuelle de Moon.

Accompagnés de militaires quechuas, les deux couples de missionnaires gagnent la mission avancée de rio Espiritu, peu éloignée de l’ultime bourgade Remate de Males (« Apogée de tous les maux »), et où a été massacré récemment le prêtre catholique Fuentes. Moon a rejoint les Niarunas en parachute, concentrant en abyme le choc des deux cultures, pour y connaître sa renaissance. Les épisodes de son histoire sont décalés en contrepoint de l’approche des missionnaires, ce qui éclaire la rencontre des deux mondes contrastés, leur incompréhension mutuelle. Le petit Billy, le seul peut-être qui eut un regard ouvert sur le monde, décède de complications du paludisme, tandis que les pudibonds missionnaires sombrent dans la confusion et la discorde (seule la naïveté est bien partagée). Via Moon, la trop séduisante Andy transmet la grippe à Pindi, qui en meurt après avoir donné naissance à Nouvel Être (peut-être issu de Moon). La présence "démoniaque" de ce dernier chez les Niarunas (intégré sous le nom de Kisu-mu, soit Jésus), détermine Leslie à réclamer une expédition punitive contre ceux qu’il voulait évangéliser, plutôt que de leur fournir les médicaments dont il dispose contre l’épidémie d’influenza. Kisu-mu décide de les confédérer les Niarunas contre Guzman, et je ne dévoilerai pas plus loin les nombreuses péripéties de cet imbroglio.

Il y a des descriptions superbes (la bagarre Guzman/ Wolfie, les hallucinations de Moon, etc.), et j’ai pensé à Malcolm Lowry dans certains contextes (surtout au début et à la fin) ; on se souvient souvent aussi de Conrad.
Muraille qui observe les missionnaires, la jungle environnante reste indescriptible, mais qualifiée de pertinentes épithètes.
L’habileté du déroulement, les personnages très fouillés et la finesse des observations font de ce livre très documenté une réflexion fort pertinente et passionnante de la non-rencontre avec lesdits sauvages.
Je voue une vieille haine au prosélytisme sous toutes ses formes, mais dans cette "fiction" de l’incommunicabilité il me paraît impossible de prendre vraiment parti, tant la misère et la souffrance sont bien partagés.

« Une fois le contact établi avec les tribus sauvages, Leslie se proposait de leur donner le goût des tissus, des perles, des miroirs et des fers de hache. Lorsqu’ils ne pourraient plus s’en passer, ils seraient tout naturellement vulnérables à la parole de Dieu, et les conversions ne seraient plus qu’une question de temps. C’était une technique de base, employée par les missionnaires dans le monde entier, mais qui pour Quarrier avait des relents de coercition. En quoi différait-elle, avait-il demandé à Leslie, de l’emploi systématique de l’alcool suggéré par le Syrien de Remate, et que Huben avait dédaigné ? Que cela fût baptisé pression économique ou corruption, Jésus aurait-il approuvé ? Il suffisait de regarder les gens de Remate ; était-ce cela le salut ?
Des victimes de l’Opposition, répondait Ruben. […]
…] l’extinction valait mieux, beaucoup mieux que l’état de péché. » (XII)

« Moon leur demanda pourquoi ils tenaient tant à se peindre le corps. "Ça me protège de la chaleur et des insectes", dit Tukanu. Et Pindi : "C’est pour reconnaitre Pindi quand je me regarde dans la rivière." Mais Aoere s’expliqua avec passion : "Nous sommes nus et nous n’avons rien ! C’est pourquoi nous devons nous parer, car sinon, comment pourrait-on nous distinguer des animaux ?"
C’était donc cela. La chose intolérable n’était pas la crainte que le Grand Esprit eût abandonné l’homme, ni même qu’en lui permettant de prendre conscience de la mort, Il eût tourné en ridicule ses espoirs, mais que, depuis le commencement des temps, Il n’eût jamais fait de véritable distinction entre les animaux sans âme et l’espèce humaine. » (XX)

« Quarrier lui avoua à quel moment il avait éprouvé son premier doute : lorsque Huben lui avait déclaré que la mort de Billy était certainement une manifestation de la volonté du Seigneur, un moyen d’entraîner la conversion des Niarunas. Il secoua la tête. "Quelle somme d’orgueil ! explosa-t-il, furieux. Et Yoyo ! Pendant des mois, penser à Yoyo m’a été intolérable. Il était un tel reproche vivant pour moi. Pour chaque âme véritablement sauvée, nous avons engendré des milliers de Yoyo, des milliers de "chrétiens-bol-de-riz", des milliers de mendiants et d’hypocrites, sans asile et sans voix, dans un monde étrange qui les confine dans le mépris, leur refuse l’espoir et la compassion. Et même ceux que nous avons sauvés…" » (XXV)



mots-clés : #colonisation #religion
par Tristram
le Lun 24 Juil - 17:03
 
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Sujet: Peter Matthiessen
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George Orwell

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 000010

Une histoire birmane

traduit de l'anglais par Claude Noël
Editions Ivrea

C'est le premier roman, publié en 1934, d'un inconnu nommé Eric Blair. Qui ne signera plus que sous le nom de George Orwell.
La première édition de Burmese Days , traduite sous le titre La tragédie Birmane , avait été publiée en France en 1946.
C'est une histoire tragique qui se déroule dans une petite ville du nord de la Birmanie. Quelques individus y tournent en rond , les réunissent l'ennui , l'alcool, et le dégoût de la race inférieure indigène.
Le personnage central, Fleury, est sans doute le seul que je sauverais de ce gâchis. Ce n'est pas un mauvais bougre, mais il a une très mauvaise image de lui, et est, forcément, très soucieux du regard posé sur lui. Il aime la Birmanie, il a des amis indiens, mais les soutenir publiquement est au dessus de ses forces.
Mais il ne faut pas croire que ce soit plus sain de l'autre côté où la corruption règne.

C'est un livre tout à fait autobiographique. Né au Bengale, Eric Blair est rentré à l'âge d'1 an en Angleterre. Son père est employé des services de lutte contre l'opium; la famille de sa mère fait du commerce en Birmanie.
Et à 19 ans, il s'engage dans la police impériale indienne...Il sera policier en Birmanie pendant ces 5 ans, et c'est bien là, en Birmanie, que sa lucidité devant les injustices en a fait l'écrivain qu'il est devenu.
C'est un livre que j'ai mis longtemps à lire, non pas parce qu'il est difficile, pas du tout, bien au contraire, les descriptions si justes de cette bêtise humaine n'ont pas pris une ride, et pourraient être transposées à notre époque dans n'importe quel petit cercle fermé. Rien n'a beaucoup changé, hélas.
Mais parce que baigner dans cet univers est assez pesant ( se rajoute le poids de la nature, la jungle, très étouffante..) que le pauvre Fleury me faisait pitié, et que je craignais la fin. Je l'ai fini, pas de surprise...
Très bon et réaliste document, beau et triste roman, merci Animal, je ne l'aurais jamais lu sans toi!


Un extrait :

" Ah, docteur, soupira Fleury, étendu sur sa chaise longue, quelle joie de me retrouver ici après ce fichu Club! Quand je viens vous voir, j'ai le sentiment d'être un pasteur non conformiste en goguette qui ramène une putain de la ville. C'est si bon de se sentir en vacances, loin de ces gens là- il pointa un talon en direction du Club- de mes bien-aimés collègues bâtisseurs d'Empire.
Le prestige britannique ,le fardeau de l'homme blanc, le pukka sahib sans peur et sans reproche et tout le bazar! Ca soulage, une petite parenthèse comme ça.


- Allons, allons, cher ami, voyons, je vous en prie!Ce n'est pas bien! Il ne faut pas dire des choses pareilles de ces honorables gentlemen anglais.

... - Ecoutez, monsieur Flory, vraiment, il ne faut pas parler comme cela! Pourquoi dites vous toujours du mal des pukkha sahibs, comme vous les appelez? Ils sont le sel de la terre. N'oubliez pas les grandes choses qu'ils ont réalisées , n'oubliez pas les grands administrateurs qui ont fait de l'Inde britannique ce qu'elle est.....Voyez la noblesse de sentiments des gentlemen anglais! Leur admirable loyauté les uns envers les autres! Même ceux d'entre eux dont le comportement n'est pas des plus louables- car certains Anglais sont effectivement arrogants, je vous l'accorde- ont les grandes, les solides qualités qui nous manquent, à nous autres Orientaux. Sous leur écorce rugueuse, ils ont des coeurs en or.


- Disons de plaqué or. Il y a entre les Anglais installés dans ce pays une sorte de camaraderie complètement bidon. C'est pour nous une tradition que de nous saouler la gueule de conserve , d'échanger des invitations à dîner et de faire semblant d'être amis, alors que nous nous haïssons cordialement.Nous appelons ça nous serrer les coudes. Il y a là une nécessité politique. C'est la boisson, bien sûr, qui fait tourner la machine; sans elle ,nous deviendrions tous fous furieux et nous nous mettrions à nous entretuer au bout d'une semaine. Tenez, docteur, voilà un beau sujet pour un de vos essayistes distingués: De la boisson en tant que ciment de l'Empire!

Le docteur secoua la tête.
" Je ne sais vraiment pas, monsieur Flory, ce qui vous rend cynique à ce point. C'est horriblement gênant. Un gentleman anglais si doué, si comme il faut, tenant des propos séditieux dignes du Patriote birman!


- Séditieux? dit Flory. Je ne suis pas séditieux le moins du monde. Je ne veux absolument pas que les Birmans nous éjectent de ce pays. Le ciel nous en préserve! Si je suis ici, c'est pour faire de l'argent, comme tout le monde. Je suis contre ce vieux canular de fardeau de l'homme blanc, voilà tout. Je refuse de poser au pukka sahib. C'est assommant. Ces pauvres connards du Club eux- mêmes pourraient se révéler un peu plus vivables si, tous autant que nous sommes, nous ne vivions pas dans un perpétuel mensonge.

- Quel mensonge, cher ami?
- Mais, voyons, celui qui consiste à prétendre que nous sommes ici pour le plus grand bien de nos pauvres frères de couleur, alors que nous sommes ici pour les dépouiller, un point c'est tout. Je suppose que ce mensonge est on ne peut plus naturel. Mais il nous corrompt de diverses manières que nous n'imaginons même pas. Nous avons constamment le sentiment d'être des spoliateurs, des menteurs; ce qui nous rend coupables et nous amène à nous justifier sans trêve ni répit. C'est là le fondement d'une bonne partie de notre conduite infecte à l'égard des indigènes. Nous pourrions être à peu près supportables, pour peu que nous voulions bien admettre que nous sommes des voleurs et que nous continuions à voler sans complexes...




mots-clés : #colonisation
par Marie
le Jeu 6 Juil - 21:12
 
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Sujet: George Orwell
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Amadou Hampâte Bâ

Oui mon commandant !

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Oui_mo10

Cette lecture du second tome des mémoires d’Amadou Hampâté Bâ fait suite à celle du premier, il y a quelque temps ; après l’enfance d’Amkoullel l’enfant peul, c’est le devenir du jeune plumitif d’administration, commis expéditionnaire indigène, « écrivain temporaire essentiellement précaire et révocable » envoyé loin de chez lui, à la ville d’Ouaga, chez les Mossis. Outre l’intérêt particulier pour celui qui vécut dans les contrées évoquées, j’en ai trouvé un autre, plus général, à l’exposition par un témoin digne de confiance de l’Afrique occidentale dans la première moitié du XXe siècle. Ce sont notamment l’histoire coloniale et une religion musulmane (mêlée de « superstition » traditionnelle) vus de l’intérieur, remettant à l’heure bien des conceptions contemporaines relayant tout et son contraire avec un brio inégalé, si ce n’est le plus souvent par leur partialité.

« Tout à coup, une parole du Prophète Mohammad me revint en mémoire. Un jour, il avait dit à ses compagnons : "Aucun musulman ne doit avoir quitté cette terre sans avoir, au moins une fois dans sa vie, violé la shariya (loi islamique) au nom de la charité [pitié, en variante plus loin]." »

En ce qui concerne la colonisation, c’est surtout son aboutissement, l’exploitation, après la découverte, l’exploration, les phases militaire puis administrative, qui devint insupportable.

« Un jour le commandant de Menou traita les Samos de "grands voleurs incorrigibles" devant monsieur Leenhardt. Ce dernier – en tant que trésorier, il était en même temps régisseur de la prison – réagit immédiatement : "Si nous nous basons sur l’ensemble des jugements qui ont condamné des Samos pour vol et que j’ai consulté dans les archives, répliqua-t-il, force est de constater que ces pauvres bougres ont commis des larcins plutôt que des vols, à proprement parler ; ce sont plutôt des nécessiteux que des voleurs." »

Ledit Leenhardt envoie un prisonnier condamné cinq fois pour vol déambuler sans surveillance avec une caisse bourrée de la recette du trésor en petites coupures, à fin de démonstration – positive...

« Sur le terrain, la colonisation, c’était surtout des hommes, et parmi eux il y avait le meilleur et le pire. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré des administrateurs inhumains, mais j’en ai connu aussi qui distribuaient aux déshérités de leur circonscription tout ce qu’ils gagnaient et qui risquaient même leur carrière pour les défendre. »

Cela rejoint mon attitude personnelle, surtout au temps innocent où je pouvais jauger quelqu’un sans prendre conscience de sa position sociale, de son orientation sexuelle, de sa couleur ou de ses éventuels handicaps : lorsque intuitivement je ne voyais que les personnes, sans catégoriser. C’était valable en Afrique, quand j’étais encore assez innocent pour « parler à un chien avec un chapeau »… Je fais cet aparté parce que je trouve très dommageable la tendance de plus en plus affirmée à étiqueter les gens. L’idéal, c’est de rencontrer quelqu’un sans s’apercevoir qu’il est sans-dents ou ingénieur, bleu ou martien, mais juste « untel ». C’est une vertu innée chez nous je crois ; je me rappelle mon fils, écolier dans une école multicolore, à qui je demandais perfidement sa couleur lorsqu’il m’annonçait avoir un nouveau copain : « je regarderai demain, et je te dirai ! »

Amadou Hampâté Bâ, qui œuvra sans relâche à préserver les inestimables valeurs humaines de cette partie du monde, en risque de disparition car transmises oralement, nous confie ici le quotidien et l’actualité de l’époque (notamment auprès du pouvoir et des notables), avec la place prépondérante de la parentèle, du partage, de l’humour, comme de la bienvenue de l’étranger chez des ethnies fréquemment mal sédentarisées :

« Le voyageur de passage qui descend chez un logeur est "son étranger". Ce titre crée un lien entre le voyageur et son hôte, et, pour ce dernier, un devoir de d’entretien et d’assistance presque sans limite en Afrique ancienne. En employant ici ce terme, surtout accompagné des cadeaux d’usage, j’honorais le vieux pêcheur et créais d’emblée entre nous une relation fondée sur la confiance. »
On est circa 1922 ; autres temps, autres mœurs…

Voici un mot du père spirituel de l’auteur, Tierno Bokar, marabout de sa petite ville natale, qui y fonda une école coranique, et par ailleurs promoteur de la tolérance et précurseur de l’œcuménisme :

« Le grand livre de la nature, nous disait-il, est le seul dont les pages ne se déchirent jamais. Il est toujours là, à votre disposition, attendant d’être déchiffré. »

En ce qui me concerne, je conserve cette phrase à méditer, simple sagesse qu’il ne faudrait jamais perdre de vue :

« La généralisation, quelle qu’elle soit, n’est jamais le reflet de la réalité. »


mots-clés : #autobiographie #colonisation #traditions
par Tristram
le Lun 15 Mai - 23:18
 
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Sujet: Amadou Hampâte Bâ
Réponses: 8
Vues: 2236

Henning Mankell

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Sans-t11

Un paradis trompeur

Hanna Renström vit au nord de la Suède avec sa mère Elin et ses frères et sœurs. La misère est telle que sa mère ne peut plus assurer sa subsistance et l’oblige à partir et à se débrouiller toute seule. Après avoir cherché en vain des gens qui pourraient l’aider, elle rencontre Jonathan Forsman qui l’engage un certain temps. Il lui présente le capitaine Svartman, dont le navire est en partance pour l’Australie, qui l’engage comme cuisinière à bord du Lovisa. Elle a 18 ans et on est en 1904, et sa vie va changer.

Dès qu’elle monte à bord, c’est le début d’une aventure sans retour. Elle y fait des rencontres marquantes comme le second du navire, qu’elle épouse durant la traversée. Mais la fièvre aura raison de lui.

Hanna n’ira pas jusqu’en Australie. Elle décide de quitter le Lovisa quand il accoste au Mozambique, sans prévenir personne. Les marins vont la chercher, l'attendre, puis le Lovisa reprendra la mer sans elle.

A la recherche d’un hôtel, elle finit par en trouver un qui lui convient. Mais c’est un hôtel de passe. Elle est aidée par les prostituées qui vont aussi la soigner - car la vie à bord a été épique - et prendre soin d’elle.

Elle sera confrontée aux différences entre les Blancs et les Noirs, colons et indigènes. Racisme. D’abord réticente, elle finira par se lier d’amitié avec le tenancier du bordel, un colon, puis acceptera de l’épouser. Celui-ci éprouve pour elle un amour sincère, il lèguera tous ses biens à sa femme.

Hanna se retrouve veuve à nouveau, et donc riche, à la tête d’un bordel, pose ses conditions afin que les prostituées soient respectées, avec qui elle a des liens très forts. Mais la place de chacun c’est chacun sa place, aussi ces dames ne pourront jamais lui avouer leur amitié… Elles ne manifesteront aucune émotion envers elle, parce qu’elle est blanche.

On découvre plutôt les liens entre Noirs et Blancs, les rapports entre les personnes dans un monde colonial, que l’Afrique à proprement parler. Cette histoire est inspirée d'une histoire vraie.

En tout cas, un livre très agréable à lire, prenant, surtout quand on aime les livres de Hennig Mankell, ce qui est mon cas. Ce n'est pas son meilleur roman mais un p’tit Mankell de temps en temps ça fait vraiment plaisir.


mots-clés : #colonisation #segregation #racisme
par Barcarole
le Jeu 6 Avr - 21:48
 
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Sujet: Henning Mankell
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Albert Sánchez Piñol

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Pandore au Congo

A l'aube de la Première Guerre mondiale à Londres, Tommy Thomson, un jeune écrivain tente de trouver sa place dans la société en accomplissant des tâches de nègre littéraire. Des évènements imprévus le conduisent dans le bureau d'un avocat, qui lui demande d'écrire le récit de son client incarcéré, Marcus Garvey, accusé d'avoir assassiné les fils du duc de Craver au cours d'une expédition au coeur du Congo, où les deux hommes étaient persuadés de s'enrichir.

Pandore au Congo introduit une démesure à travers l'illusion de la toute-puissance d'un colonialisme aveugle. Tommy Thomson accentue malgré lui le caractère tragique et cauchemardesque de ce périple africain car Marcus Garvey se représente lui-même comme une victime de la cupidité et de la folie des frères Craver, afin d'éviter une condamnation à mort qui semble pourtant acquise.

Le dédoublement de la narration fascine et déroute, alors que la vision de Garvey devient quasiment fantastique dans ses hallucinations. Je n'ai cependant pas été ému par un roman trop démonstratif et virtuose jusqu'à son épilogue, même si Albert Sánchez Piñol est très ambitieux dans sa description d'une aventure vouée à la ruine. Par l'intermédiaire de Tommy Thomson, il s' interroge sur le sens et le poids de la fiction mais son discours manque de subtilité dans sa perspective historique.


mots-clés : #colonisation #creationartistique
par Avadoro
le Mar 14 Mar - 23:21
 
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Sujet: Albert Sánchez Piñol
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Andreï Makine

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Le livre des brèves amours éternelles  


CONTENU:
Dmitri Ress s’est décidé très tôt pour la révolte. Sa résistance contre le régime soviétique revêt un aspect original : il ne critique pas tellement le régime comme plutôt la majorité plus ou moins tranquille qu’il divise, un peu cyniquement, en trois catégories. Mais voilà : trois longs séjours dans des camps en résultaient très tôt dans sa vie, et il en sort, prématurément vieilli et va en mourir déjà à l’âge de 45 ans. Un ami d’un ami d’un ami – le narrateur ! – se demande après une brève rencontre avec ce personnage, si celui-ci n’a jamais eu le temps d’aimer ou si, par un cruel destin, il n’a pas raté l’essentiel d’une vie.

Dans le „maintenant“ de l’écriture, vers 2010, ce narrateur se rappelle de cette rencontre, faite il y a une trentaine d’années. Et il y associe des histoires (six) de sa propre vie, commençant avec l’enfance dans les années 60/70 dans l’ère Brejnev jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique. A leurs manières, ces histoires lient brièveté et éternité.

REMARQUE:
Est-ce qu’au début de ce roman il y a alors la rencontre avec quelqu’un qui semble ne pas avoir eu des chances, qui n’a pas pu, apparemment, connaître un bonheur ? Alors : danger d’un apitoiement?

Alors quand le narrateur pense, après coup, à ce Ress, il va y associer des souvenirs de sa vie (6). Apparemment plus brillants !? Mais à voir de plus près, chacune de ces histoires commencent aussi à leur façon par des abandons vécus, par la stérilité d’une répétition, par des expériences différentes d’exclusion. Et puis, comme par un éclair, un cadeau, un scintillement de quelque chose d’eternel, surgit une expérience d’amour, quelques fois dans un très bref lapse de temps.

D’un coup, me semble-t-il, l’expérience du temps (vécu) est chamboulée : il y a des périodes si courtes, des minutes mêmes, qui peuvent revêtir une apparence d’éternité et qui peuvent compter tellement plus que de longues périodes qui, souvent dans un regard en arrière, se laissent résumer par quelques paroles.

De là le titre paradoxe et significatif ? « Des brèves amours éternelles ».

Et après ces six histoires de la vie du narrateur on retourne vers ce personnage de Ress qui, par un entretien avec un ami commun, reçoit d’un coup encore un peu plus de relief. Est-ce qu’alors pour lui aussi il y avait eu une histoire, un moment d’amour qui valait la peine pour tout le reste ?
Comment devenir des hommes et des femmes qui savent discerner le beau ? Devenir des vrais poètes ?

Livre excellent, qui m’a plu énormément. On y retrouve ce mélange makinien entre poésie pure et des descriptions d’un réalisme, venant de la vie en URSS.
Mais la critique d’un système (communiste) s’étend à tous régimes qui font croire que tout soit prévisible ou ordonnable. Mais jamais on pourra donner (ou défendre) l’amour par décret. Ces moments ne pourront pas devenir en absolu des victimes des structures.

Splendide !


mots-clés : #colonisation #regime autoritaire
par tom léo
le Ven 17 Fév - 15:59
 
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Sujet: Andreï Makine
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Hella S. Haasse

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L'anneau de la clé

Alors qu'elle mène une vie recluse au fin fond de sa campagne, Herma reçoit une lettre d'un journaliste enquêtant sur son amie d'enfance, Dée. Dans la correspondance qui s'établit entre eux, Herma tente d'en dire le minimum. Mais dans sa tête, il en va tout autrement, et les notes qu'elle couche sur le papier n'ont pas grand chose à voir avec le récit purement factuel dévolu au journaliste…

Sous nos yeux renaît le monde aujourd'hui révolu des grands propriétaires terriens et des riches colons de l'Empire des Indes. Un âge d'or pour la narratrice, qui évoque avec nostalgie sa jeunesse indonésienne, son amitié avec Dée et la fascination qu'exerçait sur elle la famille de celle-ci.
Pourtant, au fur et à mesure que les souvenirs affluents, les zones d'ombre se font de plus en plus grandes, les douleurs refoulées apparaissent au grand jour. Plus Herma se remémore des épisodes de sa vie qu'elle avait préféré oublier, plus le mystère autour de la personnalité de Dée et de ses relations avec Herma s'épaissit. Le tableau idyllique laisse place à une vérité bien plus tourmentée, au récit du lent délitement d'une époque…

Le texte d'Herma est parcellaire ; l'occupation japonaise, aux conséquences désastreuses pour les deux familles, est quasiment passée sous silence. Et de multiples questions resteront à jamais sans réponse... Mais c'est justement là que Hella S.Haasse excelle, dans les silences, dans les non-dits, dans les mensonges que l'on se fait à soi-même pour continuer à vivre. Avec subtilité, elle parsème son récit de petits cailloux qui, au-delà des apparences, trahissent le désarroi d'Herma, confrontée à un passé bien lourd et à l'effondrement de toutes ses certitudes… Au lecteur de déceler les plus cachés d'entre eux…

Spoiler:


Ce roman m'a paru beaucoup plus personnel que Les seigneurs du thé, que j'avais lu précédemment. Je ne sais ce que l'auteur a mis d'elle-même dans le personnage d'Herma, voire dans celui de Dée, mais elle fait revivre à merveille l'époque de l'Empire des Indes dans lequel elle a grandi. Une société de privilégiés, avec ses oeuvres de charité, ses thés dansants et ses vacances luxueuses. Et pourtant… Malgré une évidente nostalgie, l'auteur n'en reste pas moins lucide sur la fin annoncée d'un système. Par petites touches, elle nous montre combien l'atmosphère était déjà gangrenée…

J'ai été emportée par l'atmosphère envoûtante de ce roman. Parfois frustrée par les multiples zones d'ombre non résolues, je l'avoue, mais séduite de bout en bout. Quelle richesse, et quelle complexité dans ces quelques 180 pages !

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #colonisation
par Armor
le Jeu 9 Fév - 3:00
 
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Sujet: Hella S. Haasse
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Thierry Murat

ÉtuŋwAŋ Celui-Qui-Regarde

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Joseph Wallace est un jeune bourgeois de Pittsburg promis à une existence ordinaire. Mais il part un beau jour à la découverte des "Territoires". Fasciné et respectueux, ouvert au doute et à autrui, il devient l'hôte des indiens qu'il photographie dans leur quotidien. Sa découverte de ce peuple, de sa sagesse va bouleverser sa pensée, son intimité  et sa présence au monde à défaut de sa vie ordinaire. Il assiste impuissant au massacre de ces habitants premiers par les colons avides de richesses et de pouvoirs, dont ses photographies constituent un ultime témoignage.

C'est un très beau livre, qui prend son temps,  d'une grande paix et d'un grand poésie, autant dans le texte que dans les images.
Thierry Murat a un travail des noirs te des camaïeux très personnel, sublime pour tout dire, qui souligne autant les moments de paix que ceux de révolte.

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mots-clés : #bd #colonisation #minoriteethnique
par topocl
le Mer 1 Fév - 11:25
 
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Sujet: Thierry Murat
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Yasmina Khadra

Ce que le jour doit à la nuit


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Dans l'Algérie coloniale, le jeune Younes est confié à son oncle, pharmacien, afin d'échapper à la misère que connaît sa famille. Il grandit au milieu de jeunes Blancs, oubliant presque ses origines arabes. Ses amis européens et lui forment une bande d'inséparables. Mais, un jour, une Française beaucoup plus âgée que lui posera un geste aux conséquences imprévisibles...
« Oran retenait son souffle en ce printemps 1962. La guerre engageait ses dernières folies. Je cherchais Émilie. J’avais peur pour elle. J’avais besoin d’elle. Je l’aimais et je revenais le lui prouver. Je me sentais en mesure de braver les ouragans, les tonnerres, l’ensemble des anathèmes et les misères du monde entier. » Yasmina Khadra livre ici un grand roman de l’Algérie coloniale (entre 1936 et 1962), une Algérie torrentielle, passionnée et douloureuse, et éclaire d’un nouveau jour la dislocation de deux communautés amoureuses d’un même pays.

"Nous sommes les otages de nos souvenirs"

Pour commencer ce post, je tiens à saluer cette écriture toujours aussi délicate de Yasmina Khadra.
Celle-ci ne manque pas de style , ni de poésie dans un thème encore une fois assez grave qui évoque la guerre d'Algérie et les âmes meurtries. Des résurgences d'une enfance heureuse et unie à un chaos tant politique que personnel , l'auteur fonde un univers mélancolique qui nous enveloppe et nous emmène au cœur même des cicatrices et des entailles d'un amour qui saigne.D'une brèche ouverte sur des blessures sédentaires suinte un destin imposé par le colonialisme , brisant des rêves à l'aube des réalisations. D'une main de fer , l'entreprise guerrière éveille la colère et attise les haines des vies fauchées ; complices des animosités, les amitiés se figent et explosent de ce trop plein de ressentiments.
Yasmina Khadra nous incite à monter dans sa barque littéraire qui vogue sur des eaux troubles et à considérer son pays estropié , sa seule arme pour dénoncer les souffrances. Si nous y regardons de plus près , on peut encore voir aux fenêtres des oubliés ces âmes déchirées...
Un très beau livre.

Nous ne sommes pas paresseux. Nous prenons seulement le temps de vivre. Ce qui n'est pas le cas des Occidentaux. Pour eux, le temps, c'est de l'argent. Pour nous, le temps, ça n'a pas de prix. Un verre de thé suffit à notre bonheur, alors qu'aucun bonheur ne leur suffit. Toute la différence est là, mon garçon.



Qui sommes-nous au juste ? Ce que nous avons été ou bien ce que nous aurions aimé être ? Le tort que nous avons causé ou bien celui que nous avons subi ? Les rendez-vous que nous avons ratés ou les rencontres fortuites qui ont dévié le cours de notre destin ? Les coulisses qui nous ont préservés de la vanité ou bien les feux de la rampe qui nous ont servi de bûchers ? Nous sommes tout cela en même temps, toute la vie qui a été la nôtre, avec ses hauts et ses bas, ses prouesses et ses vicissitudes ; nous sommes aussi l'ensemble des fantômes qui nous hantent... nous sommes plusieurs personnages en un, si convaincants dans les différents rôles que nous avons assumés qu'il nous est impossible de savoir lequel nous avons été vraiment, lequel nous sommes devenus, lequel nous survivra.



mots-clés : #colonisation
par Ouliposuccion
le Mar 24 Jan - 17:45
 
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Sujet: Yasmina Khadra
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Khushwant SINGH

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Train pour le pakistan

Mano Majra ; quelques huttes, un temple sikh, une mosquée, et l'orgueil du village, la villégiature dans laquelle les hauts fonctionnaires viennent se ressourcer le week-end. Et puis la gare, dont les trains rythment le quotidien. L'indépendance ? Elle ne soulève guère les passions, les villageois n'en attendent rien ; tout au plus, fatalistes, sont-ils conscients que d'esclaves des Anglais, ils vont devenir esclaves du nouveau gouvernement…
Autour d'eux, le drame de la Partition se déploie avec fureur, détruisant irrémédiablement des siècles de cohabitation tranquille et même amicale entre communautés ; mais à Majno Mara, on refuse de se laisser happer par ce déferlement de violence, et la vie s'écoule comme toujours, rythmée par les travaux agricoles, les prières et les exactions des voyous locaux.
Seulement, Majno Maro est situé sur la frontière entre l'Inde et le Pakistan nouvellement créé ;  un jour, ce ne sont plus des réfugiés que les trains charrient, mais des cadavres…

Si l'action se déroule entièrement dans ce hameau de quelques huttes, elle n'en est pas moins révélatrice de l'ambiance d'une région tout entière. L'Inde de Khuswhant Singh est profondément marquée par le système des castes ; autrefois soumis aux seigneurs féodaux, puis aux Anglais, les villageois font tout naturellement allégeance à ceux dont le prestige vient cette fois de l'éducation. Iqbal, jeune étudiant envoyé à Majno Mara par le parti communiste pour éduquer les masses, semble accepter comme totalement naturelle cette servitude spontanée que nul ne songe à remettre en question… Dans cette société à la hiérarchie immuable, les puissants usent et abusent des lois à leur guise, quitte à broyer quelques vies pour servir de plus grands desseins. En témoigne le personnage du chef de la police, retors à souhait...

De la Partition qu'il a personnellement vécue, Kushwhant Singh a tiré un roman à la narration très sobre ; la violence inouïe et inattendue qui balaya la région, racontée à hauteur de villageois, n'en est que plus terrifiante.
L'auteur a parfaitement su saisir le moment où tout bascule, celui où la trompeuse harmonie se délite, et où le voisin de toujours devient soudainement un ennemi vecteur de toutes les peurs et de tous les fantasmes. Il décrit de façon simple mais saisissante l'esprit mouvant des foules, le petit rien qui peut tout faire s'embraser ; la force de persuasion du verbe, ou tout au contraire, sa tragique impuissance…
Et si le roman se termine par une pirouette peut-être un peu trop romanesque, pourra-t'on reprocher à l'auteur d'avoir voulu insuffler un peu d'humanité et d'amour à une époque qui en manquait tant ?

On le tuerait comme on tue les autres. D'ailleurs, à leurs yeux, il n'était pas neutre. On le déshabillerait, on verrait : "Circoncis, donc musulman !"  (…)  Quelques individus, d'une espèce pas tout à fait humaine, allaient abatttre d'autres individus de leur race. Un mince tassement à l'accroissement annuel de quatre millions d'individus ! Ce n'était même pas comme si l'on arrachait de braves gens aux mains de mauvais bougres. Car, si l'occasion était donnée aux victimes, elles se feraient bourreaux. En fait, les musulmans se faisaient bourreaux à peine un peu plus loin, sur l'autre rive de cette rivière.

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #Independance #colonisation
par Armor
le Lun 2 Jan - 0:02
 
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Sujet: Khushwant SINGH
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Chenjerai Hove

Chenjerai Hove

(1956-2015)

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Chenjerai Hove (né le 9 février 1956 à Zvishavane (Zimbabwe) et mort le 12 juillet 2015 à Stavanger (Norvège)) est un écrivain africain du Zimbabwe.

Né en Rhodésie du Sud britannique en 1956, poète, romancier et essayiste, Chenjerai Hove a suivi des études universitaires en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Il a travaillé comme enseignant et journaliste.

Hove a été en 1984 le président fondateur de l’Union des écrivains du Zimbabwe (Zimbabwe Writers Union). Il a fait partie du premier bureau de l’association des droits de l’Homme du Zimbabwe en 1990 (Zimrights).

Ayant pris position contre la politique du président Robert Mugabe, il s’est exilé aux États-Unis et a rejoint en 2007 l’Université Brown, à Providence dans l’État de Rhode Island.

L’œuvre littéraire
Chenjerai Hove fait partie d’un groupe d’auteurs africains, comprenant Wilson Katiyo, Charles Mungoshi et Yvonne Vera, qui utilise la tradition orale des campagnes shona pour véhiculer un message de résistance à la domination blanche sur l’ancienne Rhodésie2.

Décès
Il meurt d'une insuffisance hépato-cellulaire le 12 juillet 2015 en Norvège.

(wikipedia)


Traductions françaises

Ossuaire
Ombres
Ancêtres

Livre pour enfants
Les clefs de Ramb


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Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 41t31y10

Ombres

L'auteur nous conte l'histoire d'une famille vivant en Rhodésie (durant la colonisation) dans la région de Gutu et que les "blancs" ont enjoint de rejoindre la région de Gotami en leur faisant miroiter une meilleure vie dans une ferme qui leur appartiendrait. Ils comprirent qu'ils avaient été bernés, cette région peuplée de bêtes sauvages, de moustiques n'était pas une terre vierge, un autre peuple, celui de Gotami, vivait ici et avait été repoussé plus loin avant l'arrivée des "nouveaux".

La famille s'installa donc, le père, la mère, les enfants et durent travailler dur pour subvenir à leur besoins. L'une des filles Johana gardait les animaux, elle tomba amoureuse du fils d'un voisin, il promis de l'épouser quand elle serait en âge, mais il ne revint jamais la demander et elle attendit des années. Un jeune garçon, Marko, arrivé lui aussi d'une autre région aimait Johana, mais il était trop jeune pour elle. Ils étaient donc tous les deux en attente jusqu'au jour où

"Ce soir là la jupe longue de Johana en montra plus qu'il n'était permis d'habitude à la jeune fille. Le vent aux yeux fureteurs vint soulever son jupon. Les yeux de Marko suivirent ceux du vent, et avec le vent il regarda. Johana elle aussi avait profité de la pénombre du couchant pour jeter un coup d'oeil. Elle vit le garçon et il la vit. Ils se virent sans prononcer un mot, sans éprouver le besoin de le dire. Seul le malaise en leur coeur leur disait qu'ils étaient passés en d'étranges contrées dont personne jamais ne revenait vivant."

et cet amour porta fruit.

Le père de Johana dans sa colère tenta de tuer Marko, qui le considérait comme un père et lui comme un fils. Le jeune homme s'enfuit se pendre à un arbre et Johana de son côté choisit la mort dans le poison.
Le père de Johana fut anéanti ; en apprenant que des guerriers dansaient sa mort il s'enfuit à la ville.
Des bandes de jeunes se formèrent pour combattre les Blancs et ils tuaient ceux qu'ils considérer comme "traitres" ; les fils du père de Johana moururent dans cette guerre.

Après avoir été arrêté errant dans la ville, le père de Johana fut emmené à la ferme ligoté dans le véhicule de police pour reconnaissance, après quelque temps, relâché il revint à la ferme auprès de sa première femme, la mère de Johana, mais une autre guerre, entre gens de même couleur, ravageait le pays et des rebelles virent en lui un traitre et le tuèrent dans les bois où son corps ne fut retrouvé que longtemps après.

Ce livre est d'une écriture poétique, les mots sont comme des images, des dessins, pour traduire ces vies de labeur, ce respect des ancêtres qui ont fait loi des traditions.

L'amour, la peur, la mort sont exprimées par des chants et des danses ; ainsi que la guerre.

C'est une très belle lecture que ce petit livre.

Extraits

"Les mots sont ainsi, ils coupent plus profondément que des lames de rasoir. Des lames c'est mieux elles coupent là où c'est visible. Mais avec les mots c'est différent : ils coupent là où on ne voit pas."

Le peuple de Gotami parlaient déjà écologie :

"Ceux de Gotami refusèrent au père de Johana le droit d'asperger de poisons les champs. Ce serait détruire la terre de leurs ancêtres. Les petits insectes faisaient partie de la terre de leurs pères. Des mains négligentes n'avaient pas à les tuer. Ils devaient être libres de voler au gré du vent. Si les nouveaux venus empoisonnaient l'air et le sol, ils susciteraient la colère des ancêtres, les mirent en garde ceux de Gotami."

"Mais que dirait Johana, avec ses mots à elle, sortis de sa bouche, après avoir écouté ceshistores ? Dirait-elle que chez elle c'était la maison de la mort, celle où la mort avait son nid, où elle attendait patiemment l'heure de frapper à la porte et de lâcher un déluge de mort ? Que dirait-elle cette femme qui vivait murée dans son silence et craignait de répondre aux mots cruels des autres ?"

"Debout devant son père, elle ne lui dirait pas les flots de joie qui les avaient submergés, elle et lui, le corps étincelant éclaboussé de gouttes d'eau, les cheveux en bataille saupoudrés de sable. Comment pourrait-t-elle raconter l'histoire que seuls connaissaient ce garçon et cette femme ? Et la douleur aussi : elle ne pourait, debout devant ses parents, leur raconter le sang qui avait jailli d'eux, d'elle et de lui, ces gouttelettes de sang parties se perdre dans le sable, et elle avait regardé, sans essuyer ni de son doigt ni de sa robe usée. Non, elle ne leur raconterait rien. Elle affronterait seule avec lui la colère des ancêtres de la contrée. Et cette colère du pays, il l'affronterait seul avec elle."





mots-clés : #colonisation #traditions
par Bédoulène
le Sam 31 Déc - 19:12
 
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Jean-Luc Raharimanana

Jean-Luc Raharimanana
(Né en 1967)


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Jean-Luc Raharimanana, né à Tananarive le 26 juin 1967, est un écrivain malgache en langue française.

C'est dans son pays natal qu'il écrivit sa première pièce, Le prophète et le président, mais elle ne put y être montée à cause de la situation politique. Il vint ensuite en France pour des études en ethnolinguistique. Il a depuis été journaliste, enseignant, et l'auteur de nouvelles, de pièces de théâtre et de romans. Dans un style violent et lyrique, il y décrit la corruption et la pauvreté qui sévissent sur son île, avec des rappels sur la douloureuse histoire du pays.

Il participe à de nombreuses manifestations, ateliers d'écriture, etc. Plusieurs de ses œuvres ont été traduites en allemand, anglais, italien et espagnol.


Œuvres

Le prophète et le président, théâtre (1989)
Le lépreux et dix-neuf autres nouvelles (Hatier, 1992)
Rêves sous le linceul (Le Serpent à Plumes, 1996)
Le puits, théâtre (Actes Sud Papier, 1997)
Lucarne (Le Serpent à Plumes, 1999)

Nour, 1947, roman (Le Serpent à Plumes, 2001)
Landisoa et les trois cailloux, pour la jeunesse (Edicef, 2001)
L'arbre anthropophage, récit (Joëlle Losfeld, 2004)
Madagascar, 1947, livre de photos (Vents d'ailleurs, 2007)
Za, roman (Philippe Rey, 2008)
Le cauchemar du gecko (Vents d'ailleurs, 2010)
Enlacements (Vents d'ailleurs, 2012)

(source wikipedia)

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ZA

Il faut absolument que je vous montre le langage de Za :

« Elles peuvent de leur langues samarrées, vous santer, sarmes et coquillazes, sea, sex end sun à bave. Za m’eskuze à vouloir trop kuiser les cuisses du silence.
Car avaient egzisté les pères et les maires, ils peuvent dire eux, pères qui nous ont fait serfs, pouissants crocodeals qui se partazent les carcasses de nos terres, maires-caïmans à la maçoire vissée à la clé à molette.
Ils méritent, Za vous le zure, d’avant Za paroler, discorir et travolter. »


Un langage que le lecteur doit apprivoiser pour découvrir toute la richesse mots et de l’écriture.  Car Za crasse (crache) les mots qui sortent de sa bouce (bouche) et  l’orthographe de  certains mots  est révélatrice.

Za a tout perdu, femme, enfant, bien,  même la parole, alors il s’est forgé un langage ponctué par le rire pour survivre.

Za est fou, mais Za le sait. Za se bat toutes les nuits avec l’ange punisseur, avec  ses propres démons.

Za accepte de se soumettre, accepte les coups, la saleté,  mais Za connait le coléreux, l’insoumis Ratovoantanitsitonjanahary, mais Za sait-il que Ratovo et lui sont une même personne ? l’acceptera-t-il ?

Za sait la vie de la société, il sait les Immolards et l’Unique Dollaromane qui détrousse les ancêtres dans la plaine où ils gisent  et geignent, là où Za voudrait aller pour retrouver son fils disparu.

Cette plaine où tous les emblèmes  des révolutions, des colonisations, des guerres sont enfouis pèle-mêle ;  Za sait tout cela mais Za en a assez, il refuse ceux qui croient l’aider, ceux qui le fustigent, il refuse de reconnaître sa femme, Za veut plus rien savoir, plus rien entendre, plus rien voir.

Une écriture bouleversante et détonante dans ce récit où se dessine l’histoire de cette Ile, à travers  la parole de Za et des témoignages  des miliciens, des  militaires, ministre et des morts ; Madagascar.

Extraits

"Hier Za n'est pas passé ici. Hier Za n'aura pas pu passer ici. Ils ne m'écoutent pas - ils sont malades ! Ils ne m'écoutent pas. Ils attrapent des queues de taureau fraîchement désenculées et me fouettent avec. Ils visent mon visaz, ma zoue éclate. Za m'enfuit. Za rejoint la digue, ils me lapident avec des os et des tendons.
L'anze rit."

"Zira elle a dit qu'elle n'a qu'à mettre culotte et dentelle pour sanzer votre budzet de l'Etat. "

"Les femmes aux ceveux de paille entassent les ossements dans des sacs de zute pour les zeter dans des bennes que hissent aussitôt des camions Tata made in India. Za me plie de douleur. Za voudra. S'al vous plait."

"Za voudra porter le dernier coup, biffer le regard et envalser la dernière tête, finir le travail et entériner le sacre du bourreau. Car Za vous le dit ma veulerie, Za vous le dit l'ordinaire de la vie, ma vie, votre vie, le triomphe de l'absurde et de l'état honteux. Za n'a pas à soupporter  la douleur du monde et la connerie de l'houmain. Eskuza-moi. Za m'eskuze. Le monde n'a zamais été qu'une souite de malheurs. Za ne fait que suivre ce qui dure depuis des vénérations et vénérations. Za en a marre."


mots-clés : #colonisation
par Bédoulène
le Sam 31 Déc - 17:06
 
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Sujet: Jean-Luc Raharimanana
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Etienne Goyémidé

Etienne Goyomidé (1942-1997)


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Né à Ippy en 1942, décédé le 17 mars 1997.

Licencié ès sciences de l'éducation et diplômé d'anglais, Étienne Goyémidé a occupé divers postes dans l'enseignement et a été directeur d'une imprimerie, ainsi que directeur de la Troupe Nationale de Centrafrique. En 1991 et 1992 il a été ministre de l'Enseignement et de la Recherche.
En 1993, il a obtenu la Bourse du Centre national du Livre (France).
Il a plusieurs fois obtenu le prix de la meilleure nouvelle francophone.



Oeuvre

La petite leçon, théâtre, 1976.
Le Monsieur de Paris, théâtre, 1978.
Au pied du Kapokier, théâtre, 1978.
Mes respects Monsieur le Directeur, théâtre, 1978.
Le vertige, théâtre, 1981.
Les mangeurs de poulets crevés, théâtre, 1983.
Le silence de la forêt, roman, Hatier, 1984, 157p.
La vengeance noire, nouvelle, 1984.
La fille du ciné-bar, nouvelle publiée dans le recueil collectif Un voyage comme tant d'autres, Hatier, 1984.
Le dernier survivant de la caravane, roman, 1985
Responsabilité collective, théâtre, 1988.
Au nom de la loi, roman, Hatier, 1989.
"Le Théâtre existe !", in Littérature centrafricaine, Paris, Notre Librairie 97, avril-mai, 1989 p. 88-93.
Demain... la liberté, théâtre.

adaptation
Son roman LE SILENCE DE LA FORÊT a été adapté au cinéma en 2003 (avec le même titre) par son compatriote Didier Florent OUÉNANGARÉ et le Camerounais Bassek BA KOBHIO, 93 min. Production : Centrafrique, Cameroun (Films Terre Africaine) et Gabon (CENACI, Centre National du Cinéma).
Film présenté au festival de Cannes en mai 2003 (Quinzaine des Réalisateurs).

(source Africulture)


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Le dernier survivant de la caravane

L’histoire : le narrateur  raconte avec humour l’atmosphère de son enfance dans la ville d’Ippy  au temps de la colonisation Française en fin du 20ème siècle, alors qu’il était  comme tant d’autres enfants un « bambin déluré et turbulent ;  l’attrait pour eux de la modernité qu’avaient apporté les  Blancs (les Français en l’occurrence) les magasins, les automobiles etc... . Il précise que  l’école et la religion ne s’étaient pas implantés facilement dans leur village, comme dans les autres villages d’ailleurs.

« Les objectifs avoués de ces deux institutions étant la recherche de lendemain fleuris sur terre pour l’une et au ciel pour l’autre par le canal de mille et une privations, nous nous posions fréquemment la question de savoir comment et par qui cette idée saugrenue et inhumain e avait pu se matérialiser chez nous. »

Cependant ils étaient heureux. Mais par la bouche du personnage Ngala  l’annonce d’un futur prévisible :

« …il vous répondait sans détour que l’armée du chef Ippy n’était pas vaincue, que la longue trêve prise pour la fin de la guerre avec les Blancs, que manger les produits des Blancs signifiait conclure avec eux un pacte de non-belligérance. Tôt au tard, disait-il la guerre reprendra, et cette fois nous en sortirons vainqueur »

« Et quand tombait la nuit, nous exprimions bruyamment notre amour de la vie, notre confiance en la nature, la grande nature, le Dieu des Blancs, nos divinités. »

L’auteur rappelle au passage que les  Fils d’Ippy sont tombés pour la France dans des pays lointains (Indochine, Bir Hakeim, Djibouti, Hanoï, Alger, Tunis et sur le sol Français)

Les veillées étaient propices aux danses, aux chants (souvent dans une prose relatant un évènement ou un personnage) et aux histoires que racontaient les anciens et dont les enfants raffolaient.
C’est à l’occasion d’une de ces veillées que Ngala, l’ancien conte une histoire terrible, celle de la caravane d’esclaves dont furent victimes  les gens de son village capturés par une troupe de Maures, ces êtres étrangers et féroces dont ils ne comprenaient ni la langue ni les mœurs. (notamment "leur gymnastique à certaines heures" vers l'orient)

« Toutes les souffrances physiques et morales endurées jusqu’alors s’étaient trouvées purgées, éjectées de nos corps et de nos âmes, par ces quelques gouttes de salive jetées à la face du chef des esclavagistes."

Cette longue marche , où les « esclaves » portaient licou et mains liées est prétexte à légendes et histoires qui ressurgissent dans les mémoires  durant ce long trajet jalonné de morts.

Lecture rapide vu le nombre de pages et le format du livre,  et que j’ai lu d’une traite, tant l’écriture est attachante ; les nombreuses légendes et contes m’ont fait penser aux fables de La Fontaine, car il en sort toujours un enseignement.
Les mots des écrivains d’Afrique Noire me plaisent, il y a toujours de la poésie et même les épisodes  durs sont exprimés  en espérance (pas facile transcrire mon sentiment).


(message rapatrié)


mots-clés : #colonisation #esclavage
par Bédoulène
le Ven 30 Déc - 17:45
 
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Sujet: Etienne Goyémidé
Réponses: 1
Vues: 1770

Valentine Goby

La fille surexposée

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l'éditeur, alma a écrit:  Dans la collection pabloïd se rencontrent des auteurs libres d'improviser dans le genre et le style qui leur convient, à condition de s'inspirer d'une remarque de Picasso. Dans la Tête d'Obsidiennes d'André Malraux l'auteur des Demoiselles d'Avignon et de Guernica affirme que les thèmes fondamentaux de l'art ont et seront toujours: la naissance, la grossesse; la souffrance, le meurtre, le couple, la révolte et peut être le baiser. Il les appelle emblèmes.



Valentine Goby a choisi  la révolte. C'est écrit au début du livre, je ne suis pas sûre que j'aurais identifié ce thème sans cela.

Le régime colonial marocain avait regroupé à Casa dans un quartier appelé le Bousbir, 600 prostituées, encadrées policièrement et médicalement pour offrir un bordel hygiénique et plus propre, plus « moral »... Des photos de ces prostituées ont servi de cartes postales et le peintre-photographe marocain Miloudi Nouiga, les a utilisées dans une lutte déterminée contre l'oubli de ces femmes.

Tag colonisation sur Des Choses à lire - Page 3 Nouiga10

Valentine Goby rapporte ces faits  dans un court récit à plusieurs voix (Maurice, le jeune homme qui fréquente le bordel et achète une carte postale, l'envoie à un ami ; Isabelle,  la petite-fille de ce dernier qui découvre  la carte postale et rencontre le peintre ; Biski, l'une des prostituées ; et  Miloudi Nouiga lui-même). Cet artifice donne une certaine distance assez documentaire . On sent un peu l’œuvre de commande, l'écriture comme procédé pour rappeler  ces prostituées à la mémoire de tous. J'ai trouvé que la « cause » venait au détriment de la puissance romanesque. Il n'en demeure pas moins qu'on croise de beaux personnages, des interrogations édifiantes, racontées d'une prose riche et habile et qu'on s’intéresse à l'aspect historique.

Un livre instructif donc, où m' a manqué l'émotion qu’aurait dû déclencher le sort de ces femmes humiliées.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #colonisation #conditionfeminine #creationartistique
par topocl
le Jeu 29 Déc - 9:57
 
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Sujet: Valentine Goby
Réponses: 19
Vues: 1374

Anne Hébert

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Kamouraska

C'est tout le Québec. Y a l'identité double, la dépossession, le rapport à la colonisation, le rapport au catholicisme, etc. Anne Hébert tisse sur un fond culturel particulier, mais ses personnages vont au-delà de l'illusion culturelle et prennent un écho universel parce qu'humain. C'est la grandeur du roman : il va au fond de ses personnages, très vite et adroitement. Hébert n'a pas besoin de 800 pages pour parler de tout et de rien : son style nu et direct le fait en 300. Le mensonge s'effiloche dans les phrases et le sang du meurtre souille la neige : c'est un roman des contraires, du mouvement : anglais/français, intérieur/extérieur, froid/chaud, vie/mort, etc. Le mouvement est aussi dans la narratologie : tout le monde a le droit aux paroles, aux pensées, aux mensonges et tout jaillit, fusionne, coule en jets comme le sang sur la neige blanche.

mots-clés : #historique #colonisation
par Jeremy.
le Mer 28 Déc - 0:14
 
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Sujet: Anne Hébert
Réponses: 7
Vues: 1980

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