Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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31 résultats trouvés pour correspondances

Jean Giono

J'ai ce que j'ai donné

Tag correspondances sur Des Choses à lire J_ai_c10

Ces lettres intimes sont des fragments de l’existence de Giono (écrites lors des rares séparations familiales), présentées par sa fille cadette Sylvie, qui montrent comme il était joyeux, aimant, surtout préoccupé du bonheur – et d’écrire ! Une vie de famille, assez casanière, mais aussi de nombreux amis. On rencontre notamment deux « petits » qui deviendront célèbres, Bernard Buffet et Pierre Bergé en couple, ou encore Catherine d'Ivernois, traductrice de L'Expédition d'Humphry Clinker, de Tobias Smollett, livre qui fut préfacé par Giono.
Giono parle peu de son travail (sauf pour dire qu’il écrit quotidiennement, et que ça sort bien). Quand même une remarque intéressante sur sa "seconde manière" :
« Zizi chérie, voilà encore un bel article et une belle lettre pour Les Âmes fortes. Décidément, ce livre est le plus gros succès de ma carrière. Je suis heureux de voir d'abord que mes conceptions sont justes et solides, que le temps que j'ai passé à créer une construction, un rythme nouveau, a été profitable et que mon travail a été orienté dans le bon sens. J'espère aller encore plus avant. Je savais que je ne me trompais pas, mais il m'est bien agréable de voir que j'ai touché les plus difficiles, même ceux qui, jusqu'ici, ont été contre moi. »

Giono commente un de ses rares voyages à l’étranger :
« En voyant l'Écosse, on est rassuré. Là, il y a des gens comme nous. Les Anglais ne sont pas des mammifères, ni des hommes, ni rien, ce sont des Anglais. Les Écossais sont des Marseillais. Pour tout dire d'un mot, en Angleterre, on a envie d'un Marseillais. Tout à l'heure vu dans une vitrine d'épicier une grosse pancarte : Cavaillon pour annoncer des asperges et des petits pois. La ville est très belle, pleine de collines, vertes, de ravins, d'arbres, de prairies en pleine ville. Nous sommes très bien logés et la cuisine est presque supportable. Je crois qu'après quelques années d'Angleterre (pas d'Écosse) on doit mourir sans regret. Je crois même que les Anglais sont morts depuis longtemps et qu'on a simplement oublié de les en prévenir. »

Giono séjourne aussi au « château de Roquefort, à La Bédoule » ; ça nous dit quelque chose…
« Rien n'est plus important que de bien vivre. C'est à force de mal vivre qu'on se dégoûte de ce qu'on fait. C'est si naturel. »


\Mots-clés : #correspondances
par Tristram
le Mer 31 Jan - 10:43
 
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Fédor Dostoïevski

Les Pauvres Gens

Tag correspondances sur Des Choses à lire Les_pa10

Le (premier) roman de Dostoïevski est l’échange de lettres entre deux personnages : le vieux Makar Alexéïévitch Dévouchkine est venu loger en face de chez Varvara Alexéïevna Dobrossiolova, une parente éloignée qu’il chérit.
« Nous, les vieux, je veux dire les gens d’un certain âge, nous nous faisons aux vieilles choses comme si elles avaient toujours été à nous. Mon logement, vous savez, il était si douillet ; avec ses murs… oui, à quoi bon en parler ! – il y avait des murs, comme n’importe quels murs, il ne s’agit pas des murs, et, de me souvenir de tout ça, de tout mon passé, ça me rend mélancolique… Une chose étrange – c’est dur, mais, les souvenirs, c’est comme s’ils étaient doux. Même ce qui était mal, ce qui me faisait rager parfois, dans les souvenirs, c’est comme si ça se nettoyait du mal, et ça se présente à mon imagination sous un air attrayant. »

Son logement est surpeuplé, et assez misérable ; il se sacrifie pour elle, et tous deux minimisent leurs ennuis. Varvara lui envoie un journal tenu alors qu’elle était plus heureuse. Enfant, elle vivait à la campagne, où son père était intendant, mais il leur fallut partir à Pétersbourg. À la mort de son père, une parente éloignée, Anna Fiodorovna, les recueillit, elle et sa mère. Là, elle eut comme voisin et précepteur le pauvre et maladif étudiant Pokrovski ; ils se rapprochèrent comme elle devenait une jeune fille, et découvrait les livres.
« Oh, ce fut un temps triste et joyeux à la fois – tout ensemble ; aujourd’hui encore, je me sens triste et joyeuse quand je m’en souviens. Les souvenirs, qu’ils soient joyeux, qu’ils soient amers, ils vous torturent toujours ; moi, du moins, c’est ainsi ; mais cette torture est douce. »

Lui est copiste, qui regrette de ne savoir composer (ce scribe a un côté bartlebyen, et fait directement référence à Le Manteau de Gogol, paru l’année précédente).
« Parce que, c’est vrai, à la fin, qu’est-ce que ça peut donc faire, que je recopie ? C’est un péché, de recopier, ou quoi ? “Non, mais, il recopie !” “Ce rat, n’est-ce pas, de fonctionnaire, il recopie !” Qu’est-ce qu’il y a là-dedans de tellement malhonnête ? Mon écriture, elle est nette, belle, elle fait plaisir à voir, et Son Excellence est satisfait ; c’est pour lui que je recopie des papiers des plus importants. Bon, je n’ai pas le style, je le sais très bien, que je ne l’ai pas, le satané style ; c’est bien pour ça que je n’ai pas monté dans ma carrière, et, maintenant, là, ma bonne amie, je vous écris tout simplement, comme ça me vient, comme l’idée m’en vient au cœur… Tout ça, je le sais bien ; mais, n’empêche, si tout le monde se mettait à composer, qui est-ce qui resterait, pour recopier ? »

« Parce que, c’est vrai, au fond, ça vous passe, quelquefois, par la tête… et si, moi, j’écrivais quelque chose, qu’est-ce qui arriverait ? »

Makar se ruine pour aider Varvara qui l’apprend ; il a honte, craint les ragots, alors qu’elle lui a gardé son amitié.
« Vous aviez honte de m’obliger à avouer que j’étais la cause de votre situation désespérée, et maintenant, vous avez doublé mon malheur avec votre conduite. Tout cela m’a stupéfiée, Makar Alexéïévitch. Ah, mon ami ! le malheur est une maladie contagieuse ! Les malheureux et les pauvres devraient s’éviter les uns les autres, pour ne pas se contaminer encore plus. »

Tous deux en mauvaise santé et en piètre situation, ils accusent le destin avec résignation. Rataziaïev, colocataire de Makar, est un écrivain qu’il admirait, et qu’il pense maintenant au nombre de ses persécuteurs, lui qui voudrait le mettre dans un de ses livres (délire paranoïaque à comparer à Varvara qui se dit être poursuivie par la haine d’Anna, et qui me paraît comparable à celui de Rousseau dans Les Rêveries).
Finalement, Varvara accepte d’épouser Bykov, relation d’Anna, propriétaire foncier assez rustre, qui l’emmène dans la steppe. Explicit :
« Mais non enfin, moi, j’écrirai, et, vous, aussi, écrivez, enfin… Parce que, moi, maintenant, j’ai le style qui se forme… Ah, mon amie, c’est quoi, le style ! Mais, moi, maintenant, là, je ne sais même plus ce que j’écris, et je ne corrige pas le style, j’écris juste pour écrire, juste pour en écrire un petit plus… Ma petite colombe, mon amie, oh, vous, mon âme à moi ! »

Ce qui m’a frappé, chez ces "petits", ce n’est pas tant qu’ils souffrent de la pauvreté, mais plutôt de la malveillance, et de ne pouvoir révéler les qualités de leur âme, leurs humbles compassion (« pitié ») et dignité (« honneur », « réputation »). Il me semble que Dostoïevski parvient à échapper au pathos, ou à le dépasser par son empathie.
Par ailleurs, son dessein d’écrivain est marqué par les références littéraires, et surtout par les préoccupations de style chez Makar.

\Mots-clés : #correspondances #ecriture #misere
par Tristram
le Ven 26 Jan - 10:41
 
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Laurent Binet

Perspective(s)

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« Or, et c’est là tout ce que vous devez savoir : l’histoire se déroule à Florence, au temps de la onzième et dernière guerre d’Italie. »

(Préface)
Et c’est une époque et une contrée où s’affrontent l’Espagne et le pape épris de morale inquisitoriale, antiprotestante et opposée à la France, d’autres régions de ce qui sera l’Italie, dont le duché de Ferrare, les républicains et les artisans en quête de reconnaissance ; dans l’esprit du censeur Savonarole, les nus sont dorénavant mal acceptés dans les arts plastiques et graphiques, où le baroque oublie la perspective.
Le peintre Pontormo est tué devant les fresques de San Lorenzo auxquelles il travaille depuis onze ans, et on découvre chez lui un tableau de Vénus et Cupidon tiré d’un dessin de Michel-Ange (qui, fort âgé, travaille à Saint-Pierre de Rome), dont la tête féminine a été remplacée par celle de Maria de Médicis, fille du duc de Florence (et nièce de Catherine de Médicis, reine de France). De plus, la tête de Noé a été retouchée dans la scène du Déluge de Pontormo.
Polar historique épistolaire, ce roman est assez rocambolesque et irrévérencieux ; je me demande quelle part de vérité historique peut être reconnue aux portraits à charge de Vasari et Cellini, par exemple.

\Mots-clés : #correspondances #historique #peinture #polar
par Tristram
le Jeu 23 Nov - 16:06
 
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René Char

Paul Celan, René Char, Correspondance 1954-1968

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Apprécié l’épisode où Étiemble se prend de querelle avec Char à propos d’un point-virgule dans un poème de Rimbaud.
« Les sputations de M. Étiemble ne vont pas au-delà de cette sciure. »

En pendant, moins risible, la persécution de Celan consécutive à l’accusation de plagiat (erronée) de Claire Goll, veuve du poète Yvan Goll. Aussi triste, la dépression de Celan, et la situation de sa femme Gisèle, graveuse sur cuivre.
Munie d’un lourd appareil critique, cette édition vaut pour ceux qui connaissent de près l’œuvre et la vie des deux poètes, mais apporte peu, me semble-t-il, au lecteur de leur poésie.

\Mots-clés : #correspondances
par Tristram
le Mer 16 Nov - 11:13
 
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Paul Celan

Paul Celan, René Char, Correspondance 1954-1968

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Apprécié l’épisode où Étiemble se prend de querelle avec Char à propos d’un point-virgule dans un poème de Rimbaud.
« Les sputations de M. Étiemble ne vont pas au-delà de cette sciure. »

En pendant, moins risible, la persécution de Celan consécutive à l’accusation de plagiat (erronée) de Claire Goll, veuve du poète Yvan Goll. Aussi triste, la dépression de Celan, et la situation de sa femme Gisèle, graveuse sur cuivre.
Munie d’un lourd appareil critique, cette édition vaut pour ceux qui connaissent de près l’œuvre et la vie des deux poètes, mais apporte peu, me semble-t-il, au lecteur de leur poésie.

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par Tristram
le Mer 16 Nov - 11:12
 
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Albert Camus

Albert Camus et Francis Ponge, Correspondance 1941-1957

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Intéressants échanges entre la théorie de l’absurde de Camus et sa sorte de mise en pratique chez Ponge, objectivisme et/ou objectivité appliqués par l’expression elle-même.
Au début, c’est l’occupation, peu évoquée par les deux résistants ; Le Mythe de Sisyphe, L'Étranger et Le Parti pris des choses (première édition) viennent de paraître.
Cette correspondance est attachante en ce qu’on y découvre l’homme Ponge et ses idées politiques, ordinairement cachés derrière son œuvre, et qu’on approche plus familièrement les idées de Camus, avec sa volonté de vérité.
Mais notez que le problème de l’expression n’est si utile pour vous que parce que vous l’identifiez à celui de la connaissance (page 22 du Bois de pins : « Mais mon dessein est autre : c’est la connaissance du Bois de Pins »). Pour vous, dans une certaine mesure, trouver le mot juste, c’est pénétrer un peu plus au cœur des choses. Et si votre recherche est absurde, c’est dans la mesure où vous ne pouvez trouver que des mots justes et jamais le Mot-Juste ; comme la recherche absurde parvient à se saisir de vérités et jamais de la Vérité. Il y a ainsi, dans tout être qui s’exprime, la nostalgie de l’unité profonde de l’univers, la nostalgie de la parole qui résumerait tout (quelque chose comme « Aum », la syllabe sacrée des hindous), du verbe enfin qui illumine. Je crois ainsi qu’en réalité le problème du langage est d’abord un problème métaphysique, et que c’est comme tel qu’il est voué à l’échec. Il exige lui aussi un choix total, un « tout ou rien ». Vous avez choisi le vertige du relatif, selon la logique absurde. Mais la nostalgie du maître-mot, de la parole absolue, transparaît dans tout ce que vous faites.
Camus, 27 janvier 1943


\Mots-clés : #absurde #correspondances
par Tristram
le Mar 4 Oct - 13:19
 
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Sujet: Albert Camus
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Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz

Enrique Vila-Matas
Né en 1948


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À dix-huit ans, il travaille comme rédacteur dans une revue de cinéma, Fotogramas, pour laquelle il fait parfois de fausses interviews.
Après des études de droit et de journalisme à l’université de Barcelone, il décide de se consacrer à l’écriture et part se former à Paris. En 1974, il rencontre Marguerite Duras à Paris. Elle lui louera la chambre de bonne au dessus de chez elle pendant deux ans.
Il publie en 1977 son premier roman, "La lecture assassine". Mais son premier grand succès, il l'obtient grâce à l'Abrégé d'histoire de la littérature portative.
Grand amateur de Borges et des jeux de faux-semblants érudits, Vila-Matas s'est imposé, notamment grâce à "Bartleby et Compagnie", Prix au meilleur livre étranger (2000), comme l'un des auteurs hispaniques les plus passionnants de la nouvelle génération.
La consécration définitive arrive avec "Le mal de Montano" (2003) qui obtient le prix Herralde de novela, le prix Nacional de Literatura, le prix Internazionale Ennio Flaiano et, en 2003, le Prix Médicis étranger.

(source : Babelio)

suite sur le fil de l'auteur : https://deschosesalire.forumactif.com/t1031-enrique-vila-matas

Jean Echenoz
Né en 1947

Tag correspondances sur Des Choses à lire A4251110


Naissance 26 décembre 1947 (68 ans) à Orange, France
Romancier, journaliste
Distinctions
Prix Fénéon (1979)
Prix Médicis (1983)
Prix Goncourt (1999)
Meilleur livre de l'année (1999)
Prix de la BnF (2016)

Fils d'un psychiatre, Jean Echenoz passe sa petite enfance dans un milieu familial culturellement favorisé, dans l'Aveyron et dans les Basses-Alpes, puis poursuit des études de sociologie et de génie civil dans les villes de Rodez, Digne-les-Bains, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille et Paris, où il s'installe en 19702. Il collabore brièvement au journal L'Humanité et à l'AFP. En 1975, il suit à Paris les cours de l'École pratique des hautes études et des enseignements à la Sorbonne. L'année suivante, son fils Jérôme naît. En 1979, après quelques années d'hésitation, il publie son premier ouvrage, Le Méridien de Greenwich (prix Fénéon).
À ce jour, il a publié dix-sept romans aux Éditions de Minuit et a reçu une dizaine de prix littéraires, dont le prix Médicis en 1983 pour Cherokee et le prix Goncourt en 1999 pour Je m'en vais.
Dans le cadre d'une nouvelle traduction de la Bible, initiée par les éditions Bayard, qui ont confié à différents auteurs la mise en forme de chaque livre, il effectue, en collaboration avec un hébraïsant, une traduction très lisible des Livres des Macchabées, utilisant des termes pratiquement contemporains.
Son fils, Jérôme Echenoz alias Tacteel, est un des membres du groupe TTC.


suite sur le fil de l'auteur : https://deschosesalire.forumactif.com/t58-jean-echenoz


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Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz, De l'imposture en littérature

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Entretien tiré d’une correspondance d’Enrique Vila-Matas et de Jean Echenoz (et publié dans les deux langues), qui a aussi produit le dialogue suivant : https://vimeo.com/153633754 (la lecture est rapide, le visionnage dure une heure).
Je n’aurais spontanément pas rapproché ces deux auteurs (voir le fil Echenoz ICI), mais l’échange est intéressant (quoique bref par écrit), qu’il porte sur le paradoxe de présenter oralement son œuvre écrite, qu’il effleure la question de la part d’autobiographie, d’originalité et d’authenticité que cette dernière contient, et de là, à peine introduits, les problèmes de la récupération, des emprunts (voire de plagiat), des citations (et donc d’intertextualité), et au-delà l’interrogation sur les rapports de la vérité d’une part et, d’autre part, la fiction, les apparences nécessaires, le mensonge.

\Mots-clés : #correspondances #creationartistique
par Tristram
le Mar 12 Avr - 16:07
 
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Sujet: Enrique Vila-Matas et Jean Echenoz
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Franz Kafka

À Milena  

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Il s’agit du corpus des 149 lettres de Kafka à Milena, elle à Vienne et lui à Prague.
Editions Nous a écrit:Milena Jesenská (1896-1944) : traductrice, journaliste, elle a 24 ans lorsqu’elle devient la voix tchèque de Kafka. Aucune des lettres qu’elle lui a écrites ne nous est hélas parvenue, soit qu’elles aient été brûlées par leur destinataire, soit qu’elles aient disparu lors de l’entrée des troupes allemandes à Prague en 1939. Résistante, sa vie aventureuse et tragique se terminera dans le camp de concentration de Ravensbrück.

La perte des lettres de Jesenská est déplorable, car Kafka leur répond constamment en les commentant. Les deux correspondent donc, mais assez rapidement leurs échanges prennent un tour plus intime – quoique le mari de Milena ne semblât pas être remis en question, pas plus que les ex-fiancées de Franz, tout aussi librement évoquées.
Constantes dans cette correspondance sous forme de monologue tourmenté, la judéité de Kafka, son insomnie et surtout sa peur/angoisse, ainsi que la maladie (chez les deux).
« …] (si je pouvais dormir comme je sombre dans l'angoisse je ne vivrais plus) [… »

« Ensuite : ce qu'il doit en advenir plus tard, ce n'est pas le sujet, la seule certitude est que je ne peux vivre loin de toi autrement qu'en approuvant totalement la peur, en l'approuvant plus encore qu'elle ne le veut elle-même, et je le fais sans contrainte, avec délices, je me répands en elle.
Tu as raison de me faire des reproches au nom de la peur sur ma conduite à Vienne, mais elle est vraiment étrange, je ne connais pas ses lois internes, je ne connais que sa main sur ma gorge et c'est vraiment la chose la plus effroyable que j'ai jamais vécue ou puisse vivre. »

Kafka parle de sa « non-musicalité », déclarant qu’il ne comprend pas la musique. Il émet (avec humour) le souhait d’être l'armoire de la chambre de Milena, qui la contemple tous les jours. Il répète « malgré tout ». Il évoque l’histoire de Casanova aux Plombs, captif à ras de l’eau de la lagune où grouillent les rats en lesquels il se métamorphose.
« On est accroupi en haut et donc le dos en prend un coup, et les pieds eux aussi sont pris de crampes, et on a peur et pourtant on n'a rien d'autre à faire que de contempler les gros rats sombres et ils vous aveuglent au milieu de la nuit et finalement on ne sait plus si on est encore assis en haut ou déjà en bas, on siffle et on ouvre la petite gueule avec toutes ses dents. »

Ce qu’il pense de l’administration résonne aves son œuvre :
« Penses-y Milena, le bureau n'est pas une quelconque, arbitraire et bête institution (il l'est aussi et en excès, mais ce n'est pas là la question, d'ailleurs il est plus fantastique que bête) mais c'est ma vie jusqu'à aujourd'hui, je peux m'en arracher, c'est certain, et ce ne serait peut-être pas mal du tout, mais jusqu'à maintenant c'est tout simplement ma vie, je peux faire à peu près n'importe quoi, travailler moins que n'importe qui (je le fais), bousiller le travail (je le fais), faire quand même l'important (je le fais) accepter tranquillement comme mon dû le plus aimable traitement de faveur qui soit concevable au bureau, mais mentir, pour soudainement partir comme un homme libre, alors que je ne suis qu'un fonctionnaire en activité, partir là où "rien d'autre" ne m'appelle que l'évident battement de cœur, bon je ne peux pas mentir comme cela. »

J’ai trouvé des accents baudelairiens à ses affres, assez masochistes et morbides.
« Je ne peux pas écouter en même temps les terribles voix intérieures et vous écouter vous, mais je peux écouter celles-ci et vous le confier, à vous comme à personne d'autre en ce monde. »

« …] l'amour c'est que tu es le couteau avec lequel je fouille en moi. »

« Oui, la torture est très importante pour moi, je ne m'occupe de rien d'autre que d'être torturé et de torturer. Pourquoi ? Pour une raison semblable à celle de Perkins [personnage de tortionnaire dans le roman Jimmy Higgins d'Upton Sinclair] et pareillement irréfléchie, mécanique et respectueuse de la tradition ; en fait pour apprendre la parole maudite de la bouche maudite. »

Aussi la frappante montée de l’antisémitisme.
« Je suis maintenant toutes les après-midis dans les rues et je baigne dans la haine des Juifs. "Prašivé plemeno" ["race galeuse", en tchèque] voilà comment j'ai entendu nommer les Juifs. N'est-ce pas tout naturel de quitter le lieu [Prague, novembre 1920] où l'on vous hait tellement (nul besoin pour cela de sionisme ou du sentiment d'appartenance à un peuple) ? L'héroïsme qui consiste à rester là est celui des blattes qu'on ne peut pas non plus éliminer de la salle de bains. »


\Mots-clés : #correspondances
par Tristram
le Mar 12 Oct - 16:24
 
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Sujet: Franz Kafka
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Henri Michaux

Donc c'est non

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Cette correspondance avec éditeurs et autres solliciteurs témoigne d’un authentique refus, de notoriété, de reconnaissance, de paraître davantage qu’à tirages limités, d’adaptation de ses œuvres, d’interviews, d’intervention dans une conférence ou même de prix littéraire, réaffirmé avec constance tout au long de son existence par Henri Michaux.
« Vous êtes irritant. Mes livres montrent une vie intérieure. Je suis, depuis que j’existe, contre l’aspect extérieur, contre ces photos appelées justement pellicules, qui prennent la pellicule de tout, qui prennent tant qu’elles peuvent les maisons familiales ou autres, les murs, les meubles, tout ce qui est permanent et stabilité et que je n’accepte pas, au travers de quoi je me vois passant. Tout ce que dans ma mémoire j’atomise, c’est ça que vous voulez faire apparaître, Mallet et vous. Vous perdez votre temps. Un livre pareil qui serait un sabotage de mes livres à moi, je ne l’autoriserai jamais. »

« Il doit y avoir dans ce texte quelque vice caché − celui au moins de n’être pas fait pour le "dehors". […]
Là aussi sans doute le vice caché… de vouloir rester caché aux regards. »

« « La raison majeure [de refuser d’être publié dans la Pléiade] est qu’il s’agit dans les volumes de cette prestigieuse collection d’un véritable dossier où l’on se trouve enfermé, une des impressions les plus odieuses que je puisse avoir et contre laquelle j’ai lutté ma vie durant. »

J’ai toujours hésité à considérer ses textes comme des poèmes, et Michaux a le même avis sur ses « vers (qui d’ailleurs n’en sont pas) » :
« Je ne fais pas de poème au vrai sens du mot [… »

Une significative exception dans le monde des lettres, avec quelques autres écrivains discrets !

\Mots-clés : #correspondances
par Tristram
le Ven 9 Juil - 13:19
 
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Tobias Smollett

L'Expédition de Humphry Clinker


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Roman épistolaire qui retrace les pérégrinations du sieur Matthew Bramble, hobereau rendu aux eaux de Bath avec une partie de sa maisonnée ; évidemment son point de vue contraste avec ceux de sa sœur Tabitha (accompagnée de son chien Chowder et de sa suivante, Winifred), de sa nièce Lydia et de son neveu Jery.
Ce personnage d’« humeur bilieuse » semble rappeler l’auteur ; misanthrope, hypocondriaque, ses ennuis de santé le rendent acerbe, mais il est foncièrement généreux.
« Voilà, je dois l’admettre, un sujet à propos duquel je ne peux rien écrire sans perdre tout à fait patience, car la foule est un monstre dont je ne saurais souffrir ni la gueule, ni la queue, ni l’estomac, ni les membres : je l’abhorre dans son entier, comme un amas d’ignorance, de présomption, de méchanceté et de brutalité : et l’expression de ma réprobation s’adresse de même aux personnes des deux sexes qui en affectent les manières et en goûtent la société, sans distinction de rang, de condition ni de qualité. »

Malgré ce dégoût marqué de la populace, le petit peuple n’est pas oublié, par exemple avec le personnage de Win :
« Ah ! ma bonne femme ! Si tu pouvé seulmant te douter du plaisir que nous avons nous autre laitrès, de pouvoir lire les maux les plus entortillonnés sur le boue des dois, et de savoir écrire les maux étrangers sans devoir chercher dans la baissédère. »

(À son anglais, qu’elle partage d’ailleurs avec sa maîtresse, on mesure aussi le manque d’instruction des femmes au XVIIIe).
C’est satirique, et drôle, non sans finesse :
« Quant à Higgins, c’est assurément un braconnier notoire, et je trouve ce mauvais sujet bien impudent de vouloir ainsi venir poser ses collets jusque dans mon propre enclos. Il me semble bien qu’en mon absence, il s’est cru quelque droit à prendre sa part de ce que la nature semble avoir promis à l’usage général ! »

Les politiques, les écrivains, les gens de justice, roturiers comme aristocrates, toute la société est dénigrée.
C’est écrit dans le style feuilleton à épisodes et rebondissements, et d’ailleurs réapparaît Ferdinand, comte de Fathom, d’un précédent roman. Smollett s’inscrit dans la veine picaresque de Sterne, auquel il fait un clin d’œil : à propos de « correspondances de voyageurs », il cite « le voyage sentimental de Shandy ». D’ailleurs Tristram s’y retrouve :
« Il a beaucoup lu, mais sans jugement ni méthode, de sorte qu’il n’en a rien digéré. Il croit tout ce qu’il lit, surtout lorsqu’il y a décelé une part de merveilleux, et sa conversation est un étonnant fatras d’érudition et d’extravagance. »

Au quart du livre, Bramble et les siens partent pour Londres, et à cette occasion est engagé comme valet de pied Humphry Clinker, un jeune infortuné assez ingénu. Il devient prêcheur méthodiste, puis prisonnier accusé de brigandage ; ensuite la compagnie fait route vers le pays de Galles, et l'Écosse.
Savoureux passage où Matt discute l’inspiration sarrasine des cathédrales, mal conçues, inesthétiques et insalubres. Parmi les personnages de rencontre, un Écossais haut en couleur ayant combattu les Indiens en Amérique et ardent défenseur de sa langue rappelle Don Quichotte, et peut-être aussi l’auteur :
« L’esprit de contradiction est naturellement si ancré chez Lismahago que je suis convaincu qu’il a fouillé, lu, étudié avec une infatigable attention à seule fin de pouvoir réfuter les idées établies et s’octroyer des trophées en récompense de son orgueil de polémiste. Son amour-propre est si aiguisé qu’il ne tolérera pas le plus léger compliment, qu’il soit adressé à son pays ou à lui-même. […]
Cependant, s’il s’en prenait librement à ses compatriotes, il ne pouvait souffrir d’entendre qui que ce fût lancer impunément le moindre sarcasme à leur endroit. »

Le séjour calédonien est occasion de curiosités tant touristiques qu’historiques et folkloriques, notamment chez les Highlanders, ainsi que de rendre visite au « Dr Smollett »…
L’expression d’une langue soutenue n’est pas le moindre plaisir procuré par cette lecture. Autant qu’il est possible sans accéder à l’original, ce livre m’est apparu comme excellemment traduit par Sylvie Kleiman-Lafon (un premier traducteur fut Giono) ; il convient de signaler les traductions bien faites, presque autant que les mauvaises.
Happy end de rigueur.
« Le plus grand avantage qu’il y a à voyager et à observer l’espèce humaine en chair et en os est sans aucun doute de pouvoir ensuite dissiper le honteux brouillard qui obscurcit les facultés de l’esprit et nous empêche de juger avec franchise et précision. »


\Mots-clés : #aventure #correspondances #famille #voyage
par Tristram
le Ven 28 Mai - 13:55
 
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Sujet: Tobias Smollett
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Joë Bousquet

Lettres à Poisson d'or

Tag correspondances sur Des Choses à lire Lettrs10

« Vous vous souvenez des poissons d’or. Ce Rêve d’enfance était en moi l’aube de la vie amoureuse. Les « golden fishes » étaient l’attribut magique de ces fées blondes au buste nu que, toute ma vie, j’ai cherchées comme si je pressentais que l’amour devait satisfaire mes sentiments en leur ouvrant la profondeur vierge de mon cœur. Vous êtes venue, vous avez ouvert ma vie comme un fruit. »


L’histoire est belle. En 1967, une femme remet à Jean Paulhan une série de lettres d’amour que lui a adressé Joë Bousquet entre 1937 et 1949. Ce sont les lettres à Poisson d’or. Il ne s’agit pas d’une correspondance puisqu’on ignore ce que sont devenues les lettres que Germaine, Poisson d’or, a envoyées au poète. Faut-il le regretter ? Oui, si on se place sur le plan de l’histoire de cette étrange relation, non, pour ce qui concerne la littérature car ces lettres sont d’une beauté sidérante et se suffisent à elles-mêmes.
Voici le début de la première lettre datée du 1er août 1937 :

« Ma chère amie,
Depuis votre départ, je cherche une heure pour vous écrire. Il me semble que des visiteurs m’en ont empêché ; mais la vérité est tout autre. J’ai pu me persuader jusqu’à ce soir que vous ne m’aviez quitté que pour quelques heures ; et votre départ ne s’accomplira que du moment où je l’accepterai en vous écrivant. »


Joë Bousquet est un poète exigeant, envers lui-même et les autres. Il demande au lecteur d’entrer dans son univers très introspectif et chargé de spiritualité. Je me suis longtemps demandé à quel autre écrivain de son époque Bousquet pouvait être comparé. Il donne lui-même la clef dans ces lettres en prenant pour modèle R-M. Rilke.
Autrement dit, il place d’emblée la barre très haut pour sa correspondante.

« De même que dans un visage le rayon bleu des yeux nous retient il y a, dans les nuits d’amour, des lumières couleur de mer auxquelles l’on était insensibles, mais qui, par la hauteur qu’elles avaient au-dessus du présent, sont demeurées intouchées par le temps et paraissent s’approcher à mesure qu’il neige sur nous des années, prêtes à nous retrouver dans l’instant mortel où nous nous perdrons pour toujours… Elles veulent qu’à de certains instants de notre vie il n’y ait qu’un souvenir déterminé pour nous aider à vivre comme si nous étions le lieu de délices où la vie s’éprend de la vie… C’était, c’est toi, ce soir…
Un peu de ton être rode autour de moi. Il m’aide à vivre des heures mauvaises. Puisse ma pensée être un voile aussi doux, à ta chair que l’azur de tes yeux au rêve que sur eux j’aventure. »


On peut se poser la question, du moins, je me la suis posée, de l’emprise que pouvait avoir le poète, d’âge mûr, reconnu par ses pairs sur une jeune femme. La relation amoureuse proposée (imposée ?) par Joë Bousquet, bien qu’elle ne puisse s’accomplir matériellement, n’en est pas moins pourvue d’une violence érotique qui peut mettre mal à l’aise :

« Me suis-tu bien ? Jusqu’à présent ces deux formes d’amour se sont combattues. Mon amour s’agenouillait devant toi, m’invitait à aimer l’expression de ton visage, à y reconnaître mon rêve. Cependant, une morsure bizarre dans ma chair disait autre chose : quand je m’enfonce dans la nuit du désir, quand je m’efforce d’y connaître ma nature d’homme dans toute sa barbarie, il se trouve que l’idée de femme où je prends conscience de ce qu’il y a de plus sauvage en moi est celle dont tu es l’incarnation.
Me comprends-tu bien ? Si je me trouvais ramené à mes années de guerre, avec toute la frénésie de ma jeunesse et qu’un hasard m’amenât au sein d’une ville prise, si, avec la folie du sang aux yeux, je cherchais une fille à violer, à martyriser, à mettre en croix, un corps où unir lumineusement toute ma sauvagerie et toute ma douceur, ce serait une jeune fille comme toi que je chercherais. »


Ceci dit, ces lettres sont d’une fascinante beauté. Dans une conception tristramesque de la citation, il faudrait pratiquement tout noter ! Quelques exemples :

« Pas un homme qui puisse prendre conscience de ce qui est sans y savourer l’amertume et le goût de cendres de ce qui achève d’être ; vivre, voir, sentir, c’est se trouver, à travers tout ce que l’on perçoit, inférieur à soi-même. Nous vivons, mais ce que nous voyons est extérieur à ce que nous entendons, notre pensée est étrangère à notre parole, le regard est l’exil de la voix, notre cœur bat dans le vide comme s’il était le seul à concevoir pour nous l’étendue de notre solitude. »


« Un regard perdu entre la neige et les étoiles arrêté soudain par le poids d’un oiseau d’or qui vient de se poser sur lui dans le monde où ce qui est aimé est la prison de ce qui aime. Le jour se berce sur le jour et le regard est silence… »


« Vos gestes me diront d’où je viens, mes yeux remonteront sur vous aux sources féeriques de ma destinée. Ce sera une longue histoire à reconstituer avec des songes et qui puiseront dans votre jeunesse la lumière de mon enfance. »


« Il y a ensuite la vocation poétique qui est une tout autre chose. Et il s’agit, pour celle-ci, d’une terrible épreuve qui dure toute la vie. Il ne s’agit plus ici du public qui ne comprend jamais rien, mais d’une révélation à rendre claire ; parce que l’homme marqué par son destin a, de toutes les choses, une vision si singulière qu’il mourrait de son exil s’il n’en faisait un élément de communication. »


La dernière lettre date de 1949. En avril 1950, Germaine se marie. Joë Bousquet meurt quelques mois plus tard.
Jean Paulhan avait caché, par pudeur, l’identité de « Poisson d’or » dont on ne connaissait que le prénom de Germaine. Je me serais bien contenté de cet anonymat. Mais Germaine Mühlethaler-Tartaglia (1916 – 2013) a reçu le titre de « Juste parmi les nations ». Il me plait que ce nom soit désormais associé à celui de « Poisson d’or ». Very Happy


Mots-clés : #amour #correspondances
par ArenSor
le Sam 22 Aoû - 19:56
 
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Sujet: Joë Bousquet
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Béatrix Beck

Tag correspondances sur Des Choses à lire Couvbb10

Devancer la nuit suivi de Correspondancesavec Roger Nimier

Commençons par Devancer la nuit, face épistolaire d'une histoire d'amour, ou à peu près épistolaire et à peu près la liaison amoureuse. Initiales respectives A. La manière nous faisant comprendre qui est qui, lui dandy ennuyé à l'humour noir voire morbide, elle américaine, obstinément vivante avec un soupçon de brusquerie. Références perceptibles, références qui échappent dans cet échange de bons mots qui a parfois des airs d'amour vache. Ce qui domine dans cette passion contrariée c'est d'ailleurs l'attention à l'autre, autrement, dans le jeu de la formule, de l'altérité et du contrepoint. Et puis s'il y a les lettres ou billets, il y a aussi des dialogues entre Alexis et Anaïs et entre Anaïs et Madame Blanche sa dévouée domestique aux pieds sur terre au dicton agile. Autre contrepoint qui rend plus fragile et éthérée la sphère des deux amants. Surtout dans cet échange, finalement, le jeu n'est pas que séduction, il est aussi expédition de secours en quelque sorte.

Étonnant avec des moments détonants.


La Correspondance avec Roger Nimier ensuite. Quelques lettres et billets d'une relation différente mais bien réelle, elle aussi faite d'attention, d'humour et de bons mots et on retrouve dans la chronologie quelque chose de Devancer la nuit. L'inverse en fait certes mais l'occasion de découvrir un peu des deux auteurs. On comprend entre autres choses dans cette amitié importante le soutien de celui du milieu à la lauréate du Goncourt qui peine à vivre de sa plume. C'est à la fois pour les adeptes de BB et un bel éclairage sur le texte littéraire à la forme très libre.

Il serait dommage d'oublier la postface qui parle de littérature par les auteurs et leurs tendances et de cette amitié qui pourrait surprendre entre bords politiques divergents mais là aussi littérature. Avec des noms "passés" mais une approche intéressante. Surtout un portrait de Roger Nimier par Béatrix Beck et "Pourquoi j'ai voulu devenir française", article paru dans Elle quand après dix huit ans à se la voir refuser, par l'entremise de Roger Nimier, enfin...

En résumé ? Béatrix Beck ça a l'air léger, c'est rigolo, entre fausses maladresse et farouche liberté. C'est un geste aussi dans cette liberté qui donne une place à l'autre, à ses personnages et à ses lecteurs sans doute. Dans sa manière éclatée elle est parfois difficile à suivre mais ça doit aussi être ça la liberté.

Mots-clés : #amitié #amour #correspondances #ecriture
par animal
le Jeu 23 Juil - 9:56
 
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Sujet: Béatrix Beck
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Valentine Cuny-Le Callet

Le monde dans 5 m²

Tag correspondances sur Des Choses à lire 41gwwo10

Elle a 19 ans, et par l’intermédiaire de l’ACAT (association chrétienne pour l’abolition de la torture), elle entreprend une correspondance, qui dure encore à ce jour avec Renaldo, un Noir américain qui est depuis dix ans dans le couloir de la mort et clame son innocence. Comme dans les films où on confronte deux personnages antagonistes. Cependant là, c’est la vraie vie, et il s’avère que les personnages ne sont pas si antagonistes que ça.

Peu importe ce qu’il a commis ou pas, Valentine offre son amitié à un homme condamné à la solitude, à la colère et à l’angoisse. Valentine n’est pas la femme des grands combats, en tout cas pas ici, mais bien celle des petits pas qui font avancer la dignité.

Avec une belle économie de moyens, elle a recours aux faits, des faits souvent  incroyables d’absurdité,  qu’elle dévoile avec un précision mesurée et qui se dénoncent eux-même.
Elle raconte surtout une belle histoire de partage et d’amitié.
Ce livre est touchant tant dans sa sobriété que dans sa générosité.


Mots-clés : #amitié #captivite #correspondances #justice
par topocl
le Mar 26 Mai - 9:27
 
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Sujet: Valentine Cuny-Le Callet
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Helene Hanff

84, Charing Cross Road


Tag correspondances sur Des Choses à lire 41tdu810

J'adore les livres d'occasion qui s'ouvrent d'eux-mêmes à la page que leur précédent propriétaire lisait le plus souvent. Le jour où le Hazlitt est arrivé, il s'est ouvert à "Je déteste lire des livres nouveaux" et je me suis exclamée " Salut, camarade ! " à l'adresse de son précédent propriétaire, quel qu'il soit.

Une relecture, pour moi, qui n'en fais que très peu parce qu'il y a tant à découvrir et à lire. Mais , une relecture qui m'a fait passé un bien joli moment ; je ne me souviens plus de mes pensées lors de la découverte de ce livre, il y a un certain nombre d'années. J'ai comme l'impression que je l'ai apprécié davantage parce que je prends conscience avec les années de la place des livres dans une vie.

Les livres comme "amis", les livres comme autant de liens qui se tissent autour d'eux, les livres comme messagers au moment des choix de vie, les livres juste pour savoir qu'ils sont là et nous accompagnent, toujours.



Une belle histoire que celle de l'amitié entre une jeune femme de New York désireuse de rattraper le temps perdu et "d'apprendre" sur la littérature anglaise et les employés d'une librairie d'occasion qui n'auront de cesse que de la contenter dans ses demandes de livres épuisés ou abordables.
Une histoire sur le temps qui passe, les vies qui se défont, les absences qui surviennent... et les livres qui demeurent prêts à circuler entre d'autres mains en attente.
Une belle histoire pour dire le merveilleux de ces livres d'occasion, déjà lus, annotés et qui enrichissent encore davantage "leur propriétaire" du moment.


Finalement : relire, c'est porter un autre regard et c'est bien également.


Mots-clés : {#}autobiographie{/#} {#}correspondances{/#} {#}universdulivre{/#}
par Invité
le Ven 22 Nov - 18:27
 
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Sujet: Helene Hanff
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Helene Hanff

84, Charing Cross Road

Tag correspondances sur Des Choses à lire Proxy178

Helene Hanff, écrivain new-yorkaise aux revenus précaires, commande  en Angleterre, à une librairies située 84 Charing Cross Road, toutes sortes des livres anciens ou épuisés qu’elle n’arrive pas à se procurer chez elle. Peu à peu une espèce d’amitié se noue entre elle et le libraire, Franck Doel puis avec toute l’équipe puisqu’en cette période des sévères restrictions d’après guerre, Helene envoie des colis de nourriture à distribuer entre tous.

C’est un court roman épistolaire. Ou bien Helene Hannf s’est elle contentée de reprendre des lettres réelles, de les sélectionner et les mettre en face à face ? Ça, on ne le sait pas. Il y a là un ton délicieux, d’une légèreté rieuse, entre la fofolle new-yorkaise et l’anglais guindé. Le ton évolue peu à peu au fil des pages, les employés de la librairie et la famille de Franck s’y mettent, c’est tout à fait charmant.


Mots-clés : #amitié #autofiction #correspondances #universdulivre
par topocl
le Ven 10 Mai - 11:55
 
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Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon

L’amour après (Marceline Loridan-Ivens et Judith Perrignon)

Tag correspondances sur Des Choses à lire Images14

Marceline, 89 ans, ouvre une valise fermée depuis 50 ans et contenant des lettres ‒ sa « Valise d’amour ». L’amour était en bourgeon quand il fut compromis dans son corps mis à nu lors de sa déportation à 15 ans. Pas question pour la survivante de se souvenir, de parler de Birkenau, mais de vivre libre.
« Je ne peux m’empêcher de superposer nos corps, nos enfants, nés ou pas, nos histoires, comme une question qui nous était posée à toutes, puisque la société n’attendait qu’une seule chose de nous : mariez-vous et procréez. »

D’abord frigide, incapable d’abandon amoureux, surtout occupée de son besoin de liberté (d’où l’affranchissant statut de femme mariée avec Francis Loridan, l’ingénieur expatrié) dans le Saint-Germain-des-Prés des années 50, ce sont les lettres de prénoms oubliés, et de Georges Perec, d’Edgar Morin, intéressantes en elles-mêmes, mais pourquoi les leurs, si ce n’est que, passades de Marceline, ce sont des figures d’élite ? Elle fut fascinée par les intellectuels, d’ailleurs demande sans cesse des conseils de lectures (sa scolarité ayant été elle aussi avortée) dans sa volonté de s’élever, son intarissable soif de « vouloir savoir ».
« Je construisais une bibliothèque imaginaire devant moi, un peu comme on pave son chemin. En me déportant, on m’avait aussi arrachée à l’école, et je préférais me pencher sur ce que je n’avais pas appris que sur ce que j’avais vécu. »

C’est l’époque des questionnements de la jeunesse, des engagement politiques contre les conventions, des pionnières de l’émancipation féminine.
« La jeunesse venait de naître, ce n’était plus seulement un état passager, mais une catégorie valorisée, toisant les générations précédentes. »

« Il n’y eut, après les camps, plus aucun donneur d’ordres dans ma vie. »

Simone Weil :
« Nous étions du même transport, du même quai, du même camp. »

« Il faut répéter qu’une Juive survivante d’Auschwitz a tout fait pour sauver des femmes arabes de la torture et du viol. Il est là le sens de l’Histoire, et de l’humanité. Mais nous l’avons perdu. À moins qu’il n’y ait aucun sens, que j’aie simplement eu besoin d’y croire comme beaucoup d’autres au sortir de la guerre. Il n’y a qu’un balancier, faisant et défaisant. »

Puis vient Joris Evans, le grand amour de Marceline, qui lui permet enfin de se « connecter au monde » avec le cinéma documentaire.
« Mon corps n’était plus un enjeu enfin. Et doucement, à ses côtés, la jeune femme et la survivante ne firent plus qu’une seule. »

Marceline témoigne fort humainement…
« Je me cherchais dans les regards et je ne voulais pas y voir mon âme perdue. Qu’est-ce qu’une âme perdue ? C’en est une qui tâtonne dans la nuit, sur les routes du souvenir. Il faut agir follement pour ne pas la laisser voir. »

« Je n’étais pas une gosse, j’avais tout compris du genre humain à quinze ans, pas une adulte non plus, j’avais si peu connu de la vie, j’étais un petit être farouche, hybride, souvent cassant, doté d’un penchant pour la mort et d’un redoutable instinct de survie. Lorsque je l’ai rencontré, je sortais d’un sanatorium de Suisse, où j’avais soigné une tuberculose, et d’une seconde tentative de suicide aussi. J’étais venue me reposer au château. Étrange cette habitude que j’avais d’aller me réparer là où mon drame avait commencé, comme si, en revenant au point de départ, on pouvait tout annuler et renaître. »

… et j’admire son franc-parler :
« J’écris un livre sur l’amour. Sur comment vivre à deux sans se faire chier. »

« Ma vie c’était vraiment du rabe. »

« Ces vingt dernières années, j’ai vu une petite rousse vieillissante me regarder depuis des vitrines devenues trop luxueuses. J’ai mieux vieilli que mon quartier, je trouve. »



Mots-clés : #correspondances #temoignage
par Tristram
le Dim 7 Avr - 1:01
 
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Sujet: Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon
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Mary-Ann Shaffer et Annie Barrows

Mary-Ann Shaffer
1934/2008

Tag correspondances sur Des Choses à lire 21rynw10

Mary Ann Shaffer, de son nom complet Mary Ann Fiery Shaffer, née le 13 décembre 1934 à Martinsburg, en Virginie-Occidentale, aux États-Unis, et morte en 16 février 2008, est une écrivaine américaine auteur d'un roman épistolaire Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates (titre original : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society), qu'elle a achevé avec l'aide de sa nièce Annie Barrows quand sa santé est devenue défaillante.

Le roman est publié en juillet 2008 par l'éditeur américain Random House, peu après la mort de l'auteur. Il rencontre un succès international, consacré par le prix du meilleur livre du Washington Post en 2008. La traduction française d'Aline Azoulay paraît en avril 2009 chez l'éditeur NiL.
Éditrice, bibliothécaire puis libraire, Mary Ann Shaffer découvre Guernesey en 1976 et s'en souvient pour écrire à l'initiative de son propre cercle littéraire son roman épistolaire qui mêle la vie sentimentale d'une jeune femme de lettres anglaise, Juliet Ashton, et un regard documentaire sur l'île Anglo-Normande de Guernesey durant la Seconde Guerre mondiale, seul territoire européen dépendant de la couronne britannique occupé par l'armée allemande. En 1946, Juliet entre en contact avec des habitants de Guernesey et reçoit leurs lettres-témoignages sur la vie quotidienne de l'île occupée par les Allemands. Elle apprend en particulier l'anecdote de la création d'un cercle littéraire qui justifiait leurs rencontres autour d'un cochon grillé et d'une tourte aux épluchures de patates, et qui donne son titre au livre.

Il y est aussi question de Charles Lamb poète et critique littéraire anglais et à ses Essais d'Elia qui vont être l'objet du premier contact entre les membres du cercle littéraire.



Annie Barrows
Née en 1962

Tag correspondances sur Des Choses à lire 31eu6810

Annie Fiery Barrows est une romancière américaine née en 1962 à San Diego.
Elle est la coauteur du roman épistolaire The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society, publié en 2008 par l'éditeur américain Random House, et dans sa traduction française en 2009 par l'éditeur NiL sous le titre Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates.

Mary Ann Shaffer est l'auteur principal du roman, mais sa santé défaillante l'empêcha de retravailler le manuscrit final. C'est sa nièce Annie Barrows qui accepta de reprendre le texte et de le travailler jusqu'à publication finale. Elle est également l'auteur de la série pour enfants Ivy and Bean et de The Magic Half.


Bibliographie en français :

Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates,  2008 (avec Mary-Ann Shaffer)
Le Secret de la manufacture de chaussettes inusables, 2015


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Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Tag correspondances sur Des Choses à lire Bm_3726_aj_m_3620


Ce fut une belle surprise ! Une virée dans un de ces endroits magiques : une boutique de livres d'occasion....avec espace convivial mis à la disposition des clients..thé, café...et une femme me conseille ce roman. Si je la revois, je l'embrasse Tag correspondances sur Des Choses à lire 1390083676

J'ai adoré. Donc, il s'agit d'un roman basé uniquement sur des échanges épistolaires....après la fin de la guerre, en 1946, une jeune journaliste : Juliet, qui peine à trouver un nouveau sujet après le succès de sa précédente rubrique....répond à un lecteur habitant l'île de Guernesey qui lui fait part de son admiration pour un écrivain, Charles Lamb. Il est entré en possession d'un de ses livres, ayant jadis appartenu à Juliet et dont le nom et l'adresse étaient au dos de l'ouvrage.

Et tout découle de cet échange.....au fil de leurs courriers, il l'informe de la création du cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates...né à Guernesey au cours de l'occupation allemande....

Juliet, intriguée, le questionne....et tous les membres dudit cercle se dévoilent peu à peu.... et s'ensuivent des lettres avec tous ceux-ci....

C'est plein d'humour...sympa....comique et à la fois tragique quand le sujet s'étend évidemment à l'occupation allemande, aux exactions qui en ont découlé....etc....

Un roman léger ...mais pas tant que ça au fond.... Juliet au fil des lettres avec son éditeur et de son amie évoque aussi les aléas de sa vie privée...hilarant.

Juliet répond à Dawsey Adams...qui est entré en possession de son livre...

" Je me demande comment cet ouvrage est arrivé à Guernesey. Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu'à leur lecteur idéal...  Comme il serait délicieux que ce soit le cas....»

N'est-ce pas ?


mots-clés : #correspondances #deuxiemeguerre
par simla
le Jeu 29 Nov - 4:30
 
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Sujet: Mary-Ann Shaffer et Annie Barrows
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Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon

L'amour après
avec Judith Perrignon

Tag correspondances sur Des Choses à lire 41aubv10


Au crépuscule de sa vie, lumineux quoiqu'elle perde la vue, Marceline Loridan-Ivens rouvre la valise de ses archives et se rappelle comment, au retour des camps, avec "l'ombre de la mort" dans son dos, elle a fait le choix de la liberté, là où beaucoup de ses compagnes ont choisi le mariage, la sagesse, les enfants, cadre rassurant pour dépasser l'empreinte infernale. Comment elle joue le "jeu de la séduction dont j'avais abusé pour me rassurer, par simple peur d'être aspirée par le vide".

C'est l'occasion de parler d'un corps qui ne peut que se souvenir des sévices, de l'usage d'une espèce de liberté qu'elle a paradoxalement apprise dans les camps, où, jetée à 15 ans, elle s'est affranchie de toute tutelle pour ne vivre que par elle-même. C'est aussi l'occasion de parler  d'amour dans cette incroyable relation partagée avec Joris Ivens, d'amitié, notamment avec quelques pages très fortes sur Simone Veil, si différente et si proche, de ce lien impossible à couper entre les survivant(e)s.
C'est un texte que la belle écriture de Judith Perrignon contribue à rendre aussi joyeux que terrible, vivant, en quelque sorte, de cette énergie de savoirs, de relations, de combats qui a conduit Marceline Loridan-Ivens.

Seuls comptent la quête, le mouvement, le sens.


Sans mentir, franche, résolue, elle ne franchit jamais les limites d'une impudeur, ni sur l'horreur ou la douleur, ni sur la joie, ni sur le plaisir. Les dernières pages sont bouleversantes, elle se retrouve seule dans le lit de son conjoint décédé reste de son côté, puis adopte le milieu. Tout cela est bien remuant. Il y a une beauté à cette façon de mener sa vie.

Mots-clés : #amour #autobiographie #campsconcentration #conditionfeminine #correspondances #temoignage
par topocl
le Mer 1 Aoû - 15:42
 
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Sujet: Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon
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José Manuel Prieto

Papillons de nuit dans l'empire de russie

Tag correspondances sur Des Choses à lire Prieto10

Le narrateur, un certain J, profite de l’effondrement de l’empire soviétique pour faire du trafic avec l’occident en privilégiant le matériel militaire high-tech : guides laser et googles infra-rouge. Il a bien compris qu’il peut bénéficier d’une plus-value non négligeable sur ce type d’objet peu encombrant, en revanche il risque gros. Il rencontre lors d’une vente un richissime suédois qui lui suggère un autre type de trafic, moins dangereux, celui des papillons. J se lance donc à la recherche du mystérieux yaziku dont le dernier spécimen a été donné au tsar Nicolas II en 1914.
Lors d’un voyage à Istanbul avec son employeur suédois, J remarque dans une boîte de nuit une stripteaseuse et prostituée, une certaine V, une jeune russe qui a voulu fuir son village sordide de Sibérie. Celle-ci lui demande de l’aider à fuir et retourner en Russie (cas classique, le propriétaire de la boîte lui a confisqué son passeport et l’a endettée à vie). Par la suite, J recevra sept lettres de V, lettres sublimes. Pour lui répondre il va lire de nombreuses correspondances de l’Antiquité à nos jours.

Encore un détail : si nous sommes en admiration devant les lettres de Flaubert à Louise Collet, ou celles de Kafka à Milena (et aussi à Felice), pourquoi ne pas imaginer qu’elles ont été inspirées par des lettres de bien meilleure qualité, écrites par ces femmes ? Bien souvent on ne lit ou ne publie que les lettres des écrivains, en majorité des hommes, mais derrière celles-ci – tout comme derrière ce brouillon – se cachent des lettres de femmes, de vraies œuvres d’art, sublimes. Sublimes, il ne me vient pas d’autre mot à l’esprit.


Le livre est donc un roman épistolaire d’un genre nouveau. Le narrateur raconte sa vie avant, pendant et après sa fuite avec V. Le tout s’entremêle de réflexions sur l’existence, de notations sur le temps, les paysages, les scènes du quotidien. Surtout, la poésie est omniprésente.
J’ai été plus particulièrement séduit par l’atmosphère slave qui se dégage du livre, Prieto est cubain mais il a vécu longtemps en Russie ; également ce dialogue particulier qui s’instaure entre Orient et Occident. En effet, le récit oscille entre deux sites, un Istanbul plutôt marqué par l’Orient et Livadia en Crimée où les influences occidentales sont plus marquées. Cependant, ce sont aussi des villes où coexistent des deux cultures, les deux esprits.
En littérature, le mot « papillon » renvoie immanquablement à Nobokov. C’est dans un genre un peu différent que Prieto nous entraîne dans les aventures de J chassant le yaziku dans le delta de la Volga. Mais il a gardé le côté « enchanteur » du maître.
Une très belle lecture et un écrivain à découvrir.  Very Happy

Lorsque mes yeux glissèrent sur son nom, à la dernière page, étourdi par ce que je venais de lire et parce que cette lettre était peut-être encore plus belle que la précédente, je perdis un court instant la pleine conscience du lieu où je me trouvais, immergé dans le plus profond silence, tandis que sa phrase d’au revoir résonnait comme une perle de cristal rebondissant sur les parois d’un coquillage, se déplaçant rapidement dans la spirale de ses cavités.


Un voyage doit se profiler à l’avance dans l’esprit du voyageur comme dans un minuscule polygone, comme dans une chambre de Wilson où l’on étudierait sa trajectoire de particule atomique, où l’on envisagerait l’état de satisfaction qui nous attend sur l’autre rive, l’eau en train de bouillir dans la marmite, le soleil en train de se coucher derrière les arbres, les guides bachkirs discutant à voix basse tout près de toi, dans leur boutique de fortune. Voilà pour ce qui est de l’importance physique de la peau exposée au vent et du soleil derrière les paupières. Mais on notera la nécessité d’un cadre mental, métaphysique, d’une expérience supra personnelle qui nous permette de d’admirer, ravis, les traces des bulles dans la masse liquide, de découvrir des univers confinés entre ces minces parois. Une idée inaccessible et d’apparence fragile, les ailes d’un papillon, un rêve.


A l’intérieur de ces troncs survivaient des forces qui refusaient de se consumer, qui protestaient en émettant des craquements, dans un rapide staccato, ralentissant le rythme par moments pour émettre ensuite des appels à l’aide frénétiques. C’étaient les plaintes des âmes emprisonnées dans les arbres, divinités sylvestres martyrisées par le feu, ou peut-être, pensais-je tout à coup, les cris de joie qu’elles poussaient en s’élevant vers le ciel, libres enfin. Avant de se mêler au reste du troupeau des âmes, elles devaient avoir averti mon autre moitié errante, l’importunant l’espace d’une seconde dans un bar de Linz en Autriche.


Pour ma part, je n’avais aucune raison de m’inquiéter, mais comme je la regardais, droit dans les yeux, tout en l’écoutant parler de mode (son rêve était de devenir mannequin, m’avait-elle dit) je pus voir la peur voiler son regard, la solution aqueuse de ses yeux se cristalliser soudain, se précipiter et tomber lentement comme des flocons de neige.


mots-clés : #contemporain #correspondances #polar #voyage
par ArenSor
le Lun 18 Juin - 18:31
 
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Sujet: José Manuel Prieto
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Claudie Hunzinger

Tag correspondances sur Des Choses à lire 41kdzt10

La langue des oiseaux

« La nuit où j’ai rencontré Kat-Epadô, j’étais seule dans une baraque isolée, porte fermée à double tour. Autour de moi, la tempête. À perte de vue, des forêts. »
ZsaZsa, une romancière, quitte Paris pour aller dans les montagnes étudier la langue des oiseaux. Elle n’imaginait pas que le soir même, allumant l’écran, elle allait rencontrer une étrange Japonaise dont l’écriture la fascine aussitôt par son charme maladroit. Un jour, celle-ci débarque. Elle a peur. Pourquoi ces deux jeunes femmes vont-elles fuir ensemble à travers les forêts ? De nuit ? Qu’est-ce qui les lie ? Qui les poursuit ?

Quatrième de couverture


Peut-être que la quatrième de couverture va trop vite pour raconter le roman ou peut-être que ce qui m'a marquée est "l'avant-rencontre" réelle des deux "filles" comme ZsaZsa les nomme.

ZsaZsa - j'adore ce surnom - a décidé de prendre une année sabbatique pour prendre du recul par rapport à sa vie personnelle, son travail de correctrice et par rapport à la société  elle-même avec laquelle elle n'est plus en adéquation. Elle part donc pour les forêts vosgiennes, un abri de la dernière guerre, un confort spartiate, le dénuement et la vie en pleine nature même si on est en plein hiver pour tout replacer à sa juste valeur et surtout donner de l'importance aux choses qui sont essentielles  pour ZsaZsa.

il - isaac Babel - vous disait qu'au genre humain, il ne faut pas se fier. Il n'y a que les écrivains pour vous le dire, jamais la société ne vous l'avouera. Elle vous cachera le Mal dont elle est pétrie, par honte. Par humanisme.

J'ai  - égoïstement - aimé les pages où ZsaZSa se raconte : son enfance atypique, ce père cultivé qui enseigne le chinois à sa fille et l'écoute des oiseaux pour les connaître et communiquer avec eux, puis les rencontres, la vie professionnelle, son rapport à notre société. Et tout autant quand elle évoque la nature qui n'est là que pour elle seule, Marguerite "sa voisine" si décalée dans notre société et si attachante - n'est-elle pas disponible à toute heure pour ouvrir sa porte , - .

Je voulais lui  - marguerite -épargner l'hôpital du village où déjà une fois, cet hiver, il avait fallu la transporter après la mort de son cheval. Il n'y avait pas de bêtes là-bas, en bas, disait-elle, pas de poules, pas de chat, il n'y avait rien. A l'hôpital, il n'y avait rien. Il fallait que je revienne ici. les bêtes sont des confidents, on leur dit tout, et alors, là, elle leva vers moi son regard, pour être sûre de moi, sûre que je comprenais cela, l'essentiel, nous-mêmes, elle et moi, fille et bêtes.

Il y a cette quête vers le virtuel que représente Kat-Espadô, cela occupe complètement sa volonté quand elle ne parcourt pas les forêts, la hante...Et il y a la rencontre réelle et là, je ne dirai rien de plus : à vous de découvrir !

Il existe toutes sortes de rencontres. (...) On peut rencontrer un pseudo : il vous possède. On peut rencontrer un oiseau : il vous fait rougir. La plus petite rencontre contient sa part explosive qui fracture quelque  chose en vous.


Je n'ai qu'un regret  : avoir lu la dernière page de ce roman et quitté ZsaZsa comme on quitte une image que l'on trouve trop familière...


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par Invité
le Mer 21 Fév - 19:23
 
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Sujet: Claudie Hunzinger
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