Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Ven 19 Avr - 6:40

352 résultats trouvés pour famille

Jane Smiley

Jane Smiley
Née en 1949


Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Janesm10

Jane Smiley est femmes de lettres américaine. Elle a été professeur à l'Université de l'Iowa. Elle est lauréate du Prix Pulitzer 1992 pour le roman L' Exploitation inspiré du Roi Lear de Shakespeare. Ce roman est adapté au cinéma en 1998 sous le titre A Thousand Acres (Secrets), réalisé par Jocelyn Moorhouse avec Michelle Pfeiffer et Jessica Lange. Elle vit actuellement à Carmel en Californie.

Source : Babelio

Oeuvres traduites en français

1981 : Jusqu'au lendemain (At Paradise Gate)
1984 : Un appartement à New York (Duplicate Keys)
1988 : La Nuit des Groenlandais (The Greenlanders)
1991 : L'Exploitation (A Thousand Acres)
1995 : Moo (Moo)
1998 : Les Aventures de Liddie Newton (The All-True Travels and Adventures of Lidie Newton)
2000 : Le Paradis des chevaux (Horse Heaven)
2003 : En toute bonne foi (Good Faith)
2007 : Dix jours dans les collines de Hollywood (Ten Days in the Hills)
2010 : Une vie à part (Private Life)





Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 41zdsr10

Nos premiers jours Editions Rivages traduit en 2016.

Voici donc le premier livre d'une trilogie... une saga familiale. J'attends avec impatience les suivants... Je pense avoir déjà lu au moins un ou deux des romans de cette auteure, mais à vrai dire, je n'en ai aucun souvenir, dommage Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 2441072346 Ceci dit, c'est vraiment pas mal au final même si commençant ma lecture je me suis dit : bof....en fait, on s'immerge peu à peu dans la vie de cette famille d'agriculteurs qui se déroule de 1920 à 1953.

Walter et Rosanna Langdon ont réalisé leur rêve, posséder une ferme bien à eux dans l'Iowa. Ils ont six enfants, font pousser du maïs, traversent des épreuves, un rythme lent, quotidien, la vie pas simple d'un cultivateur, au rythme des saisons, les variations des cours suivant les années, l'avènement de nombreux changements, les tracteurs, etc. Les enfants grandissent, leur évolution au fil du temps, leur personnalité particulière, tout ceci est très bien décrit.

Oui, j'ai bien aimé, on s'attache aux personnages, quelques touches de politique, l'engagement des Etats-Unis pendant la dernière guerre
à travers la vision du fils aîné de Walter et Rosanna, Frank, qui s'engage, assez intéressant. J'espère ne pas devoir attendre trop longtemps pour la suite Wink


mots-clés : #famille #ruralité #viequotidienne
par simla
le Sam 31 Déc - 8:18
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Jane Smiley
Réponses: 40
Vues: 1854

Philip Caputo

Clandestin

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 97822613

C'est sûr que Philipp Caputo n'a pas lésiné sur les moyens. Il mêle roman d'amour, réflexion historique, thriller, Nature writing, saga familiale...Il inscrit son roman dans la durée sur plusieurs générations par des récits entremêlés, malédiction et vengeance à l'appui. Il oppose l'Ouest ancien avec ses cow-boys et la naissance de la Révolution mexicaine, et l'Ouest moderne où la frontière est le terrain de jeu des passeurs de migrants et des narcotrafiquants. Il se glisse dans la peau de multiples personnages, ranchers, policiers, infiltrés ou non, bandits, infiltrés ou non. Il n'hésite pas à mêler à cela Sénèque, le 11 septembre et même la guerre en Irak.

C'est un roman très riche avec plein de thèmes , une certaine naïveté (le bon trader résiliant qui lit Sénèque, l'histoire d'amour assez basique). Mais on passe très volontiers là dessus, car l'histoire, en lien avec le passé, est complexe et pleine de rebondissements et certains personnages, au contraire, sont incroyablement fouillés, en particulier le propriétaire du ranch frontalier, qui est l’incarnation de cette opposition anciens/modernes, s'accroche aux valeurs de ses aïeux, et cela en fait un homme d'une grande droiture mais un bon facho quand même.

C'est donc très ambitieux, et on pourrait croire que tout cela fait un peu trop, et bien non, au bout du compte c'est un panorama grandiose d'un mode de vie et d'une région, une étude de caractères apparemment bien tranchés mais finalement plutôt ambigus. Le Prix Pulitzer est bien mérité, on suit ça avec une exaltation tranquille, sans relâche au fil des 770 pages du livre.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #historique #immigration #famille
par topocl
le Ven 30 Déc - 16:54
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Philip Caputo
Réponses: 1
Vues: 872

Anjana APPACHANA

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Livre_10

L’année des secrets

« A cette époque enfouie et lointaine, vivaient sous notre toit ma mère, constamment affligée, sa sœur, vive et enjouée, et mon père, absent à qui donnait corps le terrible silence de ma mère. Notre maison était un puits rempli de cette absence et de ce silence, et c'est dans ces eaux-là que mon histoire commença.»


Mallika a grandi entourée de l'amour exclusif et passionné de sa mère et de sa tante, pressentant depuis toujours qu'un mystère plane sur l’absence de son père. De ce secret jalousement gardé par les femmes de ce roman, chacune va nous relater sa version, forcément parcellaire, et en partie fantasmée. Au lecteur de reconstituer le puzzle et d'avoir une vision d'ensemble que ne possède aucun des protagonistes.
La trame est déjà vue, et le lecteur croit bien vite détenir la clé du mystère _ Tout ça pour ça ? _  mais, telles des poupées gigognes, les multiples facettes de la vérité vont se révéler peu à peu, dans un récit maîtrisé de bout en bout.

Les femmes constituent le cœur de ce roman, et au-delà de l'intrigue, c'est la description sans fard de leur condition dans une Inde très largement patriarcale qui m'a le plus intéressée. Jeunes filles nourries de rêves et de romans victoriens, toutes s'imaginent un avenir fait de drames et de passion, un amour qui leur permettra de fuir « avant que les tâches ménagères blêmes clapotent autour de leurs chevilles et montent, mine de rien, pour les engloutir jusqu’au cou.» Si souvent pourtant, elles finissent par gommer toute ambition personnelle, remisant dons et diplômes au placard afin de se conformer à ce que la société attend d'elles. Reléguées aux taches ménagères sous le regard d'un mari indifférent.

« Combien d'hommes avait-elle rencontré qui, lorsqu'on les questionnait, répondaient : Je veux une jeune fille intelligente ? Pas un. Ils voulaient de la beauté, du talent dans les domaines de la cuisine, de la maison, ils voulaient de la culture, une bonne famille. A l'heure actuelle, ils voulaient même de l'instruction. Une maîtrise au minimum. Mais l'intelligence ? Non. Le mariage et la maternité exigeaient du bon sens et de l'intuition, pas de l'intelligence. Entretenir ses capacités intellectuelles impliquait, pour une femme, de négliger son foyer et ses enfants, et entretenir sa maison et ses enfants, de négliger le reste. Méditer sur sa vie revenait à laisser attacher le riz. Et réfléchir aux relations humaines, à affamer les enfants.»


Alors, sous le masque serein et souriant de la mère et épouse dévouée, la révolte gronde, les regrets s'amoncellent, la culpabilité sourd. Pourtant ces femmes n'en perpétuent pas moins le schéma classique ; privilégiant les fils au détriment des filles, rabaissant les brus. Et préparant leurs filles à se taire à leur tour, à accepter, à nier leurs désirs pour satisfaire ceux des hommes. Parce qu'en Inde, une femme qui ose déroger aux règles bien établies, qui ose aimer, qui ose se rebeller, le paye au prix fort. Même pour ceux qui aiment à professer leur ouverture d'esprit, le constat se fait souvent amer : « en ce qui concerne ses filles, Appa n'acceptera jamais les conséquences de ses propres croyances... »

Anjana Appachana, auteur de l'excellent recueil de nouvelles Mes seuls Dieux, a l'art de brosser un personnage en quelques mots, quelques gestes, quelques pensées intimes. Elle fouille ensuite au plus profond des âmes, nous révélant les sentiments de ses personnages dans toute leur complexité, dans un récit fort, et très riche, passionnant malgré quelques inévitables longueurs. Le lecteur s’y plonge pour n'en ressortir que des heures plus tard, quelque peu estourbi par l'ampleur des drames qui se jouent en silence dans les arrière-cours, et pardonne bien volontiers les quelques invraisemblances du dernier chapitre, encore hanté par les visages de ces héros auxquels l’auteur a insufflé tant de vie…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #psychologique #famille #romanchoral
par Armor
le Ven 30 Déc - 16:21
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Anjana APPACHANA
Réponses: 1
Vues: 744

Junichiro TANIZAKI

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 51qatj10

Quatre soeurs

Une oeuvre magnifique, d'une immense sensibilité dans son évocation du quotidien d'une famille japonaise dans les années 1930. Le poids des normes sociales pèse sur la relation entre les quatre soeurs, et le retard pris dans le mariage de la troisième devient très vite le point d'ancrage des tensions et des incertitudes. Tanizaki parvient à transcender une réflexion, des introspections, et s'attache à saisir les contradictions et les failles de chaque personnage avec une émotion très vive.

Il est souvent question d'un passé révolu alors que les soeurs Makioka contemplent, avec amertume, les signes d'un déclassement par rapport à la génération de leurs parents. C'est une évolution lancinante, qui fait aussi surgir avec beaucoup de force l'éclat d'une émancipation (à travers les choix de la plus jeune soeur). Si le tumulte de la seconde guerre mondiale approche, l'histoire ne reste qu'une toile de fond et l'écriture suit toujours sans relâche l'intime et ses bouleversements. Ce sont des souffrances et des joies, parfois entremêlées, qui forment le ciment d'une cellule familiale....et si les angoisses sont omniprésentes, Tanizaki souligne avec éclat l'intensité décisive des liens relationnels.

(Ancien commentaire remanié)



mots-clés : #famille #traditions
par Avadoro
le Jeu 29 Déc - 17:50
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Junichiro TANIZAKI
Réponses: 77
Vues: 9366

Brigitte Giraud

Pas d'inquiétude

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image260

C'est le récit de la lente dérive, de l'anéantissement profond d'un père qui est en train de perdre son enfant, et qui se perd lui-même.

Alors que la mère se rigidifie en surinvestissant son travail, le père arrive à se dégager de celui-ci et à ne se consacrer qu'à son enfant. Outre la douleur de la maladie et le futur deuil il doit aussi assumer une perte totale de son identité et de sa place de la société, renonçant à être fournisseur d’un travail, élément d'un groupe professionnel chaleureux, nourrisseur de la famille, époux de sa femme (qui a fait des choix autres), père de sa fille aînée, ami de ses amis, responsable de sa maison… Tout en profitant de quelques moments heureux avec son fils (des balades en Vespa, des poèmes appris ensemble par cœur, une visite musée où l'enfant se soucie plus de l'avenir des ours polaires que de son propre sort), il se dissout dans un cocon de repli sur soi, comme s'il ne bougeait plus pour ne pas se heurter. On attend tout de lui, mais il sait qu'il ne peut rien mais il n'a pas d’autre choix.

   On me faisait croire que j'étais solide parce que ça arrangeait tout le monde, mais moi je savais bien où j'en étais.


Pas d’inquiétude
est l'histoire prenante et d’un anéantissement lucide et désolé.

(commentaire récupéré)
mots-clés : #famille #pathologie #social
par topocl
le Jeu 29 Déc - 9:48
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Brigitte Giraud
Réponses: 15
Vues: 1501

Rohinton MISTRY

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 41lk6z11

Une simple affaire de famille

Il y a des années et des années, Nariman est tombé amoureux de Lucy. Mais, parce qu'elle n'était pas de religion parsie, le mariage fut impossible, et on lui imposa une union arrangée avec une veuve déjà mère de deux enfants. De ce mariage sans passion naîtra une fille, Roxana.
Aujourd'hui veuf et malade, Nariman habite dans la grande maison familiale avec ses beaux enfants qui le considèrent comme un poids. Aussi profitent-ils de la première occasion pour s'en débarrasser et l'imposer à leur demi-soeur Roxana, qui, pourtant, loge dans un appartement minuscule. Loin de l'aigreur de ses aînés, Roxana semble avoir réussi sa vie, formant avec son mari Yezad et ses deux petits garçons une famille unie. Pour elle,  accueillir le grand-père souffrant est une évidence, même si pour cela, les enfants en sont réduits à dormir sur le balcon.
Mais la promiscuité, alliée aux difficultés que rencontre Yezad au travail, vont peu à peu fissurer la belle harmonie familiale…

Rohinton Mistry a un talent précieux, celui de retranscrire avec une rare justesse les petites choses de la vie : les rires, les regards, les malentendus, les moments de tendresse comme de désespoir. Il n'y a pas de facilités avec Mistry : juste une extrême sensibilité pour décrire toute la palette des sentiments humains.
L'auteur a su, dans cette simple affaire de famille, éviter ce qui encombrait L'équilibre du monde. A aucun moment je n'ai eu l'impression qu'il avait inventé une péripétie pour parler d'un fait de société. Cette fois, l'histoire est toute au service de ses personnages, et l'auteur a peaufiné son récit jusqu'à faire de ce livre un petit bijou d'équilibre et de subtilité, probablement l'un des plus beaux que j'ai pu lire sur l'infinie complexité des rapports familiaux.

Pour autant, la réalité de l'Inde est bel et bien présente, et ses faces sombres ne sont en rien occultées. Face à la corruption, à l'intégrisme religieux, le repli communautaire revêt parfois des atours bien tentants, offrant l'illusion d'une identité toute prête au sein d'un groupe sécurisant...
Il sera bien difficile pour la famille de Roxana de conserver l'unité joyeuse et aimante des premiers jours. Mais même si l'humour de Mistry est teinté de désespoir, même si l'histoire sans cesse se répète et que l'homme n'apprend pas de ses erreurs, l'auteur n'a pas omis cette fois de laisser au lecteur une part, si infime soit-elle, du plus humain des sentiments : l'espoir…

Si l'équilibre du monde restera certainement le plus connu des romans de l'auteur, notamment pour son effet "coup de poing", je suis persuadée que, littérairement parlant, Une simple affaire de famille est incomparablement meilleur.
Et, pour moi, un grand roman.


mots-clés : #famille
par Armor
le Mar 27 Déc - 18:38
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Rohinton MISTRY
Réponses: 14
Vues: 1205

Martin Winckler

La maladie de Sachs

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image164

Marc Zaffran, pseudonyme Martin Winckler, alias Bruno Sachs, que je vous ai déjà largement présenté, le médecin tourmentais tourmenté, a deux amours : sa compagne MPJ alias Pauline Kasser, et la médecine générale. Et il nous en parle sur 470 pages. Et comme les choses qu’on aime et qui vous aident à vivre, c’est vital d’en parler et en même temps délicat, donc, ici, il adopte la forme « roman » (il avait bien dit dans Plumes d’Ange qu’il ne racontait pas sa rencontre avec la fameuse MPJ, celle qu’il continue de vouvoyer après des années de vie commune et trois enfants à eux, qu’elle était trop romanesque et qu’on n’y croirait pas)

Sa compagne, c’est celle qu’il a longtemps cherchée en croyant qu'une telle femme n’existait pas, celle qui lui a montré qu'on pouvait aimer sans amputer, et à partir de laquelle il a pu apprendre à s'aimer lui-même et commencer à vraiment construire. Celle, joyeuse, drôle, attentionnée, qui l’écoute et le ressource. Celle qui lui fait retrouver une jeunesse, une légèreté que ses angoisses, ses combats, une certaine rigidité lui avaient fait oublier.

La médecine, il nous la décrit avec tout ce que cela a de passionnant et de douloureux, de futile et de profond. Franchement c'est un portrait impressionnant de précision, de tendresse, de réflexion sur notre métier. J'ai passé ma semaine à penser au livre en travaillant et à lire en pensant à mon travail… On y retrouve le caractère rituel et répétitif, les petits mots mille fois répétés, les gestes renouvelés, plus ou moins automatisés (oui Shanidar , c’est très répétitif comme métier) tout ce qui revient cent fois par jour, ce cadre qui nous aide à rester lucide, à conserver notre attention et notre disponibilité, et toutes les 20 minutes ça recommence, quelqu'un arrive, déballe toute sa vie sur le bureau, avec confiance ou défiance, et on est là, on paraît un roc parce que simplement on est médecin, et on traîne avec nous, nos faiblesses, nos erreurs, nos échecs, notre solitude face à la détresse des autres, face à notre impuissance, la compassion qui frise parfois l'exaspération, nos certitudes et nos incertitudes, l'émotion inévitable et la distance qui tâche de nous protéger. Certains collègues qui nous font gerber, mais c’est le patient pour lequel il faut rester présent.
J'arrête car j'ai l'impression que plus parler de moi que de Martin Winckler.

Tout ceci sous forme d'une chronique douce-amère, Bruno Sachs, le héros si peu héros, ne quittant pas la scène, mais ce n'est jamais lui qui parle, cette multitude de personnages qui tour à tour nous racontent une petite tranche de vie partagée avec lui,(ses patients, ses amis, les commères, le pharmacien, la secrétaire), s'adressant à lui, lui disant tu, et ce tu montre à quel point le lien est important. Je trouve ça génial : des dizaines de JE qui racontent ce TU unique, omniprésent , commun à tous, mais toujours seul face à eux. Ce sont des gens simples comme j'en vois tous les jours, qui n'ont pas fait d’ études, qui n'ont pas de culture, qui ne lisent pas, pas des « penseurs », pas des héros de romans formatés pour faire candide, et ils aiment, ils souffrent, ils espèrent, ils réfléchissent, et, oui, ils ont des choses à dire. Et ils les disent exactement comme ça.

Au début on se dit que c'est une chronique, puis peu à peu les personnages se dessinent, les liens se tissent, et au hasard des rencontres, des secrets révélés ou suggérés, cela tourne vraiment au roman, on s'attache au destin des personnages, commun ou tragique, il y a des rebondissements cocasses, émouvants, perturbants. L'humour est toujours en filigrane

Dans ce livre, Martin Winckler /Bruno Sachs s’ apaise. Certes, il garde ses révoltes et ses colères, mais nous le sentons apaisé, il « baigne dans son jus » il est près des gens, leur parle, les écoute surtout, et Pauline Kasser l’attend à la maison pour le ressourcer.

C'est tendre, humain, c'est terriblement quotidien, je le re-relirai sûrement un jour.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #famille #medecine #pathologie
par topocl
le Mar 27 Déc - 18:06
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Martin Winckler
Réponses: 21
Vues: 2170

Martin Winckler

Plumes d’Ange

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image162

Où l'on retrouve Martin Winckler qui, à travers un nouveau feuilleton initialement publié sur le Web, poursuit son travail autobiographique, et par là sa quête identitaire. Il choisit de présenter cette fois-ci Ange, que nous avons commencé à connaître dans Légendes, Ange, son père au prénom si rare, qui l’a tant aimé et qu'il a tant aimé. Par lequel il a tant souffert aussi, dans une famille comme beaucoup d’autres, où aimer veut dire ne pas faire souffrir et où il a mis fort longtemps à comprendre que faire ses propres choix n'est pas trahir.

Winckler approfondit donc sa recherche sur son père, il a la chance que dans sa famille on ait beaucoup parlé (même si cela n’empêche pas que certaines choses ont été tues), on a beaucoup gardé (de photos, de lettres, de documents, de textes…), Et au-delà du portrait du père, cet homme extraordinaire, « bon » dit son fils et profondément humain, se dessine la quête du fils pour établir ce portrait , ce qui est l'un des thèmes passionnants du livre.
Au-delà des rapports d’une grande tendresse que Marc (Martin Winckler est un pseudonyme) établit avec son père tout au long de son enfance et de son adolescence, Martin (l’écrivain) recherche ce qui, avant sa propre naissance, et après la mort d’Ange n'a pas manqué de le marquer, de l'enrichir et de l’éprouver en même temps. On s'attache énormément à ces « personnages », le père omniprésent, rayonnant, l'enfant fasciné, inconsciemment hanté par l'idée de ne pas être à la hauteur de son attente.

Il est un peu gênant de lire ce livre dans un « cycle Winckler » comme je le fais parce que de nombreux textes sont repris directement de Légendes, et d'autres parties se retrouvent prêtées au personnage de Bruno dans Les trois médecins. Cela donne quelques longueurs. Sans doute Winckler aurait-il gagné à plus reprendre ses textes, les présenter un peu différemment, apporter un éclairage autre. Cela doit moins gêner en cas de lecture à distance des différents ouvrages.

Il faut aussi accepter, quand on lit Winckler, une certaine naïveté, un côté chevaleresque de sauveur de l'humanité, une façon de présenter des personnages fondamentalement trop bons, comme dans un conte. Je pense que c'est la façon dont il vit, dont il voit le monde, et qui pour cette raison entre dans ses livres.

Ceci étant accepté, on prend un grand plaisir de lecture dans cette histoire familiale, histoire d'un homme qui aime son père, et l’imitant et le rejetant à la fois, apprend à devenir homme à son tour.


Dans les toutes premières pages :

 
 Pour élucider l'empreinte qu'il a sur moi, j'ai longtemps voulu remonter le temps et reconstituer sa vie. J’ai cru souhaitable de rassembler des documents, de retracer des itinéraires, de solliciter ceux de ses proches qui vivent encore et qui, pour beaucoup, brûlent de parler de lui. Jusqu'au jour où j'ai compris que ça ne suffirait pas. Ange ne se cache pas dans les archives, il ne se cache pas dans les paroles des survivants ou dans leurs souvenirs. J'ai beaucoup appris des uns et des autres, mais l'homme dont je cherche à dessiner les contours se tient là, sous mes yeux, dans le miroir. Il est là, dans mes mains et mes gestes. J'entends sa voix quand je parle. Et surtout - je raconterai comment je l'ai découvert - il s'est livré dans ce que j'ai écrit. Allez ! J'ai trop tardé à le défier. Aujourd'hui, je dois faire face : c’est sa trace en moi qu’il me faut affronter.


Dans les toutes dernières pages :


  Mon père était un homme bon, il est mort, et personne ne peut dire, et d'abord pas lui, si je suis un type correct, qui fait honneur à sa mémoire. Voilà, c'est ça, je voudrais que ce livre, qui porte le nom de mon père, lui fasse honneur.
   Je sais ce que vous allez vous dire, c'est ridicule de poser les choses en ces termes, et pourtant c'est comme ça que ça se pose dans ma tête et ça me fait chialer là, à l'instant pendant que je vous écris, je ne sais d’où ça vient, mais ça vient de loin, ça me fait un mal de chien.


(commentaire récupéré)

mots-clés : #autobiographie #famille
par topocl
le Mar 27 Déc - 18:05
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Martin Winckler
Réponses: 21
Vues: 2170

Franz Kafka

Lettre au père

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 519pkc10

Curieuse lettre d'abord, qui ne fut jamais adressée et qui, sans doute, n'aurait jamais été lue, écrite à 36 ans par un homme « faible, anxieux, hésitant, inquiet », parue à titre posthume. Et qui n'a pas le caractère spontané et fluide qu'une vraie lettre pourrait avoir, mais relève au contraire d 'une construction scrupuleuse, dense, raisonnée,tournant autour d 'un thème : la destruction , non par un manque d'amour, mais par une éducation pervertie. Ce n'est pas un règlement de compte (car Kafka  aime profondément cet homme qu'il déteste, tout serait presque simple sinon), mais plutôt un état des lieux, une analyse rigoureuse, au terme de laquelle surgit  un appel à une certaine réconciliation  puisqu'il finit ainsi :

il me semble que nous sommes parvenus malgré tout à un résultat qui approche d'assez près la vérité pour nous apaiser un peu et nous rendre à tous deux la vie et la mort plus faciles.


C'est  une longue plainte devant ce qui est , ce qui a été et pas été, sur l’échec d'un homme, le père - inapte à tendre la main, ayant rendu ses enfants de toute façon inaptes à la saisir- et sur le prix à payer par ses enfants. Issu d'un milieu rural pauvre, ayant réussi dans le commerce grâce  son énergie, sa détermination, sa sûreté de soi, il veut transmettre cela à ses enfants. Maladroit, ayant sans doute mal assimilé sa propre ascension sociale, il ne vit qu'à travers elle et loupe sa famille, sa relation à ses enfants, et il souffre, ayant cru trouver une clé, l'ayant même forgée grâce à sa propre énergie,  de voir qu’elle n'a pas suffi à ouvrir la porte du royaume de la béatitude.

Ce qui frappe, c'est l'absence totale de résilience en Kafka le fils. Ce constat d'écorché vif,  de l'échec d'une relation avec un père pourtant adulé, de l'emprise négative de celle-ci, de l'incapacité à en sortir, soit en améliorant cette relation, soit en construisant lui-même un autre royaume : réussite scolaire vécue comme un échec, métier mal approprié, hypochondrie, tentatives de mariages naufragées , écriture qu n’est évoquée que par le biais des périodes infertiles .

( et  cela  pose ainsi quelques questions : Que doit le monde littéraire à Monsieur Kafka Père ? Ne troquons nous pas allégrement, nous lecteurs, la souffrance d'un homme contre son œuvre de génie?)


(commentaire récupéré)


mots-clés : #correspondances #famille
par topocl
le Mar 27 Déc - 13:53
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Franz Kafka
Réponses: 48
Vues: 4188

Véronique Bizot

Un avenir

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Varoni10

Il s'agit d'un livre d'ambiance. Nous suivons pendant quatre jours pas à pas, pensée à pensée, le narrateur, un cinquantenaire sans attache, revenu sous la neige dans la maison familiale. Là habitait jusque-là, dans une atmosphère paumée et effrayante, son frère Odd, lequel écrivit à ses 5 frères et sœurs pour leur annoncer sa disparition. C'est l'occasion de suivre l'itinéraire scrupuleux de ce personnage, tant en acte qu ‘en pensée, de voir resurgir le passé d'une famille bancale et décalée, de partir dans des digressions qui sont autant de nouvelles dans le roman, de partager sa solitude perplexe et nostalgique. Une ambiance incertaine et poétique, dans un style singulier, joyeusement désespéré. Unevoix très particulière et attachante.


 
 Il se peut qu'en acceptant d'entrer à l'asile notre sœur Margrete nous ait à tous épargné l’asile, me suis-je dit, de même que l'échec de notre frère Odd nous a à tous épargnés l'échec. J'ai su que notre sœur Margrete avait dit un jour que le béton des barrages que je construisais retenait nos larmes à tous.



   Et si j'ai gardé de ces quatre filles Lunel une sorte d'image artistiquement floue qui me fait aujourd'hui les voir habillées en blanc et couvertes de fleurs, c'est qu'elle synthétisaient dans ce décor non seulement tout ce que nous n'étions pas, mes frères et sœurs et moi, mais surtout un univers inconnu, inaccessible, dont le spectacle incroyablement harmonieux nous tordait les tripes. J'ai revu, fixé sur ce jardin, le regard stupéfié de Dorthéa avec sa grosse natte tire-bouchonnée dans le dos, le nez allongé d’Adina, leurs ongles rongés sur la pierre du pont, notre silence anéanti à tous. Et j'ai eu à nouveau cette tentation de l'étouffant climat et de la constante menace d'un imminent effondrement qui, par comparaison, régnait dans notre propre maison, climat et menace dont, avant notre découverte de ce jardin et de ces quatre filles qui nous semblaient inscrites sur une trajectoire d'infinies et fantastiques possibilités, nous avions cru qu'il était la norme.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #famille
par topocl
le Mar 27 Déc - 9:47
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Véronique Bizot
Réponses: 1
Vues: 533

Jim Harrison

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Images14

Dalva

Une lecture qui m'a intéressée

- par son rapport avec les Indiens Sioux, certains faits qui m'étaient inconnus, ce qui n'a pas amélioré mon opinion sur le gouvernement US, le comportement de beaucoup de "Blancs" de l'époque ( leur situation n'est à ce jour toujours pas enviable)

- Les personnages sont tous bien campés, de la faiblesse de Michael à la force de Dalva, du grand-père ; la fidélité de Linquisd et Frieda ; la force paisible et efficace  de Paul et Naomi ; l'affection constante de Rachel pour le Gd-père......

- Les descriptions de la faune et la Nature : le bruit de l'eau, du vent, les longues marches et chevauchées salvatrices   de Dalva

- L'histoire d'amour dramatique de Dalva et Duane, ses aventures ensuite, les amitiés,

- Malgré leur statut de "riches" l'auteur nous fait découvrir des hommes et des femmes généreux et surtout une famille !

- Alors que Dalva pourrait ne pas pardonner à ceux qui lui ont "enlevé" son enfant, elle accorde toute son affection au grand-père (mais vu le lien unissant Dalva et Duane on comprend sa décision) et à plusieurs reprises elle agit, parce que cela fait plaisir à Naomi, sa mère (qui ne connaissait pas leur lien) mais qu'elle nomme par son prénom (c'est ce qui m'a interpellée, rebellion ? punition ?)

- la décision de Dalva de demeurer à la ferme

- la découverte de son Fils !

Une écriture prenante et enivrante comme  l'air des grands espaces , et pimentée avec les passages plus crus mais qui se prêtent à la situation.

Une première rencontre réussie, je note un prochain RV  

rivière Niobrara

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Riviyr10

Ballands

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Ballan10

région de Buffalo

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Buffal10


(message rapatrié)


mots-clés : #famille #minoriteethnique #nature
par Bédoulène
le Mar 27 Déc - 7:56
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Jim Harrison
Réponses: 59
Vues: 8088

Junichiro TANIZAKI

C'est vrai bix, pour moi, Tanizaki a deux facettes, qui ont donné lieu à des ouvrages très différents.
Il y a celle que je préfère, la facette apaisée, qui s'attache à décrire la réalité d'un Japon pris entre tradition et modernité. Un monde qui s'enfuit, et dont on observe les derniers feux avec nostalgie mais sans amertume.
Dans cette veine, j'ai aimé Le goût des orties, apparemment inspiré de la propre expérience de l'auteur.
Plus que tout, j'ai été envoûtée par Quatre soeurs (autrefois publié sous le titre Bruine de neige), qui pour moi est un pur chef d'oeuvre.

Et puis, il y a la facette la plus étrange de Tanizaki, se nourrissant de ses obsessions personnelles. Celle-là a donné lieu à des livres parfois brillants, mais à l'atmosphère déroutante et malsaine. Même si je suis loin d'avoir tout lu, je pense que La clé, la confession impudique est l'un de ceux qui reflètent le mieux cet aspect de l'oeuvre de Tanizaki.

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Images13

La clé, la confession impudique

Un couple tout ce qu'il y a de respectable : un professeur d'université de cinquante-six ans et son épouse de quarante-cinq. Depuis toujours, la femme est dotée d'un insatiable appétit sexuel que son mari, l'âge aidant, et malgré une passion jamais démentie, ne parvient plus à satisfaire ; et ce d'autant plus que leurs exigences ne s'accordent pas.
Un soir, l'époux découvre que sous l'emprise de l'alccol son épouse devient bien plus coopérative, et que son désir pour elle s'en trouve fortement attisé. Il remarque par ailleurs que le jeune Kimura, pressenti pour épouser leur fille Toshiko, semble bien plus épris de la mère que de la fille, et que cette attirance a l'air d'être réciproque...
Aussi, les soirs où tous les quatre dînent ensemble, invariablement Madame boit plus que de raison et va s'évanouir dans son bain, et invariablement Kimura aide son époux à la transporter jusqu'à son lit avant de rentrer chez lui. La lampe de la chambre parentale demeure ensuite allumée toute la nuit...
Mais pour entretenir sa vigueur retrouvée, le mari devra user de nouveaux stratagème, et quel stimulant plus puissant que la jalousie ? L'idée lui vient d'utiliser le jeune Kimura, et dans ce domaine son imagination se révèle fertile autant que malsaine.

Chacun des époux va se mettre à tenir un journal intime dans lequel il relate cette situation nouvelle et tente par la même occasion de manipuler l'autre. Il est effet évident que, tout en niant lire les écrits de son conjoint, chacun prend aussi souvent que possible connaissance des pensées les plus intimes de celui-ci.
Ce aurait pu n'être qu'un marivaudage destiné à pimenter la vie de couple va se révéler bien plus insidieux et pervers, chacun se jouant de l'autre jusque dans les détails du quotidien. Même Toshiko, la fille du couple, va pour d'obscures raisons se mêler ouvertement de la vie sexuelle de ses parents...

Au fil des pages le mari se révèle à la fois calculateur, pervers et bien naïf, se consumant peu à peu à force de courir après sa jeunesse perdue. L'épouse parfaite et mère de famille exemplaire va quant à elle dévoiler  un tout autre visage, de plus en plus glaçant.
Tandis que l'époux s'étiole et ne vit plus que pour ses ébats nocturnes et l'illusion qu'ils lui apportent d'une vigueur retrouvée, sa femme s'épanouit et semble puiser une nouvelle jeunesse auprès du séduisant Kimura.

Le lecteur, placé dans la position inconfortable du voyeur, est confronté tour à tour à chacune des versions des événements. La sensation de malaise s'accroît au fil des pages tandis que pensées inavouables et situations malsaines défilent devant ses yeux. Les masques tombent.  Et celui qui a initié le jeu n'est pas forcément celui qui le mène au bout du compte…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #psychologique #famille
par Armor
le Mar 27 Déc - 0:44
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Junichiro TANIZAKI
Réponses: 77
Vues: 9366

Joyce Carol Oates

Petite sœur, mon amour

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image227

Accrochez vous, cela décoiffe! J’ai attaqué ce livre un peu à reculons : le titre un peu mièvre, la petite fille si mignonne sur la couverture, le point de départ sur un fait-divers racoleur… C’était à tort ne pas faire confiance à JC Oates, qui avec sa force tranquille et cruelle, m’a laissée «groggy» ! Auteur qui à 70 ans et plus de 70 titres, n’en finit pas de nous tenir en haleine et de nous surprendre, que dis-je, de nous scotcher à notre livre! Elle décrit avec une précision d’entomologiste la vie d’une famille américaine middle class, et, à travers ses dysfonctionnements nous offre une critique amère et désespérée de toute une société :

« J’aimais maman avec désespoir avant même qu’il y ait de désespoir dans notre vie ».


Le ton est donné. Il y a la mère Besley ne sachant que courir après une reconnaissance sociale et affective factice qu’elle ne sait pas atteindre par elle-même. Courant désespérément après la gloire et l’amour. Son mari Bix est un solide gaillard qui fuit ses responsabilités dans le travail, la course au fric et aux femmes. Ce dernier n'est pas souvent là mais il sait curieusement se faire aimer et faire croire à ses promesses jamais tenues. Ce couple bancal et perpétuellement insatisfait est curieusement étayé par ses enfants. Ce sont eux, les enfants, qui assurent sa cohésion, ils n’ont pas droit à l’erreur. On ne les élève pas pour eux-mêmes, mais pour satisfaire les besoins toujours croissants de leurs parents. Ils doivent se glisser dans l’image idyllique qu’on s’est fait d’eux. Pour être aimé, il faut en passer par là.

«Malgré tout, je l’aimais. Je les aimais tous les deux. C’était terrible.»


Le fils  aîné Skyler, le «petit homme» de sa maman déçoit leurs espoirs en tombant lors d’un entraînement de gym qui devait faire de lui un homme, un vrai. Il reste «infirme» pour la vie, et même si on lui jure qu’on l’aime malgré tout, on ne s’intéresse plus guère à lui. Sa petite sœur prend le relais. Elle devient dès ses 4 ans une patineuse sublime (elle a l’impression que dans le ventre de sa mère elle chaussait déjà des patins) Sa mère y voit un appel personnel de Dieu et va la pousser de façon insatiable pour satisfaire son égo. Et la petite Edna Louise, dont on change inconsidérément le prénom en Bliss, va désespérément s’obstiner, envers et contre tout, à devenir la meilleure pour gagner le challenge de ses parents,  qui en demandent toujours plus. La vie est totalement déchirante  pour ces deux enfants, l’amour n’est jamais au rendez-vous comme ils le souhaiteraient et ils essaient de s’épauler l’un l’autre, l’aîné se donnant comme tâche de protéger la plus jeune.

Quand Bliss est retrouvée assassinée dans le sous-sol de la maison, les soupçons qui pèsent sur son frère et ses parents sont heureusement vite effacés par les aveux foireux d’un jeune pédophile qui va ensuite se suicider. Les soupçons sont peut-être effacés mais pas la culpabilité qui va miner chacun d’eux, et que les tabloïds et internet vont se charger de leur rappeler. Ce qui pouvait encore faire croire à une famille va achever de se désagréger. La mère trouve sa rédemption dans une espèce de mystique du pardon et de la dévotion béate, qui la propulse dans les médias : la célébrité et l’admiration de tous sont enfin là, ce que l’enfant n’avait pas su lui offrir de son vivant lui est enfin accessible suite à sa mort. Le frère, lui, totalement livré à lui-même, passe d’un établissement psychiatrique à l’autre, se désocialise, sombre dans la drogue. Lui aussi change de nom sur l’ordre de ses parents, cette fois-ci pour fuir celui qu’il a été (ce changement de nom des deux enfants, débaptisés par leurs propres parents n’est évidemment pas anodin). Il n’est plus que l’ombre de lui-même et c’est à 19 ans qu’il nous raconte cette histoire, lui donnant un ton très particulier fait de multiplication de détails, de répétition compulsive de situations, de questionnement répétitifs et des italiques habituels de JC Oates, qui font rôder l’angoisse et le malheur sur son récit.

Je ne raconte pas la fin et je le regrette (la partie Pélerinage en enfer et retour). Elle est éblouissante et terrifiante. Il ne faut surtout pas y renoncer malgré quelques longueurs dans la deuxième partie. C’est une condamnation monstrueuse de cette course aux chimères qui révèle la solitude et la vacuité de nos sociétés. L’histoire de cette famille, totalement réinventée par l’auteur, peut sembler outrée, mais je crois qu’il n’en est rien ou si peu, qu’elle n’est qu’une image désespérée d’une vanité consumériste totalement déboussolée. J’ai beaucoup pensé à Féroces de Robert Goolrick où on retrouve ces parents plus passionnés de leurs plaisirs futiles que de l’amour de leurs enfants, totalement démissionnaires, et ceux-ci abandonnés dans la tourmente de ce vide parental, de ce désir de combler une attente qu’ils ne satisferont jamais, définitivement détruits par la négligence parentale.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #famille
par topocl
le Lun 26 Déc - 17:49
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Joyce Carol Oates
Réponses: 115
Vues: 10312

Akhil SHARMA

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 411qeh10

Notre famille

Nous étions dans l'allée menant à la maison de ma tante, nos bagages dans la voiture. « Qu'est-ce qui nous est arrivé ? sanglotait-elle. Qu'est-ce que Dieu nous a fait ? » Ma mère et elles s'embrassèrent et ma tante s'accrochait à elle, refusant de la lâcher. Ma mère aussi tenait ma tante serrée contre elle et pleurait. Mon oncle était là. Il me mit la main sur l'épaule et j'eus envie de me dégager. Je frissonnais et mon manteau était dans la voiture. Je me demandais pourquoi les gens n'avaient pas été plus gentils quand c'était important.

Nous sommes dans les années 70. La famille Mishra ne se voit pas d'avenir dans l'Inde sous état d'urgence d'Indira Gandhi, et décide de tenter l'aventure du rêve américain. Et effectivement, au départ, tout semble leur sourire : outre le confort matériel, la réussite sociale se profile à l'horizon lorsque l'aîné des deux fils, Birju, est admis dans une prestigieuse université. On projette déjà qu'Ajay, le plus jeune, fera de même dans quelques temps. L'avenir s'annonce radieux.

Un accident, 3 minutes au fond d'une piscine, et c'est le drame.
Après l'espoir, après le déni, les prières nuits et jours, vient la confrontation avec la dure réalité : Birju restera à jamais un légume. Les Mishra s'organisent pour l'accueillir à domicile. Isolés dans leur souffrance, ils ne sont paradoxalement jamais seuls : la maison ne désemplit pas , entre les faiseurs de miracle et ceux qui viennent comme au spectacle visiter cette famille admirable qui affronte si courageusement l'adversité. On amène les enfants récalcitrants à Ajay pour que lui, le frère dévoué et le fils modèle, les ramène dans le droit chemin. On vient aussi très probablement parce que la vision du malheur des autres réconforte de ne pas vivre ça soi-même.

Mais Ajay, justement, notre narrateur, comment vit-il tout cela ?
Il ne nous épargne rien. Rien des disputes homériques de ses parents qui se déchirent ; rien de l'alcool dont la faculté d'oubli fait de l'oeil au père ; rien de la hargne qui s'empare parfois de la mère contre le plus jeune de ses fils, qui, lui, continue de grandir.
Il ne nous épargne pas non plus les sécrétions, les odeurs, les râles émis par ce corps souffrant qu'il faut entretenir jour après jour.  Ni les sentiments aussi intenses que contradictoires que lui inspirent celui qui est son frère sans l'être…
Et surtout, il ne s'épargne pas, lui, l'adolescent tellement mal dans sa peau qui ne sait comment s'intégrer dans cette Amérique où l'on a tant de mal à se mélanger, qui ne sait comment vivre le drame familial sans être ingrat, mais sans négliger sa vie non plus. Il nous narre sans détour ses bassesses, ses pitoyables tentatives pour attirer l'attention, ses pulsions d'auto-destruction ; sa prétention, aussi. Maladroit, parfois antipathique, il mène une adolescence solitaire, qui entrevoit un échappatoire dans l'excellence scolaire et la littérature.

Bien qu'il s'agisse d'un roman, Akhil Sharma reconnaît qu'il est en grande partie autobiographique, et je dois dire que cela se sent à chaque page. Pas de pathos, pas de grandes envolées ; un style sobre pour décrire une vérité crue, dans ce qu'elle a parfois de plus dérangeant.
En creux, entre les mots qui vont droit à l'essentiel, il y a un accent de vérité, un cri du coeur, une souffrance et une pulsion de vie qui m'ont profondément touchée.

Quelques-uns des hommes qui venaient nous voir racontaient que Dieu leur était apparu en rêve et leur avait enseigné la façon de réveiller Birju. D'autres, qu'ils avaient appris d'un saint indien un moyen de le guérir.
Je n'aimais pas ces « faiseur de miracles ». Il me semblait que tout ce qu'ils voulaient, c'était essayer leurs prétendus remèdes sur Birju parce que cela les faisait se sentir au cœur d'importants événements. Malgré tout, ces visiteurs nous apportaient un certain réconfort. Je redoutais leur départ et le moment où mes parents et moi nous retrouverions seul avec Birju. Lorsqu'ils s'en allaient, la solitude surgissait rapidement, comme si une fenêtre s'était ouverte et qu'une bouffée d'air froid s'engouffrait dans la pièce. Parfois ce sentiment de solitude était tel que j'aurais presque préféré qu'ils ne soient pas venus.


(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #immigration #initiatique #famille #pathologie
par Armor
le Lun 26 Déc - 15:44
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Akhil SHARMA
Réponses: 5
Vues: 711

Božena Němcová

Babitchka

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 41xmgx10

Les tribulations d'une grand mère toute sympathique avec ses enfants et petits enfants. En quoi cela serait il intéressant ?
Pour le style de l'auteure tout d'abord qui, spécialiste de contes, sait raconter une histoire. Et celle-ci avec son langage varié mais courant réussit à nous proposer une lecture fluide mais très chaleureuse. C'est le genre de livre que l'on lit dans son lit justement ou au coin de la cheminée avec un bon chocolat chaud. L'on suit avec une émotion certaine les conseils éducatifs bourrés de tradition et de superstition de la vielle dame qui protège de toute son affection le foyer familial. L'on suit avec empathie les jeunes enfants davantage bercés par le son de la modernité. Point de moraline ici, juste une histoire de transmission, en ces temps troublés c'est plaisant et même très plaisant.

Il est l'un des livres les plus lus en République Tchèque car il demeure un symbole de la tradition de ce pays. C'est un bon moyen de connaître davantage le creuset culturel sur le quel était fondé ce pays avant la seconde guerre mondiale.
Il n'est pas nécessairement un monument de littérature mais il offre un moment plein de saveurs avec des personnages entiers et complexes, une histoire tantôt amusante tantôt triste. Quand les sentiments sont authentiques, il fait du bien de les toucher du doigt.


mots-clés : #famille
par Hanta
le Dim 25 Déc - 22:08
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Božena Němcová
Réponses: 1
Vues: 649

Pavel Hak

Vomito Negro

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Images86

Un livre qui choque ! C'est le moins qu'on puisse dire.
On est bien loin de la traditionnelle image d'Epinal des Caraïbes touristiques. Ici, prostitution, vols, viols, guerres de gangs, corruption. Que de joyeusetés !
Pavel Hak nous entraîne dans une cavalcade effrénée, celle d'une famille séparée dont chaque membre tente une survie désespérée.
Le ton, est abrupt, Hak nous prend la tête et nous la plaque de force contre son récit, il faut tout prendre, lire chaque mot, encaisser chaque événement perturbateur, sans prendre l'air, sans respirer.
Moins violent que Sniper, plus fluide également, il fait néanmoins mal car il semble si simple de décrire le moche, le malsain, cela semble tellement couler de source que je fus tiraillé et tourmenté dans ma lecture.
Je ne trouve aucun défaut particulier à cet ouvrage si ce n'est que c'est le type de livre qu'on adore ou qu'on déteste, je ne pense pas que cela convienne à un grand public et pourtant j'ai beau avoir pu lire plus troublant, violent dérangeant, il y a ici un "je ne sais quoi" de particulier.
Un moment très intense.
mots-clés : #criminalite #famille
par Hanta
le Dim 25 Déc - 21:33
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Pavel Hak
Réponses: 2
Vues: 820

Alice Ferney

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image211

L'élégance des veuves

C'est une histoire de transmission intergénérationnelle, un flux ininterrompu qui passe de femmes à enfants.
C'est une famille bourgeoise, catholique, convenue, où les femmes, vouées à être épouses et mères, endossent ce rôle avec bonheur et détermination. Elles sont cependant des figures phares, dignes, intensément jouissantes et chaleureuses, matricielles. Décidées au bonheur et affrontant les peines le front haut.
On se dit "vous" et "mon ami" quand l'amour est cependant tant dévotion que passion, on enfante à foison car enfanter épanouit et magnifie les femmes. Celles-ci sont encore là face à l'arrachement : les enfants morts en bas âge, et les fils aînés à la  guerre. Et elles restent là, dignes et fidèles, nourricières. Leur mort laisse une empreinte irremplaçable.

J'ai eu à cette lecture une petite gêne dans l'apologie de ces modes de vie caducs, où Alice Ferney décide de gommer le renoncement et la soumission, au profit des choix et de l'épanouissement. Emportée par une langue au classicisme mélodieux, j'ai choisi de n'écouter que le cœur de ces femmes, d'être touchée par la plénitude et la noblesse que leur apportent les enfantements. Et j'ai aimé ce tableau admirable de belles figures féminines.


Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image213




mots-clés : #famille
par topocl
le Sam 24 Déc - 17:26
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Alice Ferney
Réponses: 23
Vues: 1947

Alice Ferney

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 41ooas10

Grâce et dénuement
     
     Ce qui se perdaient dans la misère c'était aussi le désir et l'élan vers l'avenir


Entre deux expulsions, cette famille de gitans a trouvé à se fixer dans un jardin abandonné de banlieue. Quelques poules cohabitent avec les rats dans la boue, on s'entasse dans les caravanes, mais ils se tiennent les uns les autres : la matriarche, crainte et vénérée, les cinq fils, qui ferraillent vaguement pour masquer leur honteuse inutilité, les belles-filles, épouses et mères, et la troupe de marmots qui ne sait même pas qu'il existe autre chose que cette « liberté » bien chère payée. Tous analphabètes, à la fois fiers et humiliés de n'être pas insérés dans cette société qu'ils connaissent si peu et qui le leur rend bien.

           Ils sont semblables à n'importe lequel des enfants qui sont ici. La seule chose qui les différencie, murmura-t-elle, c'est que leurs parents ne savent ni lire ni écrire et qu'ils n'ont pas de maison.


Et puis un beau matin, survient Esther, ses livres illustrés sous le bras main, qui va lire des histoires, ouvrir un dialogue, générer des confidences, et finalement se battre pour que, coûte que coûte, Anita aille à l'école.

Sujet à haut risque avec tout ce qu'on pouvait redouter de stéréotypes, de bons sentiments, de bien-pensance et de lacrymal.
Et bien, Alice Ferney fait très fort, elle évite tous ces écueils. Cette main tendue devient subtilement partage, mais pas miracle. Les personnages sont tout entremêlés de contradictions et de douleurs. Esther elle-même est une espèce de minéral plein de douceur. Il y a en Alice Ferney une sensibilité aux failles et fragilités d'autrui, à leurs petits bonheurs aussi, une humanité qui est à bien des moments bouleversante. Cette façon qu'on les petits de se lover autour de leur lectrice, cette adepte de la lecture à haute voix comme lien premier façon Pennac , il y a là de grands moments .

           Il y avait un secret au cœur des mots. Il suffisait de lire pour entendre et voir, et l'on n'avait que du papier entre les mains. Il y avait dans les mots des images et des bruits, la place de nos peurs et de quoi nourrir nos cœurs.



Et puis il y a les mots, à la fois outils et personnages. La langue d'Alice Ferney est dense, généreuse et fouettante. C'est une langue qui fouille et qui remue, avec ces dialogues tendus imbriqués dans le texte, cette façon de passer de l'un à l'autre avec un œil plein de compassion pas mièvre du tout, une compréhension de ces vies d'espoir et de désespoir mêlés.

Mais surtout les mots sont le fil rouge de ce récit, des mots qui apportent le réconfort , la fierté, la foi en l'autre, la consolation, la transmission. Des mots émancipateurs. Mots des livres (on se régale à identifier les extraits des lectures d'Esther), mots des dialogues et monologues, joyeux, furieux ou confidents.

Quant à la question de savoir si c’est « bien vu », « comme si on y était », je suis bien incapable d'y répondre, et peu sont à même de le faire : comment ça se passe chez les gitans, dans leurs campements, dans leurs têtes et dans leurs cœurs? Tour ce que je sais, c'est qu'Alice Ferney nous propose ici sa version, pleine d'honnêteté et de respect, qu'elle est probable, touchante, renversante.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #social #famille
par topocl
le Sam 24 Déc - 10:52
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Alice Ferney
Réponses: 23
Vues: 1947

Delphine de Vigan

Rien ne s’oppose à la nuit

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image212

J'ai été particulièrement touchée par l'attention que Delphine de Vigan a portée à colliger tous les témoignages oraux et écrits, à confronter ceux-ci, à chercher résolument la vérité quand elle existe. De nombreuses interprétations sont ouvertes quant aux comportements de l'un ou de l'autre, c'est loin des idées toutes faites et des avis péremptoires. Pas de jugement, pas de valeur morales. Rapporter pour mieux comprendre, et accepter de ne pas comprendre.

 
Incapable de m'affranchir tout à fait du réel, je produis une fiction involontaire, je cherche l’angle qui me permettra de m'approcher encore, plus près, toujours plus près, je cherche un espace qui ne serait ni la vérité ni la fable, mais les deux à la fois


En cela ce livre se différencie de Le chagrin de Lionel Duroy, auquel on ne peut s'empêcher de penser pendant toute la lecture de ces pages, mais aussi dans le sens que Duroy écrit dans la haine, alors que Rien ne s'oppose à la nuit est un témoignage d'amour à sa famille et à sa mère, amour douloureux certes, mais sincère et indéfectible.

L'écriture de Delphine de Vigan traduit parfaitement la joie des temps heureux, la confusion des moments où la folie prend le dessus, l'incertitude fragile des recherches personnelles.

Le livre m’a aussi fait penser à La femme de l'allemand de Marie Sizun, qui, cette fois-ci sous une forme romancée, décrit une petite fille face à la psychose maniaco-dépressive de sa mère, dans un amour transi, trahi et terrifié.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #biographie #famille
par topocl
le Ven 23 Déc - 16:17
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Delphine de Vigan
Réponses: 30
Vues: 2006

Juan Gabriel Vásquez

Les dénonciateurs

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 15 Image213

C'est un livre très intéressant et qui pose beaucoup de questions. Le narrateur est un jeune journaliste qui publie un livre sur le passé d'une grande amie de son père, juive allemande qui a émigré en Colombie avant la guerre. Son père, une autorité morale à Bogotá, publie sur le livre un article critique farouchement hostile, puis père et fils ne se parlent plus pendant trois ans. Un beau jour, le père, qui réchappe in extremis d'une opération cardiaque, reprend contact avec son fils.Il veut démarrer une nouvelle vie, connaît une jeune femme kinésithérapeute.

« On m'a accordé une chance, et cette fois je veux être comme si je n'avais jamais publié cette critique, comme si je n'avais pas commis cette lâcheté que je nous ai infligée ».


Mais il finit par mourir tragiquement dans un accident de voiture. C'est à la suite de cela que peu à peu le fils apprend par petits morceaux grâce à divers témoignages la vérité sur son père. Si celui-ci a été si hostile à son livre, c'est qu'il craignait que ne soient dévoilées des faits remontant à l'époque de la guerre, où il avait dénoncé des amis allemands et ainsi motivé la déportation puis le suicide de l'un d’eux.

« La vie que j'ai reçue en héritage - cette vie dans laquelle je ne suis plus le fils d'un orateur admirable, un professeur décoré, de l'homme qui souffre en silence avant de révéler publiquement sa souffrance, de la créature la plus méprisable de toutes : un être capable de trahir un ami et de vendre sa famille - a commencé un lundi, deux semaines après le Nouvel An (…) »


Vasquez raconte encore les réactions qui ont lieu chez lui et dans son entourage à la suite de la publication de cette histoire : il s'interroge sur le droit qu'il avait de révéler ce secret et sur les conséquences que cela implique.

« Dans mon livre, je m'étais dénudé, je m'étais exposé délibérément, j'avais refusé que les erreurs de mon père soient oubliées : dans une large mesure, j'avais assumé la responsabilité de ses erreurs. Car on hérite des fautes ; on hérite de la culpabilité ; on paye pour ce qu'ont fait nos ancêtres, tout le monde le sait. »

Ce livre réfléchit sur la culpabilité, sur le secret, sur la rédemption, sur le pardon. Toutes ces pistes sont très approfondies, d'une façon extrêmement complexe, extrêmement fine, chaque personnage adoptant son propre parcours pour affronter les aléas de la vie.

« C'est ce processus que je trouvais intéressant de mettre par écrit : les raisons pour lesquelles un homme qui s'est trompé dans sa jeunesse tente dans sa vieillesse de rattraper son erreur, et les conséquences que cette tentative peut avoir sur lui-même et sur ceux qui l'entourent : et surtout, par-dessus tout, les conséquences qu'elle a eues sur moi, son fils, la seule personne au monde susceptible d'hériter de ses fautes, mais aussi de sa rédemption. Et au fil de ce processus où je passais à l'écriture, je pensais que mon père cesserait d'être la fausse image qu'il avait lui-même affichée, qu'il réclamerait la place devant moi qu’occupent tous nos morts, en me laissant en héritage l'obligation de le découvrir, de l'interpréter, de chercher qui il avait été en réalité. Et à force d'y penser, le reste est venu avec la clarté d’un éclair. »


Bien que d'un style très agréable, ce livre n'est pas d'une lecture facile, il donne beaucoup à penser, il n'apporte pas de solution toute prête. Il nous apprend une part de l'histoire de la Colombie, et nous livre une grande leçon d'ouverture et de tolérance .



« Je ne suis pas sceptique de nature, mais je ne suis pas d'avantage ingénu, je sais très bien de quel tour de passe-passe la mémoire est capable quand ça l'arrange, et en même temps je sais que le passé n'est ni immobile ni figé, en dépit de l'illusion des documents : tant de photographies, de lettres et de films qui permettent d'envisager l'immuabilité de ce qui a été vu, écouté, plus. Non : rien de tout cela n'est définitif. Il suffit d’un fait insignifiant, d'un événement qui dans le grand paysage des événements nous semblerait inconsistant, pour que la lettre qui racontait des banalités détermine soudain nos vies, pour que l'homme innocent sur la photographie s'avère avoir toujours été notre pire ennemi.»


(commentaire récupéré)



mots-clés : #psychologique #famille
par topocl
le Ven 23 Déc - 16:07
 
Rechercher dans: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
Sujet: Juan Gabriel Vásquez
Réponses: 26
Vues: 2418

Revenir en haut

Page 15 sur 18 Précédent  1 ... 9 ... 14, 15, 16, 17, 18  Suivant

Sauter vers: