Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Jeu 28 Mar - 18:26

57 résultats trouvés pour philosophique

Christiane Taubira

Baroque Sarabande

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 41d5jt10


"On prend d'assaut la prison du langage
Pour libérer les mots prosçrits
Et autour des rêves menaçés par les fauves
On entretient le feu

c'est d'Abdellatif Laâbi.
Voilà bien ce qu'il s'agit de faire, entretenir le feu. Contre l'adversité, contre les interdits, contre la violence qui semble gratuite mais dessert un dessein, celui d'un ordre social où les places sont attribuées. Ne pas obéir. Ne se laisser ni asservir ni accabler. " La langue maternelle, la langue dans laquelle on rêve, c'est bien là le "chez soi". Les interdits sur la langue sont donc une expulsion en bonne et due forme, de chez soi, de soi. Ne pas consentir au bannissement ontologique. Refuser l’exil symbolique. Accéder au baroque bénéfique. Ce baroque-là même qui « rompt toute certitude orthodoxe de limite, d’unité, d’espace borné, d’angle de vue privilégié, pour tout changer –espace et temps, rêve et réalité – en objet d’une floraison dynamique, sans axe centrique par nature, soumises aux lois du mouvement plus qu’à celles de l’essence », tel que le définit Carlos Fuentes ».



Voilà un peu l'objet de ce livre, remonter avec l'auteur les sources de cette lutte , au coeur de ses sources personnelles. Taubira se fait passeuse, offre un nombre important de noms, de citations, à suivre, à redécouvrir.

En une suite de courts textes, on la suit dans des chemins érudits et engagés. J'ai regretté être aussi ignare, face à de nombreuses références car lorsque  certaines m'étaient connues, j'ai pu mesurer la pertinence de l'auteure à les placer sous une perspective dynamique et nouvelle, personnelle.

La première moitié du livre s'est ainsi déroulée entre mes mains, la langue de Taubira étant très belle, avec grand plaisir , mais pourtant vient un moment où je m'y suis un peu perdue, faute d'être, au coeur des références, familière. je me suis même prise à me dire que son style était peut-être finalement un peu ronflant, faussement précis (l'accumulation des adjectifs commentant les nombreux extraits qu'elle nous propose a produit ce sentiment, par exemple.)
Et puis, PAF, un peu après le milieu de l'essai, en sa 3eme partie, on tourne la page et on lit :

Assez folâtré. Il est temps que je vous dise.
Et d’abord, balisons.
Dans Cayenne des années cinquante, il n’existe pas de librairie. Une papeterie fait vente de livres un mois par an, le temps de liquider les manuels scolaires.

Suivent 5 pages qui prennent cette fois corps dans l'histoire personnelle de Taubira, et c'est magnifique. Sa prose demeure aussi précise, mais prend des atours plus simples, parce qu'elle achoppe au quotidien, au vécu, et en quelques paragraphes elle nous dresse avec beaucoup de force toute une époque, tout un contexte (la Guyane). C'est le joyau de sa transmission. Un livre à lire pour s'instruire, prendre des notes, des références, et pour recevoir ce chapitre magnifique. Le début est visible dans çe lien :
e book

J'avais envie de recopier beaucoup d'analyses ou de commentaires sur des auteurs, mais ce serait trop long. Il y a notamment de très intéressantes notes sur la traduction en littérature. C'aurait été intéressant de le faire car l'intérêt du livre vient certainement de son invite à un allé/retour entre cet essai et les auteurs cités. Elle parle beaucoup des auteurs d'Amérique Latine, notamment.
C'est une promenade à la forme assez libre , dans l'univers si particulier de la culture, pas toujours facile à suivre, mais belle comme la Dame.


mots-clés : #colonisation #conditionfeminine #philosophique #temoignage #universdulivre
par Nadine
le Mer 26 Sep - 10:49
 
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Sujet: Christiane Taubira
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Søren Kierkegaard

La reprise

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 La_rep10

« Essai de psychologie », certes, mais avec tant d’esprit et d’ironie qu’elle confine au facétieux (sans oublier la certaine misogynie d’époque).
« Il est assez rare de trouver en pareil état une jeune fille abandonnée. Quand je la vis, quelques jours après, elle était encore vive comme un poisson tout frais péché ; d’ordinaire, une jeune fille est alors plutôt hâve, affamée comme un poisson qui a séjourné dans un vivier. »

« Quand le malheur atteint une jeune fille, aussitôt surviennent tous ces monstres affamés qui veulent assouvir leur faim et leur soif de psychologie ou écrire des nouvelles. J’oserai donc me précipiter pour éloigner du moins ces œufs de mouches de ce fruit qui m’était plus doux que tout, plus délicat, plus tendre à regarder qu’une pêche, à l’instant le plus favorable, quand elle se pare avec la plus grande magnificence de soie et de velours. »

Vu, écouté, lu et conseillé par le narrateur-observateur, le personnage de composition (et d’origine autobiographique) du jeune amoureux que cela rendit poète et inéluctablement malheureux fuit l’aimée. Il y a une vision idéalisée de la femme-leurre à garder à l’esprit lorsqu’on lit des auteurs du XIXe, aussi la notion d’honneur, la mélancolie de rigueur, les adjurations peu ou prou religieuses, etc., et toutes ces exaltations forment le moteur d’un mode de comportement pour le moins daté (nous parlerions peut-être de sens de la responsabilité, culpabilité, dépression). Après l’examen approfondi de ces transes et tourments (malentendu, culpabilité, etc.), non sans une longue digression sur la farce théâtrale, et encore des affres et lamentations entre romantisme allemand et Baudelaire,
« Les nuages vont et viennent,
Ils sont si las, ils sont si lourds ;
Voilà qu’ils s’abîment à grand bruit,
Et le sein de la terre devient leur tombe. »

(le personnage de) Kierkegaard en vient à s’identifier à l’épreuve transcendante de Job, évite une solution religieuse et enfin, dans un glissement de sens des mots qui ramène à la reprise, au retour, à la duplication du même, parvient à une sorte de renaissance à se consacrer à la pensée
« dans le for intérieur, là enfin où, à chaque instant l’on met sa vie en jeu, pour, à chaque instant, la perdre et la gagner de nouveau. »

Ouvrage assez décousu (dans le fond comme la forme), où la part existentielle est assez réduite :
« Comment ai-je été intéressé à cette vaste entreprise qu’on appelle réalité ? Pourquoi dois-je être intéressé ? N’est-ce pas affaire de liberté ? Et si je suis forcé de l’être, où est le directeur ? J’ai une remarque à lui faire. N’y a-t-il aucun directeur ? Où dois-je adresser ma plainte ? L’existence est assurément un débat ; puis-je demander que mes observations soient prises en considération ? Si on doit prendre l’existence comme elle est, ne serait-il pas bien mieux de savoir comment elle est ? »

La part "philosophique" et/ ou "spirituelle" est encore plus congrue, et c’est dans les exégèses qu’on cherchera l’approche du concept de répétition/ reprise dans toutes ses acceptions, comme le renouveau.
« …] la reprise est le terme décisif pour exprimer ce qu’était la « réminiscence » (ou ressouvenir) chez les Grecs. Ceux-ci enseignaient que toute connaissance est un ressouvenir. De même, la nouvelle philosophie enseignera que la vie tout entière est une reprise. »

Ici, on en parle beaucoup plus clairement.
Sinon, il m’a semblé que cette étude de la fuite d’un homme devant sa fiancée éclaire le cas Kafka.


Mots-clés : #amour #philosophique #psychologique #spiritualité
par Tristram
le Sam 11 Aoû - 20:31
 
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Sujet: Søren Kierkegaard
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Laszlo Krasznahorkai

Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau.
( titre qui reflète une sagesse de l'univers confucianiste, bouddhiste...: il s'agit du meilleur emplacement pour un bâtiment, un village– merci Tom Léo)

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 51r2ep10


Sujet : Le petit-Fils du Prince Genji est obsédé par un « jardin caché » vu dans un livre illustré intitulé « Cent beaux jardins ». Malgré tous les savants qu’il a missionnés pour rechercher le dit jardin, ceux-ci n’ont pu lui répondre de façon satisfaisante et de plus le livre a mystérieusement disparu de la bibliothèque. Aussi un jour décide-t-il de découvrir lui-même le jardin qui d’après le peu qu’il en sait pourrait se trouver dans un monastère dédié à Bouddha à proximité de la cité de Kyoto. Il s’ y rend en train jusqu’à la gare de Keihan avec une escorte, laquelle s’adonnera à des libations et oubliera le petit-fils du Prince.

Même si l’histoire………….le conte ? est étonnant  et ses effluves mystérieuses, l’essence même de ce petit livre en est, pour moi, la magie qui s’ élève des magnifiques descriptions ; c’est la création de la terre, un hymne à la beauté, à la vie. Ajout : La beauté du jardin caché c'est sa simplicité ; un tapis de mousse bleu-vert argenté où se dresse 8 splendides Hinokis, émotion !

L’auteur raconte la création d’un arbre inoki à partir du pollen qui s’envole transporté par les vents à la manière d’une aventure, et s’en est une, avec ses obstacles et ses miracles. Puis la croissance de l’arbre que guette aussi de nombreux dangers, notamment les insectes, les maladies, le froid, la chaleur…..  Il raconte aussi les vents, la formation de la terre…..
Mais où se trouve la porte d’entrée sur la propriété du monastère ?

« …et tandis qu’il avançait obstinément, à la recherche de l’entrée, il eut le sentiment que cette étrange longueur, que cette cloison immuablement hermétique et uniforme, là sur sa gauche, n’étaient pas simplement là pour délimiter un immense territoire, mais pour lui faire prendre conscience d’une chose, il ne s’agissait pas d’une clôture, mais la mesure intrinsèque de quelque chose dont l’évocation à travers ce mur cherchait à prévenir le nouvel arrivant que celui-ci aurait bientôt besoin d’autres unités de mesure que celles auxquelles il était habitué, d’autres échelles de valeurs pour s’orienter, que celles qui avaient jusqu’ici encadré sa vie. »

Ce monastère et  le « jardin caché » qu’ il abrite  et que le petit-fils du Prince ne trouvera pas, existent-t-ils ?  ou  bien sont-ils dans un lieu hors d’atteinte où par exemple le chien continue de marcher dans sa mort ?

La sculpture de Boudha au regard détourné comme pour ne pas voir le monde protège-t-il ce lieu  en le cachant à la vue des hommes ?  (imagination ou certitude du sculpteur ?)
Je n’ai pas su voir les messages, s’il y en a, d’ ailleurs les 8 inokis du jardin caché n’ont pas de message pour les hommes, lesquels ne le comprendraient  pas.

Les chiffres ont certainement une portée (la roue du dharma bouddhique ?)  8 inokis, 13 poissons, 4 pavillons etc…. et les chiffres qui couvrent totalement les nombreuses pages d’un livre lu par le moine supérieur (que l’on ne verra jamais) qui pose la question de l’ existence de l’infini, de l’immortalité .

Mais ……………….comment arrive-t-on  et part-t- on de ce lieu puisqu’ à  la gare qui le dessert « nul ne descendit, nul ne monta du train » ?

Le petit-fils du Prince Genji ( lequel atteint de super-émotivité qui occasionne des malaises, récupère en buvant un verre d’eau ; eau source de vie ) est-il vraiment venu dans le monastère, comme le lecteur le voit ? en est-il reparti ?

*************

Y-a-t-il une morale à ce livre ? chercher au-delà  ce que l’on voit ? ce que l'on voit est-ce la réalité ?
Mais surtout croire en la vie.

Toute l’histoire est  rythmée sur le Temps, tout se réalise à son heure : patience.

Je me perds en conjectures et beaucoup de symboles m’ont sûrement échappés mais j’ai apprécié la visite de ce monastère en compagnie du petit-fils du Prince Genji, et surtout les descriptions magnifiques qu’elles soient poétiques ou techniques (un très intéressant passage sur la fabrication des sutras sur bambous, puis sur papier).

L’architecture aussi est très importante et symbolique dans la composition des pavillons, sanctuaire et autres bâtiments.

La dernière page tournée j’ai le sentiment d’avoir vécu un moment magique de littérature.

La conclusion de l’histoire est peut-être dans  la phrase en exergue : Personne ne l’a vu deux fois.

Extraits

A propos de la statue de Bouddha : « La réalité était radicalement différente, et il suffisait de la voir une seule fois pour savoir : s’il avait détourné son beau regard, c’était pour ne pas être obligé de remarquer, s’étendant devant lui dans trois directions : ce monde pourri. »

A propos des sutras : ….et durant des siècles on s’amusa à décliner à l’infini ce petit ruban, en mettant l’accent sur le coloris, soit sur la noblesse de la matière employée, soit sur le nœud lui-même, exécuté avec autant de raffinement que de fantaisie. »

« …quand soudain, une image jaillit en son esprit…pour s’évanouir aussitôt, une image si fugace qu’il fut incapable d’en discerner le contenu, elle avait glissé à travers lui, avait jailli et s’était éteinte, il était assis devant la table du sanctuaire intérieur, et tout son corps s’était raidi au moment de l’apparition de cette image, et de sa disparition, elle était si vite arrivée et si vite repartie qu’il avait pu saisir son importance, son poids, mais rien de son contenu… »

mots-clés : #contemythe #lieu #nature #philosophique
par Bédoulène
le Lun 9 Juil - 9:57
 
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Sujet: Laszlo Krasznahorkai
Réponses: 28
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Blaise Pascal

Pensées

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Penszo11

Les Pensées, c’est l’œuvre inachevée d’une vie, celle de Blaise Pascal. Malgré cet inachèvement, il s’agit bien de la plus grande œuvre de l’auteur. Elle est constituée de fragments récupérés à sa mort et qu’il avait classés en 27 liasses. De nombreuses éditions ont tenté de rendre compte de cet ordre le plus fidèlement possible ; la plus achevée est celle de Philippe Sellier. Quoi qu’il en soit, la densité et la pertinence des fragments laissent présager de ce qu’aurait pu être l’œuvre finale, l’Apologie de la religion chrétienne, que souhaitait Pascal. Mais à présent, c’est peut-être bien cette écriture fragmentaire et sa condensation qui fascinent encore autant le lecteur d’aujourd’hui.

Pascal a réparti ses 27 liasses en deux parties, montrant bien la progression qu’il désirait pour son ouvrage. Une première partie peint le tableau de l’homme sans Dieu et s’attache d’abord à montrer à quel point il est à la fois misérable (marqué par le péché originel, mû par son amour-propre, perdu au milieu de l’infiniment grand et de l’infiniment petit) et grand (car il a conscience de sa misère et a su tirer de sa concupiscence un ordre social et une justice satisfaisants). La seconde partie, ensuite, montre que seul le christianisme permet de comprendre cette contradiction inhérente à l’homme, puisque le Christ est bien venu racheter tous les hommes du péché ; Pascal s’attache alors à montrer la nécessité du christianisme pour comprendre la nature humaine, et sa supériorité sur les autres religions (en particulier sur le judaïsme et l’islam).

Misère :

Fragment 19 (éd. Sellier) a écrit:« L’homme ne sait à quel rang se mettre. Il est visiblement égaré et tombé de son vrai lieu sans le pouvoir retrouver. Il le cherche partout avec inquiétude et sans succès dans des ténèbres impénétrables. »



Grandeur :

S.146 a écrit:« La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable.
Un arbre ne se connait pas misérable. […] »


S.150 a écrit:« Grandeur de l’homme dans sa concupiscence même, d’en avoir su tirer un règlement admirable et en avoir fait un tableau de la charité. »



Pascal développe ainsi une série de preuves, non pas de l’existence de Dieu, mais bien de la solidité des fondements de la religion chrétienne et de sa vérité. Car l’apologiste ne peut pas prouver l’existence de Dieu à d’autres hommes, la seule chose qu’il peut faire est de persuader la raison humaine de se tourner vers Dieu :


S.46 a écrit:« Les hommes ont mépris pour la religion, ils en ont haine et peur qu’elle soit vraie. Pour guérir cela il faut commencer par montrer que la religion n’est point contraire à la raison. Vénérable, en donner respect. La rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu’elle fût vraie, et puis montrer qu’elle est vraie.
Vénérable parce qu’elle a bien connue l’homme.
Aimable parce qu’elle promet le vraie bien. »



L’apologiste cherche donc à persuader l’entendement humain de parier pour l’existence de Dieu (le célèbre pari pascalien), mais ensuite seul Dieu peut convertir le cœur de l’homme et le conduire à une foi véritable. Pascal cherche donc à mettre l’esprit de son interlocuteur dans de bonnes dispositions pour que son cœur puisse être prêt à accueillir la grâce de Dieu :


S.680 a écrit:« […] Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : Si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter ! […]
Il n’y a que la religion chrétienne qui rende l’homme AIMABLE et HEUREUX tout ensemble. Dans l’honnêteté, on ne peut être aimable et heureux ensemble.
C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison : voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.
Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point : on le sait en mille choses. […] »



J’ai découvert cette œuvre au cours de ma licence de lettres modernes et j’avoue avoir été interpellé et bouleversé par le projet de Pascal et la pédagogie de sa réflexion. J’y ai trouvé une force argumentative indépassable, une densité de sens qui fait que l’on peut passer des heures sur un seul fragment, tant sa richesse ne se dévoile pas instantanément mais appelle à une patience réflexive, et enfin une beauté de l’écriture qui fait de chaque fragment une fulgurance formelle et qui en fait souvent de véritables poèmes en prose. Dans le fragment 672 par exemple, on trouve cet usage caractéristique du verset pascalien :


S.672 a écrit:« L’autorité.
Ils se cachent dans la presse et appellent le nombre à leur secours.
Tumulte.
Tant s’en faut que d’avoir ouï-dire une chose soit la règle de votre créance, que vous ne devez rien croire vous mettre en l’état comme si jamais vous ne l’aviez ouï.
C’est le consentement de vous à vous-même et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire.
Le croire est si important.
Cent contradictions seraient vraies.
Si l’Antiquité était la règle de la créance, les anciens étaient donc sans règle.
Si le consentement général, si les hommes étaient péris ?
Fausse humilité, orgueil.
Punition de ceux qui pèchent : erreur.
Levez le rideau.
Vous avez beau faire : si faut-il ou croire, ou nier, ou douter.
N’aurons-nous donc pas de règle ?
Nous jugeons des animaux qu’ils font bien ce qu’ils font. N’y aura-t-il point une règle pour juger des hommes ?
Nier, croire et douter bien, sont à l’homme ce que le courir est au cheval »



Pascal nous demande d’embarquer sur le chemin qui mène à Dieu, mais toute sa force se trouve dans le fait que son écriture elle-même nous embarque malgré nous, ou en tout cas suite à un bref acquiescement. Ouvrir les Pensées au hasard me conduit toujours à une aventure, à un émerveillement, à une remise en question, à une interrogation. Je tente l’expérience en direct pour vous, je tombe sur le fragment 540 :


S.540 a écrit:« En écrivant ma pensée, elle m’échappe quelquefois, mais cela me fait souvenir de ma faiblesse, que j’oublie à toute heure. Ce qui m’instruit autant que ma pensée oubliée, car je ne tiens qu’à connaître mon néant. »



Quoi de plus vrai pour moi en ce moment, où j’essaye de vous faire part de tout ce que je ressens pour cette œuvre magistrale, mais où j’ai l’impression que tout m’échappe ?

mots-clés : #philosophique #religion
par Antoine8
le Jeu 21 Juin - 9:17
 
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Sujet: Blaise Pascal
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Jorge Semprun

L’écriture ou la vie

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Leyycr10

Dans ce récit, Semprun raconte son expérience de la déportation en commençant par la libération ‒ en évoquant les regards de ceux qui n’ont que la mort, « s’en aller par la cheminée » (partir en cette fumée omniprésente, nauséabonde, qui a fait fuir tous les oiseaux), le regard haineux du nazi, le regard horrifié des libérateurs. Jeune étudiant en philosophie, communiste et germanisant, capturé comme résistant, la fonction de Semprun dans l’administration de Buchenwald est d’effacer et d’inscrire les noms sur des fiches.
D’une « rayonnante vitalité » après avoir « traversé la mort », il est revenant de la mémoire de la mort et veut "témoigner", ce qui ne peut passer que par une certaine forme d’artifice, d’art ‒ mais le renvoie immanquablement à la mort : il garde le silence pour oublier, et renoncera à l’écriture pendant des années. Près de vingt ans plus tard, il écrira Le grand voyage, qui ramènera la mort dans son présent, jusqu’à ce que le suicide de Primo Levi, vingt-cinq ans encore plus tard, la ramène devant lui, le poussant à écrire ce livre sur l’angoisse mortifère qui revient toujours.
« …] l’ombre mortelle où s’enracine, quoi que j’y fasse, quelque ruse ou raison que j’y consacre pour m’en détourner, mon désir de vivre. Et mon incapacité permanente à y réussir pleinement. »

« "È un sogno entro un altro sogno, vario nei particolari, unico nella sostanza…"
Un rêve à l'intérieur d'un autre rêve, sans doute. Le rêve de la mort à l'intérieur du rêve de la vie. Ou plutôt : le rêve de la mort, seule réalité d'une vie qui n'est elle-même qu'un rêve. Primo Levi formulait [dans La Trêve] cette angoisse qui nous était commune avec une concision inégalable. Rien n'était vrai que le camp, voilà. »

Tout le propos du livre est là : c’est la difficulté, le combat de l’auteur pour témoigner de Buchenwald dès qu’il en sort, cette approche constituant une forme de ce témoignage d’un « passé peu crédible, positivement inimaginable », « l’horreur et le courage ».
« Il y aura des survivants, certes. Moi, par exemple. Me voici survivant de service, opportunément apparu devant ces trois officiers d'une mission alliée pour leur raconter la fumée du crématoire, la chair brûlée sur l'Ettersberg, les appels sous la neige, les corvées meurtrières, l'épuisement de la vie, l'espoir inépuisable, la sauvagerie de l'animal humain, la grandeur de l'homme, la nudité fraternelle et dévastée du regard des copains.
Mais peut-on raconter ? Le pourra-t-on ?
Le doute me vient dès ce premier instant.
Nous sommes le 12 avril 1945, le lendemain de la libération de Buchenwald. L'histoire est fraîche, en somme. Nul besoin d'un effort de mémoire particulier. Nul besoin non plus d'une documentation digne de foi, vérifiée. C'est encore au présent, la mort. Ça se passe sous nos yeux, il suffit de regarder. Ils continuent de mourir par centaines, les affamés du Petit Camp, les Juifs rescapés d'Auschwitz.
Il n'y a qu'à se laisser aller. La réalité est là, disponible. La parole aussi.
Pourtant un doute me vient sur la possibilité de raconter. Non pas que l'expérience vécue soit indicible. Elle a été invivable, ce qui est tout autre chose, on le comprendra aisément. Autre chose qui ne concerne pas la forme d'un récit possible, mais sa substance. Non pas son articulation, mais sa densité. Ne parviendront à cette substance, à cette densité transparente que ceux qui sauront faire de leur témoignage un objet artistique, un espace de création. Ou de recréation. Seul l'artifice d'un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage. Mais ceci n'a rien d'exceptionnel : il en arrive ainsi de toutes les grandes expériences historiques. »

« Le bonheur de l’écriture, je commençais à le savoir, n’effaçait jamais ce malheur de la mémoire. Bien au contraire : il l’aiguisait, le creusait, le ravivait. Il le rendait insupportable. »

« Tel un cancer lumineux, le récit que je m’arrachais de la mémoire, bribe par bribe, phrase après phrase, dévorait ma vie. Mon goût de vivre, du moins, mon envie de persévérer dans cette joie misérable. J’avais la certitude d’en arriver à un point ultime, où il me faudrait prendre acte de mon échec. Non pas parce que je ne parvenais pas à écrire : parce que je ne parvenais pas à survivre à l’écriture, plutôt. Seul un suicide pourrait signer, mettre fin volontairement à ce travail de deuil inachevé : interminable. Ou alors l’inachèvement même y mettrait fin, arbitrairement, par l’abandon du livre en cours. »

« À Ascona, sous le soleil de l'hiver tessinois, à la fin de ces mois du retour dont j’ai déjà fait un récit plutôt elliptique, j'avais pris la décision d'abandonner le livre que j'essayais en vain d'écrire. En vain ne veut pas dire que je n'y parvenais pas : ça veut dire que je n'y parvenais qu'à un prix exagéré. Au prix de ma propre survie en quelque sorte, l'écriture me ramenant sans cesse dans l'aridité d'une expérience mortifère.
J’avais présumé de mes forces. J’avais pensé que je pourrais revenir dans la vie, oublier dans le quotidien de la vie les années de Buchenwald, n’en plus tenir compte dans mes conversations, mes amitiés, et mener à bien, cependant, le projet d’écriture qui me tenait à cœur. J’avais été assez orgueilleux pour penser que je pourrais gérer cette schizophrénie concertée. Mais il s’avérait qu’écrire, d'une certaine façon, c'était refuser de vivre.
À Ascona, donc, sous le soleil de l'hiver, j'ai décidé de choisir le silence bruissant de la vie contre le langage meurtrier de l'écriture. »

« …] la réalité a souvent besoin d’invention, pour devenir vraie. C'est-à-dire vraisemblable. Pour emporter la conviction, l’émotion du lecteur. »

Le récit est construit en une remémoration chronologique, un fil linéaire avec des dates, mais avec aussi de brefs retours en arrière, l’évocation d’épisodes autobiographiques mettant en situation ses pensées et actes d’alors, et même quelques reprises conjoncturelles, donnant l’impression d’un texte écrit d’une seule traite (en fait en trois parties), clairement, presque sur le ton de la conversation par endroits. A un moment, il évoque le projet d’un livre architecturé sur les musiques de Mozart et Armstrong. A un autre, il entrelace savamment deux fils de récit, d'une part la séance où douze éditeurs d’autant de pays lui remettent chacun son premier roman, Le grand voyage, traduit dans leur langue, et d'autre part ses souvenirs (Prague, Kafka, Milena et son éviction du parti communiste) remémorés simultanément.
La visite à Weimar, avec sa présence goethienne, tout à côté de Buchenwald juste libéré, en compagnie d’un officier états-unien, Juif allemand exilé ‒ « ville de culture et de camp de concentration » ‒, répond à celle qu’il y fait cinquante ans plus tard, cinq ans après la mort de Primo Levi, et qui lui permet d’achever le présent récit.
Quelques leitmotiv (la fumée, la neige d’antan), des images récurrentes (le soldat allemand abattu, les agonisants dans ses bras), donnent un rythme à la narration.
Je me suis souvent ramentu les textes de Kertész, pour plusieurs motifs ; lui et Semprun ont œuvré sur la même tentative de nous faire appréhender les camps nazis.
Anecdotes troublantes qui m’ont incidemment interpellé : le vieux communiste bibliothécaire, qui réclame les livres parce qu’à ses yeux le camp et sa bibliothèque ne vont pas disparaître, mais être réutilisés pour réprimer les nazis (et les bolcheviks vont réutiliser Buchenwald pour cinq ans) ; le jeune kapo russe, trafiquant profiteur, qui n’envisage pas de rentrer en Union soviétique mais de poursuivre son destin opportuniste à l’Ouest, tout en aidant à la réalisation d’un gigantesque portrait de Staline dans la nuit qui suit la libération.
Semprun note que le communisme ajoute « l'accroissement du rôle de l'État, providence ou garde-chiourme ‒ le communisme, donc, aura ajouté la violence froide, éclairée, raisonneuse : totalitaire, en un mot, d’un Esprit-de-Parti persuadé d’agir dans le sens de l’Histoire, comme le Weltgeist hégélien. » (II, 6, page 233 de l’édition Folio, pour qui veut approfondir ce point de vue.)
« Une sorte de malaise un peu dégoûté me saisit aujourd’hui à évoquer ce passé. Les voyages clandestins, l’illusion d’un avenir, l’engagement politique, la vraie fraternité des militants communistes, la fausse monnaie de notre discours idéologique : tout cela, qui fut ma vie, qui aura été aussi l’horizon tragique de ce siècle, tout cela semble aujourd’hui poussiéreux : vétuste et dérisoire. » 

« L’histoire de ce siècle aura donc été marquée à feu et à sang par l’illusion meurtrière de l’aventure communiste, qui aura suscité les sentiments les plus purs, les engagements les plus désintéressés, les élans les plus fraternels, pour aboutir au plus sanglant échec, à l’injustice sociale la plus abjecte et opaque de l’Histoire. »

De très belles pages, comme sa reprise de conscience après une chute d’un train (peut-être une tentative de suicide) ‒ pour se retrouver sur le quai de Buchenwald ‒ lorsque « cette mort ancienne reprenait ses droits imprescriptibles ».

Un des rares ouvrages que je vais conserver pour relecture ultérieure, qui constitue entr’autres une leçon de courage de la part de ce polyglotte portant toute une bibliothèque humaniste dans sa mémoire, et une réponse explicite à la question du pourquoi de la littérature.
« Il [son ancien professeur, Maurice Halbwachs, mourant] ne pouvait plus que m'écouter, et seulement au prix d'un effort inhumain. Ce qui est par ailleurs le propre de l'homme. »

« Il m’a semblé alors, dans le silence qui a suivi le récit du survivant d’Auschwitz, dont l’horreur gluante nous empêchait encore de respirer aisément, qu’une étrange continuité, une cohérence mystérieuse mais rayonnante gouvernait le cours des choses. De nos discussions sur les romans de Malraux et l’essai de Kant, où s’élabore la théorie du Mal radical, das radikal Böse, jusqu’au récit du Juif polonais du Sonderkommando d’Auschwitz – en passant par les conversations dominicales du block 56 du Petit Camp, autour de mon maître Maurice Halbwachs – c’était une même méditation qui s’articulait impérieusement. Une méditation, pour le dire avec les mots qu’André Malraux écrirait seulement trente ans plus tard, sur “la région cruciale de l’âme où le Mal absolu s’oppose à la fraternité”. »



mots-clés : #campsconcentration #devoirdememoire #historique #mort #philosophique
par Tristram
le Lun 16 Avr - 0:07
 
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Frédéric Gros

Désobéir
Prix du livre incorrect 2018

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Desobe11

"il est si facile de se mettre d'accord sur la désespérance de l'ordre du monde, et si difficile pourtant de lui désobéir"


Face à l'accroissement des inégalités sociales, à la dégradation progressive de notre environnement, au processus de création des richesses par la dette et la spéculation, au détriment de l'humanité à venir, tout cet inacceptable que nous avons accepté, Frédéric Gros en appelle à une « démocratique  critique", définie par le refus des évidences consensuelles, des conformismes sociaux, du prêt-à-penser. Ce "soi politique" alimente la désobéissance.

Considérée pendant des siècles comme l'expression de « l'instinct sauvage », la désobéissance s'humanise avec Eichman, Hannah Arendte et la banalité du mal.

Frédéric Gros décortique les mécanismes de l'obéissance, qui dérive en  sur-obéissance et de ses réponses :  insoumission, objection de conscience et désobéissance civique. Celles-ci se basent sur une éthique de la responsabilité, responsabilité face au monde et face à soi-même

Désobéir, c'est donc, suprêmement, obéir à soi-même.. Obéir c’est se faire le traître de soi, avoir peur de la liberté qui oblige, qui met en demeure, déclenche la désobéissance.


C'est un livre relativement bref quoique très dense, qui s'appuie sur l'apport de nombreux philosophes, de Socrate à Foucault en passant par Kant et  La Boétie, et s'appuie sur des exemples d'obéisseurs  (Eichman, expériences de Asch et de Stanley Milgram) et de désobéisseurs célèbres (Antigone, Adam et Eve, Thoreau... ). L’érudition n'empêche pas les talents de conteur et  la fluidité d'écriture; l'intelligence de l'auteur donne à la lectrice  l'impression qu'elle la partage, ou du moins est apte à en cueillir de nombreuses retombées enrichissantes. C'est une belle stimulation intellectuelle, à l'exacte portée de mes faibles compétences "philosophiques", une invitation à s'engager, encourageante en ces temps où la rébellion devrait le disputer à l'uniformité.


mots-clés : #philosophique #politique
par topocl
le Dim 15 Avr - 15:49
 
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Sujet: Frédéric Gros
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Albert Camus

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Le_myt10

Le mythe de Sisyphe (1942) :

Bon, je sors de ma paresse pour venir dire quelques mots, suite à l'incitation de Tristram.
C'est pour une relecture de cet essai. Je l'avais lu assez jeune, j'étais sans doute passé à côté de beaucoup de choses à l'époque. Je peux désormais saisir davantage la portée du texte, et comprendre les références (Kierkegaard, Dosto, le mythe de Don Juan, les références antiques ...). king
Il y a des très bonnes choses à tirer de cet essai, de quoi alimenter le fil citations en effet.

Néanmoins ... Eh oui ... Je reste un peu dubitatif sur la conclusion de notre cher Camus.
"Il faut imaginer Sisyphe heureux" ... Je veux bien, mais ce n'est pas facile !
Peut-on imaginer Sisyphe heureux ? Peut-on imaginer, même Tantale heureux ?
Peut-on se satisfaire de l'absurde ? De l'absence de sens, de la souffrance perpétuelle ?
Le tout sans la délivrance du Paradis, de la vie éternelle, ou de ce que vous voulez, qui ait l'air tout à fait délicieux.
C'est très positif comme conclusion, mais j'ai du mal à adhérer.

J'en retire toutefois une thèse non négligeable. Qui est, selon moi, centrale dans cet essai.
Le fait qu'il faille accepter la contradiction. Accepter l'absence de sens, tout en acceptant qu'il puisse y en avoir à l'intérieur.

mots-clés : {#}essai{/#} {#}philosophique{/#}
par Invité
le Lun 19 Fév - 17:07
 
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Sujet: Albert Camus
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Karl-Heinz Ott

Enfin le silence  

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 41792b10


Originale : Endlich Stille (allemand, traduction par: Françoise Kenk)

Présentation de l'éditeur a écrit::
Disserter sur le libre arbitre chez Spinoza est parfois plus aisé que d'apprendre à dire non. Un professeur de philosophie bâlois en fait l'amère expérience. Il suffit de rencontrer à la gare de Strasbourg un inconnu, l'Autre dans toute sa misérable splendeur, pour qu'il apprenne ce que signifie " être possédé ". L'Autre serait-il le Diable ? Il en a tout l'air : ivrogne invétéré, obsédé sexuel, bavard égotique, menteur délirant, il se révèle une sangsue mortifère. Il poursuit notre narrateur de son embarrassante amitié, s'installe chez lui sans ménagement, fait fuir ses proches, détruit sa réputation. Cet huis clos aussi étouffant que révoltant accule le calme professeur à envisager le pire. Enfin le silence est un thriller métaphysique d'une démoniaque intelligence, servi par une écriture envoûtante, à la fois classique et moderne.


Remarques :
C’est en recherche d’auteurs allemands nouveaux qu’un libraire m’a conseillé ce livre, et j’en fus agréablement surpris! Avec beaucoup de virtuosité, dans la langue d’abord, Ott raconte une situation qu’on a pu déjà rencontré dans notre propre vie, peut-être à un moindre degré : Quand est-ce qu’il est temps de dire clairement et sans ambigüité « Non » dans une situation, à une personne ? Quand est-ce que nous devenons des victimes de quelqu’un qui ne respecte pas notre intimité, qui ne connaît aucune discrétion ? Ou est-ce que dans ces situations-là on ne devient aussi des victimes de nos propres hésitations ?

Je peux comprendre que l’apparente impuissance du narrateur face à l’artifice de son „ami-ennemi“ peut énerver plus qu’un. J’ai lu ici et là des commentaires qui parlaient de l’attitude incompréhensible ou lamentable du héros. Soit. Mais Ott parvient à faire monter doucement justement cet énervement, jusqu’à ce qu’on en a marre. Cela fait l’effet d’une asphyxie, d’unétranglement! Et c’est alors drôlement bien raconté!

Comparant des sujets de son livre avec la biographie de l’auteur, on voit bien qu’il a puisé dans ses études, sa vie des inspirations, par exemple dans les passages qui apparaissent presque comme des petites excursions en musique ou philosophie (Spinoza).

Une belle découverte à l'époque et un auteur que j’aimerais garder à l’œil !

mots-clés : #huisclos #philosophique
par tom léo
le Lun 12 Fév - 17:33
 
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Sujet: Karl-Heinz Ott
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Simone Weil

Je découvre avec plaisir ce fil. Je viens enfin de sortir de mes étagères ses oeuvres complètes, qui y traînaient depuis trop longtemps.

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 L9782010

Un sacré pavé, mais je sens qu'il va me passionner. L'introduction de Florence de Lussy est alléchante.
Simone Weil, disciple d'Alain, empreinte d'un mysticisme chrétien, philosophe engagée. Elle a su pressentir les terribles conséquences qui attendaient l'Europe lors d'un cours séjour en Allemagne en 1932, puis ne pas se laisser berner par la situation en URSS. Pas comme d'autres en son temps ...
Des grands noms en font son éloge (Camus, Blanchot ...), et elle côtoie des Daumal, et autres.
Je pense que je vais commencer par toute la partie concernant la guerre d'Espagne. Je vais essayer de retranscrire ce que j'en aurai tiré, je sais qu'il y a des intéressés par ici ! Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 3933839410


mots-clés : {#}philosophique{/#}
par Invité
le Jeu 7 Déc - 17:58
 
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Sujet: Simone Weil
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Jérôme Ferrari

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 41pcng10

Le principe

Originale: Français, 2015

CONTENU :
Fasciné par la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976), fondateur de la mécanique quantique, inventeur du célèbre "principe d'incertitude" et Prix Nobel de physique en 1932, un jeune aspirant-philosophe désenchanté s'efforce, à l'aube du XXIe siècle, de considérer l'incomplétude de sa propre existence à l'aune des travaux et de la destinée de cet exceptionnel homme de sciences qui incarne pour lui la rencontre du langage scientifique et de la poésie, lesquels, chacun à leur manière, en ouvrant la voie au scandale de l'inédit, dessillent les yeux sur le monde pour en révéler la mystérieuse beauté que ne cessent de confisquer le matérialisme à l'œuvre dans l'Histoire des hommes.

REMARQUES :
Un jeune étudiant de philosophie des années 80 met sa propre vie en dialogue avec celui du physicien allemand Werner Heisenberg et son époque, ainsi que ses découvertes essentielles dans la mécanique des quantas et le principe d'incertitude. En cela des mots clés comme par exemple « position, vitesse, energie, temps » servent comme point de départ pour montrer d'un coté dans des réflexions plus ou moins compréhensibles certains éléments de la théorie scientifique, et d'autre part, comme des expressions à partir desquelles on peut comprendre des processus même dans la vie du scientifique allemand, son temps, la société. ET notre époque. Ainsi on pourrait bien discerner trois niveaux de lecture différents, ou disons trois pôles ?!

Celui craignant déjà le mot de « physique » pourrait être étonné de découvrir ici en passant des explications abordables et passionnantes pour une théorie complexe, celle de l'incertitude, des quantas. On sera étonné comment Ferrari met son jeune narrateur (alors étudiant de philosophie, donc un peu un alter ego de Ferrari?) dans les questionnements que provoquent alors les découvertes : cette nouvelle physique met en question une compréhension classique et des façons classiques de procéder. Elle change et changera notre idée du monde, introduit un aspect d »'incertitude » là, où nous aspirons tellement à des certitudes inébranlables. Ces notions d'une compréhension d'un monde vont changer nos idées. Mais on pourrait aussi – avec certaines énoncés du texte – dire qu'une telle physique demande un changement du regard, une sorte de flexibilité intérieure, voir de créativité. Ainsi – si on accepte ces mots comme approches – on pourrait bien prétendre qu'il y ait une fructification, une relation vivante entre théorie scientifique, observations concrètes ET idée, conception du monde et réalisation dans notre époque et notre vie.

Une ouverture d'esprit, voir un changement d'attitude est demandé, exigé par l'observateur pour se libérer d'anciennes contraintes et visions. Ainsi on dit dans le texte une fois que « le principe d'incertitude surpasse le monde des atomes pour étendre son influence sur les hommes ».

Le narrateur, « alter ego » proche de Ferrari lui-même, s'adresse au Heisenberg décédé dans une très grande partie du livre. Il questionne ses découvertes, mais aussi la vie de l'homme qui surtout dans les années du fascisme en Allemagne connaissait un positionnement qu'on a jamais pu définir exactement. Là alors c'est un bon exemple comment le « flou » de la théorie, réjoind comme description la vie de l'homme. Il y a d'autres équivalents dans le livre. Le jeune Heisenberg de l'événement clé de Helgoland est montré comme un homme proche de la nature, prêt à s'étonner, voir s'enthousiasmer face à la beauté. Autre approche vers les réalités présentes ?! Ainsi on trouvera dans sa vie, comme dans celles de beaucoup de physiciens et scientifiques de son époque, un certain « mysticisme ». N'a-t-il pas regarder « par dessus l'épaule de Dieu » ?

On accompagne Heisenberg sur ce plan de découvertes scientifiques et des implications dans une vie de relations avec son époque, l'imbrication avec l'Histoire. Mais on parle peu de la personne familiale ou autre. Donc, ce n'est pas une biographie, ni non plus une pure vulgarisation d'un sujet scientifique. Premières expériences : les années 20, puis les relations partiellement turbulentes avec d'autres grandeurs, le temps dans le IIIème Reich, la recherche commandé pour une bombe (atomique ), l'enfermement temporaire en Angleterre avec d'autres jusqu'à un discours clé et célébre à Munich dans les années 50.

Le procédé de l'auteur est intéressant, voir convaincant, et pose des questions autour de la science et ses implications. Mais aussi sur la possibilité de tirer des conclusions de la théorie sur notre monde, ou de voir l'influence de nos attitudes sur les possibles conséquences dans la recherche scientifique. Peut-être faut-il un minimum d'intérêt pour le sujet ? Oui, bien sûr. Mais il me semble que l'auteur réussit bien en passant de faire expliquer des bribes du « principe d'incertitude », et dans la science, et dans nos vies.


mots-clés : #philosophique #science
par tom léo
le Dim 10 Sep - 8:58
 
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Sujet: Jérôme Ferrari
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Harald Høffding

Histoire de la philosophie moderne

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Fezqfz10

Parue au début en deux tomes cette oeuvre n'est désormais disponible qu'en vieille édition ou en impression à la demande auprès de la BNF.
Høffding a pour projet dans cet ouvrage de présenter les philosophes et les idées qui ont marqué à partir de la Renaissance (Période Montaigne et Machiavel) jusqu'à son actualité.
Bréhier a fait de même, Russell aussi et les histoires de la philosophie pullulent. On peut alors se demander l'intérêt d'une en particulier.
Bréhier essaie de faire une Bible, scolaire, neutre et complète une sorte d'annuaire des philosophes. Très studieux et assez complet.
Russell lui exercer une histoire critique en présentant sa conception des philosophies de ses collègues illustres.
Høffding lui tente déjà de mettre des liens d'héritages entre les différents philosophes et de présenter l'histoire des idées comme une continuité quand on pense généralement qu'il existe des ruptures et des conflits. Une causalité s'exprime, la pensée de chaque philosophe est contextualisée et cela permet également de comprendre Høffding lui-même, le choix des philosophes cités, les sujets et thématiques qui interpellent un homme si représentatif de son époque, héritier de Kierkegaard pour la psychologie, de Kant pour la métaphysique et de Comte pour la science.

Un ouvrage très intéressant qui m'a beaucoup aidé pour mes études.


mots-clés : #philosophique
par Hanta
le Lun 21 Aoû - 16:04
 
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Baruch Spinoza

L'Ethique

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Ytdyhs10

Un chef d'oeuvre de la philosophie. En France on fait cocorico en vantant Descartes, au Royaume Uni on loue Locke et Hobbes, en Allemagne on sacre Leibniz, mais Spinoza demeure celui qui met d'accord chaque pays quant à l'apport de la philosophie rationaliste.
Et c'est surtout ce livre, cet ouvrage, qui place Spinoza dans le panthéon de l'histoire de la philosophie.
Tout d'abord un conseil de lectures. Cet ouvrage est structuré de la même façon qu'une démonstration de mathématiques ou de géométrie. Il est composé des axiomes, des définitions, des scolies et des parties démonstratives. il convient de commencer par les parties démonstratives et les scolies et de terminer chaque chapitre par les définitions et les axiomes, sinon la compréhension devient ardue. J'ai personnellement conseillé cette lecture à mes anciens professeurs et ils en furent contents.

Je ne vais pas développer toute l'argumentation de l'ouvrage cela serait trop complexe et trop long.
Le propos général est de parvenir au bonheur à travers une réflexion, une compréhension du monde. Pour Spinoza nous sommes déterminés, il n'existe aucun libre arbitre, la causalité est totale : chaque cause engendre une pluralité d'effets qui deviennent eux-mêmes causes d'autres effets etc.  Ainsi notre seule liberté est de comprendre les causes qui nous déterminent et c'est cette compréhension qui participe à la construction de notre bonheur.

Parallèlement à cela Spinoza pose la fondation de sa métaphysique, ainsi Dieu est la cause première de l'existence de toute chose, rien de plus, il est l'infinité des modes et attributs de l'univers et constitue chaque chose qui existe, il s'agit de la seule substance qui existe par elle-même sans être déterminée par autre chose.
Ce qui n'est pas le cas de notre ontologie, finie, déterminée et dépendante de l'existence de causes.

L'esprit (et non pas l'âme) n'est qu'une autre façon de voir le corps. En clair, Spinoza est moniste et matérialiste, nous ne sommes qu'un corps avec tout ce qu'il comporte de fonctionnement et qui nous permet une conscience et une pensée. Damasio dit de Spinoza qu'il a compris les neurosciences en avance puisque Spinoza va jusqu'à expliquer que nos pensées ne sont que des expressions du cerveau et du corps (comme peuvent l'expliquer les neurosciences avec le fonctionnement cérébral)

Il s'oppose ainsi à Descartes, farouchement, en contrariant le chantre du libre arbitre, du dualisme, et du Dieu conscient et infiniment bon.


Magnifiquement écrit et érudit, il n'en demeure pas moins complexe, si vous voulez lire Spinoza, je conseille toujours de lire le livre d'un autre philosophe Alain qui présenta la pensée du philosophe hollandais dans un livre qui s'intitule "Spinoza".
Un professeur que j'ai eu disait : "quand on est spinoziste on ne peut pas être autrement" c'est une jolie formule.


mots-clés : #philosophique
par Hanta
le Jeu 17 Aoû - 11:47
 
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Sujet: Baruch Spinoza
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Søren Kierkegaard

La reprise (ou La répétition)


Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Ydyhrt10

Livre qui avec Craintes et tremblements analyse un événement important de la vie de Kierkegaard : la rupture de ses fiançailles avec sa compagne Régine Olsen. En effet, Kierkegaard entretenant une relation suivie avec Madame Olsen, préparant le mariage, étant en fiançailles depuis quelques temps déjà, décide d'un coup subitement de rompre les fiançailles et du coup de rompre tout court.
Episode mièvre dirons-nous bien loin de la philosophie.

Pourtant cet événement sera fertile pour le philosophe danois. Dans craintes et tremblements Kierkegaard interroge la notion de choix, et celle de dilemme lors de situations qu'on ne contrôle pas et s'appuie sur l'épisode d'Abraham et du bûcher pour l'illustrer. C'est une manière d'expliquer à Régine les raisons de son choix et de son tourment.

Dans la Reprise, qui cette fois-ci se sert d'une trame fictive, Kierkegaard veut exposer d'une autre manière la notion de décision et ainsi exprimer ses regrets à Régine. Malheureusement cela ne suffira pas, elle se mariera avec un autre tout en continuant à aimer le "philosophe maudit".

La fiction relate l'histoire d'un homme éperdument amoureux d'une femme, un poète qui s'en va trouver conseil auprès d'un philosophe qui va devenir son mentor pour la conduite de ses problèmes.
Le dilemme se résume à la problématique suivante : le poète n'est inspiré que lorsqu'il est seul, doit il sacrifier sa bien aimée pour exercer son art ou sacrifier son art pour sa bien aimée" ?

On retrouve là le dilemme de Kierkegaard pour la rupture de ses fiançailles. Tout le propos philosophique consistera à se demander quelle décision prendre et si décision il y a comment être sur qu'elle est bonne.

Reprise ou Répétition

éternel débat de la philosophie française. Le titre original est Gjentagelsen. Au sens littéral il peut se traduire exactement des deux manières et donc il conviendra d'utiliser le sens que la philosophie de Kierkegaard lui apporte.
Actuellement le terme de répétition est préféré grâce au lobbying sérieux de Hélène Politis. Cependant les traductions les plus fidèles ou les plus reconnues celle de Nelly Viallaneix chez GF-Flammarion ainsi que celle plus ancienne de Tisseau conservent et mettent en avant ce terme de Reprise.

La répétition est par définition une action ou un événement qui sans cesse existe ou agit de la même manière en renouvelant son action ou son existence. C'est la réitération d'une même action ou le retour d'un même fait, de façon constante et sans évolution.

La reprise est le fait de recommencer une action ou un événement en se succédant à une même action ou à un même événement mais en ayant l'expérience de ceux qui précèdent. Par exemple, j'ai travaillé tout le lundi, le mardi je ferai la même chose mais en ayant conscience du lundi.

Dans le second concept il y a deux notions qui sont essentielles :
- la temporalité
- la conscience de la succession.

Or quand Kierkegaard utilise le terme de Gjentagelsen, il l'utilise dans des exemples où l'homme fait consciemment la même expérience afin de savoir s'il décide la même chose à chaque fois. Mais également s'il ressent les mêmes émotions, s'il considère et perçoit la situation de la même façon etc.

Ce n'est donc pas une répétition qui se rapprocherait d'une conception plus platonicienne. Il y a bien une volonté de savoir, et de prendre conscience des choses en répétant une situation en effet mais plutôt en la reprenant avec le savoir acquis par la précédente tentative.

c'est pour cette raison que le terme de reprise me semble à moi aussi plus adéquate.

Du reste, c'est à mon sens la meilleure oeuvre de Kierkegaard. C'est la plus instructive sur soi car il y a une part de psychologie assez intéressante mais c'est également une excellente introduction à la façon de démontrer du philosophe.
Elle a l'avantage d'être assez courte, d'être bien écrite car narrée au travers d'une fiction et de demeurer très actuelle.

Un livre qui m'a énormément été utile dans ma vie. Et un chef d'oeuvre de la philosophie.


mots-clés : #philosophique
par Hanta
le Mer 16 Aoû - 11:42
 
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Søren Kierkegaard

Les miettes philosophiques

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Edezze10

Kierkegaard reprend une thématique que l'on retrouve dans bon nombre de dialogues platoniciens en une unique problématique : la vérité peut elle s'apprendre ?

En effet que ce soit dans le Théétète, le Ménon ou même le Gorgias, Platon se demandait si la vérité était une connaissance dont on devait se ressouvenir ou que l'on apprenait par acquisition. On le note précisément grâce à la théorie de la réminiscence si cher au fondateur de l'Académie.
Kierkegaard se base précisément sur la pensée platonicienne pour s'y opposer.

Pour Platon et Socrate dans le dialogue, le maître est celui qui va servir à révéler une vérité déjà sue mais inconsciente au disciple. Il passe de maître à accident déclencheur du savoir.
Pour Kierkegaard, il faut voir le maître comme celui qui transmet un savoir que le disciple ignore réellement car il ne peut chercher ce qu'il sait déjà, et ne peut savoir qu'il faut chercher quelque chose s'il ignore qu'il ne le sait pas.
A l'image du Christ, le maître est celui qui montre au disciple ce qu'il ignore et l'expérience qu'il faut vivre pour apprendre et comprendre.

Dans la conception socratique, la vérité est figée, éternelle, tandis que celle de Kierkegaard est évolutive, se transmet.

C'est un pas important pour la philosophie car davantage que la vérité était holistique chez les Grecs elle est individualiste et constitue l'existence même de l'individu, son rapport au monde, sa place, son essence.

A vous de lire pour en savoir plus Smile .

Le style est sublime, il existe une portée artistique en plus d'une importance philosophique. Simple et accessible Kierkegaard n'en demeure pas moins érudit et le montre par l'utilisation du grec antique dans le texte et quelques références savamment choisies.
Il demeure une fluidité incontestable et on ressent que le philosophe est aussi un homme de lettres.
Une oeuvre importante pour une philosophie indispensable.


mots-clés : #philosophique
par Hanta
le Ven 4 Aoû - 16:43
 
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Friedrich Nietzsche

Pourquoi un fil sur Nietzsche alors que je n'ai rien lu de lui depuis des mois ? Parce qu'il me reste encore quelques textes de lui à découvrir, et qu'un beau forum sans Nietzschounet, ça fait pas sérieux ! Et que ça manque cruellement de philosophes torturés par ici. Pour la peine je rapatrie mon commentaire
d'Ainsi parlait Zarathoustra :

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Zarath10

Au-delà de l'apport et de la performance philosophique, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce texte. Il est d'une grande richesse stylistique, on peut sans doute le trouver pompeux, ou grandiloquent, un peu à l'image de Zarathousra finalement, mais certains passages sont remplis d'une poésie certaine.
Ce qui est difficile, c'est que Nietzsche semble ne parler que par codes, par métaphores, par "paraboles" comme le clame Zarathoustra. Pour le béotien que je suis, heureusement qu'internet et les analyses existent pour éclairer ma lanterne. Je vais tâcher de vous livrer ce qui ressort pour moi, et ce qui me donne envie de lire toutes les autres oeuvres de cet homme.
Déjà, c'est une philosophie originale, qui semble à la fois inaccessible et géniale. Comme ce concept de "la mort de Dieu", ou celui de "l'éternel retour", mais je vais y revenir.
Et puis, Nietzsche est inspirant. Un auteur qui n'a pas eu peur d'aller à contre-courant, envers et contre tous.

Zarathoustra, est un ermite, un illuminé si l'on veut, qui ne descend de sa montagne que pour nous éclairer. Mais il renonce rapidement à se frotter à la plèbe, les hommes semblent le répugner par leur bassesse. Nietzsche est-il un philosophe élitiste ?

Nietzsche a écrit:
Maintenant encore les grandes âmes trouveront devant eux l’existence libre. Il reste bien des endroits pour ceux qui sont solitaires ou à deux, des endroits où souffle l’odeur des mers silencieuses.
Une vie libre reste ouverte aux grandes âmes. En vérité, celui qui possède peu est d’autant moins possédé : bénie soit la petite pauvreté.
Là où finit l’État, là seulement commence l’homme qui n’est pas superflu : là commence le chant de la nécessité, la mélodie unique, la nulle autre pareille.
Là où finit l’État, — regardez donc, mes frères ! Ne voyez-vous pas l’arc-en-ciel et le pont du Surhumain ?
Ainsi parlait Zarathoustra.

L'Homme se doit d'évoluer, et tendre vers le "surhumain". Un concept qui fait tiquer, surtout au vu de la suite de l'Histoire. La récupération de cette théorie par les nazis, etc. On ne peut s'empêcher de songer à un eugénisme en comprenant ce concept. Mais je crois que la clef est de comprendre la base de la réflexion de Nietzsche. Celle de la "mort de Dieu", la science a vaincu le concept de Dieu, et l'on se retrouve face au néant. Afin de ne pas verser dans le nihilisme, dans le pessimisme inéluctable comme Schopenhauer, Nietzsche voit un rayon de lumière. Il faut se transcender. Non seulement, accepter ce destin absurde, mais en être heureux.


Nietzsche a écrit:
Et ainsi presque tous croient avoir quelque part à la vertu ; et tous veulent pour le moins s’y connaître en « bien » et en « mal ».
Mais Zarathoustra n’est pas venu pour dire à tous ces menteurs et à ces insensés : « Que savez-vous de la vertu ? Que pourriez-vous savoir de la vertu ? » —
Il est venu, mes amis, pour que vous vous fatiguiez des vieilles paroles que vous avez apprises des menteurs et des insensés :
pour que vous vous fatiguiez des mots « récompense », « représailles », « punition », « vengeance dans la justice » —
pour que vous vous fatiguiez de dire « une action est bonne, parce qu’elle est désintéressée ».
Hélas, mes amis ! Que votre « moi » soit dans l’action, ce que la mère est dans l’enfant : que ceci soit votre parole de vertu !

Il faut dépasser ce monde, cet héritage judéo-chrétien. "Briser ces vieilles tables" dira-t-il, autrement dit la morale. Dépasser le concept de bien et de mal. Il faut vivre dangereusement, sans tenir compte des lois.

Nietzsche a écrit:
Je leur ai enseigné toutes mes pensées et toutes mes aspirations : à réunir et à joindre tout ce qui chez l’homme n’est que fragment et énigme et lugubre hasard, —
— en poète, en devineur d’énigmes, en rédempteur du hasard, je leur ai appris à être créateurs de l’avenir et à sauver, en créant, tout ce qui fut.
Sauver le passé dans l’homme et transformer tout « ce qui était » jusqu’à ce que la volonté dise : « Mais c’est ainsi que je voulais que ce fût ! C’est ainsi que je le voudrai — »

Mais la transcendance n'est-elle pas avant tout dans l'art, dans la création ?

Nietzsche a écrit:
La volonté délivre : car la volonté est créatrice ; c’est là ce que j’enseigne. Et ce n’est que pour créer qu’il vous faut apprendre !

Nietzsche entame et clôt sa quatrième et dernière partie, avec cette idée, celle de l'oeuvre :

Nietzsche a écrit:
Ô Zarathoustra, dirent-ils, cherches-tu des yeux ton bonheur ? — Qu’importe le bonheur, répondit-il, il y a longtemps que je n’aspire plus au bonheur, j’aspire à mon œuvre.
Nietzsche a écrit:
Ma passion et ma compassion — qu’importent d’elles ? Est-ce que je recherche le bonheur ? Je recherche mon œuvre !

Parle-t-il de la sienne à venir, à travers ce qu'il vient d'ébaucher dans sa prosopopée, ou cette oeuvre représente les concepts qu'il vient d'avancer ?

La mort de Dieu :

Nietzsche a écrit:
Cependant — il fallut qu’il mourût : il voyait avec des yeux qui voyaient tout, — il voyait les profondeurs et les abîmes de l’homme, toutes ses hontes et ses laideurs cachées.

Nietzsche a écrit:
Sa pitié ne connaissait pas de pudeur : il fouillait les replis les plus immondes de mon être. Il fallut que mourût ce curieux, entre tous les curieux, cet indiscret, ce miséricordieux.
Il me voyait sans cesse moi ; il fallut me venger d’un pareil témoin — si non cesser de vivre moi-même.
Le Dieu qui voyait tout, même l’homme : ce Dieu devait mourir ! L’homme ne supporte pas qu’un pareil témoin vive. »

Nietzsche, un philosophe qui rend méchant ?

Nietzsche a écrit:
« L’homme est méchant » — ainsi parlaient pour ma consolation tous les plus sages. Hélas ! si c’était encore vrai aujourd’hui ! Car le mal est la meilleure force de l’homme.
« L’homme doit devenir meilleur et plus méchant » — c’est ce que j’enseigne, moi. Le plus grand mal est nécessaire pour le plus grand bien du Surhumain.

Je m'interroge pas mal sur "l'éternel retour". Pour Nietzsche, afin de ne sombrer dans le nihilisme, il imagine alors (ou reprend l'idée de Schopenhauer) que le temps formerait une boucle, qui se répéterait à l'infini. Autrement dit, cela servirait de garde-fou face à nos actes. Est-on prêt à revivre à l'infini une même action ?
Le concept paraît saugrenu, est-ce seulement une illusion, un moyen pour lui de ne pas s'effondrer dans le pessimisme ?


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par Invité
le Ven 4 Aoû - 15:59
 
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Jacques Bouveresse

Le mythe moderne du progrès

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 Nhvnh110

J'ai quasiment tout lu de ce que je considère être l'un des plus grands philosophes du monde encore actifs.
Il était donc évident que je lise son ouvrage le plus récent afin de continuer à savourer la pensée d'un tel esprit (certaines conférences sont d'ailleurs accessibles sur youtube c'est un régal).
Malheureusement cet ouvrage est un résumé sous forme de dissertation de sa critique du progrès avec les influences qui l'ont guidé durant tout son travail c'est à dire Wittgenstein, Kraus principalement.
L'ouvrage est efficace, il est pédagogique, accessible, divertissant, et bien écrit.
on y retrouve une pensée qu'on pouvait déjà lire chez Ellul notamment et même certains pragmatistes américains.
Pour un lecteur qui veut découvrir la pensée de Bouveresse ce livre est parfait et encourage à en lire davantage. Pour le lecteur déjà familier de son travail c'est un peu mince même si on se prend à vouloir relire les oeuvres déjà étudiées.


mots-clés : #philosophique
par Hanta
le Ven 21 Juil - 11:51
 
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Ivan Gontcharov

Tag philosophique sur Des Choses à lire - Page 3 512sxi10

Oblomov

ll est temps que je vienne au secours d'Ivan Gontcharov avant qu'on l'oublie...

Oblomov, esprit vide, infantile, passif, régressif ? Voilà ce qu'on reproche à ce personnage de Gontcharov.
A ceux qui l'accusent de rever sa vie, Oblomov pourrait répondre qu'il préfererait vivre son rêve. Mais il ne répond rien. En fait, il défend fermement sa conception à lui de la vie. Contre ses prétendus amis qui cherchent à l'enrégimenter, à le culpabiliser, qui voudraient bien le marier et faire son bonheur malgré lui ; lui donner des ambitions sociales, bref en faire un conformiste bon teint comme euxv

A tous ceux-là, à tous les esprits positifs, Oblomov rappelle que le rêve est supérieur à l'homme, à la réalité, à la vie même. Et que s'il ne la remplace pas, il permet au moins d'échapper à ses aspects les plus sordides, à reculer les limites du possible.
Mais que serions nous donc sans le rêve, sans la possibilté de réinventer le monde, de le réanchanter. De le transcender ?...

Oblomov symbole du naufrage humain et de la régression ? Certainement pas, mais il dit non à la banalité. Aux compromis. C'est un rêveur sensible, et il a gardé de l'enfance le souvenir lumineux et créateur qui lui permet de vivre. Enfin de survivre.
Mais parce qu'il veut que la vie réalise son rêve, Oblomov parvient à opposer sa volonté d'etre comme son moi intime le lui demande. Il réussit à être lui-même en dépit des autres qui n'ont que faire de sa révolte intérieure. Et satisfait au fond d'etre différent d'eux.
Car ce rêveur sensible, finit par s'opposer timidement mais fermement à ses amis. Tout aussi fermement que le Bartleby de Melville à qui il me fait penser.

Que fait il ? Un simple pas de côté.
En tant que personnage romanesque, il s'oppose à tous ces héros positifs qui bombent le torse, et à ceux qui n'ont rien choisi.
A tous ceux que la société étouffe, à force de conseils irréalistes, de sagesse bleme, de moralisme béat ou d'esprit de compétitivité avant de les rejeter usés.
Oblomov est aussi attaché à ses chimères que Don Quichotte, sauf qu'il n'en meurt pas et ne s'en repent pas non plus.

Oblomov, c'est finalement la recherche obstinée, souterraine du bonheur. D'une certaine forme de bonheur en tout cas.
C'est l'histoire d'un rêve exaucé. Ce rêve poétique et nostalgique, Gontcharov le partage sans l'approuver nécessairement. Il laisse simplement son personnage s'exprimer librement. Comme le faisait Dostoievski avec les siens.
Et tout le style de Gontcharov est lié à son projet. Il n'est qu'à voir le célèbre passage intitulé "le rêve d'Oblomov".

Ce personnage, je l'ai inventé ?
Peut-être. Chaque livre publié appartient à celui qui le lit.

mots-clés : #philosophique #xixesiecle
par bix_229
le Mar 13 Déc - 16:18
 
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Sujet: Ivan Gontcharov
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