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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Enrique Vila-Matas

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Message par ArenSor Dim 12 Fév - 19:40

Enrique Vila-Matas
Né en 1948


universdulivre - Enrique Vila-Matas Photo_11

À dix-huit ans, il travaille comme rédacteur dans une revue de cinéma, Fotogramas, pour laquelle il fait parfois de fausses interviews.
Après des études de droit et de journalisme à l’université de Barcelone, il décide de se consacrer à l’écriture et part se former à Paris. En 1974, il rencontre Marguerite Duras à Paris. Elle lui louera la chambre de bonne au dessus de chez elle pendant deux ans.
Il publie en 1977 son premier roman, "La lecture assassine". Mais son premier grand succès, il l'obtient grâce à l'Abrégé d'histoire de la littérature portative.
Grand amateur de Borges et des jeux de faux-semblants érudits, Vila-Matas s'est imposé, notamment grâce à "Bartleby et Compagnie", Prix au meilleur livre étranger (2000), comme l'un des auteurs hispaniques les plus passionnants de la nouvelle génération.
La consécration définitive arrive avec "Le mal de Montano" (2003) qui obtient le prix Herralde de novela, le prix Nacional de Literatura, le prix Internazionale Ennio Flaiano et, en 2003, le Prix Médicis étranger.
(source : Babelio)

Ouvrages traduits en français :

1990 Abrégé d’histoire de la littérature portative : Page 1
1995 Suicides exemplaires : Page 1
1996 Imposture,
1999 Enfants sans enfants,
2000 Étrange façon de vivre : Page 2
2000 Loin de Veracruz : Page 3
2001 Le Voyageur le plus lent,
2002 Le Voyage vertical,
2002 La lecture assassine,
2002 Bartleby et compagnie ; Page 2
2003 Le Mal de Montano : Page 1
2004 Paris ne finit jamais : Page 3
2004 Pour en finir avec les chiffres ronds : chroniques littéraires,
2005 Mastroianni-sur-Mer,
2006 Docteur Pasavento, Page 3
2008 Explorateurs de l’abîme : Page 1, 2
2008 De l’imposture en littérature, en collaboration avec Jean Echenoz : voir leur fil commun
2009 Journal volubile,
2010 Dublinesca : Page 1, 2
2010 Perdre des théories : Page 1, 2
2010 Vila-Matas, pile et face, rencontre avec André Gabastou,
2011 Chet Baker pense à son art,
2012 Air de Dylan : Page 3
2014 Impressions de Kassel : Page 3
2015 Marienbad électrique,
2015 La Modestie et autres récits : Page 4
2017 Mac et son contretemps : Page 3
2020 Cette brume insensée : Page 4

màj le 12/04/2022


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Message par ArenSor Dim 12 Fév - 19:46

Dublinesca

universdulivre - Enrique Vila-Matas 41zp8u10

Riba est un ancien éditeur dépressif qui aborde la soixantaine. Il a passé sa vie à publier des auteurs de qualité, mais il n’a jamais pu découvrir l’écrivain de génie dont il rêvait. Sa maison vient de faire faillite face à ses nouveaux collègues avides de blockbusters et de littérature facile. A Barcelone, où il vit, il ne sort plus, sauf pour une visite hebdomadaire à ses parents, il a coupé les ponts avec pratiquement tous ses amis depuis qu’il s’est arrêté de boire et passe le plus clair de son temps devant l’écran de l’ordinateur comme un hikikomori japonais. De plus, sa femme vient de se convertir au bouddhisme et il pleut sans arrêt sur Barcelone. C’est dire si ça va mal ! Pourtant Riba décide de réagir et de partir vers Dublin pour y enterrer l’ère Gutenberg tuée par le numérique. Quoi de plus symbolique de faire correspondre cet évènement avec le Bloomsday, l’Ulysse de Joyce étant le dernier grand monument de la période de la littérature imprimée ? Il réunit quelques amis et voilà nos compères tels des léopold, Stephen et Mac Mulligan de substitution partis vers l’Irlande, rencontrer le fantôme de Joyce à la tour Martelo et au cimetière de Glasnevin. Mais un autre revenant se fait de plus en plus envahissant, un certain Godot qui ressemble à Beckett jeune….
Dublinesca est un roman « post-moderne » qui peut faire penser aux livres de Paul Auster, auteur d’ailleurs cité à plusieurs reprises dans le texte. C’est avant tout un roman sur la littérature, bourré de références, à l’image d’Ulysse, de citations et autres clins d’œil. La construction est très habile jouant des mises en abyme. C’est une sorte jeu dans lequel on prend plaisir à repérer les renvois à d’autres auteurs, les détournements et réappropriations multiples. Bien sûr, on passe à côté de beaucoup d’entre eux mais qu’importe.
En conclusion, un régal pour ceux qui ont lu Joyce et Beckett. Les autres risquent de passer vraiment à côté de trop de choses.

Quelques citations :

« Il rêve d’un jour où les éditeurs de littérature, ceux qui se saignent aux quatre veines pour un lecteur actif, pour un lecteur suffisamment ouvert pour acheter un livre et laisser se dessiner dans son esprit une conscience radicalement différente de la sienne, pourront de nouveau respirer. Il pense que, si l’on exige d’un éditeur de littérature ou d’un écrivain qu’ils aient du talent, on doit aussi en exiger du lecteur. Parce qu’il ne faut pas se leurrer : ce voyage qu’est la lecture passe très souvent par des terrains difficiles qui exigent une aptitude à s’émouvoir intelligemment, le désir de comprendre autrui et d’approcher un langage différent de celui de nos tyrannies quotidiennes. »
« Après deux ans d’abstinence, il découvre que ce qu’il soupçonnait depuis très longtemps est vrai : le monde est très ennuyeux ou, ce qui revient au même, ce qui s’y passe est sans intérêt si un bon écrivain ne le raconte pas. »

« Une impulsion suicidaire, mais que va-t-il faire si la soif est grande et longue l’ombre de la tentation ? Et longue aussi la vie si brève. »

« Mais on disait seulement que Behan était un brillant écrivain irlandais qui se décrivait en général lui-même comme un « alcoolique qui avait des problèmes d’écriture. »

« Shakespeare a tout très bien dit, et ce qui restait à dire, c’est James Joyce qui l’a fait. »

« Lui reviennent alors en mémoire des mots de Maurice Blanchot qu’il connaît très bien depuis longtemps : « Ecrire, serait-ce devenir lisible pour chacun, et pour soi-même indéchiffrable ? »

« Il est sans doute regrettable que, juste au moment où il se rappelait qu’un jour, en pleine confusion mentale, il avait cru que la littérature était Catherine Deneuve et que, par la suite, il n’avait jamais pu corriger le malentendu, juste au moment où il la voyait arriver, seule et érotique, avec ses talons rouges, nue sous son imperméable, avec son bonnet penché et son léger désespoir de jour de pluie, sa mère ne l’ait pas laissé compléter cette vision qui, une fois de plus, l’excitait tant. »

« Il était surtout fasciné par l’histoire centrale du livre où il ne se passe apparemment rien alors qu’en réalité il se passe beaucoup de choses parce que, en fait, elle est pleine de brutaux micro-événements, de la même manière que, même s’il nous arrive de ne pas nous en rendre compte, il se passe aussi beaucoup de choses dans notre vie quotidienne apparemment languide, une vie qui semble lisse mais qui est tout à fait chargée de grands problèmes minuscules et de légers malaises graves…..
Lui seul sait qu’il y a, d’un côté, ces légers malaises graves avec leur bruit monotone qui ressemble à celui de la pluie, le côté le plus amer de ses jours. De l’autre, les grands problèmes minuscules : sa promenade privée, par exemple, sur le pont qui unit le monde presque expressif de Joyce et celui plus laconique de Beckett, tout compte fait, la principale trajectoire –aussi brillante que dépressive- de la grande littérature des dernières décennies : celle qui va de la richesse d’un Irlandais à la pénurie délibérée de l’autre : de Gutenberg à Google ; de l’existence du sacré (Joyce) à l’ère sombre de la disparition de Dieu (Beckett) »

« Riba a toujours pensé que les livres qu’on aime passionnément donnent l’impression, quand on les ouvre pour la première fois, d’avoir toujours été là : y apparaissent des lieux où l’on n’est pas allé, des choses qu’on n’a pas encore vues ni entendues, mais la façon dont la mémoire personnelle s’accouple avec ces lieux ou ces choses donne si peu à redire qu’on finit par croire qu’on y est allé. »
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Message par Bédoulène Dim 12 Fév - 21:30

c'était intrigant mais je passerai à côté (pas lu Joyce ni Beckett universdulivre - Enrique Vila-Matas 1038959943 )

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Hanta Dim 12 Fév - 23:57

Oui clairement je note cet ouvrage et cet auteur il a tout pour me plaire.
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Message par topocl Lun 13 Fév - 9:29

ArenSor a écrit:
Dublinesca
En conclusion, un régal pour ceux qui ont lu Joyce et Beckett. Les autres risquent de passer vraiment à côté de trop de choses.

C'est ce que je me disais en lisant ton commentaire... Tant pis pour moi!

_________________
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Message par shanidar Lun 13 Fév - 16:36

Mais il n'a pas écrit qu'un seul livre, Vila-Matas ! Et j'ai relu récemment pour mon plus grand plaisir ses élucubrations post-surréalistes (et puis c'est un copain de Jean-Yves Jouannais avec lequel ils jouent à se piquer des livres alors qu'ils ne se sont jamais rencontrés physiquement -encore un mystère de la littérature !-).

Bref :

abrégé d'histoire de la littérature portative

universdulivre - Enrique Vila-Matas Abrygy10

Absolument génial, jubilatoire, extrêmement drôle et intelligent !

Si vous voulez en savoir plus sur la littérature portative, si vous êtes curieux de découvrir la société secrète des shandys,
Si vous n'avez rien contre les artistes des années 20, de Duchamp à Larbaud en passant par Cendrars,
Si vous avez un certain penchant pour la folie et pour
l'absurde
Ainsi que pour l'histoire littéraire que l'on ne connait pas peut-être parce qu'elle s'invente au fil de la plume de Vila-Matas : ce livre est pour vous !

Vila-Matas se joue des situations, des coïncidences et des hasards, il joue avec les codes de la fiction et de la biographie, de l'exégèse et du mentir-vrai. Il croise les genres et les gens, invite à la même table Aleister Crowley, Gustav Meyrinck et Louis-Ferdinand Céline (cherchez le traître !!). Il donne à son livre un tour à la fois irrévérencieux, jovial et respectueux (peut-être même nostalgique et quasiment idolâtre). On sent à chaque page l'amour et l'envie, le plaisir et l'élan d'un écrivain parlant de ceux qui l'ont formés, éduqués, fait grandir ! Quel plaisir de lire un auteur qui ausculte la littérature en s'amusant à la déformer et qui donne irrésistiblement envie de se replonger dans les écrits volages, usurpés, facétieux et poétiques de toute une génération !

Joyeux, loufoque et volubile = shandy !!

Tout simplement : Génial !
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Message par ArenSor Lun 13 Fév - 19:13

@ églantine et topocl
Renversons la situation. Et si Dublinesca vous donnait envie de lire Joyce et Beckett ?
Je ne peux que vous encourager à lire Ulysse. Je connais pas mal de gens qui malheureusement font un blocage devant la réputation de ce livre. Certes, le style peut dérouter au début (mais comme dit Vila-Matas, l'écrivain mérite parfois du lecteur un minimum d'effort), on rentre cependant rapidement dans ce "roman" en se laissant porter par cette prose magnifique. Et surtout, surtout, ne pas essayer de tout comprendre ! Smile

@shanidar :
"jubilatoire, extrêmement drôle et intelligent " c'est tout à fait ce que j'ai ressenti à la lecture de "Dublinesca" et on ne peut mieux résumer en trois mots. En revanche, je n'irai pas jusqu'à parler de génie (mais je me suis posé la question) Smile
Un détail : l'éditeur Riba dit avoir publié des livres de P. K. Dick. Or certaines situations sur les mondes parallèles entre vivants et morts et l'affirmation "je suis vivant et vous êtes morts" renvoient à l'un des ouvrages les plus fameux de cet auteur "Ubik". Je m'en suis rendu compte parce que je connais un peu l'oeuvre de Dick, mais je suis passé, bien sûr, à côté de nombreuses autres références Smile
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Message par shanidar Mar 14 Fév - 12:33

Suicides exemplaires

universdulivre - Enrique Vila-Matas Vila10

On ne le dira jamais assez, non seulement Vila-Matas est un immense connaisseur de la littérature mondiale mais c'est en plus un conteur hors-pair.

Il le démontre une nouvelle fois dans ce recueil de douze textes (le premier et le dernier étant très courts), passant en revue différentes formes de suicides ou de tentations du suicide.

Sans jamais être morbide, ni faire l'apologie de la fin de vie (certains personnages renonçant même à la mort volontaire pour retrouver la médiocrité de leur existence), Vila-Matas propose à la fois des textes drôles et des textes qui abordent les motifs qui marquent son répertoire : la disparition par l'effacement, la folie ou sa simulation, le doublement de personnages auxquels il ajoute l'idée que la mort ou l'idée même de la mort (possible, envisageable, rêvée) apporte cette plénitude dont la vie s'absente. Comme si la course effrénée des êtres ou leur banale fixité ne leur permettaient aucun des plaisirs simples que la plénitude (celle qui précède la fin) apporte.

Se jouant des codes narratifs, Vila-Matas fait se rencontrer les vivants et les morts, les vagabonds et les aristocrates, les blancs et les noirs, les espagnols et les cubains dans des récits qui ont le goût de l'inattendu, de l'irréel et d'une sensibilité particulière aux objets qui nous entourent.

Rafraîchissant.


mots-clés : #nouvelle #mort
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Message par ArenSor Mar 30 Mai - 20:54

Perdre des théories.

universdulivre - Enrique Vila-Matas 41pl7210

Invité à un symposium international sur le roman à Lyon, un double de l'écrivain barcelonais Enrique Vila- Matas est abandonné dans son hôtel, où personne ne vient l'accueillir. Dans sa solitude, il achète un exemplaire du Magazine littéraire dédié à Julien Gracq et tombe sur un article qu'il a lui-même consacré au Rivage des Syrtes. Cette lecture lui donne l'idée d'élaborer une théorie générale du roman. Il veut mettre en évidence la modernité et l'extraordinaire prescience du roman de Julien Gracq - qu'en son temps une partie de la critique avait trouvé désuet - puis en déduit les principaux axes de ce que devra être un roman. Ayant décidé de rentrer à Barcelone, sur le point de repartir, il découvre l'inanité de toute théorie littéraire. Dès lors libéré de ce carcan, il écrira et perdra des pays, voyagera et perdra des théories, les perdra toutes. (4e de couverture)

Il s’agit  d’un petit ouvrage d’une soixantaine de pages dans lequel Enrique Vila-Matas expose donc avec subtilité, légèreté et humour sa « théorie » sur le roman.
Les principaux traits en sont :

- « L’intertextualité » :

« Ne nous leurrons pas : nous écrivons toujours après d’autres. En ce qui me concerne, à cette opération qui consiste à donner un nouveau sens à des idées et à des phrases d’autrui en les retouchant légèrement, il faut en ajouter une autre, parallèle, et presque identique : l’invasion de mes textes par des citations littéraires totalement inventées, s’entremêlant aux vraies. Ce qui complique encore plus le procédé, mais lui apporte aussi une incontestable allégresse ».

- Les connexions avec la haute poésie

« On m’a demandé un jour s’il était facile de distinguer un bon roman d’un mauvais et j’ai répondu qu’il suffisait d’examiner ce qui le reliait aux hautes fenêtres de la poésie. J’ai précisé que je parlais de liens subtils avec la poésie, non du contraire : romans écrits par des poètes avec arrière-plan de prose poétique, à éviter à tout prix pour un roman ».

- l’écriture conçue comme une horloge qui avance

« On sait que l’un des aspects les plus séduisants de la littérature est sa possibilité d’être une sorte de miroir qui avance ; un miroir qui, comme certaines horloges peut avancer.
Kafka en est un bon exemple parce qu’il perçut comment évoluerait la distance entre Etat et individu, machine du pouvoir et individu, singularité et collectivité, masse et citoyen. »


- la victoire du style sur l’intrigue

« Le style avance à grandes enjambées, l’intrigue suit en traînant les pieds. »

- la conscience d’un paysage moral délabré

« Il est terrible de voir que l’histoire de notre continent a fini par devenir celle d’un grand vide provoqué par cet immense orgueil consistant à penser que, les dieux étant morts, il n’y a plus que nous d’immortels. Comme dit Félix de Azua, un si grand vide a provoqué en nous un tel désespoir que nous finissons inexorablement par devenir la culture la plus belliqueuse à avoir existé. Pourquoi ? On ne sait pas. Ce qui nous caractérise, c’est une pure activité sans fin, une course folle vers le néant. »

Décidément, plus je le lis, plus je deviens adepte de l'écriture de Vila-Matas !


mots-clés : #creationartistique
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Message par Tristram Mer 31 Mai - 3:19

Son point de vue est effectivement très engageant...

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par églantine Mer 31 Mai - 20:44

Merci Arensor , très très intéressant tout cela ! universdulivre - Enrique Vila-Matas 1304972969
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Message par ArenSor Mar 6 Juin - 19:45

Le Mal de Montano

universdulivre - Enrique Vila-Matas Mal_de10

Le mal de Montano est défini par l’auteur dans une première phrase magistrale :

« A la fin du XXe siècle, le jeune Montano, qui venait de publier son dangereux roman sur le cas énigmatique des écrivains qui renoncent à écrire, s’est retrouvé emprisonné dans les rets de sa propre fiction et transformé en un auteur qui, malgré son inclination compulsive pour l’écriture, s’est retrouvé complètement bloqué, paralysé, changé en agraphe tragique ».

Cette maladie se traduit par différents symptômes : inflation de citations, plus ou moins authentiques

« Je viens de citer Piglia et constate que je vis entouré de citations de livres et d’auteurs. Je suis un malade de la littérature »

Transvasement de l’esprit d’un écrivain dans le cerveau d’un autre et résurrection d’écrivains disparus, ce qui entraîne des rencontres quelque peu étonnantes, comme celle-ci effectuée dans un bar de Buenos-Aires :

« Je me suis appuyé sur le comptoir long et peuplé de la pièce et ait commandé un whisky. A côté de moi, un homme de quatre-vingts ans environ, élégamment habillé, m’a regardé des pieds à la tête et, voyant que moi aussi, je le regardais, m’a demandé d’où je venais. De Barcelone, lui ai-je répondu. Je lui ai demandé d’où il était, lui. Il y eut un bref silence. J’étais français et je suis Charles Baudelaire mort, m’a-t-il répondu. »

Aussi :

« J’ai refermé le livre et me suis couché en pensant à tout cela, admirant Pavese sans être sur la même longueur d’ondes que lui, et peu après, je me suis endormi et ait vu sur une route plongée dans la brume Robert Walser en train de parler avec Musil. « Ouste, tel est mon objectif ! » disait Walser. «Tu auras beau pleurer, tu ne réussiras pas à devenir aussi réel que moi », disait Musil. « Si je n’étais pas réel, je ne pourrais pas pleurer », disait Walser. « J’espère que tu ne vas pas t’imaginer que ces larmes sont réelles », disait Musil. »

Menaces sur la bonne littérature sous forme de taupes creusant une multitude de galeries sous le volcan de cette Littérature pour la saper.

« … je me suis demandé ce qu’il adviendra de nous quand, avec l’échec de l’humanisme dont nous ne sommes plus que les funambules déséquilibrés de la vieille corde coupée, disparaître la littérature. »

Parmi ces taupes, les éditeurs et écriveurs avides d’argent facile, un gentil coup de patte à certains auteurs américains :

« Vous devriez être déjà en train de dessiner les nombreuses salles de cours de certaines universités nord-américaines où l’on se consacre à la déconstruction de textes littéraires. »

Un autre, pour les amis qui écrivent :

« On dirait que nos amis nous envoient leurs livres pour que la littérature cesse à jamais de nous fasciner. »

Bref, la maladie inguérissable ( ?) de la Littérature :

« Parler comme un livre, c’est lire le monde comme s’il était la suite d’un interminable texte. »

« C’est pourquoi, je peux, à présent, tranquillement dire qu’entre la vie et les livres, j’opte pour ces derniers qui m’aident à la comprendre. La littérature m’a toujours permis de comprendre la vie. Mais c’est précisément la raison pour laquelle elle me laisse en dehors d’elle. Je le dis sérieusement : c’est très bien ainsi. »

« Extraordinaire dimanche de printemps où je ferme les fenêtres et relis « Le Château », roman infini et incapable d’avoir une fin, entre autres, parce que l’Arpenteur ne va pas d’un lieu à l’autre, mais d’une interprétation à l’autre, d’un commentaire à l’autre, l’Arpenteur s’arrête dans tous les tournants du chemin imaginaire et commente tout. On dirait qu’il écrit pour accéder aux sources de l’écriture mais, en attendant, il commente – un ensemble de commentaires qui finissent par devenir infinis – le monde. Il a toujours l’air de chercher le premier qui a nommé quelque chose, la source originelle. Il cherche à trouver le premier qui a écrit quelque chose, l’homme qui a écrit le premier mot ou la première phrase. »

« Le style, cette facilité pour s’installer et installer le monde, est-ce cela l’homme ? Cette acquisition suspecte au nom de laquelle on fait l’éloge de l’écrivain réjoui ? (…) Il essaie de sortir. Il voit suffisamment loin en toi pour que ton style ne puisse pas te suivre. »

Mais la vie reste bien présente :

« J’écoute ce dont on parle dans les réunions, toutes « ces métaphysiques perdues dans les coins des cafés du monde entier, les idées hasardeuses à force de hasard, les intuitions de tant de pauvres hères. »

Et pour finir cette interrogation que je fais mienne :

« Je me suis souvenu de la façon dont ma génération avait voulu changer le monde et ai dit qu’il avait peut-être mieux valu que ce dont nous avions rêvé, ne soit pas devenu réalité. »

En guise de conclusion :


« Edmond Jablès dit que chaque fois que quelqu’un écrit, il court le risque de ne jamais recommencer. »

Ce qui est formidable avec Vila-Matas c’est qu’il aborde des questions fondamentales touchant à la Littérature avec une ironie, une légèreté incroyable. Comme il le dit dans une nouvelle, le propre de l’homme n’est pas l’espoir mais l’humour.  Smile


mots-clés : #humour
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Message par bix_229 Mar 6 Juin - 19:51

La littérature, et surtout la plus pointue, c' est son job, à Vila Matas.

Dans le genre, c' est Bartleby et Cie qui m' a le plus interessé.
Et que j' aurais aimé écrire.
J' avais mon idée sur ce genre de livres.
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Message par Jack-Hubert Bukowski Mer 7 Juin - 7:43

Il fallait ouvrir ce fil à Vila-Matas. Ne reste plus qu'à le remplir et attirer les lecteurs en nous. Bon voyage! Smile
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Message par ArenSor Mer 7 Juin - 12:51

Jack-Hubert Bukowski a écrit:Il fallait ouvrir ce fil à Vila-Matas. Ne reste plus qu'à le remplir et attirer les lecteurs en nous. Bon voyage! Smile

Ca fait plaisir de te revoir Jack-Hubert. Tu nous manquais cheers
Justement Vila-Matas semble faire grand cas d'un ouvrage d'une poétesse canadienne (anglophone), Elizabeth Smart et de son livre "A la hauteur de Grand station, je me suis assise et j'ai pleuré".
Je suppose que tu connais ?
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Message par Jack-Hubert Bukowski Jeu 8 Juin - 8:35

Je connais... je l'ai dans ma bibliothèque. Smile

Pour Vila-Matas, il y a tellement de choses à lire, à apprendre dans son œuvre. Sa plume vivifie.
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Message par ArenSor Mar 27 Juin - 18:50

Explorateurs de l'abîme

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Il s’agit d’un recueil de nouvelles. L’auteur s’explique sur son projet :

« La tension la plus forte était provoquée par le dur effort à fournir pour raconter des histoires de personnes normales tout en luttant contre ma tendance à m’amuser avec des textes métalittéraires : en définitive, il me fallait faire un gros effort pour raconter des histoires de la vie quotidienne avec mon sang et mon foie, comme l’avaient exigé de moi mes contempteurs qui m’avaient reproché des excès métalittéraires et une « absence absolue de sang, de vie de réalité, d’intérêt pour l’existence normale des gens normaux »

Bien entendu, les gens « normaux » de ces histoires sont tout sauf normaux au sens habituel de terme. Tous se retrouvent un jour au bord de l’abîme et sont amenés à explorer des territoires inconnus, même ceux, surtout ceux, qui ne souhaitent qu’une vie paisible, routinière, sans surprises. Force leur est de constater que la destinée n’est pas si simple.

« On pense avoir vécu notre vécu comme si c’était un brouillon, quelque chose qui peut être transformé. »

« Je demande à la personne que je viens de croiser et que je n’avais plus revue depuis trente ans de me dire que cette vie n’est qu’un prologue confus et que le texte proprement dit n’a pas encore commencé. »

« Rita pensa à la grâce, parfois sublime, de sentir nettement que, d’une certaine façon, tout se passait comme si elle vivait dans les pages d’un livre déjà écrit. »

L’une des nouvelles les plus réjouissantes du recueil concerne le narrateur et Sophie Calle, autre grande affabulatrice. C’est l’occasion pour Vila-Matas de jongler entre vécu et écriture dans des mises en abyme vertigineuses.
Bref, du bon, du grand Villa-Matas.  cheers


mots-clés : #nouvelle
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Message par Tristram Sam 15 Juil - 22:13

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Le mal de Montano
(suite au commentaire d'ArenSor)

« J’étais si malade de littérature qu’en regardant la vitrine de la librairie, je me suis vu reflété dans la vitre et ai pensé que j’étais un enfant pauvre de Dickens devant la vitrine d’une pâtisserie. » (II)
Situation que connaissent bien des Chosiens, mais expression un peu boiteuse (dû à la traduction ?) J’aurais plutôt vu quelque chose comme : J’étais si malade de littérature qu’en regardant la vitrine de la librairie je m’y suis vu reflété tel un enfant pauvre de Dickens devant une pâtisserie. Mais il faudrait bien sûr se confronter à l'original espagnol.

Pénétrer dans Le mal de Montano (ma première incursion dans l’œuvre de Vila-Matas), « un territoire à cheval entre l’essai, la fiction et l’autobiographie », c’est entrer dans une chambre d’échos où se répercutent les citations et allusions littéraires d’un obsédé de littérature, c’est sombrer dans une implacable névrose livresque, se noyer dans une solution sursaturée de littérarité. Et pour un compulsif citationniste compliqué de monomanie intertextuelle (qu’une mémoire défaillante prémunit seule de l’engloutissement intégral dès qu’elle est privée de ses béquilles tapuscrites), c'est fatal.

Ce livre raconte aussi une histoire :
I, le père de Montano rédige son journal intime de critique incapable d’échapper à la littérature. En plein œdipe hamlétien, son fils, « agraphe tragique » (comprendre que c’est un écrivain qui ne parvient plus à écrire, blocage dû à ce qu’il vient d’achever un ouvrage sur les auteurs qui arrêtent d’écrire…) qui écoute les auteurs parlant dans sa tête, ne l’aide pas à sortir de la littérature et de l’angoisse de la mort, le thème principal de cette dernière. Il en vient à incarner la mort de la littérature, à en devenir le topographe, autojustifiant ainsi son addiction.

« …] Faulkner : " Un roman, c’est la vie secrète d’un écrivain, l’obscur frère jumeau d’un homme."
Peut-être est-ce cela, la littérature : inventer une autre vie qui pourrait fort bien être la nôtre, inventer un double. Ricardo Piglia dit que se souvenir avec une mémoire étrangère est une variante du double, mais aussi une métaphore parfaite de l’expérience littéraire. […]
…] Justo Navarro : Être écrivain, c’est se transformer en quelqu’un d’étrange, en un étranger : il faut se mettre à se traduire soi-même. Écrire est un phénomène de dépersonnalisation, de substitution de la personnalité. Écrire, c’est se faire passer pour un autre. »

« Après tout, quiconque écrit en ayant le sens du risque marche sur un fil et non seulement il marche sur un fil, mais en plus il doit se tisser un fil personnel sous ses pieds. J’ai pensé tout cela là-haut et me suis dit aussi que, de la même façon que tout vol porte en lui la possibilité de la chute, chaque livre devait à coup sûr contenir en lui la possibilité de l’échec. Je me suis dit tout cela et, peu après, observant attentivement Margot manipuler les commandes avec brio, je me suis demandé ce qu’il adviendra de nous quand, avec l’échec de l’humanisme dont nous ne sommes plus que les funambules déséquilibrés de la vieille corde coupée, disparaîtra la littérature. »


II, la nouvelle que constitue la première partie est signalée comme étant en grande partie une fabulation, dans l’ensemble une fiction (Montano, par exemple, n’existe pas, même si sa maladie est bien réelle). Le narrateur (qui n’est pas critique littéraire) se propose dorénavant de faire de son journal un Dictionnaire du timide amour de la vie (la sienne, fragmentée, combinée avec d’autres autobiographies pour se construire une identité en mutation) ‒ de se livrer authentiquement, « au dieu de la Véracité », en « parasite littéraire » d’Amiel, Dali, Gide, Girondo Rosario (son matronyme), Gombrowicz, Kafka, Mansfield, Maugham, Michaux, Musil, Pavese, Pessoa, Pitol, Renard, Teste (Valéry), Valéry (diaristes par entrées alphabétiques). C’est une sorte de work in progress de sa création littéraire, entre vampirisme et subordination aux auteurs précédents, et l’exposé de sa démarche personnelle.

« Pour ma part, j’ai trouvé ce qui m’est propre chez les autres, en arrivant après eux, en les accompagnant d’abord et en m’émancipant ensuite. »

« Walter Benjamin disait que, de nos jours, la seule œuvre vraiment dotée de sens ‒ de sens critique également ‒ devrait être un collage de citations, de fragments, d’échos d’autres œuvres. À ce collage, j’ai ajouté, au moment venu, des phrases et des idées relativement miennes et je me suis peu à peu construit un monde autonome, paradoxalement très lié aux échos d’autres œuvres. »

« …] récit dans lequel est supposée se concentrer en sept petits feuillets l’histoire de la littérature vue comme une succession d’écrivains habités de façon imprévue par les souvenirs d’autres écrivains qui les ont précédés dans le temps : l’histoire de la littérature vue chronologiquement à l’envers. »

III Théorie de Budapest, ou le journal personnel comme forme narrative (conférence) : à partir de là, il me semble que l'écrivain s’essouffle...
IV Journal d’un homme trompé, où, seul, subitement vieilli, en fuite, l’auteur continue son journal et son combat contre les taupes kafkaïennes, faux écrivains de l’industrie culturelle.
V Le salut de l’esprit.  

Remarques générales :
Le citationnisme, comme le name-dropping, est dans l’air du temps en littérature ; il participe en la prolongeant à la tendance de plus en plus évidente et/ou voulue, à exposer son ego, ses tripes de littérateur, et la machinerie de la création littéraire, qui s’inscrit évidemment dans un continuum où la forme change plus que le fond. Les écrivains parlent de l’écriture et des écrivains (ici avec humour), comme les journalistes parlent surtout de journalisme (ce qui peut devenir agaçant, effectivement).
Télescopages, signes en ressorts cryptiques du roman à clef(s), allers-retours vécu-littérature et sous-entendus pour initiés sont évidemment fréquents ; il faut dire qu’on se retrouve en très bonne compagnie (Borges, Walser, etc., etc.) : fort délectable (le pied pour quiconque est atteint du mal de Montano).
Vila-Matas emploie par endroits un procédé de reprises, de réitérations de phrases, d’épisodes, litanique, mélopant, qui m’a paru assez mal placé ici (si ce n’est pour traduire un travers de maniaque ? la rumination circulaire du narrateur ?). Nombriliste, inévitablement ; l’humour manque peut-être de légèreté par endroits. Surtout, l’auteur semble avoir des lacunes en matière de belles-lettres !
Ce récit de Vila-Matas m’a évoqué les livres de Jasper Fforde, sensiblement dans la même veine, peut-être un peu plus déjantés, et un peu moins littéraires, surtout moins profonds en matière de résonances et perspectives...

Bien sûr, on peut ne pas adhérer à toutes les opinions exprimées :

« Je partage avec Maugham la croyance que dans l’héroïque courage avec lequel l’homme affronte l’irrationalité du monde, il y a plus de beauté que dans la beauté de l’art. » (II)
Paradoxalement, j’aurais plutôt la conviction que toute la beauté de l’art se retrouve patente dans l’opiniâtreté avec laquelle l’homme résiste à la rationalité du monde. Mais je suis d’accord avec :

« Quand j’ai refermé le livre [Le Métier de vivre, de Cesare Pavese], je me suis dit que la littérature ne peut nous enseigner des méthodes pratiques, des résultats à obtenir, mais seulement des positions. » (II)

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Sam 15 Juil - 22:39

une première rencontre pas complètement convaincante donc, une autre tentative ?

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Message par Tristram Sam 15 Juil - 23:04

J'ai beaucoup aimé (les deux premières parties), et bien sûr je continue dans Vila-Matas !

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