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Tamiki HARA

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Message par Quasimodo Mar 14 Fév - 12:32

Tamiki Hara
(1905-1951)

Tamiki HARA 220px-23

Poète, romancier, né à Hiroshima en 1905. Il s'intéresse dès l'âge de quatorze ans à la littérature russe du XIXe siècle et commence à écrire des poèmes. Il lit avec passion les poètes Saisei Murô, Verlaine.

En 1924 il entre à l'université de Keio, à Tôkyô, et commence des études de lettres. En 1932 il est diplômé de littérature anglaise. Etudiant, Tamiki Hara écrit des haïku, des poèmes, des nouvelles. Il s'intéresse particulièrement au dadaïsme, puis au marxisme. Il participe alors à des mouvements politiques de gauche. Trahi par une prostituée qu'il tentait de sauver, il fait une tentative de suicide. En 1933, Tamiki Hara se marie. En 1935, il publie à compte d'auteur un recueil de nouvelles intitulé Flammes, et participe activement à la revue littéraire de l'université de Keio, Mita Bungaku. Il y publie plusieurs courts récits où les thèmes de la mort, de la solitude et de l'imaginaire tiennent une grande place, soutenus de surcroît par un style plein de vigueur.

En 1944, il perd sa femme. La guerre fait rage et il rentre alors se réfugier dans sa ville natale, Hiroshima. En août 1945, c'est la bombe atomique. Miraculeusement épargné, Tamiki Hara est le témoin de cette nouvelle forme d'horreur. Fleurs d'été (1947) en est le terrible récit. D'un style sans fioriture, cette œuvre calme et désespérée fut tout de suite remarquée et obtint un prix littéraire. En 1947, il publie aussi Ruines, en 1948 Le jour du malheur, en 1949 Prélude à la destruction et Requiem, en 1950 Instant fatal. En mars 1951 éclate la guerre de Corée et ce triste moment de l'histoire japonaise va lui inspirer sa dernière nouvelle : Pays de rêve. En novembre de cette même année, Tamiki Hara se donne la mort en se jetant sous un train.

(extrait de Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines, coll. "Du monde entier")

Œuvres traduites en français :

- Fleurs d'été, 1947
- Ruines, 1947
- Prélude à la destruction, 1949
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Message par Quasimodo Dim 19 Fév - 14:48

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Ce n'est pas évident de parler de Fleurs d'été. Je crains de ne pas pouvoir éviter les lieux communs ni la maladresse. Le caractère documentaire de ce texte complique toute prise de distance. Je vais commencer par mon ressenti.

J'ai rarement, peut-être jamais, lu un texte qui m'ait autant bouleversé. Je suis sans doute très naïf. Sans doute, à l'école, on m'a appris ce qui s'est passé à Hiroshima le 6 août 45. On ne nous en a certainement pas fait l'éloge, et je me rendais vaguement compte que c'était mal. Mais est-ce que j'étais un enfant tout à fait insensible, me l'a-t-on enseigné d'une façon légère, inconséquente ? Certes le lieu et la date nous en éloignent, mais je réalise, et cruellement, qu'on n'insiste pas beaucoup sur cet aspect de la guerre. L'éloignement géographique, la France alors déjà libérée, ça nous donne le droit de se sentir moins concerné ?
Les Etats-Unis des années 40, des "gentils Alliés" ? Je pense que c'est une blague.
Je caricature un peu, mais je ne suis pas certain d'être le seul à avoir eu ce vague sentiment de confort, en pensant à ces sauveurs d'Américains. Qu'on ait pu me le faire éprouver, ce sentiment, et aussi tard, voilà ce que je ne supporte pas.

En 1945, l'auteur est réfugié à Hiroshima. Quelques jours avant la fête des morts, redoutant une attaque imminente, il se rend sur la tombe de sa femme pour y mettre des fleurs. La ville est calme, il fait beau. L'auteur laisse paraître doucement sa tristesse. L'atmosphère est paisible, presque religieuse. Ce sera ses derniers souvenirs de Hiroshima telle qu'il l'a connue.

Le surlendemain, c'était la bombe atomique.

Il survit au bombardement. Fleurs d'été en est le récit, ainsi que des jours qui ont suivi. Tout d'abord, le choc du bombardement vécu par l'auteur dans la maison familiale. De la véranda, il voit la ville écrasée; seul, au loin, un bâtiment de béton armé est encore debout. Puis, la fuite : des incendies se déclarent un peu partout dans la ville. Il s'enfuit vers la rivière, progressant sur les maisons effondrées, complètement aplaties. Là-bas, il retrouve ses frères, sa sœur et beaucoup d'autres rescapés. Tous racontent ce qui leur est arrivé, puis ils se séparent. Soudain l'auteur, cherchant à passer la rivière, croise des hommes et des femmes gisant sur le sol. Le corps brûlé, dégénéré, flétri : image plus saisissante et plus terrible encore que s'ils étaient morts, ils agonisent.

Comme nous avancions sur l'étroit chemin de pierre qui longe la rivière, je vis pour la première fois des grappes humaines défiant toute description. Le soleil était déjà bas sur l'horizon, le paysage environnant pâlissait. Sur la grève, sur le talus au-dessus de la grève, partout les mêmes hommes et les mêmes femmes dont les ombres se reflétaient dans l'eau. Mais quels hommes et quelles femmes ...! Il était presque impossible de reconnaître un homme d'une femme tant les visages étaient tuméfiés, fripés. Les yeux amincis comme des fils, les lèvres, véritables plaies enflammées, le corps souffrant de partout, nus, tous respiraient d'une respiration d'insecte, étendus sur le sol, agonisant.

L'auteur commence à prendre la mesure du désastre. Il s'agit ensuite de retrouver les membres de sa famille, et les emmener se faire soigner dans des centres improvisés. La mort est partout; les gens se meurent dans la rue, sous les arbres, près de la rivière, partout où ils ont pu trouver une place pour s'allonger. Après quelques jours, l'auteur et ceux de sa famille qui ont survécu trouvent à se réfugier dans un village de la région. Par manque de soins et de nourriture, chacun s'affaiblit; certaines maladies se déclarent, certains succombent à leurs blessures. Le récit s'arrête là.

J'en suis sorti complètement sonné. Il était temps de lire ce texte. On se trouve complètement démuni face à un tel déchaînement aveugle, face à l'ampleur de ce crime. L'auteur se tient au récit de ce qu'il a vu, dans toute son horreur. Il n'ajoute aucun jugement personnel, ne fait presque pas allusion aux agresseurs. De cette manière, il fait paraître, contenus, son incompréhension et son désespoir face à l'attaque d'un ennemi invisible, muet, dont on n'imagine pas que les mouvements puissent avoir une quelconque logique.

C'est tout de même un très beau texte, plein de simplicité et de force, servi par une écriture claire et sensible. C'est une œuvre terrible, essentielle et dont on sort changé.
On peut regretter que Tamiki Hara ne soit pas plus traduit en français.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
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Message par Armor Dim 19 Fév - 15:21

J'avais repéré ce titre depuis longtemps. Ce que tu en dis me fait le noter à nouveau. Merci Quasimodo !

Je ne saurais trop te conseiller la série Gen d'Hiroshima de Keiji Nakazawa (10 volumes). J'avoue que lire des mangas, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Mais j'ai été totalement happée par cette histoire, et profondément émue par la force évocatrice des images et du texte.
Gen d'Hiroshima nous raconte l'histoire d'un petit garçon d'une dizaine d'année qui survit à la bombe H, mais qui voit une partie de sa famille périr sous ses yeux dans l'incendie qui suivit l'explosion.
Le manga décrit l'horreur absolue des ravages immédiats de la bombe, des images insoutenables et pourtant, comme tu le dis pour le texte de Tamiki Hara, nécessaires.
Mais il y a aussi la suite… Un Japon qui doit ensuite survivre avec des malades qu'on ne sait comment aider. Les effets de la bombe H, insidieux et pervers, qui surgissent encore bien des année après… Les non-dits, l'ostracisme dont souffrent les survivants...
Et l'attitude abjecte des Américains qui voient en ces corps souffrants de parfaits cobayes pour leurs études des effets des radiations sur l'homme…

Gen est un enfant pris dans la tourmente, mais animé d'une pulsion de vie qui le fera résister coûte que coûte.
Il y a de tout dans ce manga. Une émotion pure et à fleur de peau, de la révolte, de la rage, de superbes moments d'humanité et d'émotion, le rire et la canaillerie des enfants, et tout le cynisme dont peut faire preuve un humain…

Gen d'Hiroshima est en grande partie autobiographique, et c'est probablement aussi cette totale sincérité qui le rend si bouleversant.
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Message par shanidar Dim 19 Fév - 17:19

Je note également ce titre Quasimodo. Ton commentaire m'a donné des frissons.
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Message par Quasimodo Dim 19 Fév - 23:26

Je crois que c'est la première fois que je me sens gêné de penser qu'une œuvre me plaît, ou que je peux prendre du plaisir en la lisant.

Je note Gen d'Hiroshima, merci Armor. Je suis allé regarder quelques planches, ça m'intéresse beaucoup. D'autant plus que je ne connais rien de la suite. A ce sujet, on m'a recommandé le film Pluie noire ... je ne sais pas si tu l'as vu. Je vais sûrement essayer.

Shanidar, je pense que c'est une lecture vraiment importante. L'extrait que j'ai inséré dans mon commentaire est assez représentatif du récit, je crois.
Un avantage de Fleurs d'été, c'est qu'il est très court. Il n'y a pas à remettre la lecture par manque de temps : en une heure on l'a fini.

Par contre, je l'ai dans une anthologie de nouvelles japonaises, pas dans l'édition Babel; donc je n'ai pas les deux autres nouvelles qui s'y trouvent. J'aimerais beaucoup les lire. Je ne crois pas qu'il existe d'autres œuvres traduites de Tamiki Hara.
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Message par Gnocchi Lun 20 Fév - 0:19

Merci beaucoup Quasimodo et Armor pour vos commentaires.

D'abord Tamiki Hara n'a pas laissé beaucoup d’œuvres. Au Japon aussi, on ne peut lire qu'un seul livre. Moi aussi j'ai été bouleversée par Fleur d'été quand j'étais lycéenne.
Comme Armor conseille, Gen de Hiroshima est aussi impressionnant que le livre de Hara. Mais je n'ai lu que quatre premiers tomes.  

Je veux vous conseiller aussi le film Pluie noire de Shohei Imamura, et le roman original de Masuji Ibusé (folio). C'est une fiction mais basée sur le fait vécu des habitants de la ville.

Et aussi "Hiroshima, lundi 6 août 1945, 8h15" du John Hersey (le journaliste américain) qui a reçu le Prix Pulitzer en 1945. Il était un des premiers journalistes occidentaux entrés à Hiroshima après la bombe. (Tallandier, Texto)
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Message par Quasimodo Lun 20 Fév - 0:27

C'est vrai ? On ne trouve pas toutes ses œuvres, au Japon ? (j'ai vu qu'il a publié quand même quelques titres, j'espérais qu'il puisse encore être traduit ...)

Merci pour tous tes conseils, j'avais aussi repéré le roman de Masuji Ibusé en librairie, après qu'on m'ait parlé du film. Il faudra que je retourne voir.
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