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Michel Laval

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Message par Bédoulène Sam 18 Fév - 17:50

Michel Laval

Michel Laval Laval10

Avocat associé
Formation : Maîtrise de Droit et Licence en Lettres (Philosophie) de l'université Paris I Panthéon Sorbonne.
Compétences : Michel Laval est avocat à la cour depuis 1973. Il a consacré tout le début de sa carrière à l'activité judiciaire avant de développer en parallèle une activité de conseil. Il est intervenu dans plusieurs affaires civiles, commerciales et pénales aux enjeux importants et a plaidé dans de nombreuses affaires de presse.
Michel Laval possède une compétence confirmée en droit des affaires, en droit de la propriété intellectuelle, en droit pénal des personnes et des affaires, ainsi qu'en droit de la communication. En droit des affaires, il conseille et assiste des entreprises, des investisseurs et des banques dans des opérations de haut de bilan, de restructuring, de croissance externe, de fusion-acquisition et d'introduction sur des marchés boursiers. En droit de la propriété intellectuelle et de la communication, il conseille et assiste des sociétés de production audiovisuelle, des organes de presse et des particuliers (écrivains, artistes, créateurs). En droit pénal des affaires, il assiste les dirigeants d'entreprise.

Publications :

"Brasillach ou la trahison du clerc"
"l'Homme sans concession : Arthur Koestler et son siècle"
"Tué à l'ennemi, la dernière guerre de Charles Péguy"

articles de presse et juridiques

"L'interview à la confluence des droits"
"De Nüremberg à La Haye"

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
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Message par Bédoulène Sam 18 Fév - 17:59

Michel Laval Ak1011

L'homme sans concession, Arthur Koestler et son siècle

Cette lecture a été faite il y environ 1 an avec Shanidar sous forme de LC mais sur fil d'auteur, j'ai récupéré nos messages car la qualité d'écriture de Michel Laval et le plaisir de lecture m' y incité.

c'est donc sous cette forme que se présente nos commentaires.

 
Bédoulène :

Juste lu une trentaine de pages qui me remémorent ce que nous savons déjà de nos lectures de Koestler. J'aime bien que Laval retrace l' histoire avant, pendant et après la naissance d' Arthur K. et l' argumente des citations d'intellectuels.

(encore des pistes de lecture   )

je vais poursuivre

j'espère que Laval nous parlera de la vie privée de Koestler car c'est ce que nous ne connaissons pas de lui.

En fait cette lecture, pour les 80 pages lues est pour moi une révision des livres de Koestler, mais l'auteur y ajoute des portraits d'intellectuels, celui de Jabotinski, par exemple, est assez pointu et surtout les descriptions des villes (Vienne, Haïfa, Tel-Aviv, Jérusalem, Berlin...) sont intéressantes car il dresse leur historique.





shanidar :

Je te rejoins complètement Bédou (je n'ai lu que 20 pages pour l'instant). Laval ne donne aucune explication aux raisons qui l'ont porté à écrire sur Koestler, le biographe reste dans l'ombre et semble bien mystérieux (je n'ai rien trouvé sur lui sur le net...). Les premiers paragraphes décrivant l'état de l'Europe Centrale à la naissance de Koestler et les réflexions-citations empruntées à Musil et Zweig sont particulièrement éclairantes (j'imagine qu'il faudrait faire un parallèle entre L'homme sans qualités de Musil et la vie de Koestler mais je n'ai jamais lu Musil...). Quant à Zweig, il me semble que la grande différence avec Koestler vient de leur condition sociale (Koestler déclassé face à un Zweig quasiment aristocrate...).

Enfin, il est intéressant de constater qu'en 1905 (année de naissance de Koestler) la photographie du monde est celle d'un moment qui va très vite et complètement être transformé par la guerre, les changements de régime, les révolutions ; les Empires vacillent et avec eux leurs cultures, leurs hiérarchies intellectuelles et leur joug. La vie de Koestler va donc être marquée par ce changement drastique de régime.

Pour le reste, j'espère aussi que Laval va nous parler un peu plus des relations privées de Koestler ou des mécanismes qui ont fait de sa vie ce qu'elle fut (au regard de l'Histoire, des évolutions sociales et de la pensée au XXème siècle)... sinon, nous risquons de ne faire que relire ce que Koestler nous dit déjà (et avec talent) dans ses autobiographies...


 



Bédoulène :

j' ai noté aussi un rv avec Musil et d'autres livres qui m'attirent.  

Effectivement l'auteur retrace le parcours d'A. Koestler, relevant de ses écrits les choix, les thèses essentielles pour en dresser son identité, mais à ce jeu c'est Koestler qui est le meilleur (tu l'as dit : avec talent)

Laval évoque la situation de l'Allemagne au regard de la crise de Wall Street, en effet les banquiers américains ayant exigé le rapatriement des fonds, n'accordant plus de prêt, ce fut l'effondrement économique de l'allemagne ; je pense qu'on peut reconnaître que la situation catastrophique à cette période (notamment le chômage) a permis l'ascension du nazisme qui guettait.

Les voix de certains intellectuels qui étaient conscients du danger, tel Thomas Mann, n'étaient pas entendues. L'auteur fait une métaphore très visuelle de la République de Weimer : le naufrage du Titanic.

Il relate les raisons de Koestler à son adhésion au Parti communiste ; les restrictions qu'il fait Koestler ne pouvait à l'époque pas les voir et nous savons que quand il s'engage ce n'est pas uniquement par raison, il n' a jamais écarté celles du coeur.

Je crois que cette biographie est une entrée pour une première rencontre avec Koestler, mais je continue espérant y trouver un complément.

Peut-être que Laval donnera les raisons du choix de cette biographie ?
 




shanidar :

Nous apprendrons peut-être plus après avoir passé les années de guerre (vers 1947...). Mais je ne suis pas aussi avancée que toi, Bédou. Je pars tout juste pour Haïfa !!

Pour l'engagement au PC, il faut aussi sans doute se souvenir du tout jeune Koestler fasciné par la Marche funèbre de Chopin, jouée lors des défilés du 1er mai à Budapest en 19, qui semble lui donner à la fois un grand émoi musical et partisan !

Ce qui est intéressant c'est de voir que chez Koestler, bien souvent, les choix qu'il prend sont liés à l'instinct, à l'envie de partager des idées, des combats, plus qu'à un réel raisonnement. Je cherche sans trouver, si mes propres engagements sont liés à de violentes émotions, à des images, des sons, de grands évènements, la Chute du mur est pour ma génération un point de bascule, mais il a ouvert une brèche dans les idéologies plutôt que conforté le militantisme (ou quelle que soit la manière dont on veut qualifier son 'être au monde' sans forcément adhérer à un parti en particulier)...





Bédoulène :

d' ailleurs ses camarades lui reprochaient souvent "d'écouter son coeur"  

l' auteur suit Koestler mais pour nous c'est une révision, agréable cependant.

En exergue des chapitres des citations pertinentes.

Dans Berlin déchirée par les luttes entre la révolution brune et la révolution rouge, AK joue le rôle d'informateur qui lui est permis dans son travail pour la maison de presse, mais il doit quitter son poste et après des mois d'attente voilà qu'il lui est autorisé de partir en Union soviétique pour suivre le Plan quinquennal. Pendant une année il va sillonner le pays, se rendre compte des mensonges, de la famine qui mine le pays, de l'arbitraire, les répressions mais son cerveau conditionné ne croyait pas ce que ses yeux voyaient ; l'annonce de l'accession au pouvoir d'Hitler confortait son besoin de croire encore qu'il avait choisi le seul parti pouvant faire face au fascisme.

Retour en Allemagne puis départ pour la France où comme tous les émigrés il se retrouve à nouveau dans une situation difficile, démuni de tout. Là il va travailler bénévolement dans l' association de W. Münzenberg puis à l'INFA.

L'auteur évalue l'implication du "prestidigitateur" Münzenberg, qui habilement amène les intellectuels Français à soutenir ses actions (Gide, Malraux, Barbusse........).

" Le manipulateur avait fait des intellectuels sa cible privilégiée. Plus que tout autre, il avait compris leur intérêt stratégique, il avait perçu leur extrême sensibilité aux mouvements de l'histoire, leur vanité, leur mauvaise conscience, leur vigilance exacerbée, leur hantise d'être pris au dépourvu et leur obsession de se montrer toujours à la pointe des combats, comme s'ils incarnaient l'esprit du monde".

Les actions de Müzenberg et l'implication des intellectuels auprès des ouvriers incitèrent les diverses sensibilités de gauche à s' unir enfin, prémisses du futur Front Populaire !

A. Koestler améliora sa situation financière en livrant quelques articles de presse ; il entrepris de rédiger un livre sur Spartacus, la première des révolutions dont l'échec, après l' avoir comparer avec la situation de l'Europe et les thèses marxistes le laissa bien sceptique sur la réussite de la révolution rouge.

Il part à Zurich où il se mariera avec Dorothé Asher dont il se séparera rapidement ; il rencontre plusieurs émigrés, notamment Joseph Roth dont l'auteur fera un portait aussi réaliste que déprimant.

De fait, l'un des atouts de ce livre est la maîtrise de Laval à faire des portraits saisissants, de personnages comme des villes.

Le parti national-socialiste poursuivi sa montée en Allemagne, leur première victoire fut la récupération de la Sarre .

"Près de cinq cent mille Sarrois, toutes classes sociales confondues, sans la moindre pression, sans la moindre menace ni la moindre violence, opté pour un régime dont la nature ne faisait aucun doute. Tous ensemble, bourgeois et prolétaires, riches et pauvres, nantis et déshérités, croyants et athées, avaient consenti librement à la servitude et s'étaient abandonnés dans un cri sourd de plaisir aux accents de cette voix qui leur promettait en allemand une gloire et une grandeur millénaires. L'adhésion avait été massive, sans réserve ni retenue."

pour sa part Koestler avait conté une anecdote sur l'attitude des dirigeants communistes de la Sarre qui avaient répondu aux ouvriers, lesquels s'interrogeaient sur l'expression de leurs votes, de voter pour la république soviétique allemande ! qui évidemment n'existait pas.

Les citations des personnages renvoient aux titres de livres et aux auteurs : une occasion de prévoir de prochaines lectures !


 



shanidar :

J'apprécie aussi le style de Laval et sa manière très simple d'amener des citations d'autres auteurs que Koestler. Ses descriptions des villes traversées par le cosmopolite Koestler me semblent souvent pertinentes : Haïfa, Tel-Aviv construite sur le sable, Berlin et ses furieuses contradictions, Paris en pleine reconstruction, Jérusalem la religieuse, etc., en revanche je ne suis pas toujours d'accord avec certains de ses raccourcis en particulier celui qui consiste à dire que dans les années 20, Berlin, comme toute l'Allemagne manquait de conscience morale (je ne crois pas qu'on puisse dire ça les yeux dans les yeux de Thomas Mann, par exemple) ou que la France de la même époque vivait non pas une renaissance (les Années folles) mais son irréversible déclin. Néanmoins le texte reste intéressant par sa densité et sa volonté de donner à entendre la voix des intellectuels d'alors.





Bédoulène :

Au vu des résultats des votes pour la Sarre, on peut dire que oui "l'Allemagne manquait de conscience morale"   mais l'Allemagne n'est point seule à en avoir manqué.

Juillet 36 l'Espagne se déchire : "l'Espagne ancestrale avec ses processions et ses cantiques, ses  dévots et ses carabiniers d'une part, l'Espagne républicaine des socialistes, des communistes et des anarchistes, d'autre part."

L'auteur rappelle les exactions commises par les deux camps :

"Le 18 août 1936, le chef de la milice phalangiste de Grenade avait fait fusiller le poète Federico Garcia Lorca. Trois mois plus tard, José Antonio Primo de Rivera, le chef de la phalange, tombait sous les balles gouvernementales dans la cour de la prison d'Alicante après un simulacre de procès. Chaque camp s'auréolait de son martyr dont le supplice creusait entre eux un infranchissable fossé."

Laval encore une fois dresse la situation de l'Espagne de façon détaillée. Rappelant l'élan des intellectuels de gauche à venir soutenir le peuple républicain, oralement ou physiquement. Beaucoup venant d'europe, voire d'amérique rejoignirent les Brigades Internationales.

C'est à la lecture du livre d'Orwell "Hommage à la Catalogne" que les enjeux des différents parti politiques étaient aussi assez explicité.

Koestler veut se battre, il obtiendra 2 cartes de presse et part en Espagne avec son passeport hongrois. Il arrive à tromper le Gal  franquiste Queipo de Llano . Koestler retournera plusieurs fois en Espagne, la 3ème fois  il sera arrêté et emprisonné, il devra sa relaxation à l'intervention des intellectuels, des communistes ...................... et celle active de sa femme.

C'est de son séjour en prison qu'il découvrit le "sentiment océanique", ce sentiment nouveau incitera Koestler à "brûler" un nouveau pont. "Il fit des puissances de la mémoire et de l'esprit des alliées quotidiennes. L'accès à la bibliothèque de la prison lui permit de renouer avec la lecture. Relaxé Koestler demeure en Angleterre où le rejoint Dorothé Asher. Il traduira son aventure espagnole dans son livre "un testament espagnol".

(Le sentiment océanique est une notion psychologique et/ou spirituelle formulée par Romain Rolland qui se rapporte à l'impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l'univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi ») parfois hors de toute croyance religieuse.)

"Koestler part en tournée de conférences sur l'Espagne à travers l'Angleterre. Il n'était plus communiste, mais ne l'avouait pas encore."





shanidar :


Michel Laval date de 1930 le sursaut de Thomas Mann en citant un discours qui est repris en français dans un recueil d'essais : Les exigences du jour, mais il ne dit pas dans quelles conditions, ni devant quel auditoire ce texte a été prononcé...

(Bédou, je suis encore à observer la famine ukrainienne en compagnie de Koestler...)

Je trouve vraiment dommage que Michel Laval ne nous propose qu'une synthèse des écrits de Koestler (en tout cas pour l'instant) , il ne semble pas avoir lu de correspondances ou d'articles de journaux pas plus que de journaux 'intimes' des proches de Koestler qui pourraient nous donner une image différente de K. La seule petite chose que nous avons à nous mettre sous la dent pour imaginer un peu mieux la personnalité de Koestler est un passage d'un livre de Manès Sperber (qui devint un grand ami de K.) :
Citation :
Il avait une manière puérile de célébrer ses réussites - un peu comme un adolescent qui se serait introduit en fraude dans le lit d'une femme longuement désirée ou qui aurait séduit toutes les femmes d'un harem en une seule nuit. Koestler semblait vouloir délibérément provoquer l'antipathie. [...] Certes, la plupart des habitués de ses soirées comprenaient qu'ils avaient affaire à quelqu'un d'extrêmement sensible qui se mettait lui-même en scène d'une façon maladroite et surcompensatoire, un personnage dont le langage ironique -du moins l'espérait-il- le mettrait à l'abri de toute blessure. Même celui qui savait -comme moi- apprécier ses plaisanteries et ses répliques pleines de cynisme, même celui-là avait de la peine à le prendre au sérieux et à s'embarquer avec lui dans une discussion objective.


Je regrette beaucoup que Laval n'ait pas fait ce travail de recherches de témoignages sur Koestler qui nous permettrait d'avoir une image extérieure de l'homme.





Bédoulène :

oui tu as raison Shanidar, car nous connaissons déjà le parcours de K. Mais certainement que A.K. ne se livrait pas facilement aussi !

A.K. a garder plusieurs amis pour la vie et c'est par ceux-là que nous aurions appris plus de lui.



reprise de lecture

ocT 37 : de l’autre bout de la méditerranée la Palestine est ensanglantée. Le Haut comité Arabe s’ oppose à l’installation des émigrants Juifs. D’après l’ enquête de la Commission loyale Britannique il apparait impossible que Juifs et Arabes puissent vivre ensemble ; la seule solution serait de partager la Palestine en 2 parties indépendantes. La quotité de territoire proposée aux Sionistes ne leur convenait pas quant aux Arabes ils ne voulaient tout simplement pas des Juifs sur le territoire Palestinien (ce qui est toujours d’actualité) Les Britanniques et les Juifs durent de plus se défendre contre des bandes en provenance des autres pays arabes, lesquelles étaient soutenues par les fascistes allemands et italiens.
Le mouvement Sioniste se fissurait.

Koestler accepte la proposition de reportage faite par le News Chronicle à Jérusalem. Il remarque que le pays a changé, de nombreux Juifs ont rejoint la Palestine, la seule alternative pour eux à la barbarie nazie qui s’était renforcée. A.K. retourne en europe et lance un « SOS » pour la Palestine dans son article.

« Jamais, pour A.K., les Juifs ,n’avaient été menacés d’un péril aussi terrible qu’en cette fin d’année 1937 où tout semblait converger vers leur anéantissement général. Mais sa voix se perdit alors dans un silence de glace. »

C’est au cours d’une conférence sur la guerre d’Espagne que K. refusa de soumettre son texte au représentant du parti ; ce qu’il déclara était de nature à renier les thèses du Parti.
« A.K. comprit à l’instant qu’il venait de commettre l’irrémédiable, que ces propos avaient quelque chose d’iconoclaste, qu’ils résonnaient comme une « déclaration de guerre », et le sentiment immédiat qu’il en éprouva fut celui d’un véritable désarroi. »

C’est l’exécution de Boukharine en Union Soviétique qui conduisit de nombreux Communistes à voir la réalité et à quitter le Parti.

Le « procès » de Boukharine et des autres accusés fut le dernier des grands procès, il ne pouvait masquer 4 années de terreur ; il n’y avait plus de candidat pour participer à ces mascarades.
Laval rapporte les principales phases du procès.

L’auteur a bien saisi le désarroi qui assaille Koestler après sa décision ; cet homme ne pouvait quitter sans douleur cette compagne que représentait le Parti, après tant d’années de vie commune.

« Le geste de Koestler l’avait laissé sur la rive du fleuve, errant parmi les traitres et les hérétiques" . D’ ailleurs les mots de Koestler évoquent bien ce sentiment : « un prêtre défroqué », « seul et inutile », « au ban de l’humanité ».
Manès Sperber, l’ami de Koestler, entré un peu avant lui dans la dissidence, sentait un trou noir spirituel l’emporter « plus profond que l’abîme ».

Koestler se sauva en se replongeant dans l’écriture de Spartacus. Il tira une leçon de la révolte du gladiateur « il avait préféré sacrifier la révolution que la salir », alors que Camus écrivait « tout révolutionnaire fini en oppresseur ou en hérétique ».

K. rejoint dans le sud de la France les émigrants anti-nazis qui séjournent à Sanary sur mer.
De retour à Paris il commence la rédaction de son plus célèbre livre « le zéro et l’infini » qui retrace le procès d’un militant, qui aurait pu être être son ami Weisberg emprisonné comme le lui apprend sa femme.

Alors que la République d’ Espagne agonise dans l’indifférence, en Allemagne Hitler étend son emprise sur d’autres territoires.





shanidar :

Bédou, je suis arrivée au mois d'octobre 37 et au départ de Koestler pour la Palestine. De plus en plus à travers cette biographie se dessine le destin d'un homme seul, expatrié, apatride, exilé... Laval souligne la difficulté des émigrés allemands à trouver en France une terre d'accueil (c'est toujours le cas) et insiste sur le fait que la plupart vivaient en vase clos, ne fréquentant que des compatriotes et se retrouvant finalement coupés de la société française. A l'inverse, lorsque Koestler arrive en Angleterre après sa détention en Espagne, il est accueilli par un cercle de sympathisants anglais, ce qui semble lui permettre de s'intégrer un peu mieux dans la vie anglaise (même s'il continue à écrire en allemand).

Je ne m'étais pas rendue compte à quel point les premiers romans de Koestler avaient été si tardif (en 37, il n'a toujours pas publié Spartacus mais seulement des livres de vulgarisation sur la sexualité et des plaidoyers contre le fascisme).





Bédoulène :

"Je ne m'étais pas rendue compte à quel point les premiers romans de Koestler avaient été si tardif (en 37, il n'a toujours pas publié Spartacus mais seulement des livres de vulgarisation sur la sexualité et des plaidoyers contre le fascisme)." trop occupé par le Parti ! Shanidar

"cette biographie se dessine le destin d'un homme seul, expatrié, apatride, exilé..." tout à fait et à ce nouveau pont franchi avec sa sortie du PC il en sera de même.


suite

A propos du procès de Boukharine Koestler dénie les raisons avancées par le procureur et par Trotsky, qui justifieraient l'aveu, mais pour lui "l'aveu n'était pas autre chose que l'ultime service rendu au Parti, le dernier sacrifice qui lui était consenti."

Laval met en évidence l'analogie des réponses de Boukharine et de Roubachov, le héros de Koestler, il décortique les idées, les liens entre les victimes et le Parti, entre bourreaux et victimes.

en exergue chapitre IX : "Le péché de pratiquement tous les gens de gauche à partir de 1933 est d'avoir voulu être antifasciste sans être antitotalitaire." George Orwell (je mettrais un bémol à cette critique tousme parait injuste, les membres de "la base" eux ne savaient pas, ils croyaient ce que les "chefs" disaient - cela me rappelle une réflexion de Koestler alors qu'il est interné au camp du Vernet, il fait justement cette différence)

Après la rupture d'avec le Parti Koestler a quitté une rive, il marche sur ce nouveau pont mais il n'a pas encore atteint l'autre rive. "Une foi naît en vous par un acte apparemment spontané, comme le papilon surgit de son cocon. Mais la mort d'une foi est progressive et lente ; même après ce qui semble le dernier frémissement des ailes fatiguées, il y a encore un sursaut, encore un faible soulèvement. toute foi sincère montre ce refus obstiné de mourir."

L'auteur, à nouveau saisit très justement les sentiments qui accablent Koestler : "En cette fin d'année 1938, prise entre nostalgie et espoir, rêve et cauchemar, mensonge et passion, la foi d'Arthur Koestler agonisait lentement." Suit un développement intéressant.

Je suis , comme d'habitude saisie par les mots employés par Koestler, mais Laval me séduit par son raisonnement et sa perception vis à vis d'A.K.

à suivre.





shanidar :


Bédou, je pense que tout comme moi en lisant les pages sur les procès de Moscou, tu n'as pas pu t'empêcher de penser au film L'Aveu de Costa-Gavras, qui met bien en évidence lui aussi la difficulté à se séparer du Parti et la "facilité" à se reconnaître coupable pour sauver l'idéologie communiste. Quand on voit que Semprun a écrit les dialogues du film, j'imagine facilement qu'il a dû lui aussi éprouver les mêmes déchirements...

On retrouve également dans les mots et les maux des réfugiés, les incantations qui trouent encore aujourd'hui notre quotidien, comme si rien, finalement ne changeait vraiment, comme si l'homme était toujours aux prises avec les mêmes problèmes : migrations, identité, foi... et les mêmes aveuglements.


Bon. J'entame désormais la partie de la vie de Koestler que je ne connais pas ; c'est-à-dire à partir de son arrivée en Angleterre en 42. Fidèle à lui-même, Koestler écrit dans les journaux londoniens et new-yorkais pour dénoncer l'extermination des juifs d'Europe, mais tout comme Karski, il ne sera pas entendu (ou plutôt écouté). Il cherche aussi à dénoncer les camps dans lesquels ses amis antinazis sont internés en France. Sans plus de succès. On reconnait ici les engagements toujours renaissants de Koestler contre l'injustice et la barbarie mais aussi l'aveuglement des 'hommes libres'.

Laval s'attache également à nous parler du recueil d'essais Le Yogi et le Commissaire qui semble parfaitement exprimer les deux pôles vers lesquels oscillent le monde (matérialité contre spiritualité, pour le dire vite) alors même que Koestler tente de trouver la voie du milieu, celle qui permettrait aux hommes de vivre ensemble...





Bédoulène :

"Le Pape, l'Italie, la France, l'Angleterre et l'Union Soviétique, tous passaient des accords et des pactes avec Hitler. Par contre, aucun accord ne se faisait entre les peuples pour les persécutés."

Staline par "un virage radical consacrait la rupture suicidaire "classe contre classe"  et réhabilitait le mouvement communiste. Les démocraties le trouvaient fréquentable, oubliées les exactions commises ! Même ceux qui avaient rompu avec le PC ne souhaitaient pas agir contre le parti, l'ennemi restait le fascisme. Car ce que n'arrivaient pas à admettre les Communistes et sympathisants c'était : "Partis aux antipodes de l'espace idéologique Européen, Staline et Hitler avaient dérivé vers un même continent, une contrée inconnue et hostile où ils avaient instauré deux régimes similaires" explique Laval, tout en n'éludant pas les différences fondamentales des deux partis.

La presse de droite comme de gauche, en France se déchainait contre les émigrés antifascistes, Koestler, après son arrestation, son internement dans le camp du Vernet réussit à rejoindre l'Angleterre.

Laval fait un constat de l'entre deux guerre saisissant, citant Koestler et les intellectuels des pays européens pour asseoir son analyse, ma foi très juste. Après les atermoiements de la France et l'Angleterre, après maints accords, des plus vils, la deuxième guerre mondiale frappe à la porte de l'europe et s'installe durant 5 ans ; période pendant laquelle périront des millions d'hommes, parmi lesquels des millions de Juifs exterminés par les nazis et fascistes et bien qu'informés il est visible que pour les Alliés, le sauvetage des Juifs n'est pas prioritaire, la guerre idéologique prime.

AK, s'engage comme pionnier dans l'armée Britannique, mais attéré par les nouvelles dramatiques parvenant du continent (sans nouvelle de sa mère, de ses amis, connaissant le sort des Juifs...) il sombre dans une profonde dépression. Rétabli, il participe aux Searchlight Books, dénonce dans la presse, la radio l' extermination des Juifs par les pays fascistes et nazis. Se lie d'amitié avec Orwell pour lequel il a beaucoup de respect.

A.K. avait beau se démener, il fit un mémorandum pour le gouvernement Britannique, demandant une aide stratégique qui fut refuser au prétexte de raisons techniques. Confirmation que "Le sauvetage des Juifs n'était  pas d'actualité, il ne figurait pas parmi les priorités stratégiques des Alliés, qui pensaient que la seule manière de venir en aide aux Juifs était d'écraser le nazisme le plus rapidement possible. L'extermination se poursuivit."


Dans son livre "le yogi et le commissaire" Koestler met en confrontation deux idées "la transformation par l'extérieur"  (la fin justifie les moyens) et "il n'y a de salut qu'intérieur" (la violence est inutile et néfaste) mais il en choisira lui une autre qui  se trouve un compromis entre ces deux pouvoirs (l'action et la communion).

Pendant ce temps le Comité exécutif de l'Union Soviétique actait la dissolution  de l'Internationale communiste, avec la complicité des représentants Communistes des pays européens ; après avoir étranglé la révolution en Espagne, Staline trahissait une nouvelle fois les espoirs de millions de prolétaires et les Intellectuels qui soutenaient l'Internationale.

A.K ne se faisait aucune illusion sur le régime capitaliste "mais elle (la victoire des Alliés) apportera un énorme soulagement temporaire aux peuples du continent" il ajoutait "La gauche devait se résigner à ce combat d'arrière-garde et cependant vital, à ce rapiéçage anachronique et néanmoins nécessaire dont dépendait le salut de l'Europe". Elle devait jeter la vieille défroque des utopies qui avaient dénaturé le sens profond de son combat et de ses idéaux.Elle devait accepter de combattre "un mensonge absolu au nom d'une demi-vérité".

A.Koestler, emprunte à la philosophie et à la psychologie pour analyser, expliquer la situation de l'Europe, les positions des autres intellectuels et des démocraties ; il se sert de ses livres pour divulguer ses idées et ses choix.

J'apprécie les citations mises en exergue par Laval.


à suivre

Je trouve qu'il s'agit d'UN mot bien choisi pour faire une phrase compréhensible, qui exprime la nature du propos ;

J'ai besoin de partager mes ressentis en les citant, d'où mes nombreuses citations  

En Palestine où Koestler fait un voyage pour se rendre compte et pour convaincre les "rebelles" sionistes que le partage du territoire est la meilleure option, mais là-bas pas plus qu'en Europe quand il met en garde les pays de la menace totalitaire il n'est entendu.
De retour à Londres A.K. retrouve sa compagne depuis 2 ans Mamaine. Il se lie d'amitié avec Orwell. (je remarque que l'oncle de Mamaine est un adepte de l'occultisme et croit en la réincarnation, peut-être a-t-il eu une influence sur A.K. qui plus tard s'intéressera à la parapsychologie ?)

Sortie du livre de A.K. "la tour d'Ezra" : Laval décortique le livre dont le message reste "le sionisme donc malgré tout comme seul et unique remède à la condition extrême des Juifs". L'esprit des Anglais est rappelé par l'un des héros du livre : "Ils s'indignent du sort qui est fait au Juifs mais si l'un d' eux demande asile ils invoqueraient des difficultés économiques et les Arabes dépossédés". Pour A.K. les Juifs devaient se battre pour conquérir leur indépendance.

Dans une de ses préfaces A.K. explicitera sa position "le thème central de la trilogie précédente était l'éthique de la révolution ; celui de la Tour d'Ezra est le droit de se défendre". Il reviendra aussi sur "la fin et les moyens" (reproche d'abandon de ses convictions de la part de son  amie Daphné) car il considère toujours l'idée nécessaire mais dans une logique d'équilibre et d'analyse de la situation.

Le détachement d'A.Koestler vis à vis de ses engagements politiques d'avec le PC a été un processus lent car il a espéré longtemps "voir la gauche s'affranchir de la fascination du mythe soviétique et revenir aux idéaux de "l humanisme révolutionnaire occidental".


L'Union Soviétique est devenu un mythe, les exactions sur les "récalcitrants" au régime ont repris, dans tous les pays sous la botte du communisme, mais en France, comme en Italie, les jeunes intellectuels excusent les "erreurs" car Staline, parce qu'il a vaincu les nazis, parce qu'il y a eu la bataille de Stalingrad ...a retrouvé  une "virginité" !!

Quand A. Koestler s'engage, il le fait à fond aussi ses critiques envers le régime totalitaire que Staline a étendu sur tous les pays de l'Est, à la fin de la guerre, sont-elles virulents et dans ses rapports avec les Intellectuels sympathisants ou membres du PCF, il devient intransigeant, voire exécrable quand il est pris de boisson. Il retrouve à Paris, des anciens camarades et la bande à Sartre dont  Laval dresse un portrait détonnant, tout spécialement celui de Simone de Beauvoir.

La critique des livres de Koestler, par les Communistes,  augmentait en rapport de leur diffusion.

à suivre





shanidar :

Ah oui, j'ai beaucoup aimé le renvoi d'ascenseur de Laval qui explique que Simone de Beauvoir détestait Koestler et qu'elle a dû pas mal intriguer pour que Sartre se brouille avec ce dernier. La relation de camaraderie nouée ave Camus se soldera par des horions et celle avec Malraux par une distance progressive, comme si Koestler, toujours tout fou, ne pouvait pas conserver ses nouvelles amitiés (les solides, celles de ses 20 ans semblent durer encore avec Sperber ou Orwell)... comme si Koestler, toujours nerveux, toujours en attente, toujours prêt à se battre était un élément incontrôlable et dangereux, un bâton de dynamite prêt à s'enflammer. Même si cela devait être compliqué à vivre au quotidien, j'aime que l'image de Koestler soit celle d'un révolté, d'une Cassandre immolée, d'un empêcheur de penser en ronds...





Bédoulène :

comme toi j'aime Koestler révolté, attaquant et comme toujours droit dans ses convictions

Tandis que se poursuivent les faux procès dans les pays de l'Est, que l'élimination de ceux qui ne veulent pas se soumettre à Staline, tandis que l'Union Soviétique conserve l' appui de ses partisans occidentaux, dans le congrès pour la Paix, et le congrès Walfdor Astoria, en Palestine la trêve rompue par les Sionistes entraîne de nouveaux combats.

Laval critique le livre de Koestler : Analyse d'un miracle :la naissance d' Israël, personnellement je trouve que la phrase qui suit explicite la position de Koestler que je partage ""une première nation promettait solennellement à une deuxième nation le pays d'une troisième nation". et qui me semble déterminer les relations extrêmes qui survivent à notre époque.

(déclaration de Balfour 1917, conférence de Paris (1919), préalable au traité de Sèvres (1920), confirmé par la conférence de San Remo (1920)

(je relève qu'au premier temps des luttes c'est Israël la première qui a empiété le territoire Palestinien et qui a rompue la trève)

Koestler est Européen, il entend le rester, le lien est distendu entre lui et Israël.

Très intéressant constat que celui de Laval par rapports aux relations entre Koestler et Camus, entre Koestler et Malraux ; on en apprend aussi sur ces deux écrivains qu'il fréquente ; l'occasion de confirmer les vives réactions de Koestler. L' article virulent sur les "neutralistes" vise tout particulièrement JP. Sartre, ce que l'auteur juge exagéré.

Koestler se sent moins isolé quand il entend Melvin Lasky et que celui-ci lui demande de le rejoindre pour préparé ensemble un "anti-congrès de Walfdor Astoria" à Berlin.

Laval gâte son lecteur par des analyses et réflexions personnelles, l'intérêt du livre ne se dément pas au fil des pages.

Pour contrer la Walfdor Astoria, les intellectuels anticommunistes vont diffuser leurs thèses et opinions par l'association culturelle  fondée en 1950 :CLC (Congrès pour la Liberté de la Culture) (il s'avéra plus tard que la CIA finançait "en coulisses" l'association) les écrivains avouèrent : "je ne savais pas" quand le CLC fut démantelé.

Parmi les participants la contribution de Koestler fut la plus remarquable note Laval. Mais comme à son habitude Koestler contraria les membres de l'association, notamment Silone Ignazio qui lui voulait que la liberté soit défendue dans tous les pays et quel que soit le régime. En effet le régime capitaliste est susceptible aussi de privation de liberté (cf la période Maccarthyste aux USA)

Laval détaille les thèmes abordés au Congrès de Vienne, accompagne de réflexions personnelles les contributions de nombreux écrivains.

A.Koestler à son habitude, pousse l'intransigeance jusqu' à  soupçonner le comité de devenir "neutraliste". Il démissionne et part s'installer en Angleterre. Ensuite il part vivre plusieurs mois aux USA, mais suit la vie européenne. Le procès à Paris de David Rousset/Daix et Morgan qui contestent le livre de Rousset sur l'existence des  camps soviétiques.

A.Koestler se souvenant de ses propres difficultés alors qu'il arrivait à Paris,  crée le Fonds pour la liberté des intellectuels qui a pour objet de permettre aux écrivains réfugiés de travailler, écrire et publier.

Ses voyages au Japon et aux Indes, lui confirmeront que la meilleure place est l'Europe.

Il suit le procès d'Otto Katz, qu'il a connu, mais il décide d'abandonner l'Histoire à laquelle il a beaucoup sacrifié ; il sortira de sa "retraite" pour une nouvelle croisade : l'abolition de la peine de mort et un grand meeting en faveur des réfugiés Hongrois suite à l'écrasement de l' insurrection Hongroise par l'armée soviétique. (le rapport Kroutchev avait suscité un espoir)

A.Koestler écrivit, encore et encore, se disputa encore avec les uns et les autres, il critiqua les scientifiques Jacques Monod et Claude Levi-Strauss ; le philosophe Edgar Morin alors même qu' Arthur Koestler était l'initiateur de l'esprit intégratif.

Quatre ans avant sa mort Koestler dans une interwiew énonçait : que le tueur véritable n'était pas l'individu mais le groupe, que la tragédie de la condition humaine résidait dans le dévouement collectif aveugle à des causes ou des idéaux, et qu'en définitive l'existence d'un Dieu omniscient, omnipotent et qui ferait de l'amour son principe essentiel est contredite par toute l'Histoire de l'humanité."

Miné par la maladie Koestler se suicide, en paix grâce au "sentiment océanique" (il était vice-président de  EXIT  Society for the right to die whith dignity)-   ; Cynthia sa femme l'accompagne dans son dernier voyage car : elle ne peut vivre sans lui.

Tous les journaux, même ceux qui l'avaient écrasé sous leur haine lui rendent hommage.

Laval retrace à travers le destin d' Arthur Koestler celui du 20ème siècle, un siècle dramatique dans lequel Koestler a laissé son empreinte.  J'ai apprécié l'écriture de Laval, ses constats et les nombreux développements.

J'ai découvert une facette de Koestler plus intime.

c'était une lecture intéressante, utile soutenue par  l'écriture déliée de Laval.

merci à Shanidar d'avoir partagé cette lecture avec moi





shanidar :

Il me semble que Michel Laval est plus historien que biographe dans le livre qu'il consacre tout autant à Koestler qu'au XXème siècle.

Attentif à toujours mettre en perspective la vie intellectuelle et politique de Koestler dans le siècle où il vécut, Laval se garde bien de toute analyse psychologique du personnage ou de toute analyse littéraire de l'œuvre. Cela pourrait laisser sur sa faim le lecteur qui connaissant déjà Koestler par ses autobiographies attend l'immersion dans la vie de compagnonnage d'un écrivain, journaliste, chercheur plutôt solitaire. Si le personnage qui se dessine sous la très belle plume de Laval est un homme sans concessions, cela ne l'empêche pas d'être intrépide et complexe, à la fois flèche lancée dans l'azur et Zébulon querelleur, sorte de grand timide aboyeur, allant toujours à contre-courant, porté par une haute idée de l'humanité et défendant ses convictions avec âpreté et dédain. C'était à peu près l'image que je me faisais de Koestler et que nous rend parfaitement Laval.

Cette biographie, qui est surtout l'Histoire du XXème siècle, passe en revue les grandes utopies et les grandes désillusions vécues par Koestler : du sionisme au communisme, de l'anticommunisme à la lutte pour l'abolition de la peine de mort, Koestler est un homme de combat, qui ne cessera jamais de clamer haut et fort ses idées, s'attachant souvent à être détesté, n'hésitant pas à malmener ceux qui l'aiment et déguisant sous des airs rogues une timidité d'adolescent rêveur, assoiffé d'Idéal et de justice.

J'ai donc lu avec beaucoup de plaisir ce panorama grand teint d'un siècle défiguré par deux guerres et par l'Holocauste, un siècle qui voit s'affronter deux géants et avec eux deux mondes, deux manière de penser, deux esprits. Il semble qu'aujourd'hui le siècle soit plus complexe et ne permette plus de se coller une étiquette dans le dos afin d'être mieux ciblé, mais ce que déplorait Koestler : la consommation, l'individualisme, le ni oui-ni non, obligent à d'autres confrontations.

A la fin de ce grand et gros livre d'Histoire, on peut se demander si au bout du compte Koestler a choisi entre 'le sentiment océanique' (les rêveries et la méditation) ou le matérialisme inhérent à tout engagement politique ou humain ; il semble qu'arrivé au bout de sa vie, apaisé et malade, il ait su encore une dernière fois choisir entre une mort digne et l'ignominie de la maladie. Militant pour le droit à l'euthanasie, ce dernier engagement, il le tiendra, fidèle à lui-même jusqu'au bout et on ne peut qu'en être à la fois bouleversé et admiratif.


Merci à Bédou d'avoir tenue fermement la barre de ce livre-monde et surtout d'avoir pris le temps d'émailler ses commentaires de nombreuses citations mettant ainsi parfaitement en relief la corrélation entre Koestler et son siècle.


mots-clés : #biographie


Dernière édition par Bédoulène le Mer 9 Aoû - 23:17, édité 1 fois

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Message par Tristram Sam 18 Fév - 19:38

Votre approche est palpitante ! Excellente tableau du déchirement du communiste devant se résigner au renoncement, au pragmatique pis-aller...
Je retiens cette variante du yogi et du commissaire :
Camus, L'homme révolté a écrit:Le révolutionnaire est en même temps un révolté ou alors il n’est plus révolutionnaire, mais policier et fonctionnaire qui se tourne contre la révolution. Si bien qu’il n’y a pas de progrès d’une attitude à une autre, mais simultanéité et contradiction sans cesse croissante. Tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique. Dans l’univers purement historique qu’elles ont choisi, révolte et révolution débouchent dans le même dilemme : ou la police ou la folie.

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Message par Tristram Sam 18 Fév - 23:15

Bédoulène a écrit:Dans son livre "le yogi et le commissaire" Koestler met en confrontation deux idées "la transformation par l'extérieur"  (la fin justifie les moyens) et "il n'y a de salut qu'intérieur" (la violence est inutile et néfaste) mais il en choisira lui une autre qui  se trouve un compromis entre ces deux pouvoirs (l'action et la communion).
C'est bien tout le dilemme manichéen (de Koestler) : idéal vs pragmatisme, action/ contemplation, ou tout autre couple de torsion qu'on préférera. J'ouvrais justement le Livre 3 des Essais de Montaigne : le titre du chapitre I est De l'utile et de l'honnête _ la question était déjà parfaitement posée et étudiée (j'ai parfois l'impression que tout se retrouve chez Montaigne).
Je remarquerai seulement qu'il ne faut pas s'étonner que la fin justifie les moyens, motto des politiques et autres décideurs de tous poils, amène de temps à autre quelque désagrément plus ou moins souhaité, de la bavure au pogrom.
Mais alors, ne rien faire ?
Où mène à terme le "moindre mal" ?
En attendant, lisons encore un peu...

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Message par Bédoulène Dim 19 Fév - 8:07

Je te suis Tristram "la fin justifie les moyens" : une face blanche, une face noire !

et renversé "les moyens justifient la fin" même problème

oui ne rien faire serait se résigner ; tout est dans la mesure "il faut raison garder"

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Message par Tristram Dim 19 Fév - 13:34

Bédoulène a écrit:et renversé "les moyens justifient la fin" même problème

Eh oui, c'est un aspect de plus en plus sensible : "on" a de plus en plus de moyens (technologiques), et "on" s'en sert évidemment, sans contrôle, ni forcément mesurer les conséquences _ la tête est plus pleine que bien faite (toujours Montaigne)... C'est comme un mouvement auto-entretenu, une fuite en avant, un emballement mécanique dans le flot d'informations devenu inassimilable, avec de vagues buts échappant à l'éthique, mais pas aux vieilles pulsions...

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