Poésie
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Re: Poésie
c'est pour la personne malmenée Cliniou ? cela me parait très approprié
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21161
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Poésie
Oui , merci Bédoulène. Je trouve aussi que ce texte permet de relever la tête et regarder vers l’avant.
Cliniou- Messages : 916
Date d'inscription : 06/12/2016
Age : 53
Re: Poésie
Cliniou j'ai tout de suite pensé à François Villon en lisant ta demande, carrément à son poème le plus connu, L'épitaphe Villon (passé à la postérité sous le titre La ballade des pendus), mais finalement celui-ci, Je meurs de soif auprés de la fontaine est peut-être encore plus dans le ton, parfait pour un fond touché injustement, avec la dédicace à l'entourage toxique:
Je meurs de soif auprés de la fontaine
Je meurs de seuf auprés de la fontaine,
Chault comme feu et tremble dent a dent,
En mon pays suis en terre loingtaine,
Lez ung brasier frisonne tout ardent,
Nu comme ung ver, vestu en president,
Je riz en pleurs et attens sans espoir,
Confort reprens en triste desespoir,
Je m'esjoys et n'ay plasir aucun,
Puissant je suis sans force et sans pouoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Riens ne m'est seur que la chose incertaine,
Obsucur fors ce qui est tout evident,
Doubte ne fais fors en chose certaine,
Scïence tiens a soudain accident,
Je gaigne tout et demeure perdent,
Au point du jour diz "Dieu vous doint bon soir ! ",
Gisant envers j'ay grand paeur de chëoir,
J'ay bien de quoy et si n'en ay pas ung,
Eschoicte actens et d'omme ne suis hoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
De rien n'ay soing, si mectz toute m'atayne
D'acquerir biens et n'y suis pretendent,
Qui mieulx me dit, c'est cil qui plus m'actaine,
Et qui plus vray, lors plus me va bourdent,
Mon ami est qui me faict entendent
D'ung cigne blanc que c'est ung corbeau noir,
Et qui me nuyst, croy qu'i m'ayde a pourvoir,
Bourde, verté, au jour d'uy m'est tout ung,
Je retiens tout, rien ne sçay concepvoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Prince clement, or vous plaise sçavoir
Que j'entens moult et n'ay sens ne sçavoir;
Parcïal suis, a toutes loys commun.
Que sais je plus ? Quoy ! les gaiges ravoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Mon ami est qui me faict entendent
D'ung cigne blanc que c'est ung corbeau noir,
Et qui me nuyst, croy qu'i m'ayde a pourvoir
Je meurs de soif auprés de la fontaine
Je meurs de seuf auprés de la fontaine,
Chault comme feu et tremble dent a dent,
En mon pays suis en terre loingtaine,
Lez ung brasier frisonne tout ardent,
Nu comme ung ver, vestu en president,
Je riz en pleurs et attens sans espoir,
Confort reprens en triste desespoir,
Je m'esjoys et n'ay plasir aucun,
Puissant je suis sans force et sans pouoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Riens ne m'est seur que la chose incertaine,
Obsucur fors ce qui est tout evident,
Doubte ne fais fors en chose certaine,
Scïence tiens a soudain accident,
Je gaigne tout et demeure perdent,
Au point du jour diz "Dieu vous doint bon soir ! ",
Gisant envers j'ay grand paeur de chëoir,
J'ay bien de quoy et si n'en ay pas ung,
Eschoicte actens et d'omme ne suis hoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
De rien n'ay soing, si mectz toute m'atayne
D'acquerir biens et n'y suis pretendent,
Qui mieulx me dit, c'est cil qui plus m'actaine,
Et qui plus vray, lors plus me va bourdent,
Mon ami est qui me faict entendent
D'ung cigne blanc que c'est ung corbeau noir,
Et qui me nuyst, croy qu'i m'ayde a pourvoir,
Bourde, verté, au jour d'uy m'est tout ung,
Je retiens tout, rien ne sçay concepvoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Prince clement, or vous plaise sçavoir
Que j'entens moult et n'ay sens ne sçavoir;
Parcïal suis, a toutes loys commun.
Que sais je plus ? Quoy ! les gaiges ravoir,
Bien recueully, debouté de chascun.
Aventin- Messages : 1984
Date d'inscription : 10/12/2016
Re: Poésie
Merci Aventin. En effet, Villon... j’y ai pensé, j’ai la plupart de ses textes dont cette ballade du concours de Blois.
Mais l’ancien français ne facilite pas les choses...
Mais l’ancien français ne facilite pas les choses...
Cliniou- Messages : 916
Date d'inscription : 06/12/2016
Age : 53
Re: Poésie
Ilarie Voronca seul de son espèce.
Il arrive parfois, seul, triste, un étranger.
Il s'arrête et l'on écoute ses récits doux,
Pleins d'herbes. Il demande : « Vous ai-je dérangés ? »
Il voudrait repartir, mais il ne sait plus où.
Dans ses oreilles bruit la mer - des coquillages ?
Son front, ses yeux trop grands pour ce bas horizon,
Une raison encore de partir. Ses voyages
Sont là devant lui pleins d'océans, de monts.
On laisse aussi tout doucement le soir descendre
Qui mélange les figures, les mains, les voix,
Devenues presque esprits...
L'autre pourra comprendre
Mieux - tel le toucher des aveugles - cette fois.
(La poésie commune, 1936.)
PARFOIS on reconnaît la présence d'un mort.
Il n'a ni mains ni visage. Il est ce brouillard
Qui enveloppe doucement les maisons, les objets, les visiteurs
Réunis là. Il est peut-être cette lumière qui filtre de la chambre à côté.
Ni signes. Ni voix. Mais un espoir indéfini.
Qui annonce un monde meilleur. Cette présence
D'un mort bienveillant comme un nom qu'on voudrait dire
Mais qu'on a oublié. Ou comme une écriture secrète
qu'on ne sait plus faire réapparaître.
Non, il n'a que faire de nos sens. Invisible? Visible ?
Mais il nous oblige à parler bas. Il nous approche
Les uns des autres. « N'ayez pas peur ». Il se tient là
Avec cette bonté immense dont il voudrait nous faire part.
Au lieu de l'oreille qui entend voudrais-tu être la chose entendue
Et au lieu de l'œil qui voit, ce contour qui est vu ?
Non pas le sens, mais l'arôme. Non pas
La bouche, mais ce goût amer ou doux, ce goût d'herbes.
Il n'y a rien dans cette paume. Il n'y a rien
Sous ce front. Non, il n'y a rien sous l'écorce
De ces pieds immobiles. Le vivant, le mort
Sont ailleurs. Ils ne sont jamais là, où nous croyons les voir.
Une brume douce. Une aube qui se lève.
Et ce moment qui s'enfuit. Et cet appel
Faible d'un oiseau. Très tard quand il fait jour
On se rend compte qu'il a été là comme une aurore déjà lointaine.
« Rien de changé ? » Les miroirs, les objets nous retrouvent
« Quelques cheveux gris aux tempes » mais ce n'est rien.
Un sourire plus triste
Et néanmoins le visage a gardé une empreinte
Comme sur les feuilles, une première rosée à peine visible.
C'est aussi que parfois dans la rue il arrive
Que l'on sente avoir rencontré quelqu'un. On le cherche
Du regard au-dessus de la foule. Il n'y a personne.
Et pourtant
On est sûr qu'un ami est là. Et l'on éprouve tout à coup
une gêne, une tristesse indéfinissable.
Qu'avait-il à nous dire ce mort cher ? Quel navire
Perdu loin sur les mers ? Quels peuples
Nous faisaient signe par sa voix ?
Mais les mailles
De nos paroles furent trop larges pour retenir son silence.
Cette fumée qui plane au-dessus de nos têtes. Ce vol
Comme un bruit qui s'efface. Et les ombres amicales
Et ces hymnes pour saluer une terre libre.
Cette douce protection, sans paroles, d'un mort.
Ne sont-ce pas les murs qui s'étendent comme des ailes ?
N'est-ce pas cette chambre qui se donne au brouillard ?
Et l'homme jeune sur l'épaule duquel le vieillard s'appuie
Et le temps nouveau qui mène vers l'amour tous
les mots anciens.
Nous allons tout à l'heure nous mêler nous aussi aux brumes,
Au bruissement imperceptible de ce fantôme vaste,
Et nous serons nous-mêmes la présence d'un mort
Qui veillera près des hommes heureux, de l'avenir.
Cette fumée qui plane au-dessus de nos têtes. Ce vol
Comme un bruit qui s'efface. Et les ombres amicales
Et ces hymnes pour saluer une terre libre.
Cette douce protection, sans paroles, d'un mort.
Ne sont-ce pas les murs qui s'étendent comme des ailes ?
N'est-ce pas cette chambre qui se donne au brouillard ?
Et l'homme jeune sur l'épaule duquel le vieillard s'appuie
Et le temps nouveau qui mène vers l'amour tous
les mots anciens.
Nous allons tout à l'heure nous mêler nous aussi aux brumes,
Au bruissement imperceptible de ce fantôme vaste,
Et nous serons nous-mêmes la présence d'un mort
Qui veillera près des hommes heureux, de l'avenir.
(La poésie commune, 1936.)
Il s'arrête et l'on écoute ses récits doux,
Pleins d'herbes. Il demande : « Vous ai-je dérangés ? »
Il voudrait repartir, mais il ne sait plus où.
Dans ses oreilles bruit la mer - des coquillages ?
Son front, ses yeux trop grands pour ce bas horizon,
Une raison encore de partir. Ses voyages
Sont là devant lui pleins d'océans, de monts.
On laisse aussi tout doucement le soir descendre
Qui mélange les figures, les mains, les voix,
Devenues presque esprits...
L'autre pourra comprendre
Mieux - tel le toucher des aveugles - cette fois.
(La poésie commune, 1936.)
PARFOIS on reconnaît la présence d'un mort.
Il n'a ni mains ni visage. Il est ce brouillard
Qui enveloppe doucement les maisons, les objets, les visiteurs
Réunis là. Il est peut-être cette lumière qui filtre de la chambre à côté.
Ni signes. Ni voix. Mais un espoir indéfini.
Qui annonce un monde meilleur. Cette présence
D'un mort bienveillant comme un nom qu'on voudrait dire
Mais qu'on a oublié. Ou comme une écriture secrète
qu'on ne sait plus faire réapparaître.
Non, il n'a que faire de nos sens. Invisible? Visible ?
Mais il nous oblige à parler bas. Il nous approche
Les uns des autres. « N'ayez pas peur ». Il se tient là
Avec cette bonté immense dont il voudrait nous faire part.
Au lieu de l'oreille qui entend voudrais-tu être la chose entendue
Et au lieu de l'œil qui voit, ce contour qui est vu ?
Non pas le sens, mais l'arôme. Non pas
La bouche, mais ce goût amer ou doux, ce goût d'herbes.
Il n'y a rien dans cette paume. Il n'y a rien
Sous ce front. Non, il n'y a rien sous l'écorce
De ces pieds immobiles. Le vivant, le mort
Sont ailleurs. Ils ne sont jamais là, où nous croyons les voir.
Une brume douce. Une aube qui se lève.
Et ce moment qui s'enfuit. Et cet appel
Faible d'un oiseau. Très tard quand il fait jour
On se rend compte qu'il a été là comme une aurore déjà lointaine.
« Rien de changé ? » Les miroirs, les objets nous retrouvent
« Quelques cheveux gris aux tempes » mais ce n'est rien.
Un sourire plus triste
Et néanmoins le visage a gardé une empreinte
Comme sur les feuilles, une première rosée à peine visible.
C'est aussi que parfois dans la rue il arrive
Que l'on sente avoir rencontré quelqu'un. On le cherche
Du regard au-dessus de la foule. Il n'y a personne.
Et pourtant
On est sûr qu'un ami est là. Et l'on éprouve tout à coup
une gêne, une tristesse indéfinissable.
Qu'avait-il à nous dire ce mort cher ? Quel navire
Perdu loin sur les mers ? Quels peuples
Nous faisaient signe par sa voix ?
Mais les mailles
De nos paroles furent trop larges pour retenir son silence.
Cette fumée qui plane au-dessus de nos têtes. Ce vol
Comme un bruit qui s'efface. Et les ombres amicales
Et ces hymnes pour saluer une terre libre.
Cette douce protection, sans paroles, d'un mort.
Ne sont-ce pas les murs qui s'étendent comme des ailes ?
N'est-ce pas cette chambre qui se donne au brouillard ?
Et l'homme jeune sur l'épaule duquel le vieillard s'appuie
Et le temps nouveau qui mène vers l'amour tous
les mots anciens.
Nous allons tout à l'heure nous mêler nous aussi aux brumes,
Au bruissement imperceptible de ce fantôme vaste,
Et nous serons nous-mêmes la présence d'un mort
Qui veillera près des hommes heureux, de l'avenir.
Cette fumée qui plane au-dessus de nos têtes. Ce vol
Comme un bruit qui s'efface. Et les ombres amicales
Et ces hymnes pour saluer une terre libre.
Cette douce protection, sans paroles, d'un mort.
Ne sont-ce pas les murs qui s'étendent comme des ailes ?
N'est-ce pas cette chambre qui se donne au brouillard ?
Et l'homme jeune sur l'épaule duquel le vieillard s'appuie
Et le temps nouveau qui mène vers l'amour tous
les mots anciens.
Nous allons tout à l'heure nous mêler nous aussi aux brumes,
Au bruissement imperceptible de ce fantôme vaste,
Et nous serons nous-mêmes la présence d'un mort
Qui veillera près des hommes heureux, de l'avenir.
(La poésie commune, 1936.)
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
merci Bix, j'aime le premier surtout !
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21161
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Poésie
récup matinale ?
Poème de Jim Dodge du 20 Avril 2002
The Banker
His smile is like a cold toilet seat.
He shakes my hand as if he's found it
floating two weeks dead in a slough.
I tell him I need money.
Tons of it.
I want to buy a new Lamborghini,
load it with absinthe and opium,
and hit the trail out of these rainy hills
for a few years in Paris.
I try to explain
I'm at that point in my artistic development
where I require a long period
of opulent reflection.
The banker rifles my wallet.
Examines my mouth.
Chuckles when I offer 20 Miltonic sonnets
as security on the loan.
Now he's shaking his head, my confidence,
my hand good-bye. "Wait," I plead,
"I have debts and dreams
my present cash flow can't possibly sustain."
"Sorry," he mumbles, "nothing I can do,"
and staples some papers
in a way that makes me feel
he'd rather nail my tongue to an ant hill.
I stare at him in disbelief.
And under the righteous scathing of my gaze
the banker begins to change form.
First, he becomes a plate of cold french fries
drenched in crankcase oil.
Then a black spot
on a page of Genesis.
Finally, a dung beetle,
rolling little balls of shit
across a desk bigger than my kitchen.
Yet even as I follow these morbid transformations
I never lose sight of his bloated face,
the green, handled skin
shining like rotten meat.
But then his other faces
open to mine:
father, lover, young man, child -
our shared human history
folding us into one.
And only that stops me
from beating him senseless
with a sock full of pennies.
Poème de Jim Dodge du 20 Avril 2002
The Banker
His smile is like a cold toilet seat.
He shakes my hand as if he's found it
floating two weeks dead in a slough.
I tell him I need money.
Tons of it.
I want to buy a new Lamborghini,
load it with absinthe and opium,
and hit the trail out of these rainy hills
for a few years in Paris.
I try to explain
I'm at that point in my artistic development
where I require a long period
of opulent reflection.
The banker rifles my wallet.
Examines my mouth.
Chuckles when I offer 20 Miltonic sonnets
as security on the loan.
Now he's shaking his head, my confidence,
my hand good-bye. "Wait," I plead,
"I have debts and dreams
my present cash flow can't possibly sustain."
"Sorry," he mumbles, "nothing I can do,"
and staples some papers
in a way that makes me feel
he'd rather nail my tongue to an ant hill.
I stare at him in disbelief.
And under the righteous scathing of my gaze
the banker begins to change form.
First, he becomes a plate of cold french fries
drenched in crankcase oil.
Then a black spot
on a page of Genesis.
Finally, a dung beetle,
rolling little balls of shit
across a desk bigger than my kitchen.
Yet even as I follow these morbid transformations
I never lose sight of his bloated face,
the green, handled skin
shining like rotten meat.
But then his other faces
open to mine:
father, lover, young man, child -
our shared human history
folding us into one.
And only that stops me
from beating him senseless
with a sock full of pennies.
_________________
Keep on keeping on...
Re: Poésie
Early morning poetry ! Actuel, étonnant... un peu prosaïque, The Banker !
_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15644
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: Poésie
J'ai pas tout tout compris mais bien aimé cette confrontation rêveuse et délirante au "banker"...
Re: Poésie
Je suis, parce que j'accepte le monde. J'accepte ma différence, qui est de vivre toute vie,
– alors que chacun vit la sienne seulement. Je ne suis pas un témoin qui juge et compare,
le cœur vide et les yeux secs. Je participe. Et il n'y a qu'un moyen d'y atteindre : l'amour.
Rien ne se donne à qui ne s'est donné. Comprenez-moi. Saisissez enfin le sens de ma quête
infinie ! Questionné sans amour, l'univers entier, fût-il mis à la torture, ne peut que se taire
ou mentir. J'interroge le lac, j'interroge les montagnes, et chaque jour leur réponse est
différente et plus belle. J'interroge les hommes, je les considère tour à tour. Aucun ne m'est
fermé. Je suis seul, – et ma solitude est peuplée des passions que j'assume, riche d'une
inépuisable tendresse. Et voici naître de mon sang les mystérieuses créatures qui se mêlent
aux autres hommes, vivant d'une autre vie, – la même.
Un roc est un roc et ne peut devenir un nuage, le nuage ne peut devenir une montagne.
Mais le lac devient roc, devient nue, devient colline, devient soleil. Il accueille toutes choses,
parce qu'il aime. Il est tout.
Comprenez-moi. Comprenez que toute l'opération de mon amour est de faire naître, loin
des orages temporels, phrase à phrase, l'immense nappe nue où tout un pays penché va
reconnaître son visage.
Gustave Roud
in Hommage, Toute puissance de la poésie, édition de la Triplette infernale, 1997.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
J' y ai pensé en effet.animal a écrit:pour faire écho aujourd'hui à Ramuz ?
Roud a été reconnu en Suisse en tant qu' écrivain et poète et, comme Ramuz, sa source d' inspiration fut sa terre natale.
Etant plus jeune que Ramuz, certains le considérèrent comme son successeur.
Cela aurait pu créer une sorte de rivalité.
Mais ce ne fut pas le cas.
Ramuz accepta l' état de fait et Roud était un personnage très discret.
Tellement discret d' ailleurs, qu' il est encore plus oublié que Ramuz.
En France en tout cas
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
Entendait-les -écureuils
Il s’interrompait aussitôt au milieu
d’une phrase, s’il entendait
des bruits d’écureuil.
d’une phrase, s’il entendait
des bruits d’écureuil.
Et il savait sous quel arbre attendre
les écureuils. Même s’il sortait
dans l’obscurité
il savait quel arbre se ferait entendre
avant que les écureuils y soient arrivés !
les écureuils. Même s’il sortait
dans l’obscurité
il savait quel arbre se ferait entendre
avant que les écureuils y soient arrivés !
Je me souviendrai toujours de cela, incompréhensible
aussi aux autres : il s’arrêtait de pagayer
presque au centre d’un lac à poissons
pour écouter. En silence. Il ne parlait pas du tout
simplement il se rongeait les doigts
avec ses dents
pour me prévenir qu’il avait entendu un écureuil.
aussi aux autres : il s’arrêtait de pagayer
presque au centre d’un lac à poissons
pour écouter. En silence. Il ne parlait pas du tout
simplement il se rongeait les doigts
avec ses dents
pour me prévenir qu’il avait entendu un écureuil.
Je savais qu’il souhaitait que les os de ses doigts
fussent des noisettes !
fussent des noisettes !
À cette distance dans le lac je pouvais bien entendre
s’égoutter les pagaies
mais nul bruit d’écureuil.
s’égoutter les pagaies
mais nul bruit d’écureuil.
Cependant je voyais un écureuil s’éveiller
dans son visage, chaque fois que cela arrivait.
Poème-nom, Creedans son visage, chaque fois que cela arrivait.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
L'extrait de Gustav Roud a tendance à me parler, Bix. J'aime cette belle sensibilité à la parole poétique que tu as.
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Poésie
J' ai souvent pensé que certains écrivains suisses de langue française avaient
des affinités avec le écrivains du Québec.
des affinités avec le écrivains du Québec.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
Pourquoi penses-tu ça, Bix? Pensais tu à des écrivains en particulier, comme par exemple Hubert Aquin? Il me semble que son cas relève plus de l'exception que de la norme, mais bon, j'attends de voir tes arguments plaidant en faveur de cette thèse...?
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Poésie
ou une affinité avec la Suisse dans le cas d'Aquin ?
_________________
Keep on keeping on...
Re: Poésie
Arguments, thèse ?
Que voilà des grands mots Jack Hu !
N' attend pas de moi une démonstration sérrée ou strictement adéquate.
La raison et la logique ne faisant partie de mes qualités cardinales !
Il s' agit plutot d' impressions subjectives au cours de lectures,
d'impressions passagères, de correspondances...
Et plutot dans le sens Suisse/Québec que le contraire.
D' écrivains suisses francophones déjà anciens, terriens plutot qu' urbains,
de styles voisins et que tu ne connais sans doute pas.
Oui, peut etre Animal pourrait comprendre sinon expliquer...
Que voilà des grands mots Jack Hu !
N' attend pas de moi une démonstration sérrée ou strictement adéquate.
La raison et la logique ne faisant partie de mes qualités cardinales !
Il s' agit plutot d' impressions subjectives au cours de lectures,
d'impressions passagères, de correspondances...
Et plutot dans le sens Suisse/Québec que le contraire.
D' écrivains suisses francophones déjà anciens, terriens plutot qu' urbains,
de styles voisins et que tu ne connais sans doute pas.
Oui, peut etre Animal pourrait comprendre sinon expliquer...
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Poésie
Tu aurais ressenti ça chez quels écrivains suisses dans ce cas, Bix? Par rapport à la ruralité, ok... je suis juste curieux...
Jack-Hubert Bukowski- Messages : 2490
Date d'inscription : 04/12/2016
Age : 42
Localisation : Montréal
Re: Poésie
En ces années-là
En ces années-là
le temps gela:
de la glace à perte d'âme
Des toits
pendaient des poignards
La ville était
de verre gelé
Des hommes traînaient
des sacs pleins de neige
sur des bûchers couverts de givre
Une fois un chant tomba
en flocons d'or
sur la neige:
"Connais-tu le pays
où fleurissent les citronniers?"
Un pays où fleurissent les citronniers?
Où fleurit ce pays?
Les bonshommes de neige
ne le savaient pas
La glace foisonna
et plongea
des racines blanches
dans la moelle de nos années
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
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