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Marguerite Yourcenar

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Message par Dreep Lun 8 Mai - 19:38

Marguerite Yourcenar
(Un jour au début du 20ème siècle - Un jour à la fin du 20ème siècle)

Marguerite Yourcenar Margue11

Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour est une femme de lettres française naturalisée américaine en 1947.

Marguerite Yourcenar nait à Bruxelles en Belgique en 1903. Elle est la fille de Michel de Crayencour, dont Yourcenar est l'anagramme, et de Fernande de Cartier de Marchienne.
Sa mère meurt dix jours après sa naissance. Elle est élevée par sa grand-mère, qu'elle déteste, et par son père avec lequel elle va faire de nombreux voyages. Père et fille passent les hivers à Lille et les étés au château de Mont-Noir, propriété familiale à Saint-Jans-Cappel.

En 1929, elle publie son premier roman, "Alexis ou le traité du vain combat". Elle rencontre Grace Frick, en 1938, avec qui elle part aux Etats-Unis où elle enseigne le français et l'histoire de l'art. Après avoir pris la nationalité américaine en 1948, elle fait l'acquisition avec son amie d'une propriété sur la côte du Maine appelée «Petite Plaisance», dans l’île des Monts-Déserts (Mount-Desert Island).

Son roman "Mémoires d'Hadrien", en 1951, connaît un succès mondial et lui vaut le statut définitif d'écrivain.

Élue à titre de membre étranger à l’Académie belge de Langue et de Littérature françaises en 1971, elle entame une enquête sur ses ancêtres, qui formera la trame de son oeuvre en trois volets intitulée "Le labyrinthe du monde" et dont le premier volume: "Souvenirs Pieux" sort en 1974.

Elle est élue à l’Académie française, au fauteuil de Roger Caillois, le 6 mars 1980, et reçue sous la coupole le 22 janvier 1981 par Jean d’Ormesson.
source : Babelio

Bibliographie :

1921 : Le Jardin des chimères (poésie) ;
1922 : Les dieux ne sont pas morts (poésie) ;
1929 : Alexis ou le Traité du vain combat (roman), publié au Sans Pareil ;
1931 : La Nouvelle Eurydice (roman) ;
1932 : Pindare ;
1934 : Denier du rêve (roman) ; Page 1
1934 : La mort conduit l'attelage ;
1936 : Feux (poèmes en prose) ;
1937 : Les Vagues, de Virginia Woolf (traduction) ;
1938 : Les Songes et les Sorts ;
1938 : Nouvelles orientales, (nouvelles), incluant Comment Wang-Fô fut sauvé ; page 1
1939 : Le Coup de Grâce (roman) ; page 5
1947 : Ce que savait Maisie, d'Henry James (traduction) ;
1951 : Mémoires d'Hadrien (roman) ; Page 1
1954 : Électre ou la Chute des masques ;
1956 : Les Charités d'Alcippe (La Flûte enchantée, Liège, poésies) ;
1958 : Présentation critique de Constantin Cavafy 1863-1933, suivie d'une traduction intégrale de ses poèmes (poésie, traduction) ;
1962 : Sous bénéfice d'inventaire (essais) ; page 2
1962 : Ah, mon beau château (étude historique sur le château de Chenonceau, repris sous forme de guide touristique en 1975 ?) ;
1963 : Le Mystère d'Alceste (théâtre) ;
1963 : Qui n'a pas son Minotaure ? ;
1964 : Hortense Flexner, suivi de poèmes choisis (poésie, essai, traduction) ;
1964 : Fleuve profond, sombre rivière (poésie, traduction de negro spirituals) ; Page 5
1968 : L'Œuvre au noir (roman) ; Page 1 ; 4
1969 : Présentation critique d'Hortense Flexner, choix de poèmes (traduction) ;
1971 : Réception de Madame Marguerite Yourcenar à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique - Discours de M. Carlo Bronne et de Mme Marguerite Yourcenar (discours) ;
1971 : Théâtre I (Rendre à César, la Petite Sirène et le Dialogue dans le marécage) (théâtre) ;
1971 : Théâtre II (Electre ou la chute des masques, Le Mystère d'Alceste et Qui n'a pas son Minotaure?) (théâtre) ;
1972 : Entretiens Marguerite Yourcenar et Patrick de Rosbo (entretien) ;
1974 : Le Labyrinthe du monde. I, Souvenirs pieux (récit) ;
1977 : Le Labyrinthe du monde. II, Archives du Nord (récit) ;
1979 : La Couronne et la Lyre (anthologie de poèmes traduits du grec ancien)
1980 : Les Yeux ouverts : entretiens avec Marguerite Yourcenar de Matthieu Galey (entretiens) ; Page 4
1980 : Mishima ou la Vision du vide, (essai) ; Page 4
1981 : Discours de réception de Madame Marguerite Yourcenar à l'Académie française et réponse de Monsieur Jean d'Ormesson ;
1982 : Comme l'eau qui coule (Anna, soror…, Un homme obscur, Une belle matinée) ; Page 2 ; 4
1982 : Œuvres romanesques (Pléiade) ;
1982 : « ... Si nous voulons encore essayer de sauver la Terre » (conférence) ;
1983 : Le Coin des « Amen » de James Baldwin (traduction) ;
1983 : Le Temps, ce grand sculpteur ; Page 4
1984 : Blues et Gospels (poésie, traduction) ;
1984 : Cinq Nô moderne de Yukio Mishima (traduction) ;
1984 : Les Charités d'Alcippe, (poème);
1985 : Le Cheval noir à tête blanche (conte indien) ;
1987 : La Voix des choses (recueil de textes illustré de photos de Jerry Wilson) ;
1988 : Le Labyrinthe du monde. III : Quoi ? L'Éternité (récit) ; Page 5
1988 : Les Trente-Trois Noms de Dieu-Le Livre d'Adresse (essai d'un journal suivi par poésie) ;
1989 : En pèlerin et en étranger (essais) ; Page 5
1991 : Le Tour de la prison (essai, voyages) ;
1991 : Essais et Mémoires (Pléiade) ;
1992 : Écrit dans un jardin (poème illustré par Pierre Albuisson) ;
1993 : Conte bleu - Le Premier soir - Maléfice (contes) ; Page 2
1994 : Poèmes à la nuit, de Rainer Maria Rilke (poésie, avec une préface de M. Yourcenar)  ;
1995 : Lettres à ses amis et quelques autres (correspondance) ;
1999 : Radioscopie de Jacques Chancel avec Marguerite Yourcenar' (entretien) ;
1999 : Sources II (essai) ;
1999 : Marguerite Yourcenar : Entretiens avec des Belges (entretiens) ;
2002 : Portrait d'une voix (entretiens) ;
2004 : D'Hadrien à Zénon - Correspondance 1951-1956 ;
2007 : Une volonté sans fléchissement - Correspondance 1957-1960 ;
2008 : Marguerite Yourcenar en questions (questionnaire) ;
2011 : Persévérer dans l'être - Correspondance 1961-1963.

MAJ de l'index le 14/11/2021


Dernière édition par Dreep le Lun 8 Mai - 19:39, édité 1 fois
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Message par Dreep Lun 8 Mai - 19:38

L'oeuvre au noir

On pourrait penser « fichtre que c’est loin » à propos de l’époque dans laquelle vit Zénon : le seizième siècle, à la fin du Moyen-âge. Comme si le temps était un point qui progressait toujours vers plus de lumière. Ce qui est remarquable dans ce récit, c’est l’approche que le lecteur peut avoir avec Zénon. Yourcenar est au plus près de lui. Elle livre ses différents états ; intellectuels, émotionnels, physiques de façon plus ou moins entremêlée. Oui ça a comme quelque chose de Proustien, sauf que la structure des images semblent plus importer à Yourcenar, qui recompose ici une sorte d’ode à la vie. A la manière d’un rêve, avec un protagoniste qui témoigne de l’époque et de lui-même, et des forces qui s’ourdissent pour persécuter avec violence ceux qui s’émancipent du « bien » qu’on a organisé pour eux.

"Des gens avaient logé là comme un ver dans son cocon, et y logeraient après lui. Bien cachés, sinon tout à fait invisibles, un rat derrière une cloison, un insecte taraudant du dedans une solive malade voyaient autrement que lui les pleins et les vides qu’il appelait sa chambre… Il levait les yeux. Au plafond, une poutre remployée portait un millésime : 1491. A l’époque où ceci avait été gravé pour fixer une date qui n’importait plus à personne, il n’existait pas encore, ni la femme dont il était sorti. Il retournait ces chiffres, comme par jeu : l’an 1941 après l’Incarnation du Christ. Il tentait d’imaginer cette année sans rapport avec sa propre existence, et dont on ne savait qu’une chose, c’est qu’elle serait. Il marchait sur sa propre poussière. Mais il en était du temps comme du grain de chêne : il ne sentait pas ces dates taillées de main d’homme. La terre tournait ignorante du calendrier julien ou de l’ère chrétienne, formant son cercle sans commencement ni fin comme un anneau lisse. "


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Message par Nadine Lun 8 Mai - 19:52

Merci pour ton retour Dreep ! L' extrait est aussi bienvenu, il m'impressionne et me rappelle les bonnes raisons d'avoir tant aimé lire Yourcenar.
Lorsque tu évoques la structure des images, tu veux dire qu'elle chiade la forme ? Tu peux filer un petit peu plus ton commentaire là dessus ? Et son rapport à la langue de Proust ? Même si ce n'est qu'en une phrase de plus ? Je vois mal ce que tu soulignes.
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Message par ArenSor Lun 8 Mai - 20:01

Merci Dreep d'avoir ouvert ce fil sur cette Grande Dame de la Littérature. Je garde un excellent souvenir de "L'oeuvre au noir" et je compte, sous peu (?), aborder ses écrits autobiographiques dont on m'a dit le plus grand bien Smile
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Message par Dreep Lun 8 Mai - 20:02

Nadine a écrit:Merci pour ton retour Dreep ! L' extrait est aussi bienvenu, il m'impressionne et me rappelle les bonnes raisons d'avoir tant aimé lire Yourcenar.
Lorsque tu évoques la structure des images, tu veux dire qu'elle chiade la forme ? Tu peux filer un petit peu plus ton commentaire là dessus ? Et son rapport à la langue de Proust ? Même si ce n'est qu'en une phrase de plus ? Je vois mal ce que tu soulignes.

Son rapport à la langue de Proust ? Un peu près aucun, je crois. Yourcenar analyse son personnage dans les rapports qu'il entretient avec son corps et son âme, et c'est ce qui m'a fait penser au moustachu. Les différences ou les analogies ne se situent pas dans la langue (je n'en ai pas parlé) mais dans la visée. Bien sûr qu'il y a des images chez Proust, son oeuvre est riche d'un peu près tout. Mais Yourcenar, c'est quelque chose de plus fragile (pas du tout dans le mauvais sens du terme) des images évoquées dans le texte, d'où sa poésie. Une poésie qui m'a semblé avoir une dimension onirique. La cruauté ou la beauté proprement incroyables du monde, quelque chose comme ça.

Mais oui, son style est épatant, au dessus du lot par rapport à un paquet d'écrivains...
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Message par Nadine Lun 8 Mai - 20:56

Merci, je perçois mieux.

Oh oui quelle claque : j'ai lu quasiment toute son oeuvre il ya sept/huit ans, mais depuis, à dire que j'aime énormément, j'en avais oublié la richesse sémantique ma parole ? J'avais désincarné par dithyrambe.
Beau rappel.
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Message par Dreep Lun 8 Mai - 21:05

C'était un rappel pour moi aussi, avant L'Oeuvre au noir, le dernier et le premier livre de Yourcenar que j'avais lu, c'était Mémoires d'Hadrien, y a dix ans... je me souviens que j'avais beaucoup aimé.

Je pourrais ajouter d'autres extraits plus tard, Nadine Smile
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Message par Nadine Lun 8 Mai - 21:09

Nous en serons tous ravis je pense !
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Message par Tristram Lun 8 Mai - 23:14

Quelques extraits en mise en bouche de ceux à venir de Dreep :

« Je ne suis qu'un exécutant, je me borne à traduire. Mais on ne traduit que son trouble : c'est toujours de soi-même qu'on parle. »
« La vie est quelque chose de plus que la poésie ; elle est quelque chose de plus que la physiologie, et même que la morale, à laquelle j'ai cru si longtemps. Elle est tout cela et bien davantage encore : elle est la vie. Elle est notre seul bien et notre seule malédiction. Nous vivons, Monique ; chacun de nous a sa vie particulière, unique, déterminée par tout le passé, sur lequel nous ne pouvons rien, et déterminant à son tour, si peu que ce soit, tout l'avenir. Sa vie. Sa vie qui n'est qu'à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu'il n'est pas toujours sûr de comprendre tout à fait. Et ce que je dis là de la vie tout entière, je pourrais le dire de chaque moment d'une vie. Les autres voient notre présence, nos gestes, la façon dont les mots se forment sur nos lèvres ; seuls, nous voyons notre vie. Cela est étrange : nous la voyons, nous nous étonnons qu'elle soit ainsi, et nous ne pouvons la changer. Même lorsque nous la jugeons, nous lui appartenons encore ; notre approbation ou notre blâme en fait partie ; c'est toujours elle qui se reflète elle-même. Car il n'y a rien d'autre ; le monde, pour chacun de nous, n'existe que dans la mesure où il confine à notre vie. »
Marguerite Yourcenar, « Alexis ou le Traité du Vain Combat »

« Les maux dont on meurt sont plus spécifiques, plus complexes, plus lents, parfois plus difficiles à découvrir ou à définir. Mais nous avons appris à reconnaître ce gigantisme qui n'est que la contrefaçon malsaine d'une croissance, ce gaspillage qui fait croire à l'existence de richesses qu'on n'a déjà plus, cette pléthore si vite remplacée par la disette à la moindre crise, ces divertissements ménagés d'en haut, cette atmosphère d'inertie et de panique, d'autoritarisme et d'anarchie, ces réaffirmations pompeuses d'un grand passé au milieu de l'actuelle médiocrité et du présent désordre, ces réformes qui ne sont que des palliatifs et ces accès de vertu qui ne se manifestent que par des purges, ce goût du sensationnel qui finit par faire triompher la politique du pire, ces quelques hommes de génie mal secondés, perdus dans la foule des grossiers habiles, des fous violents, des honnêtes gens maladroits et des faibles sages. Le lecteur moderne est chez lui dans l'Histoire Auguste. »
Marguerite Yourcenar, « Les visages de l'Histoire dans l'Histoire Auguste »

« Zénon : Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ? »
« L'homme est une entreprise qui a contre elle le temps, la nécessité, la fortune, et l'imbécile et toujours croissante primauté du nombre, dit plus posément le philosophe. Les hommes tueront l'homme. »
Marguerite Yourcenar, « L'Œuvre au Noir »

« Ce que je tiens surtout à signaler ici, c'est que L'Œuvre au Noir aura été, tout comme les Mémoires d'Hadrien, un de ces ouvrages entrepris dans la première jeunesse, abandonnés et repris au gré des circonstances, mais avec lesquels l'auteur aura vécu toute sa vie. […] Pour le reste, et de la même façon, les deux romans se sont construits au cours des années par travaux de terrassement successifs, jusqu'à ce qu'enfin, dans les deux cas, l'ouvrage ait été composé et parachevé d'un seul élan. J'ai exprimé ailleurs ce que je pense des avantages, du moins en ce qui me concerne, de ces longs rapports d'un auteur avec un personnage choisi ou imaginé dès l'adolescence, mais qui ne nous révèle tous ses secrets qu'à partir de notre propre maturité. »
Marguerite Yourcenar, « L'Œuvre au Noir », note de l'auteur

« Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J’y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d’instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l’inévitable ; partout, les éboulements du hasard. Je m’efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d’or, ou l’écoulement d’une rivière souterraine, mais ce plan tout factice n’est qu’un trompe-l’œil du souvenir. »
« La fiction a du bon : elle prouve que les décisions de l’esprit et de la volonté priment les circonstances. »
« Il m’importait assez peu que l’accord obtenu fût extérieur, imposé du dehors, probablement temporaire : je savais que le bien comme le mal est affaire de routine, que le temporaire se prolonge, que l’extérieur s’infiltre au dedans, et que le masque, à la longue, devient visage. »
« Chaque fois que j’ai regardé de loin, au détour de quelque route ensoleillée, une acropole grecque, et sa ville parfaite comme une fleur, reliée à sa colline comme le calice à sa tige, je sentais que cette plante incomparable était limitée par sa perfection même, accomplie sur un point de l’espace et dans un segment du temps. Sa seule chance d’expansion, comme celle des plantes, était sa graine : la semence d’idées dont la Grèce a fécondé le monde. »
« Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage : on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux, à l’exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. »
Marguerite Yourcenar, « Mémoires d’Hadrien »

« Lorsque deux textes, deux affirmations, deux idées s’opposent, se plaire à les concilier plutôt qu’à les annuler l’une par l’autre ; voir en eux deux facettes différentes, deux états successifs du même fait, une réalité convaincante parce qu’elle est complexe, humaine parce qu’elle est multiple. »
Marguerite Yourcenar, « Mémoires d’Hadrien », « Carnets de notes »

« Il ne faut pas pleurer parce que cela n’est plus, il faut sourire parce que cela a été. […]
Dans le piteux arsenal de nos consolations, celle-là est encore une des plus efficaces. Le veuf voulait dire que l’existence de la jeune femme demeurait un acquis, un bien en soi, si éphémère qu’il eût été, et que la mort ne l’annulait pas. »
Marguerite Yourcenar, « Le Labyrinthe du Monde I », « Souvenirs Pieux », « L’accouchement »

« Ils perdaient un tragique pourcentage d’enfants en bas âge, mais une sorte d’équilibre se maintenait entre le milieu naturel et la population humaine ; ils ne pâtissaient pas d’un pullulement qui produit les guerres totales, déclasse l’individu et pourrit l’espèce. Ils subissaient périodiquement les violences de l’invasion ; ils ne vivaient pas sous la perpétuelle menace atomique. Soumis à la force des choses, ils ne l’étaient pas encore au cycle de la production forcenée et de la production imbécile. Il y a cinquante ans ou trente ans à peine, ce passage d’une existence précaire de bêtes des champs à une existence d’insectes s’agitant dans leur termitière semblait à tous un progrès incontestable. Nous commençons aujourd’hui à penser autrement. »
« Ce qui surnage comme toujours, c’est l’infinie pitié pour le peu que nous sommes, et, contradictoirement, le respect et la curiosité de ces fragiles et complexes structures [les vies humaines], posées sur pilotis à la surface de l’abîme, et dont aucune n’est tout à fait pareille à aucune autre. »
Marguerite Yourcenar, « Le Labyrinthe du Monde I », « Souvenirs Pieux », « La tournée des châteaux »

« Il m’enviait ma liberté qu’il s’exagérait du reste ; la vie a bientôt fait de recréer des liens, prenant la place de ceux dont on se croyait débarrassé ; quoi qu’on fasse et où qu’on aille des murs s’élèvent autour de nous et par nos soins, abris d’abord, et bientôt prison. »
Marguerite Yourcenar, « Le Labyrinthe du Monde II », « Archives du Nord », Troisième partie, « Ananké »

« Je sais que notre destruction de la nature justifie celle de l’homme. »
« Ce décalage si marqué prouve à quel point notre mémoire éloigne ou rapproche les faits, en d’autres cas les enrichit ou les appauvrit, et les transforme pour les faire vivre. La mémoire n’est pas une collection de documents déposés en bon ordre au fond d’on ne sait quel nous-même ; elle vit et change ; elle rapproche les bouts de bois mort pour en faire de nouveau de la flamme. Dans un livre fait de souvenirs, il fallait que ce truisme fût énoncé quelque part. Il l’est ici. »
Marguerite Yourcenar, « Le Labyrinthe du Monde III », « Quoi ? L’Éternité », « La terre qui tremble (1914- 1915) »

« Mais l’alcool est comme l’amour ou la vieillesse : on y trouve ce qu’on y apporte. »
Marguerite Yourcenar, « Le tour de la prison », V, « L’air et l’eau éternels »

« La connaissance de mondes étrangers, que ce soit dans le temps ou dans l’espace, a pour résultat de détruire l’étroitesse d’esprit et les préjugés, mais aussi l’enthousiasme naïf qui nous faisait croire en l’existence de Paradis, et la sotte notion que nous étions quelqu’un. »
Marguerite Yourcenar, « Voyages dans l’espace et voyages dans le temps », in « Le tour de la prison »

« (Vos personnages, ces êtres que vous avez construits ou reconstruits, semblent avoir pour vous la même réalité que des êtres vivants ?)
Oui, sûrement. Je ne vois que peu de différence entre ce qui est et ce qui pourrait être. La relation entre l’écrivain et ses personnages est difficile à décrire. C’est un peu la même qu’entre des parents et des enfants. Vous savez que ces enfants sont un peu vous. Vous pouvez faire d’eux ce que vous voulez mais dans certaines limites. À partir d’un certain moment, il n’y a plus rien à faire pour les changer, pour les modeler. Ils sont libres. Donc ils existent par eux-mêmes. Les êtres finissent toujours par vous échapper. »
Marguerite Yourcenar, interview par Claude Servan-Schreiber, juillet 1976, Lire n°10


J'ai élagué sans pitié, mais ça reste indigeste ; peut-être cela sera-t-il cependant utile pour prêter à lire cette chère auteure ?
(Pour les amateurs, il y a aussi sa compilation de poèmes grecs anciens traduits et annotés par ses soins, La Couronne et la Lyre, où se trouvent de très belles choses.)

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par shanidar Mer 10 Mai - 12:29

J'ai passé une partie de l'année dernière en compagnie de Marguerite, en voici le premier écho :

Mémoires d'Hadrien

Marguerite Yourcenar Hadrie10

Yourcenar précise dans les notes qui suivent son roman historique, qu'elle a écrit sur le règne d'Hadrien parce qu'elle a en tête depuis toujours cette phrase de Flaubert : "Les dieux n'étant plus, et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été".

[On remarque dans la phrase de Flaubert une figure de style appelée hyperbate qui consiste à intercaler entre deux mots d'autres mots ou à en inverser l'ordre classique des mots pour leur donner plus de poids ; Yourcenar utilise souvent cette forme assez rare en français ce qui donne à son style un relief tout à fait particulier ou pour le dire mieux un particulier relief.]

De cette phrase, de cette latence, de ce moment à la fois de grâce et de disgrâce, Yourcenar écrit une somme. Elle parvient à faire jaillir de la masse informe des documents, des lettres, des relevés archéologiques, des comptes rendus numismatiques, la matière qui formera son livre. Il faudra toute l'énergie d'une femme qui se sait un génie (ou tout du moins géniale) pour extraire de ce magma la substance royale de la vie de l'empereur. Et c'est en endossant le 'je' des Mémoires, que cette femme, vivant au XXème siècle, en Amérique parvient à rendre avec une parfaite détermination et une beauté étrange, les mots, les rêves, les puissances et les déboires d'un empereur qui apparaît sous les traits à la fois d'un homme et d'un dieu.

L'énergie et la maîtrise sont pour moi les deux mots qui définissent le mieux à la fois le formidable travail de Yourcenar (travail d'érudite et travail de création, travail du style et travail de la forme) et son personnage central. Homme aux mille visages et aux mille vertus, Hadrien sut transformer ses vices en fortune et son ambition en volonté de faire le Bien. Attentif à l'humanité de chacun comme à la sienne, c'est en homme éclairé qu'il finit sa vie, espérant de tout son être maintenir une période de paix, d'entente des peuples et de lucidité. Car il sait bien, Hadrien, au bord de succomber que cette accalmie ne durera qu'un temps comme lui-même .

On pourra finalement être attentif aux volontés d'un grand politique et d'un fin stratège qui fit de la Paix son obsession finale et de l'amélioration de la vie de ses sujets sa préoccupation ultime. On pourra regretter que nos politiques n'aient pas lu Yourcenar, qu'ils n'aient pas compris l'immense profit qu'ils auraient pu tirer de la vie du César. On pourra recommander à ceux qui aiment la belle littérature, le bel esprit et la finesse du langage et des idées, de s'emparer très vite de ce très beau roman.

J'ai malgré tout un peu survolé les passages concernant les questions politiques, en me promettant d'y revenir, car au-delà de son amour insensé pour la Grèce, berceau de toutes nos civilisations, au-delà de la réflexion sur les contrées barbares dont les us nous étonnent voire nous scandalisent, au-delà de la question sur l'incertitude de la présence divine ; Yourcenar semble donner quelques clefs pour mieux appréhender notre monde contemporain, barricadé, frileux, moribond et malade du cœur.


Marguerite Yourcenar est un colosse monumental récitant des vers grecs, une armée furieuse avançant avec l'ordre des légions romaines, un cataclysme sûr, un adonis à la peau ferme, aux gestes froids ; elle est tout à la fois puissante, passionnée et tendre, ouragan et simple brise, scandaleuse et cachée. Enigmatique. Tout ça ne peut laisser indifférent.


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Message par Tristram Mer 10 Mai - 12:39

Joliment bien vu et dit, Shanidar, de cette oeuvre à la fois très claire et un peu écrasante.

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Message par Nadine Mer 10 Mai - 19:25

Je suis ravie de te lire sur elle, Shanidar. Merci pour les infos relatives à l'hyperbate, j'en ignorais tout.
J'aime beaucoup te lire sur elle.
je ne la vois pas tendre, mais sinon, c est comme la relire de te lire.
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Message par animal Mer 10 Mai - 21:47

Ce qui m'avait d'ailleurs bien encouragé (et c'est une lecture assez persistante) ! Marguerite Yourcenar 1252659054


Marguerite Yourcenar Hadria10

Mémoires d'Hadrien

Le moins que l'on puisse dire est que le projet est ambitieux. Une fiction très documentée et réfléchie qui nous projette dans la peau et dans la tête de l'empereur romain Hadrien né presque 1900 ans avant l'écriture du livre et presque 2000 avant notre lecture.

Se présentant comme une très longue lettre adressée non pas au successeur mais au petit-fils (adoptif) et espéré futur empereur le texte associe de nombreux aspects. Il y a une forme de leg historique des actions d'un empereur qui se voulait bon à ce petit fils imaginé comme digne successeur et à nos temps actuels. Surtout dans la perspective du XXè entre les utopies et les abysses ça interroge. Vu du XXIè... pas moins. D'autant plus que l'exercice du pouvoir est à l'échelle d'un empire, c'est l'Europe de la Bretagne à la Syrie !

Les réflexions de cet homme accompli, à la fois soldat et lettré, qui s'écrit au crépuscule de sa vie, sa réflexion sur l'exercice du pouvoir, sur le mélange changeant entre volonté, erreurs, échecs et succès à un côté Art de la guerre (le classique de Sun Tzu). Le conflit est en somme omniprésent mais sa solution idéale serait que les conditions fasse qu'il ne fût pas. Une vision sans cesse mise à l'épreuve par les aléas de l'histoire et les ambitions politique de son camp ou des camps adverses.

Ce qui se développe à travers et à côté de cette trame politique c'est une conception de la culture. Autour d'un socle gréco-romain se dessine un agrégat et une assimilation de pratiques et d'usages des peuples conquis. Notamment  pour ce qui est des pratiques spirituelles (si ce n'est ésotériques). On assiste à un échange et à des emprunts autant qu'à des ajouts qui peuvent surprendre et dégagent un parfum certain d'exotisme mais cette approche pacifiée fait réfléchir. Pacifiée mais pas simpliste ou sans application de la force et pas non plus sans problèmes irrésolus, Jérusalem ?

Évoquer techniquement la spiritualité et son usage politique ne doit pas faire oublier qu'il s'agit d'une composante majeure de la vie de tous les jours et d'une vie, au même titre que les amours. Les mœurs libres de l'époque laissent beaucoup de place à quelques débauches savamment organisées mais pas toujours goûtées par notre empereur qui ne manque pas du besoin de s'éprendre  et de le concrétiser. De façon amicale avec Plotine sa belle-mère adoptive et amoureuse et charnelle avec Antinoüs, un jeune protégé. Une relation étrange qu'on entrevoit comme un culte à double sens et aux pratiques différentes.

Une part d'apaisement vient de ces relations mais le plus grand repos est celui plus austère apporter par la nature. Rudesse ou douceur, notre homme est sensible aux climats et aiment à prendre ses distances avec Rome pour retrouver le contact avec le monde.

Mais le livre pourrait presque se décrire à l'envers tant les trames sont entremêlées. On pourrait aussi ajouter beaucoup à cette description.

La bonne surprise est que le livre est très lisible même si on manque cruellement de savoir face à cette masse d'érudition en mouvement littéraire. Il suffit de passer la première impression, ou de s'y habituer, de densité, de pompe presque qui fait craindre le fastidieux alors qu'on s'installe sans s'en rendre compte dans un état dépassionné qui n'est pas sans charme.

Surtout que cette tonalité va à merveille avec le sujet. avec l'époque aussi. Les espoirs les plus grands, l'action, et la noirceur des grands drames de l'histoire, l'idée de culture, le tournant de l'individu et du monde par le geste même on retrouve des thématiques littéraires très XXè siècle. En plus de penser à L'Art de la guerre on peut penser à Malraux, en plus réfléchi ? (Ce qui n'enlève ni à l'un ni à l'autre). Pour le flux aussi, l'écriture et le reste de mélancolie hallucinée.

Drôle d'expérience pour un panda mais expérience.

(récup')

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Message par shanidar Jeu 11 Mai - 13:37

Nadine a écrit:Je suis ravie de te lire sur elle, Shanidar. Merci pour les infos relatives à l'hyperbate, j'en ignorais tout.
J'aime beaucoup te lire sur elle.
je ne la vois pas tendre, mais sinon, c est comme la relire de te lire.

J'ai parfois l'impression que mes commentaires sont contaminés par la langue de l'auteur commenté...
Et pour ce qui est de la tendresse (comme de l'humour), c'est vrai que ce n'est pas forcément une donnée qui saute aux yeux à la lecture de Yourcenar et pourtant et pourtant, la tendresse est bien présente dans Mémoires d'Hadrien, en particulier dans la manière dont Hadrien rend les derniers hommages à Antinoüs, son jeune amant, et la douleur qu'il éprouve... J'ai été très touchée par ces instants-là.
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Message par Invité Sam 13 Mai - 9:59

J'ai beaucoup lu et aimé Yourcenar. Il me reste l'Oeuvre au noir, et quelques autres trucs en attente. Marguerite Yourcenar 4200188299
Une grande dame de notre littérature.

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Message par Jack-Hubert Bukowski Mer 7 Juin - 9:38

Merci à Dreep, Shanidar et tristram pour avoir préparé la mise en bouche... je reviendrai pour le moment aux commentaires succincts de Tristram en marge des citations qui démontrent-démontent le style de Yourcenar. Je dirais à la rigueur que le personnage médiatique de Yourcenar est très conservateur dans son essence. Nous pouvons ainsi mieux comprendre comment elle se cantonne dans le genre du roman historique, mais ce serait court comme affirmation. Je dirai qu'elle cultive une forme de populisme et de simplisme dans les images qu'elle évoque, et ça ne l'empêche pas d'être une excellente écrivaine dans son registre. Je dirai tout simplement qu'elle reste dans le registre du convenu lorsqu'elle s'adresse à son public et analyse les enjeux de l'heure... je ne nierai pas qu'elle offre une perception de la réalité en soi terrible.
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Message par Tristram Sam 26 Aoû - 17:43

Le denier du rêve

Marguerite Yourcenar Denier10

J’ai lu le texte de 1959, version profondément remaniée de celle de 1934. La préface de l’auteur est intéressante, peut-être à lire en post-scriptum. On y lit notamment que cette œuvre « fut en son temps d’un des premiers romans français (le premier peut-être) à regarder en face la creuse réalité cachée derrière la façade boursouflée du fascisme »
C’est la Rome de l'an XI de la dictature, hantée de figures mythologiques, de destins sans notoriété, de révoltés clandestins qui échouent à renverser le régime fasciste.
Basé sur l’histoire contemporaine de l’époque, la cohérence de ce roman est due au cheminement de main en main d’une pièce de dix lires, qui permet de rencontrer plusieurs personnages (dont quelques étrangers) au portrait peu ou prou approfondi, diverses existences plus ou moins livrées à l’illusion et à l’espoir. L’ouvrage est aussi rassemblé dans la journée d’un attentat manqué contre « César ».  

« Et comme toutes les femmes ont à peu près le même corps, et sans doute la même âme, lorsque Lina parlait et que la lampe était éteinte, il oubliait que Lina n’était pas Angiola, et que son Angiola ne l’avait pas aimé.
On n'achète pas l'amour : les femmes qui se vendent ne font après tout que se louer aux hommes ; mais on achète du rêve ; cette denrée impalpable se débite sous bien des formes. Le peu d'argent que Paolo Farina donnait à Lina chaque semaine lui servait à payer une illusion volontaire, c'est-à-dire, peut-être, la seule chose au monde qui ne trompe pas. »

Destinées qui se croisent, ici réunies le temps d’une messe (la religion‒croyance-autorité tient une grande place) :
« Ces flammèches [de cierges] s’étaient consumées infiniment plus vite que les brèves vies humaines : certains vœux avaient été repoussés, d'autres exaucés au contraire, car le malheur est que, parfois, des souhaits s'accomplissent, afin que se perpétue le supplice de l'espérance. »

L’écriture de Yourcenar est toujours aussi belle, mais je n’ai pas retrouvé dans cette lecture tout ce qui m’avait transporté dans ses autres ouvrages, plus intimistes.
Nota bene : Jack-Hubert, je ne vois pas de populisme conservateur ni beaucoup de simplisme dans cette oeuvre !


mots-clés : #contemythe #politique #religion

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Message par Aventin Sam 31 Mar - 21:12

Comment Wang-Fô fut sauvé
Nouvelle, une vingtaine de pages, publiée dans le recueil Nouvelles Orientales, parution originale en 1938, légèrement retouchée par l'auteur dans l'édition de 1963.
Marguerite Yourcenar Nouvel10

Merci, Madame Yourcenar !

Pesant mes mots, je tiens Comment Wang-Fô fut sauvé pour un sommet de l'art de la nouvelle.
Foison de thèmes, l'art bien sûr, le maître et le disciple, le tyran, la représentation, l'image et son pouvoir, etc...

Coupant court au commentaire, qui serait forcément très en-deçà de la valeur de cette œuvre, une suggestion:
Ces quelques pages de grande richesse mériteraient que nous les lisions en commun, je sais bien que nous n'avons pas pour habitude de nous réunir à quelques-uns autour de textes aussi courts, mais si ça dit à certains d'entre vous ?
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Message par Tristram Sam 31 Mar - 21:16

Je relirais bien, mais pas sous la main...

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Message par Nadine Sam 31 Mar - 21:48

Moi je suis partante pour relire ce receuil quand vous voudrez, oui.
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