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Message par Bédoulène Ven 25 Jan - 23:37

je vais le devenir aussi Tom Léo ! Smile

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Message par Bédoulène Jeu 21 Fév - 10:15

La fuite sans fin

Joseph Roth - Page 2 31l4jn10

C'est l'histoire d'un officier de l'Armée Autrichienne (Franz Tunda,  fait prisonnier par les russes, pendant la première guerre, qui s'évadera du camp avec l'aide d'un paysan de la Sibérie, vivra plusieurs années en Russie se retrouvera dans  la révolution par hasard, se mariera, abandonnera sa femme, quittera la Russie pour retourner dans sa patrie,  se retrouvera en Allemagne, puis vivra à Paris. Il portera contre sa poitrine le portait d'Irène, la femme qui était sa fiancée, alors même qu'il sait ne plus l'aimer, il la rencontrera par hasard  à Paris sans qu'elle le reconnaisse, il ne l'interpellera pas, mais pourtant continuera à conserver son portrait.
C'est sa plume qui après la révolution lui a permis de vivre en Russie, en étant journaliste.

Ce jeune homme, de l'avis du narrateur est "superflu"! Il ne  sent jamais le monde, où qu'il soit, comme son monde. Il n'a ni argent, ni métier, ni amour, il ne sait que faire ; c'est ainsi que le narrateur le retrouvera à Paris. Le dit narrateur à qui Tunda s'est adressé lors de son retour en Allemagne c'est un certain Roth ! Lequel informera Georges Tunda, célèbre chef d'orchestre du retour et de la situation précaire de son frère Franz. Les deux hommes ne s'apprécient pas, Franz a haï Georges car c'est lui qui voulait être musicien, mais une infirmité de Georges contraindra Franz à intégrer l'école des Cadets.

"Mon frère me conteste sans doute le droit moral de vivre puisque je n'ai pas de profession et ne gagne pas d'argent. Moi-même je me sens fautif, puisque je mange ses tartines de beurre. Du reste, je ne pourrais avoir aucune profession dans ce monde, à moins qu'on ne me paie en raison du mécontentement que je ressens envers le monde."


Franz a aimé plusieurs femmes rencontrées par hasard : une révolutionnaire, une touriste française, sa femme Alja,  cependant ses sentiments se tarissent devant  la crue réalité quotidienne(ainsi a-t-il une overdose de soins culinaires avec la révolutionnaire malade).

Les gens riches, les bourgeois qu'il fréquente en Allemagne ou à Paris,  il les voit tels qu'ils sont et non tels qu'ils semblent être.

"Les membres féminins de cette société menaient une vie de bonne humeur dans de petites robes minces, colorées, légères et coûteuses. Elles allaient sur des jambes parfaites dans des souliers d'une coupe surprenante, et quelquefois même excentrique, conduisaient des automobiles ou des voitures légères, galopaient sur des chevaux, et Claude Anet étaient l' auteur élu de leur coeur.

"Il allait de soi que celles qui étaient si vivantes ne vivaient pas."


Franz a souvent le sentiment que c'est le hasard qu' il suit plus que son libre arbitre ; ainsi le pense-t-il dans le train qui le ramène en Allemagne. Et là à Paris alors qu'il est sur cette place où il ne fait rien, n'attend rien, le temps s'enfuit à ses cotés. C'est là que le hasard conduit le narrateur ; un certain Roth !


autres extraits :

"Elle usait de ses mains avec précaution, comme si c'étaient de précieux membres qu'on lui eût prêtés."

"Jamais il n'avait craint la pauvreté, il l'avait à peine sentie. Mais dans la capitale du monde européen, d'où partent les idées et les chants de la liberté, il s'aperçut que l'on n'aurait même pas une croûte de pain sec pour rien. Les mendiants ont leurs bienfaiteurs qui leur sont tout à fait propres, et de chaque coeur compatissant auquel on frappe, la réponse arrive : occupé !"


Dans la version allemande le livre porte  un sous-titre : "compte-rendu" ou Rapport, ce qui se conçoit d'une part car un chapitre se trouve être des pages d'un "journal" écrit par Franz alors qu'il est dans le Caucase, d'autre part car c'est le plus souvent le narrateur qui raconte ce qu'il connait de Tunda, ce qu'il fait et la lettre que ce dernier lui a adressée.
Compte-rendu donc de la vie de Franz en Russie, de son retour, de ses flâneries dans les villes, de ses  sentiments sur cette société riche et bourgeoise.
Le fait que le narrateur soit un double de Roth fait que l'auteur participe des aventures et mésaventures  de Franz qui lui rappellent les siennes ?

L'écriture me plait toujours autant et les flâneries dans les villes sont particulièrement belles ; j'apprécie aussi ses critiques à travers celles de Franz.

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Message par Dreep Ven 30 Juil - 23:47

La Crypte des Capucins

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En ce François-Ferdinand, on voit toute une génération, la dernière de l'empire austro-hongrois, celle qui le voit s'écrouler avec la guerre 14 puis en 38 avec l'Anschluss. François-Ferdinand, pas l'archiduc, mais un Trotta, descendant du héros de Solférino, celui de La Marche de Radetzky. De ce livre, Joseph Roth a écrit une suite, La Crypte des Capucins, plus court, plus condensé, où le romancier dépeint un état d'esprit, qui, à défaut d'être le même que celui du volume précédent, lui est apparenté. La donne a changé, et, tout en étant conscient que le déclin de leur monde s'est amorcé, François-Ferdinand et ses amis noient leurs regrets dans une légère insouciance mâtinée de cynisme.

Un retrait pudique, une distance ; cette même distance avec laquelle le romancier semble faire de son personnage un clown, avec distance et avec tendresse tout à la fois. De la compassion, lorsqu'un certain degré d'intimité le permet (comme dans le portrait de la mère, on la voit à travers les yeux de son fils) mais jamais d'apitoiement. Les émotions et l'ambiance dans lesquels le roman baigne sont magnifiquement portés par l'écriture, par des images subtils (un piano sans cordes...) ou par des blagues... chaque rayons de soleil de cette prose a un effet durable.
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Message par Bédoulène Sam 31 Juil - 10:32

merci Dreep, je crois qu'avant de la lire je vais brièvement revoir la Marche !

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Message par Bédoulène Dim 15 Aoû - 18:14

Joseph Roth - Page 2 41vzyb11

La crypte des Capucins


Le narrateur s’il est un Trotta n’appartient pas à la même branche des Trotta aristocrates ( un Lt d’Infanterie sauva la vie de l’Empereur à la bataille de Solférino, l’Empereur ennobli donc le Lt et toute la famille profita de cet ennoblissement). Le père de notre Trotta lui s’enrichit en Amérique et revint en Autriche.

« Dans son testament, il me désigna comme l’héritier de ses idées.( Il rêvait d’un royaume slave sous la domination des Habsbourg, caressait le projet d’une monarchie des Autrichiens hongrois et slaves. ) Ce n’est pas sans raison qu’il m’avait fait baptiser sous le nom de François-Ferdinand. Mais je n’étais alors qu’un jeune sot, pour ne pas dire une tête brûlée. Insouciant en tout cas. Je vivais au jour le jour, comme on dit. Ou plutôt non, c’est faux, vu que je ne vivais que la nuit. Le jour, je dormais. »

Un sien cousin, vendeur de marrons, vient se faire connaître : Joseph Branco. Ils sympathisent. Cette sympathie s’étendra au cocher Manès Resiger que Joseph Branco lui adresse (aider son fils musicien).
Trotta se trouve à  Zlotogrod avec Branco et Manès à l’été 1914. Quand est affiché l’appel de l’Empereur.

« Le lendemain, le vendredi par conséquent, le message était déjà affiché à tous les coins des rues.
     La proclamation émanait de notre vieil empereur François-Joseph. Elle débutait par ces mots : « À mes peuples ! »


Les trois hommes doivent rejoindre l’armée. Branco et Manès rejoignent Zloczow. Trotta les rejoint, il ne souhaite pas demeurer avec son régiment, il n’appréhende  pas la guerre comme ses camarades.

« À ce moment-là, j’étais probablement seul à sentir le sombre poids des jours qui venaient. «

Ses camarades du 21ème avec lesquels, comme eux, souvent pour éviter leurs railleries, rejetait Dieu, la religion, il vivait frivole, inconsistant ; mais sa rencontre avec Branco et Manès l’a ouvert à d’autres choses, sentiments.

A son arrivée, le  régiment de son cousin et Manès est défait par les Russes, tous trois sont faits prisonniers.

Mais avant de partir il se marie avec Elizabeth. La nuit de Noce n’aura pas lieu, ils ne se retrouveront que 4 ans plus tard. Sa femme a fondé un Atelier d’Arts avec une femme Yolande (sa petite amie) qui a autorité sur elle, le père d’Elizabeth, lequel avait misé sur le franc et a tout perdu. A plusieurs reprises Trotta devra hypothéquer la maison familiale pour aider l’Atelier, en vain. Il retrouvera Elizabeth quelque temps, alors que Yolande est partie ; ils vivront ensemble et auront un fils, que Trotta aimera infiniment.

Sur les conseils de leur vieux notaire, la maison familiale est transformée en Pension ; les anciens camarades du 21ème viennent y loger.

Elizabeth partira finalement avec Yolande, Trotta s’occupera avec beaucoup d’amour, seul de l’enfant et de sa mère vieillissante, amoindrie, jusqu’à la fin.

Cette nuit, fut celle de la révolution, y mourut aussi  le fils de Manès.


*************************

Quelle écriture, encore une fois je regrette que la dernière page soit tournée.

On sent bien la nostalgie de l’auteur, de cet empire, à travers les Trotta, et la survenue d’un « monde nouveau » auquel la famille se sentira étrangère.

Après la dictacture de Dolfuss, juste évoquée par la nuit de la révolte et la mort du fils de Manès, le pire est à venir avec la montée du nazisme, mais Trotta a son refuge, la Crypte des Capucins où gisent de nombreux empereurs et impératrices des Habsbourg.

Une excellente lecture.

Extraits
Les rapports de François-Ferdinand avec sa mère :

« Ah ! je devinais bien qu’elle avait à me poser des questions nombreuses et qu’elle ne les refoulait que pour s’éviter la honte des mensonges de son enfant, de son fils unique »

« Je baisai la main de ma mère comme d’habitude. Sa main. Jamais je ne l’oublierai. Elle était délicate, fine, veinée de bleu. À travers les rideaux grenat de la pièce, la lumière du matin pénétrait tendrement, adoucie, comme une visiteuse muette, portant pour ainsi dire un déguisement de cérémonie. Cette lueur rutilante colorait aussi la main pâle de maman, l’enveloppait d’une espèce de rougeur pudique. Main bénie dans un gant transparent de soleil tamisé. »

« Elle me considéra longuement. Puis il arriva une chose invraisemblable, effrayante, une chose incompréhensible pour moi, presque surnaturelle : ma mère me saisit la main, se courba un peu, la baisa par deux fois. Confus, je retirai vite mon manteau. »

« Maman resta pour moi un fardeau chéri, fidèlement choyé. Je n’avais jamais éprouvé de ma vie le moindre penchant pour une profession quelconque. Enfin, j’avais trouvé deux métiers, celui de fils et celui de père.

Avec Elizabeth :

« Je remarquai qu’Élisabeth s’écartait un peu de nous. Cette façon de se retirer, de s’esquiver, m’agaça. »

« Dans le tramway électrique de Baden, je fus presque blessé par quelques-uns de ses faits et gestes.
        C’est ainsi que, dix minutes à peine après le départ, elle sortit un livre de sa mallette. Il se trouvait à côté de sa trousse de toilette, sur du linge. Immédiatement je pensai à la chemise nuptiale, et l’idée qu’un bouquin quelconque pût être en contact avec cette pièce de lingerie presque sacramentelle me fit l’effet d’une indignité. »

Le vieil serviteur de la famille Trotta qui les accueillit se meurt à l’arrivée du couple, François-Ferdinand se doit de rester à ses côtés, il informe sa femme :

« Mais, sur les lèvres d’Élisabeth, un sourire se dessinait, sensuel, indifférent et enjoué, tel que je crus ne pouvoir l’effacer que par une parole macabre :
        – Il se meurt ! dis-je.
        Les bras d’Élisabeth retombèrent. Elle se contenta de répondre :
        – C’est de son âge «
autre :

«  Néanmoins, et bien que sachant que je nourrissais exactement les mêmes pensées que mes camarades, le sous-lieutenant de réserve Bärenfels, le lieutenant Hartmann, le premier lieutenant Link, le baron Lerch et le docteur Brociner, ceux-ci, tels que je viens de les énumérer, par comparaison avec mon cousin Joseph Branco et son ami Manès Reisiger le cocher juif, me paraissaient tous superficiels, frivoles, mauvais camarades, stupides, indignes tout autant de la mort, pour laquelle ils partaient, que des testaments et des mariages qu’ils étaient en train de bâcler. »


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Message par Tristram Jeu 23 Sep - 19:45

La Crypte des capucins

Joseph Roth - Page 2 41vzyb11

En 1914, à la veille de « cette grande guerre qu’on nomme "guerre mondiale" (avec raison à mon avis, non parce qu’elle a été faite par le monde entier mais parce qu’elle nous a tous frustrés d’un monde, du monde qui précisément était le nôtre) », le narrateur, alors un jeune sous-lieutenant de réserve « décadent » et insouciant visite son cousin, Joseph Branco, marchand de marrons, et son ami Manès Reisiger, cocher juif de Zlotogrod, bourgade à la périphérie orientale de l’empire austro-hongrois ; il mesure comme le régime de la monarchie (et de l’église catholique) lie les divers peuples de l’empereur, « capable de rapprocher les choses éloignées, de créer une parenté entre les choses étrangères et d’unir ce qui nous paraît avoir tendance à se séparer. » Le narrateur (porte-parole de l’auteur) est conscient que la richesse de Vienne repose sur le travail des besogneux du vaste empire. Il est « sans pressentiment » de la guerre, et le leitmotiv du livre sera :
« La mort, il est vrai, croisait déjà ses mains décharnées au-dessus des verres que nous vidions, mais nous ne voyions pas la mort, nous ne voyions pas ses mains. »
Le thème ressassé du roman est la nostalgie de cette civilisation irrémédiablement disparue.
« Une vaste paix régnait en ce monde. La paix âpre d’une fin d’été. »
Mais beaucoup d’autres sujets sont abordés : la captivité en Sibérie, l’amour (et son mariage), sa mère, etc. Des passages anecdotiques, comme celui des « babioles folkloriques » que son cousin lui cède au prix fort, résonnent étrangement, hors-sujet souriants mais doux-amers. Cet aspect un peu erratique du récit, surtout dans la seconde moitié, n’empêche pas qu’il forme une présentation emblématique de la ruine d’une société, dans un point de vue éminemment humain.
« Je ne me sentais pas d’aise, j’étais rentré dans mes foyers. Nous avions tous perdu notre position, notre rang, notre maison, notre argent, notre valeur, notre passé, notre présent, notre avenir. Chaque matin en nous levant, chaque nuit en nous couchant, nous maudissions la mort qui nous avait invités en vain à son énorme fête. Et chacun de nous enviait ceux qui étaient tombés au champ d’honneur. Ils reposaient sous la terre. Au printemps prochain, leurs dépouilles donneraient naissance aux violettes. Mais nous, c’est à jamais inféconds que nous étions revenus de la guerre, les reins paralysés, race vouée à la mort, que la mort avait dédaignée. La décision irrévocable de son conseil de révision macabre se formulait ainsi : impropre à la mort. »

\Mots-clés : #deuxiemeguerre #historique #xxesiecle

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Message par Bédoulène Jeu 23 Sep - 20:07

merci Tristram ! j'adhère à ton commentaire ! Smile

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Message par animal Lun 27 Déc - 20:41

Joseph Roth - Page 2 00817410

Job, roman d'un homme simple

Une tonalité sombre pour cette vie de Mendel Singer, humble professeur d'école. Très croyant et pratiquant il est possible que dans sa maison la religion pèse lourdement sur la famille. Un fils handicapé arrive, Menouchim. Le début des tracas... Je ne vais pas trop en dire pour laisser les lecteurs découvrir ce cheminement. On peut cependant parler de l'exil de cette famille juive et du mirage ou miracle américain, de la communauté. Beaucoup de chose dans cette trame de vie apparemment "simple".

Le fond de l'histoire se situe dans la foi, la pratique de la religion, les doutes, l'épreuve.. et le miracle ? Il y a ça et le portrait consciencieux, amer peut-être, d'un homme d'abord confiant puis en colère. Le portrait du père au fil des ans dans une langue nette et mesurée. Un portrait assez lourd, si ce n'était le texte en lui-même, la fin semblerait-elle aussi lumineuse ?

Pas si simple et pourrait favoriser les mauvais rêves. L'image du texte religieux qui se superpose autant qu'elle sert de miroir ne doit pas faire perdre de vue ce que le propos a d'essentiel : amour, souffrance, âge, doute, espoir, ... et surtout l’ambiguïté persistante donne toute son humanité et sa force au mélange.

A lire mais à lire dans les bons jours ?

A noter aussi qu'on trouve apparemment plusieurs traductions dont une initiale qui franciserai trop la manière.

Mots-clés : #exil #famille #religion #traditions

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Message par Bédoulène Lun 27 Déc - 23:14

merci Animal, le livre est dans ma pal (j'apprécie cet auteur)

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Message par Tristram Mar 26 Déc - 10:50

Hôtel Savoy

Joseph Roth - Page 2 Hztel_10

Gabriel Dan, soldat austro-hongrois dans la Première Guerre mondiale et prisonnier en Sibérie, revient de trois ans de captivité à Łódź, où il loge à l'avant-dernier étage de l’hôtel Savoy, tenu par le mystérieux Kalegouropoulos. Pour continuer sa fuite vers l’Ouest, il espère une aide de son riche oncle Phébus Böhlaug.
« — Et tu n’y étais pas mal, n’est-ce pas ? Tous les gens disent qu’on est bien en captivité. »

« Je l’essaye dans la chambre d’Alexandre, devant la grande glace murale – il me va. Je me rends compte, mais oui, je me rends bien compte de la nécessité d’un costume bleu, « comme neuf », de la nécessité de cravates mouchetées de brun, d’un gilet marron, et, l’après-midi, je repars avec un carton à la main. Je reviendrai. Je me berce encore du léger espoir d’obtenir de l’argent pour le voyage.
— Maintenant, vois-tu, je l’ai équipé, dit Phébus à Régine. »

« J’avais été longtemps seul parmi des milliers. Maintenant, il y a des milliers de choses que je peux partager : la vue d’un pignon aux lignes courbes, un nid d’hirondelles dans les W.-C. de l’Hôtel Savoy, le regard irritant et les yeux couleur de bière du vieux garçon d’ascenseur, l’amertume qui règne au septième étage, l’étrangeté inquiétante d’un nom grec, d’une notion grammaticale brusquement rendue vivante, le triste rappel d’un aoriste plein de traîtrises, le souvenir de l’étroitesse de la maison paternelle, les ridicules de ce lourdaud de Phébus Böhlaug et Alex sauvé par le train des équipages. Les choses vivantes en devenaient plus vivantes, plus haïssables celles que tous condamnaient, plus proche le ciel et le monde asservi. »

« — Non, dis-je, je ne sais pas ce que je suis. Autrefois, je voulais devenir écrivain, mais je suis parti pour la guerre, et je crois qu’il ne sert à rien d’écrire. Je suis un homme solitaire et je ne peux pas écrire pour tous. »
Puis Gabriel, le narrateur, rencontre ses voisins dans le microcosme de l’hôtel, la danseuse Stasie, le clown Vladimir Santschin (qui meurt vite), Hirsch Fisch le vendeur de billets de loterie, Abel Glanz, l’étrange souffleur qui survit de change de devises, Taddeus Montag, le caricaturiste, et les autres pauvres de la ville (sale et d’apparence assez sinistre), comme les Juifs qui y errent. Alex, le fils de Phébus, épris de Stasie, lui propose de payer son voyage pour Paris en échange de sa chambre, mais il reste après avoir tergiversé. Les ouvriers de l’industriel Neuner sont en grève, on craint la révolution. Gabriel héberge Zwonimir Pansin, son frère d’armes, trublion, et même agitateur.
« L’auteur de l’article expliquait que tout le mal venait des prisonniers qui rentraient, car ils introduisaient « le bacille de la révolution » dans un pays sain. L’auteur était un pauvre type, il lançait de l’encre contre des avalanches, il construisait des digues de papier contre des raz de marée. »
Arrive l’Américain Bloomfield (Blumenfeld) (puis son coiffeur, Christophe Colomb), attendu par tous comme une manne financière, et Gabriel devient un de ses secrétaires, jusqu’à l’insurrection et l’incendie de l’hôtel Savoy.
« Douloureux est le sort des hommes, et leur souffrance élève devant eux un grand, un gigantesque mur. Pris dans la toile gris poussière de leurs soucis, ils se débattent comme des mouches prisonnières. Celui-ci manque de pain et celui-là le mange avec amertume. Celui-ci veut être rassasié et celui-là être libre. Là, un autre agite ses bras et croit que ce sont des ailes, croit qu’il va s’élever l’instant ou le mois, ou l’année d’après, au-dessus des bas-fonds de ce monde.
Douloureux était le sort des hommes. Leur destin, ils le préparaient eux-mêmes et croyaient qu’il venait de Dieu. Ils étaient prisonniers des traditions, leur cœur était retenu par des milliers de fils et leurs mains tissaient elles-mêmes ces fils. Sur toutes les voies de leur vie se dressaient les tables de la loi de leur Dieu, de leur police, de leurs rois, de leur classe. Ici, il était défendu d’aller plus loin et là de s’attarder. Et, après s’être ainsi débattus durant quelques décennies, après avoir erré, être restés désemparés, ils mouraient dans leur lit et léguaient leur misère à leurs descendants. »
À la fois désolé et teinté d’humour, ce roman rend subtilement le délitement de l’empire austro-hongrois et de la Mitteleuropa.
Et il s’ajoute en bonne place sur l’étagère des hôtels légendaires en littérature, comme le Lutetia de Pierre Assouline, qu’il m’a ramentu.

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Message par Bédoulène Mer 27 Déc - 9:47

j'avais apprécié ma lecture, mais notre amie Shanidar avait fait le lien avec l'enfer de Dante ; les étages de l'hôtel et sa population.

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Message par Tristram Mer 27 Déc - 10:28

Effectivement, les misérables sont relégués dans les hauteurs, un peu comme les chambres de bonnes. La hiérarchie est nette :
L’hôtel ne me plaisait plus : ni la buanderie qui asphyxiait les gens, ni le liftier avec sa bienveillance cruelle, ni les trois étages de prisonniers. Cet Hôtel Savoy était à l’image du monde : il rayonnait à l’extérieur d’un éclat intense, étincelait dans la splendeur de ses sept étages, mais la pauvreté y habitait dans la proximité de Dieu ; ce qui était en haut occupait le bas de l’échelle, emmuré dans des tombeaux entre ciel et terre, et les tombeaux s’amoncelaient au-dessus des chambres confortables de tous ceux qui, repus, se prélassaient en bas, dans la paix et le bien-être, le cœur léger, sans être gênés par ces cercueils aux minces cloisons.
Ma place est avec ceux qui sont enterrés là-haut. Est-ce que je n’habite pas au sixième étage ? Le destin ne me pousse-t-il pas vers le septième ? N’y a-t-il que sept étages ? Et non huit, dix, vingt ? Jusqu’à quelle hauteur peut-on encore tomber ? Jusqu’au ciel, jusqu’à une félicité définitive ?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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