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Héctor Abad Faciolince

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Message par Tristram Mer 28 Aoû - 22:02

Ça a l'air passionnant, tout ça ! Il faudrait que j'y jette un œil de plus près...

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Message par Armor Jeu 29 Aoû - 12:03

En effet ça a l'air super intéressant. L'ennui c'est que je n'accroche pas en général aux dystopies. J'y jetterai un oeil si je le vois à la médiathèque.

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Message par Tristram Sam 6 Mar - 21:19

L'oubli que nous serons

famille - Héctor Abad Faciolince - Page 2 L-oubl10

Héctor Abad Faciolince témoigne de son amour fusionnel pour son père, médecin, hygiéniste et épidémiologiste, professeur d’université et fils des Lumières, libéral engagé assassiné à ce titre. Cette biographie est aussi autobiographique puisqu’il raconte son enfance (sa mère est également une personne exceptionnelle), et plus encore l’histoire récente de Medellín et de la Colombie, ce summum de la violence. C’est de façon claire et sur un ton pondéré qu’il narre cette destinée remarquable, et une éducation exceptionnelle.
« On ne vous apprend pas à vous venger (car nous naissons avec des sentiments vindicatifs), mais on vous apprend à ne pas vous venger. On ne vous apprend pas à être bon, mais on vous apprend à ne pas être méchant. »
Le personnage paternel n’est pas seulement important pour l’auteur ; voici des extraits de discours prononcés lors des funérailles du père (le premier est de Mejía Vallejo) :
« Viendra ensuite ce terrible effacement, parce que nous sommes une terre acquise à l’oubli de ce que nous aimons le plus. Cette vie, ici, ils en font le pire effroi. Et viendra cet oubli, qui sera comme un monstre rasant tout, et de ton nom non plus ils ne garderont la mémoire. Je sais que ta mort sera inutile et que ton héroïsme s’ajoutera à toutes les absences. »
Carlos [Gaviria] se centra davantage sur la figure de l’humaniste confronté à un pays qui se dégrade : « Qu’a fait Héctor Abad pour mériter ce sort ? Il faut la donner la réponse en forme de contrepoint, en confrontant ce qu’il incarnait à l’échelle de valeurs qui a cours aujourd’hui parmi nous. Conséquent avec sa profession, il luttait pour la vie, mais les sicaires ont gagné ce combat ; en harmonie avec sa vocation et son style de vie (celui d’un universitaire), il luttait contre l’ignorance en la concevant, de façon socratique, comme la source de tous les maux qui accablent le monde. Alors ses assassins l’ont apostrophé en usant de l’expression barbare de Millán-Astray, qui naguère secoua Salamanque : “Vive la mort, bas l’intelligence !” »
Le thème de l’oubli (et de l’écriture contre l’oubli) devient de plus en plus prégnant :
« De plus, j’ai appris de mon père quelque chose que les assassins ne savent pas faire : mettre en mots la vérité, pour que celle-ci dure plus que leur mensonge. »

« Je dois l’écrire, malgré ma pudeur, pour qu’on n’oublie pas cela, ou du moins pour que cela se sache pendant quelques années. »

« Les livres sont un simulacre de souvenir, une prothèse pour se rappeler, une tentative désespérée de rendre un peu plus durable ce qui est irrémédiablement limité. »
Déjà le discours de Mejía Vallejo reconnaissait son irrémédiabilité, mais en fait le titre est tiré du premier vers d’un poème de Borges :
Nous voilà devenus l’oubli que nous serons.

Dans sa préface à ce livre, Mario Vargas Llosa précise :
« …] Trahisons de la mémoire. Ce sont trois histoires autobiographiques, enrichies de photos de lieux, d’objets et de personnes qui illustrent et complètent le récit. La première, Un poème dans la poche, est de loin la meilleure et la plus longue, et constitue, d’une certaine façon, un complément indispensable à L’oubli que nous serons. Dans la poche du père assassiné à Medellín, le jeune Abad a trouvé un poème manuscrit qui commence par le vers : « Nous voilà devenus l’oubli que nous serons. » D’emblée, cela lui est apparu comme étant de Borges. Confirmer l’exacte identité de son auteur lui a valu une aventure de plusieurs années, faite de voyages, de rencontres, de recherches bibliographiques, d’entretiens, d’errements sur de fausses pistes, péripétie véritablement borgésienne d’érudition et de jeu, et enquête que l’on dirait non vécue mais fantasmée par un copiste "pourri de littérature", plein d’humour et de malice, avec un copieux étalage d’imagination. »
Voilà donc ma prochaine lecture toute trouvée.

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Message par Avadoro Sam 6 Mar - 23:48

Un écrivain passionnant dans sa relation à l'histoire, la mémoire et à la complexité d'un héritage familial.
Merci Tristram pour ces citations !
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Message par Bédoulène Dim 7 Mar - 9:35

j' y viendrai à cette lecture, merci Tristram !

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Message par Tristram Dim 7 Mar - 21:25

Trahisons de la mémoire

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L’incipit du prologue me fait reconnaître de suite un texte qui me concerne tout particulièrement :
« Lorsque l’on souffre de cette forme particulière de stupidité qu’est la mauvaise mémoire, le passé a une consistance presque aussi irréelle que le futur. Si je regarde en arrière et tâche de me rappeler les événements que j’ai vécus, le chemin parcouru qui m’a mené jusqu’ici, je ne sais jamais à coup sûr si je me remémore ou si j’invente. »
Suivent trois textes qui s’assimilent parfois à des essais :
« Les récits autobiographiques qui composent ce livre ont cette consistance mixte : soit la patiente reconstruction par indices d’un passé qu’on ne se rappelle plus bien (« Un poème dans la poche » et « Une fausse route »), soit l’étonnement devant un futur qui nous échappera peut-être à jamais (« Les ex-futurs »). »
Un poème dans la poche :
Voici donc le poème évoqué dans le récit éponyme, celui trouvé sur son père abattu :
Nous voilà devenus l’oubli que nous serons.
La poussière élémentaire qui nous ignore,
qui fut le rouge Adam, qui est maintenant
tous les hommes, et que nous ne verrons.

Nous sommes en la tombe les deux dates
du début et du terme. La caisse,
l’obscène corruption et le linceul,
triomphes de la mort et complaintes.

Je ne suis l’insensé qui s’accroche
au son magique de son nom.
Je pense avec espoir à cet homme
qui ne saura qui je fus ici-bas.

Sous le bleu indifférent du Ciel
cette pensée me console.
Héctor Abad attribue ce poème intitulé Ici. Maintenant. à Borges, mais les spécialistes le considèrent comme un faux. Commence une extraordinaire enquête bourrée de coïncidences, à tel point qu’on doute qu’il s’agisse de la réalité alors qu’on peut difficilement imaginer une supercherie d’Héctor Abad sur ce sujet, et où le lecteur visite divers bouquinistes (Argentine, France), rencontre plusieurs artistes (dont le poète et critique d’art Jean-Dominique Rey), et peut même entendre la voix d’outre-tombe d’un père qui parle de la voix d’un père décédé :
« Cela faisait presque vingt ans que je n’avais pas entendu la voix de mon père. Et puis voilà qu’un jour, grâce à la magie des bandes magnétiques et d’Internet, une pluvieuse après-midi de printemps à Berlin, je reçus comme de l’au-delà, comme d’outre-tombe, la voix de mon père récitant ce sonnet que quelques semaines après il allait recopier à la main et glisser dans sa poche. Il y a un passage d’un sonnet de Borges sur son propre père que je dois citer maintenant : "Le soir / Mouillé me ramène la voix, la voix désirée / De mon père, qui revient et qui n’est pas mort". Borges aspira maintes fois au miracle de réentendre, fût-ce l’espace d’un instant, la voix de son père. Retrouver cette voix serait, d’après lui, la plus haute négation de l’oubli. »
Au terme de cette recherche bibliophile illustrée de publications difficiles à trouver, le poème sera finalement authentifié comme un des derniers composés par Borges.
« Je n’aurais pas voulu que la vie m’offre cette histoire. Je n’aurais pas voulu que la mort m’offre cette histoire. Mais la vie et la mort m’ont offert, non, m’ont imposé, plutôt, l’histoire d’un poème trouvé dans la poche d’un homme assassiné et je n’ai pu faire autrement que de l’accepter. Maintenant je veux la raconter. C’est une histoire réelle, mais avec tant de coïncidences qu’elle semble inventée. Si elle n’avait pas été vraie, ç’aurait pu être une fable. Même en étant la vérité, c’est aussi une fable.
Si la vie est l’original, le souvenir est une copie de l’original et son écriture une copie du souvenir. Mais que reste-t-il de la vie quand on ne se la rappelle ni ne l’écrit ? Rien. Il y a de nombreux bouts de notre vie qui ne sont plus rien, pour la simple raison qu’on ne s’en souvient plus. Tout ce qu’on ne se rappelle pas a disparu à jamais. La vie a parfois la même consistance que les rêves qui, lorsque nous nous réveillons, se dissipent. Aussi devrait-on prendre pour certains épisodes de notre vie − comme nous le faisons parfois de certains rêves − la précaution de les noter, car sinon, ils s’oublient et partent en fumée. Shakespeare l’a dit mieux que personne, dans La Tempête : "Le grand globe lui-même avec tous ceux qui en ont la jouissance se dissoudra […] sans laisser derrière lui la moindre vapeur. Nous sommes faits de la même étoffe que les songes et notre petite vie, un somme la parachève." »
Héctor Abad insiste sur les petites erreurs de remémoration caractéristiques de la véracité des témoignages :
« Peut-être les variations de ce même récit, parce que je suis de plus en plus convaincu qu’une mémoire est seulement fiable quand elle est imparfaite, et qu’une approche de la vérité humaine précaire se construit seulement avec la somme des souvenirs imprécis et des différents oublis. »

« Comme disait Borges lui-même, et c’est un point disons névralgique de la mémoire, nous nous rappelons les choses non pas telles qu’elles se sont produites, mais telles que nous les référons dans notre dernier souvenir, dans notre ultime façon de les raconter. Le récit remplace la mémoire et devient une forme d’oubli. »

« Telle est la mémoire, superposant dans le même espace des souvenirs de temps différents. Ce n’est pas une erreur, c’est un détail d’un temps transporté à un autre moment. »
Une fausse route :
Brefs aperçus de la vie d’exilé colombien en Italie, avec humour, franchise, et même… érotisme.

Les ex-futurs :
Méditation où reviennent Borges et Palinure (et où apparaît Unamuno) :
« Je me demande si une bonne part de la littérature ne serait pas alors, en dernière instance, une façon d’affronter nos ex-futurs : ce que nous ne sommes pas, mais que nous aurions pu être ou avons pu être. »

« Le destin (génétique ou divin), le hasard ou la volonté. »

« Je crois que je choisis, selon les cartes que me distribue le hasard, en suivant un programme génétique (mon caractère) et culturel (mes expériences), par une décision apparente de la volonté qui, en réalité, n’est que la justification a posteriori de ce que n’a pas décidé non seulement ma tête, mais surtout mon intuition. En choisissant (choisir c’est écarter), pourtant, je vois passer les dépouilles des moi que j’aurais pu être, des moi qui étaient aussi réels et aussi probables que le moi que je suis. Je suis celui-ci, mais j’ai la ferme conviction que j’aurais pu être un autre, des autres. »
Et c’est dans ce texte qu’on trouve la signature de Topocl (que je remercie au passage pour cette belle découverte d'auteur) :
« Il y a plus de personnages dans la littérature que d’habitants en Chine. »

\Mots-clés : #autobiographie

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Message par Quasimodo Dim 7 Mar - 21:50

Ça a l'air passionnant, spécialement le premier texte. Merci pour le commentaire, il faudra que j'y vienne !
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Message par Tristram Dim 7 Mar - 22:00

Je pense, oui _ surtout dans la langue originale !

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Message par Bédoulène Lun 8 Mar - 16:01

c'est honnête de ta part Tristram de te reconnaître dans l'extrait ! famille - Héctor Abad Faciolince - Page 2 1978625423

je note en 2ème position

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