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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Thomas McGuane

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Message par Tristram Ven 25 Aoû - 21:07

Thomas McGuane

Né le 11 décembre 1939

relationdecouple - Thomas McGuane Mcguan10

La pêche à la mouche, la vie en plein air et l’amour des chevaux (trois fois champion de rodéo du Montana) sont à la base de son existence, en plus de l’écriture.

Plus:

Bibliographie (je l’ai faite moi-même, les éditeurs n’ayant pas toujours la décence de spécifier le genre, et/ ou la date de première édition)

Le Club de chasse, roman, 1969 – éd. Christian Bourgois, 1992 Page 1
Embuscade pour un piano, roman, 1971 – éd. Christian Bourgois, 1990, rééd. 2012
33° à l’ombre, roman, 1973 – éd. 10/18, 1999
Panama, roman autobiographique, 1978 – éd. Christian Bourgois, 1992
Outsider, récits autobiographiques, 1981 – éd. Christian Bourgois, 1996
L’Ange de personne, roman, 1981– éd. Christian Bourgois, 1997
In the Crazies: Book and Portfolio (1984, signed vary rare limited edition of 185), Winn Books
La Source chaude, roman, 1985 – éd. Christian Bourgois, 1994
Comment plumer un pigeon, nouvelles, 1986 – éd. Christian Bourgois, 1990
L’homme qui avait perdu son nom, roman, 1989 – éd. Christian Bourgois, 1990 Page 1
Rien que du ciel bleu, roman, 1992 – éd. Christian Bourgois, 1994 Page : 1
Best American Sports Writing, 1992 (articles)
Live Water (1996) (sur la pêche)
Some Horses (1999) (essais)
Upstream : Fly Fishing in the American Northwest (1999) (non-fiction)
The Longest Silence : A Life in Fishing (2000) Intempéries (Cherche-Midi, 2003) Le long silence (Gallmeister 2016) (récit autobiographique) Page 2
À la cadence de l’herbe, roman, 2002 – éd. Christian Bourgois, 2004 Page 1
Horses (2005) (essais)
En déroute, nouvelles, 2007– éd. Christian Bourgois, 2006
Sur les jantes, roman ‒ éd. Christian Bourgois, 2012 Page 1
La Fête des corbeaux, nouvelles ‒ éd. Christian Bourgois, 2015 Page 1

màj le 01 octobre 2023


Dernière édition par Tristram le Dim 1 Oct - 11:45, édité 6 fois

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Message par Tristram Ven 25 Aoû - 21:27

L’homme qui avait perdu son nom (Keep the change)

relationdecouple - Thomas McGuane L-homm10

Joe Starling ("étourneau") est originaire du Montana (état de faible densité démographique, mais prolifique en écrivains, notamment nature writers ‒ de Rick Bass, James Crumley, Richard Brautigan et Jim Harrison, continuateurs du pionnier Henry David Thoreau ‒ Walden ou la vie dans les bois).

Cow-boy sur le ranch de son père devenu banquier (et alcoolique), il l’a quitté pour réaliser son rêve de peinture, avec un certain succès. Mais il abandonne l'art, devient... illustrateur de notices d’appareils électroménagers ! à Key West, Floride (à l’autre bout des États-Unis, un peu comme l’auteur, dont les œuvres sont souvent teintées d’autobiographie). Subitement, il retraverse les US (beau road movie en voiture), et se lance dans la reprise en main du ranch dans le Far West (belle séquence d’approche d’un chien redevenu sauvage). Mais la suite de son histoire oscillante n’est pas là…

De longues séquences (pas toujours dans l’ordre chronologique) permettent de suivre ce déroulement, mais surtout, par une juxtaposition de touches disparates (paysages, dialogues, et même pensées du personnages principal), d’établir une atmosphère assez morose, de vacuité désabusée, un peu cynique, nostalgique, hésitante, dérangeante (un peu comme son humour).

Pareillement, les autres personnages (Ellen, son premier flirt, qui lui aurait donné une fille sans qu’il le sache, Astrid, son amour cubain, qui le rejoint au Montana, la tante Lureen et l’oncle Smitty, respectivement dépositaire et pochard dilapidateur du ranch), sont campés en peu de mots, mais saisissants de présence humaine, ni anges ni démons. De même, la vie en ville, artifice et consommation, et celle dans la nature, ne sont pas absolument détestables ou parfaites.

À la fois un peu perdu et attachant, Joe recherche son identité, partagé entre deux pôles. C’est le rêve américain typique, caricatural, mais questionné, avec quelque chose qui grince et n’est jamais explicité de façon tranchée (ce qui constitue peut-être le propre de la littérature _ et la justification de ses commentaires).

McGuane aborde notamment les thèmes de la propriété/ appropriation (de la nature), de l’alcoolisme, de la violence. Les extraits ci-dessous ont pour but de donner une idée de son style, qui se prête pourtant peu à la décortication citationnelle…

« Le temps tourna progressivement à l’orage ; le conflit entre l’hiver et le printemps engendra d’immenses cascades de lumières qui donnèrent à Joe l’impression de léviter chaque fois qu’il entrait dans de vastes zones d’ombre, ou qu’il les quittait. Les camions de la sécurité routière de l’État paraissaient embrasés d’une fabuleuse lumière jaune. Les messages brutaux des panneaux routiers se ruaient vers lui en un éclat sauvage. Sur les voies de chemin de fer, les cheminots étaient éclairés comme des acteurs sur une scène de Broadway. Une bourrasque surgit soudain de ce décor mouvant pour se dresser devant lui comme le roi mort dans un opéra. Un camion de ferme déglingué passa, un smoking accroché à la vitre arrière. Il y avait des tatous écrasés sur la chaussée. »

« Il passa près d’un petit bayou où un jeune homme en bermuda de surfer couvert de publicités pour des marques de bière surveillait un bouchon sur le miroir de l’eau. Ce spectacle anodin recelait à ses yeux un grand mystère. Il y eut un splendide paysage liquide près de la rivière Pascagoula, strié de courbes argentées visible jusqu’à très loin à travers les salicornes, tandis que la route le traversait en décrivant de larges virages bas. Il s’arrêta pour regarder des pêcheurs décharger des bateaux pleins de crabes. Il descendit à pied et s’assit sur un pilier brisé. Une femme tendait à un vieux pêcheur une pinte de whisky dans un sac en papier.
‒ Si tu me bats encore comme le week-end dernier, lui dit-elle, je t’achète plus d’ce machin-là. »

« Ici, le monde devenait une planète réelle, il n’était plus le simple appendice physique de la civilisation. »

« Quand on est jeune et qu’on croit vivre toujours, on pense volontiers que la vie n’a pas de sens. »

« Il regarda la prairie magnifique en se demandant si elle avait jamais appartenu à quelqu’un. »

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Message par Tristram Ven 25 Aoû - 21:35

À la cadence de l'herbe

relationdecouple - Thomas McGuane A_la_c10

@ Billiethefall : ce livre passionnera les amateurs de chevaux et de Grand Ouest, mais pas que…

C’est la saga d'une famille : Sunny Jim Whitelaw, propriétaire d’une usine, le patriarche qui a toujours tenu les siens d'une main de fer et qui, venant de mourir, a trouvé le moyen de les maintenir sous sa coupe après sa mort ; Alice, sa femme, qu’il a écrasée comme leurs deux filles, Evelyn et Natalie, ainsi que les deux beaux-fils : Paul, le prédateur plein de charme en qui Jim a reconnu un congénère sans en être dupe, et le modeste, gentil Stuart, perpétuellement brimé tant par son beau-père et employeur que par sa femme Natalie, artificielle et instable, aussi amante de Paul. Et Bill Champion, taiseux cow-boy d'un autre âge, qui s’échine sur un ranch non loin (et presque aussi peu rentable que l’usine, le tout appartenant à un monde condamné), et qui excelle avec chevaux et bovins. Evelyn y passe beaucoup de temps, et le vieux Bill, plus proche de la famille qu’on le croirait, compose avec elle le cœur du roman, en contrepoint du défunt omniprésent et de l’ambitieux Paul.
Le nœud de l'imbroglio, c’est le testament qui lie la disposition de l’héritage ‒ l’affaire familiale, dont la direction est remise à Paul ‒ à la vie en couple de ce dernier avec Evelyn, qui a divorcé dans un effort d’échapper à sa funeste fascination.
La narration de l’intrigue, juxtaposition calculée de séquences sans grand respect de la durée ou du déroulement chronologique des événements, fait monter crescendo l’intérêt du lecteur, d’un aspect, d’une révélation à l’autre (telle la stupéfiante péripétie de la transplantation de rein).
Mais c’est aussi l’observation incisive du monde âpre de ces Américains des grandes plaines sous les contreforts du Montana, laminés par l’évolution économique.
Irrésistibles épisodes du bar avec son chanteur à la manque, du drag queen champêtre bloqué par la neige avec ses parents et s’apprêtant à incinérer le grand-père…

Evelyn au bar :
« Elle regarda son jeune cavalier et se demanda s’il savait déjà qu’aucun remède contre la solitude ne marche, que c’était une sorte de maladie chronique et que tout ce qu’on utilisait comme produit anesthésique se retournait contre vous. »

Jim et Paul :
« Ils avaient en commun une absence totale de sens de l’humour et la conviction que les masses étaient handicapées par leur besoin de ne voir que ce qu’elles voulaient voir. »

Jim :
« Les gens sourient pour inciter les autres à tomber d’accord avec eux. C’est minable. S’ils avaient le moindre cran ou un peu d’autorité, ils s’en ficheraient. »

Bill :
« …] sentir inexorablement qu’il marchait à contretemps, et qu’il vivait dans un pays trop content de le voir se tuer à un métier qui n’existait sans doute déjà plus. »

Stuart préparant son divorce :
« ‒ Je voulais avoir un bébé mais toi tu te demandais quel ait tu aurais en maillot de bain. À la limite, ça pourrait se comprendre, mais tu ne voulais jamais aller nager. Natalie, quand je me serai débarrassé de toi, je vais adopter toute une portée de petits Bulgares, là-bas on te laisse en prendre autant que tu en veux, et je vais les élever et leur payer des études avec ton argent. »

Alice :
« Votre père avait une santé fragile. Il ne faisait pas de sport, et il avait mangé toute sa vie ces énormes steaks persillés de Kansas City. Il m’a avoué un jour avoir mangé plus de bœufs que n’en montre la grande scène de la ruée des bêtes dans La Rivière rouge de John Waine, mais il savait qu’il avait atteint l’âge où il ne pourrait pas dévorer un second troupeau de cette taille. C’était sa façon à lui de se sentir mortel. »
L'intrigue de ce roman rappelle celles de Jim Harrison, ami de l’auteur, et même certaines de Faulkner. Une lecture qui plaira(it) à beaucoup !
Le superbe titre condense le tempo sans précipitation de la nature, et du temps qui s’en va.


mots-clés : #famille #nature

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Message par Bédoulène Sam 26 Aoû - 8:34

merci Tristram !

bien tentant ! et oui un titre qui retient l'attention plus ton commentaire !

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Message par topocl Sam 26 Aoû - 8:36

Igor m'avait conseillé Sur les jantes, mais il reste à lire... relationdecouple - Thomas McGuane 2441072346

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Message par Invité Sam 26 Aoû - 20:29

merci pour tes com' et le fil Tristram ! (je vais lire ça, et voir si je me laisse tenter par cet auteur !)

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Message par Tristram Sam 14 Avr - 13:51

Le Club de chasse

relationdecouple - Thomas McGuane Club-d10

Le club appartient par succession aux descendants de ses fondateurs, la haute société locale, les nantis de Détroit. Dans ce vaste domaine préservé depuis cent ans à la fin des années 60, les membres s'apprêtent à déterrer le message enfouit lors de sa création. Héritiers de la réussite américaine, piètres aristocrates, ils vont sombrer dans un anéantissement chaotique de leurs valeurs :
« La fin, c’est la fin. Terminé. L’extinction, comme pour les dinosaures, les chapeaux haut de forme, les grands él…
‒ Prouve-le, hé connard ! couina l’épouse d’un ancien secrétaire à la Défense.
‒ … la perruche de Caroline, le milan des Everglades, le pic-vert à bec d’ivoire, le narval. Mes enfants, l’expérience est ratée. »
On retrouve ce "vertige de la liste" dont parle Umberto Eco (et qui m’intéresse beaucoup) :
« Il y aurait un bingo avec un présentateur professionnel et des jetons de bingo personnalisés (aux initiales des employés) ; un goût qualifié d’extraordinairement judicieux présida au choix des prix : silencieux "Hollywood" pour voitures, bavettes garde-boue en caoutchouc blanc avec cataphotes intégrés, dindes, chapeaux mous, matériels de barbecue, flamants roses en béton pour jardins, plateaux-télé, chiens en plastique à installer sur la lunette arrière de votre voiture et qui clignent de l’œil gauche ou droit en synchronisme avec votre clignotant, ensembles d’arc-et-flèches mohawk, coiffes de grands chefs pontiacs, sets de table paillards, portes de douche en verre dépoli avec cerfs bondissants gravés à la sableuse, et d’innombrables autres accessoires liés à l’automobile, à la télévision, aux distractions enfantines et aux allusions érotiques. »

« Je me suis lancé dans diverses imitations. J’ai porté des chapeaux rigolos — j’en avais un décoré de fenêtres, de nids d’oiseaux, de cartes routières et de visite, de menus, de ressorts de montre, de soucis d’eau, de nids de guêpe sphériques en papier, de squelettes articulés, d’os de chat, de petits chevaux en caoutchouc, de photos de puits de mine et de gratte-ciel. »
Métaphores incongrues, à la limite du surréalisme :
« Il regarda autour de lui la chambre qui semblait aussi neuve qu’une source récemment curée. »
Dans ce premier roman (peut-être pas la meilleure porte pour entrer dans l'oeuvre de McGuane) qui aborde plusieurs thèmes, reste centrale la démesure de Vernon Stanton, avec son ascendant sur James Quinn, son ami d’enfance, et Janey, sa compagne ; des blagues potaches irresponsables au glissement vers l’excès et la folie, il est à la fois l’agent et la mise en abyme du naufrage du club lui-même.

Difficile de cerner ce qui me séduit dans les livres de McGuane ; subliminal ? plutôt dû à la place qu’il laisse aux lecteurs pour structurer, instrumentaliser, interpréter ce qu’il couche sur le papier ? Je les apprécie sans pouvoir vraiment me l’expliquer… Un certain détachement, peut-être. Et maintenant qu’une certaine littérature (déconstructive) déploie des symboles qui ne désignent rien, pourquoi pas une parabole sans morale ? C’est au moins une histoire captivante, pleine d’épisodes, à la fois d’un décousu charmant et d’une certaine unité de composition. C’est une jubilation de la narration dans un remous de rivière qui disperse et canalise tour à tour. Aussi un piège à critiques, où peu semblent être tombés…
A ce propos, beaucoup de choses m’ont échappé, sans que ce soit dû à la traduction : allusions, sous-entendus, ellipses, références proprement américaines.

Pour les éventuels amateurs/ connaisseurs, McGuane rend admirablement l’expérience du pécheur de truite à la mouche ; pour les autres, il donne une idée de cette sorte de communion avec une rivière (ici la Père Marquette, Nord-Michigan), de sa fascination ‒ et de ses risques :
« Il se rappela que les longues heures passées à fixer le ruban soyeux et changeant de la rivière le laissaient souvent hébété pendant vingt-quatre heures. Il se demanda si cela expliquait les noyades que l’on déplorait à chaque saison, ces pêcheurs que l’on retrouvait coincés sous des ponts ou parmi un amas de branchages et qu’il fallait ramener vers la berge avec une gaffe ; ou ceux qui disparaissaient tout simplement sur un plan d’eau étale, puis tourbillonnaient pendant un jour ou deux avant de couler. Pareilles considérations le tenaillaient lorsqu’il pêchait de nuit. Il suffisait parfois d’une simple perte d’équilibre, de l’aboiement de chiens sauvages poursuivant un chevreuil ou du sifflet du train de Père Marquette ; Quinn sortait alors de la rivière avec une sainte trouille avant de remonter les pentes herbeuses ventre à terre vers sa maison. »

« Pour Olson, chasser et pêcher constituaient des formes d’économie rurale parce qu’ainsi il garantissait personnellement la vie de la campagne. Quand les membres du club sortaient des bois par hordes entières, avec leurs fusils et leurs chiens de luxe, mais les mains vides, et qu’ils découvraient Olson, sa saleté d’épagneul springer couché à ses pieds, en train de retourner au-dessus d’un petit lit de braises un couple de grouses tirées facilement, ou lorsqu’ils le trouvaient avec un plein panier de truites gavées d’insectes et qu’il leur fallait cacher la truite d’élevage longue de quinze centimètres et couleur de boue, qui ressemblait davantage à un cigare bon marché qu’à un poisson, et qu’ils avaient failli bousiller leur canne à pêche à deux cents dollars pour cette prise dérisoire ; quand tout cela arrivait, ils avaient envie de convoquer sur-le-champ la réunion annuelle pour dire à cette fripouille de décamper de la propriété avant qu’ils appellent les flics. Alors ils se rappelaient que c’était lui le gérant et tout se compliquait sans que leur rancœur diminuât pour autant. »
L’humour est omniprésent, souvent en filigrane, comme dans ce finale d’un pique-nique d’entreprise :
« Un cabriolet Chevrolet vert sans conducteur arriva à vitesse modérée, semant la panique parmi les invités qui retiraient les enfants sur la trajectoire probable du véhicule fou. Il arrivait, majestueux et astiqué à la cire de palmier brésilien, avec son capot arrondi, original et flambant neuf, sa jupe bullée, ses vitres teintées en bleu, son chérubin gigotant dans l’intérieur vide couleur azur et le grondement auguste des pots d’échappement jumelés ; vira lentement, évita miraculeusement la mare aux canards et, obstiné, s’arrêta net contre un orme étêté. Tout le monde courait maintenant. Quinn aussi courut, vers la voiture aboutée au tronc, ses roues arrière barattant la terre du champ de foire. Quinn ouvrit la portière côté conducteur pour couper le contact et son gardien d’usine roula à terre, tout bleu et les veines saillantes, plongé dans son coma diabétique, tandis qu’un cri minuscule et lointain jaillissait derrière les mâchoires contractées, la poitrine gonflant les palmiers de Miami imprimés sur sa chemise fantaisie. Quelqu’un se faufila près de Quinn pour tâcher de desserrer les mâchoires d’une main experte, y glissant enfin le goulot d’une bouteille de Pepsi-Cola, dont le verre tinta contre les dents, puis entreprit d’en verser le contenu pendant que son autre main libérait la langue dudit gardien. Pour les autres invités, ce fut la goutte de Coca qui fit déborder le vase et ils se préparèrent au départ. Agenouillé près de son gardien, Quinn vit ses yeux émerger du nœud des veines tandis que le Pepsi lui dégoulinait dans le cou et sur sa chemise fantaisie, il vit son regard brusquement envahi par la lucidité, par la conscience de la débâcle générale, puis par la honte. »

Je propose lieu, et social

mots-clés : #lieu #social

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Message par Armor Sam 14 Avr - 17:02

Si tu aimes les descriptions de pêche, je te conseille trois polars parmi les meilleurs que j'ai lu : Dérive sanglante, Casco Bay et Dark tiger, de William G. Tapply.
Franchement, je n'aurais jamais pensé que des paragraphes sur la pêche à la mouche auraient pu m'intéresser, et pourtant, j'ai dévoré les trois opus...

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Message par Tristram Sam 14 Avr - 17:32

Merci Armor, je connais sans être un passionné, mais c'est vrai que fleuves et rivières me fascinent _ ce qui n'est pas original ! Je repense au fleuve dans L'ancêtre, de Saer, ou dans Giono (c'est lui qui a dit qu'un fleuve et un personnage) ; là, on est plutôt sur une rivière, ce qu'on appelle une crique ici, et c'est toujours littéralement enchanteur... Et la pêche est souvent le prétexte pour y séjourner !

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Message par Tristram Mar 9 Avr - 1:33

Sur les jantes
(Et sur la recommandation d’une recommandation à Topocl…)

(calandre chromée d'une bagnole rouge style Animal ; sigle en forme de triscèle bancal en bas à droite)
relationdecouple - Thomas McGuane Bm_cvt12


Berl Pickett narre son histoire, d’une enfance pauvre ‒ fils unique d’un vétéran de la Seconde Guerre mondiale vivant dans ses souvenirs et d’une extatique Pentecôtiste « enragée de religion » ‒ à son métier de médecin.
Petite ville du Montana, chevaux, pêche et chasse, des femmes aussi, peu d’intrigue, c’est une variante de la même histoire chez Thomas McGuane ‒ eh bien non, dès le chapitre 6, surgit un épisode marquant : le Dr Pickett rencontre de manière fort étrange une jeune fille qui deviendra sa patiente, une femme battue que tue son mari ‒ qu’il encourage à se suicider…
Il y a profusion de pittoresques personnages secondaires ‒ souvent des éclopés de l’existence, touchants ou rebutants, mais toujours vivants ‒, rendus de quelques traits caractéristiques, sans doute pas totalement imaginaires.
Les interludes dans la nature, aussi densément et vivement représentés, constituent autant de pauses appréciables dans la noirceur des relations humaines. Ainsi, chapitre 8 : parti seul en expédition de pêche, l’hélicoptère prévu ne revient pas le chercher ; tous les vols ont été suspendus, suite à l’attentat du 11 novembre, et on mesure singulièrement la violence du choc qui a changé les USA.
J’ai retrouvé le même plaisir à lire McGuane dans ce livre de près de 500 pages, publié en 2010 pour les 70 ans de l’auteur ; j’ai retrouvé le même humour efficace, le goût des références littéraires appropriées, son style particulier (qui partage cependant certaines caractéristiques avec d’autres écrivains, comme Jim Harrison). Allers-retours dans le déroulement temporel, un certain décousu dans l’énoncé, il y a une forme de raccourci dans l’écriture de McGuane, allant brièvement à l’essentiel sans négliger des apartés ; en fait, il semble qu’il n’y ait qu’apartés, ces sortes de digressions où l’essentiel se tiendrait.
Le personnage central du médecin est très fouillé, et ouvre de nombreuses perspectives pour observer et commenter le mode de vie états-unien (et plus largement occidental) ; il permet notamment une prise de position contre l’acharnement médical, et un constat de la déshumanisation de l’accueil hospitalier et des méfaits de la gestion administrative en milieu médical. D’autant que Berl, il est vrai clinicien au profil atypique, est accusé d’avoir plus ou moins achevé une ancienne amante suicidaire ‒ ce qui l’empêche, au moins momentanément, de « se rendre utile ».
« J’étais très attiré par l’idée de demeurer quelqu’un d’ordinaire. Si j’avais la chance de me fondre dans la masse, je voulais la saisir. »

« À l’époque, tout me ramenait aux filles, même les tomates, les poulets, les parcmètres, voire, dans les périodes les plus désespérées, mes propres chaussures. »

« Plus tard, l’amour de la chasse nous unit, ce qui était autrefois la façon traditionnelle pour un garçon de rencontrer la nature, et le conduisait souvent à la science, la préservation de l’environnement, la curiosité et l’amour de la terre. »

« Il me conduisit à la bibliothèque pour me faire délivrer une carte, ce qui revêtit une importance capitale, mais ma mère s’empressa de me la confisquer.
"Et que je ne te reprenne pas dans ce lieu de perdition, misérable !" me dit-elle. Le Dr Olsson se dépêcha de m’en fournir une autre, je menai bientôt une vie secrète à la bibliothèque, ce qui rendit pour toujours l’approche des livres synonyme pour moi d’intense excitation. »
La lecture de ce livre de belle apparence, édité et imprimé en 2012, rappelle malencontreusement ces rêves où l’on progresse dans un édifice qui s’effondre au fur et à mesure : les pages se détachaient comme j’avançais dans l’ouvrage, et une sourde angoisse m’étreignait, la crainte qu’il s’éparpillât en désordre avant que je l’aie entièrement parcouru. J’exagère un peu, mais ce scénario accablant nous est trop souvent offert (ici, pour 23 €) : on ne demande pas l’espérance de vie d’un incunable pour un livre de poche, mais souhaiter en achever la lecture avant qu’il ne s’autodétruise est-il abusif ?


Mots-clés : #ruralité

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Message par topocl Mar 9 Avr - 7:40

Il a l'air de bien te plaire, ce McGuane, tu y reviens?

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Message par Bédoulène Mar 9 Avr - 10:28

merci Tristram, ton commentaire m'interroge et ce McGuane, A la cadence de l'herbe pourrait me plaire !

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par Tristram Mar 9 Avr - 12:27

Bon souvenir de À la cadence de l’herbe.
« Il ne semble pas y avoir une grande différence entre avoir toute la vie devant soi ou en n’avoir plus qu’une petite partie. La quantité d’espoir est la même. »
Thomas McGuane, « À la cadence de l’herbe. »
Oui, McGuane est un auteur que j'apprécie particulièrement parmi ceux d'outre-Atlantique !

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Mar 9 Avr - 14:05

pas du tout d'accord du coup sur cette phrase, à cause de mon âge certainement ! Smile mais je vais tout de même faire sa connaissance dans un certain temps !

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Message par Tristram Lun 2 Aoû - 15:21

Rien que du ciel bleu

relationdecouple - Thomas McGuane Rien_q10

Frank Copenhaver est quitté par sa femme Gracie. Ancien hippie, comme ses amis de l’époque il est devenu un homme d’affaires qui a réussi (comme son père…). Le roman narre les conséquences de cette séparation : sa lente dégringolade, ses (tentatives de) reprises en main et « renouvellement de ses valeurs fondamentales ».
« Peu désireux de façonner le monde, il préférait la quête de la chatte et des états modifiés de la conscience, car c’était un digne membre d’une génération désœuvrée, vouée à la fuite des responsabilités et à la fornication inconséquente, vouée à l’idéal du Rapport Humain Complet et aux chaussures tout-terrain qui ne mentent pas à vos pieds. »
Quelques rencontres féminines et aventures sexuelles douteuses...
« Et puis je vais te dire une bonne chose : dans ton cas, l’absence ne nourrit pas l’amour. Dès qu’une femme s’éloigne de toi, même pour un temps très bref, cette femme se pose une excellente question : mais comment, comment ai-je pu faire une bêtise pareille ? »

« Elle remonta sa robe au-dessus de ses hanches et pointa le doigt vers le triangle en soie blanche de sa culotte. Ça aussi, c’est fini ! s’écria-t-elle avant de sortir en claquant la porte. »
… une cascade d’hilarantes péripéties, et une certaine animadversion réciproque des cow-boys :
« Je me demande si leur mère leur attache des poids au coin de la bouche, dit Phil. Tu sais, comme font les Watusis à leurs oreilles et à leurs lèvres. Je parie que c’est le cas : la maman rancher accroche des poids à la commissure des lèvres du bébé. Ensuite, le petit gamin porte un petit chapeau de cow-boy, des petites bottes avec des petits éperons, et des poids au coin de la bouche. Ensuite, on offre un petit lasso au petit merdaillon et on colle une paire de cornes sur une botte de foin. Le plus souvent, ce petit merdeux s’appelle Boyd ; dix ou vingt ans plus tard, Boyd se bourre la gueule, il tabasse les vaches à coups de fouet, sa copine à coups de poing, et il fume ses clopes devant la téloche. »
Son malaise existentiel, l’absence de sens de sa vie absurde, est généralement rendu par petites touches indirectes.
« Il comprit soudain que son désir compulsif de regarder les gens vaquer à leurs occupations, de les observer derrière leurs fenêtres comme s’ils se trouvaient dans un laboratoire, s’expliquait par l’inconsistance de sa propre vie. S’il fallait qualifier son existence, elle lui semblait mince. Elle avait un air de faux-semblant. Il devina que tout le monde vivait dans une atmosphère de perpétuels ajournements. »
Tout au long du roman, une attention particulière est apportée au ciel et aux nuages.
La devise de Frank est :
« La Terre était plate, chacun à son heure passait par-dessus bord. »
Il y a une aimable critique de l’american way of life (y compris de la « bouffe répugnante » du McDonald) :
« Merveilleux quartiers résidentiels ! Splendides rues tracées au cordeau, délicieuse rivalité des pelouses ! Ils étaient aussi parfaits que ces organismes agglutinés pour former un récif corallien. Frank déambulait à travers les rectangles réjouissants d’Antelope Heights, savourant les mariages de couleurs, l’ordre impeccable des voitures en stationnement, la forte personnalité des boîtes à lettres − certaines juchées sur des roues de chariot, d’autres en fibre de verre, avec des faisans multicolores moulés dans les parois (un chasseur vit sans doute ici !), certaines n’attendant que des lettres, d’autres conçues pour accueillir d’énormes paquets. »
On est dans le Montana, et bien sûr il y a pas mal de pêche à la truite :
« À la courbe de la rivière, on aurait dit que les iris sauvages allaient basculer dans l’eau. L’étroite bande de boue où poussaient les laîches portait de nombreuses traces de rats musqués et sur cette même bande se dressait un héron bleu parfaitement immobile, la tête renversée comme un chien de fusil. Ses pattes fléchirent légèrement, il croassa et s’envola avec une lenteur merveilleuse et un faible sifflement des rémiges, disparaissant enfin au-dessus du mur des herbes, comme aspiré dans leur masse verte. »
De nouveau donc ce mélange de rire et de mélancolie, si caractéristique de McGuane − qui peine à trouver son lectorat sur le forum ?

\Mots-clés : #contemporain #relationdecouple #relationenfantparent #xxesiecle

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Message par bix_229 Lun 2 Aoû - 15:36

Il s'est beaucoup stantardisé au fil des livres, McGuane.
Rançon du succès ? Obligation alimentaire ?
Dommage ! C'est un peu le problème de la plupart des écrivains américains, je trouve.
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Message par Tristram Lun 2 Aoû - 15:47

J'ai plutôt l'impression qu'il a gardé sa voix propre _ certes dans des livres plus ou moins réussis _, et même s'il a évolué.

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Message par Tristram Ven 3 Juin - 17:21

La fête des Corbeaux


relationdecouple - Thomas McGuane La_fzo11

Recueil de dix-sept nouvelles :

Un problème de poids
La maison au bord de Sand Creek
Ma grand-mère et moi
Les enjoliveurs
Sur une route en terre
Une vue dégagée vers l’ouest
Le ragoût
Un bon filon
Un vieil homme qui aimait pêcher
Une fille de la prairie
Le bon Samaritain
Les étoiles
Le shaman
Partie de pêche à Canyon Ferry
Camping sauvage
Une histoire lacustre
La fête des Corbeaux


Tranches de vie dans des ranches du Montana, mais aussi à la ville (et bien sûr pêche à la truite), qui tournent autour de rapports humains toxiques ou empreints de faiblesse, de l’enfance à la vieillesse. Perce aussi, souvent, une satire de la culture états-unienne contemporaine (l’argent, les banques), mais également des références à la nature.
J’ai particulièrement apprécié la première nouvelle, Un problème de poids (où le fils d’une « famille dysfonctionnelle » rejette l’idée d’une vie de couple), Les enjoliveurs (ou l’enfance morose d’Owen), Les étoiles (démêlés de Jessica avec les humains), Camping sauvage (deux vieux amis s’affrontent sourdement à propos d’une infidélité conjugale tandis qu’ils campent avec un guide assez instable) et la dernière, l’éponyme (deux frères ont placé leur mère veuve atteinte de démence sénile en maison de retraite, et elle évoque un amant Crow…)
« Il avait sombré dans la dépression, découvrant qu’il n’est pas de maladie plus brutale, plus profonde, plus implacable, et qui fait une ennemie de la conscience elle-même. »
Le bon Samaritain

« De même que les géologues s’émancipent dans le temps, pensa-t-elle, les astronomes s’affranchissent grâce à l’espace. »
Les étoiles

« La chienne, qui avait mordu son maître la première fois qu’elle l’avait vu soûl, le regardait désormais avec un détachement similaire à celui d’Owen. »
Les enjoliveurs

« Je ne vois pas bien ce que les écolos trouvent à tous ces arbres, dit Jack.
− La nature nous hait. On sera sacrément vernis de quitter ce trou et de retrouver la civilisation. »

« Mon père était boucher et moi, je suis chirurgien, dit Tony. Je suis sûr que tu as entendu pas mal de plaisanteries là-dessus en ville.
− Oui, en effet.
− Le plus bizarre, c’est que je ne voulais pas être chirurgien, mais boucher. L’accession classique de la seconde génération à un genre de stratosphère où on ne se sentira jamais à sa place. Où on ne sait jamais vraiment où l’on en est. »

« Il lui apparaissait que la nature et la vie étaient exactement pareilles, mais il n’arrivait à formuler la chose. »
Camping sauvage

\Mots-clés : #humour #Nouvelle #viequotidienne #xxesiecle

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Message par Pinky Dim 20 Nov - 16:48

Sur les jantes

Je m'aperçois que j'avais relevé des extraits de ce livre que j'avais apprécié, extraits que je n'avais pas postés (en tous cas selon moi...)


B se retrouve seul, l’hélicoptère qui devait venir le rechercher n’arrive jamais. Il finit pas marcher et par rencontrer des Indiens.

« Il me dit que plus rien ne décollait, et en voyant que je ne semblais pas comprendre, il répéta que plus rien ne décollait nulle part, ni ici, ni d’aucun endroit au monde. Je ne pense pas qu’il ait saisi, du moins au début, que je ne savais rien des attentats de New York. Je croyais être en présence d’un charabia aborigène visant à m’expliquer qu’en ce bas monde, rien ne volait, que nous étions tous collés à la terre, et que l’idée même de décoller était une illusion. Je poursuivais dans cette impasse quand il m’expliqua patiemment ce qui venait d’arriver. »

« Quand on irradie une ville comme nous l’avons fait à Nagasaki, elle ne redevient jamais exactement ce qu’elle était, tout comme une exploitation ruinée, dont les propriétaires ont pu partir vers de nouvelles aventures – à l’inverse des piétons de cette cité d’Asie qui avaient sans doute fondu sur place. Il me fallait faire face aux changements de ce monde et comprendre que nous sommes mal préparés à comprendre quelques-unes des évolutions les plus récentes. La catastrophe de New-York qui m’attendait à mon retour de cette expédition de pêche était précisément un de ces événements pour toujours notre vision de l’univers. »
                                                                                               
«  Pour soigner comme il faut, on doit vraiment voir le patient en face et si possible le toucher dans les limites de la bienséance. Pas question de rester planté derrière un comptoir comme si vous vendiez des tickets à un stand de tir. Chaque patient mesurait inconsciemment cette distance et évaluait vos suggestions à l’aune de votre proximité, et soit on obtenait des résultats, soit on n’en obtenait pas. »

«  Une femme fendit la foule et me demanda anxieusement où étaient mes chaussures. A côté du joueur de basse, un vieil homme à barbe blanche et doté d’une énorme bedaine se balançait en agitant les bras de droite à gauche. Cette assemblée n’avait rien de menaçant, et plus j’avançais dans les rangs, moins j’éprouvais d’inquiétude, mieux je me sentais. Si l’on se rappelle que j’avais quitté mon lit dans un état d’angoisse insupportable, c’était un soulagement de me retrouver au beau milieu d’un groupe de gens si exaltés que les yeux de la moitié d’entre eux roulaient dans leurs orbites. Certains étaient manifestement en proie à l’extase du rire divin. Ma mère s’y était parfois laissé aller à la maison, et là, de voir d’autres personnes faire la même chose semblait l’innocenter d’une façon que je jugeais purificatrice. »

« Je me rappelle un jeune homme, un cow-boy au visage poupin et à la voix de baryton, l’air vaguement arrogant, père du bébé de trois de mes patientes. Il est possible que j’ai été moins diplomate avec lui que de coutume, mais je n’ai jamais oublié sa réaction : « Moi, je saute que celles qui demandent à être sautées ! » Cette phrase m’avait coupé le sifflet »

« Napoléon disait que seule la religion empêchait les pauvres de tuer les riches. C’est sans doute le fondement de toute communauté humaine. Les églises sont les véritables commissariats, ce sont elles qui garantissent le respect de la loi et de l’ordre public »

« Mon confrère Gary Haack […] me confia un jour que s’il passait dix ans à soigner les victimes de la bombe atomique, ce ne serait jamais qu’un moyen pour lui d’aller plus souvent skier ou faire des ascensions en ballon dirigeable. Je ne sais pourquoi mais tout le monde pensait que le ce côté pragmatique conférait au Dr Haack une sorte d’authenticité. A l’évidence, l’image d’Epinal du bon médecin, avec son pince-nez et son stéthoscope pendu au cou, un épagneul inquiet allongé sur un tapis au coin du feu, avait fait son temps. »

« Quand je lui demandai ce qui lui avait donné l’idée de dévaliser une station-service, il me répondit avec une sincérité touchante ! : » on n’a qu’une jeunesse. » Je suppose qu’il me fallait me contenter de cette réponse mais c’est resté pour moi un mystère. »

« En prenant tellement soin de la tombe de mes parents, j’avais commencé à élargir mon territoire. Je ne pense pas avoir moi-même la conscience de ce que j’étais en train de faire tandis que j’allais de monticule en monticule […] J’aimais voir les gens marcher si lentement On aurait dit un gracieux ballet : rien que quelques visiteurs qui se faufilaient sans bruit entre les arbres comme des cerfs. Je m’aperçus que j’étais content d’être là, et qu’il y avait d’autres tombes que celles de mes morts pour enrichir cette expérience. »
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Message par Pinky Mar 26 Sep - 10:29

Rien que du ciel  bleu


relationdecouple - Thomas McGuane 97822610

Frank Copenhaver, la quarantaine, est quitté par Gracie, son épouse. Après avoir construit une solide fortune, l’ancien hippie reconverti en homme d'affaire, perd peu à peu les pédales. Laissant aller à vau l'eau, son entreprise, il prend plaisir à aller pêcher la truite avec son ami Phil ou sa fille Holly, étudiante, experte en fabrication de mouches.
"Franck remarqua la longueur de l'ombre de Phil sur la terre lorsqu'il marcha vers lui. Des nuages de phalènes s'élevèrent au-dessus de la prairie, des faucons de nuit se mirent à strier la lumière violette. La journée de pêche touchait à sa fin. Ils démontèrent leur équipement puis partirent en voiture sur la route déserte, vers leur foyer.
- C'était bien, dit Franck
- Et comment.
- Chaque fois que je pêche, je ne pense à rien d'autre. Je pense seulement à attraper un poisson, point final. »  
                                                                                 
Nous sommes bien au  Montana avec ses cowboys mal dégrossis ou virant franchement au populisme avant Trump. Un concours d'animaux d'élevage, en particulier de cochons, vire au rodéo rocambolesque pour le malheureux Frank.
"Il pivota sur ses talons et donna un violent coup de bâton au cochon. C'était une erreur. La brute poussa un couinement strident et plongea entre les jambes de Franck. Lequel se retrouva assis à califourchon sur le cochon. Les yeux rivés au visage fielleux mais aussi stupéfié du juge, après quoi l'animal se lança dans un galop effréné, inconfortable, autour de l'arène, avec Franck sur son dos, semant la panique parmi les autres cochons et les maîtres qui essayaient de les retenir. Franck faisait l'impossible pour rester sur la bête dans l'espoir  qu'elle s'arrêterait bientôt, mais chaque fois que le cochon lançait un coup d'œil derrière lui et voyait l'homme juché sur son dos, il avait un sursaut d'énergie et repartait dans une galopade sauvage et couinante."

Cours du bétail, gestion du ranch familial et vie provinciale dans cette petite ville américaine, amours de passage ou expériences sans suite avec Lucy, l’amie de Gracie, rien n'empêche Franck de dériver lentement, regardant de loin s'accumuler dettes et courrier de mise en demeure.
"Lundi matin dans l'Ouest américain. J.P.Morgan, affolait le marché des valeurs en augmentant les souscriptions. Me voilà de nouveau heureux, pensa Franck. L'homme est un loup pour l'homme. Les actions montent, les obligations s'envolent. Wall Street pulvérise tous ses records historiques pour la troisième séance consécutive. Des investisseurs nerveux cherchent des valeurs à fort revenu. John Deere licencie. United Technologies annonce des pertes pour ce trimestre, à  cause de ses frais de restructuration. Pas un mot sur les poulets.
Dans l'espoir que la synergie existait dans l'échec. Franck avait invité Orville Conway, de Wilsall, Montana, pour un entretien dans son bureau.Pendant le week-end, entre deux accès de morosité en peignoir, il avait lu que le neuvième éleveur de poulet du Montana était au bord de la faillite. Franck pensa qu'il s'agissait peut-être de la synergie manquante dont il rêvait pour son vieil hôtel."

Ce contexte des affaires qui avaient tant réussi à Franck est aussi celui d'une montée d'un populisme anti écologiste incarné par Lane, le nouveau compagnon de Holly qui a l'âge de ses parents. Sa conférence axée sur l'éradication de la dernière meute de loups et sur les mesures visant à empêcher l'eau de quitter le Montana défend une utilisation claire du recours aux armes :
"- Rendons les choses bien simples pour ces fils de pute : nous sommes les bons, eux sont les mauvais !
- Ouais !
- Je vais vous dire une bonne chose. Les belles eaux fraiches de l'Ouest coulent de ses blessures. A l'heure où je vous parle, elles quittent le Montana. Que ne donnerais-je pas pour endiguer le plus petit ruisselet, l'infime cours d'eau au-dessus duquel un enfant saute aisément. Si vous avez la malchance de rencontrer quelqu'un qui veut que ces rivières coulent ailleurs...- ici, Lane marqua un silence plein de suspense - "flanquez-lui une balle dans le ventre à la frontière."
Un rugissement jaillit de la foule.Holly martela quelques accords sonores sur son clavier.
- Une balle dans le ventre à la frontière !
Nouveau rugissement dans la foule, nouveau hurlement du piano.
- Une balle dans le ventre à la frontière !

McGuane campe des hommes un peu perdus comme Phil et Franck face à des femmes qui semblent plus solides ou plutôt sachant davantage où elles vont comme Gracie, Lucy son amie, June avec son franc parler ou Holly qui voudrait réconcilier ses parents.

Sous la douche, Franck pensa à cet adage ridicule auquel il avait toujours cru : si l'on perdait un clou, la chaussure était perdue, puis le cheval puis la bataille et ainsi de suite selon une avalanche de catastrophe successives. Il acceptait cela comme l'aborigène accepte les avions, comme les pauvres acceptent les républicains. Il savait qu'il s'agissait d'un processus mental utile qui s'interromprait en même temps que l'eau chaude. Comme le cumulus ne contenait que cent vingt litres, les capacités de Franck pour une méditation fructueuse étaient limitées."

Je dirais un "livre de mec" mais qui n'est jamais machiste et un portrait mélancolique et satirique d'un Montana mi rêvé, mi prémonitoire. J'ai apprécié le voyage. Mais si Tristram, il y a des lecteurs ou plutôt une lectrice de McGuane sur le forum.
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