Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Le Deal du moment :
Xiaomi Mi Smart Camera 2K Standard Edition (design ...
Voir le deal
11.39 €

Anatole France

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Anatole France

Message par ArenSor Mar 26 Déc - 16:05

Anatole France
16 avril 1844 à Paris - 12 octobre 1924 à Saint-Cyr-sur-Loire

Justice - Anatole France Anatol10

François-Anatole Thibault, dit Anatole France, est un nouvelliste, critique et romancier français.

Fils d'un libraire qui compte parmi ses clients les frères Goncourt et des écrivains célèbres, Anatole France fait des études assez médiocres au collège Stanislas et semble avoir toujours manifesté le désir d'écrire.

Il obtient son premier succès littéraire en 1881, avec "Le Crime de Sylvestre Bonnard", roman où apparaît, pour la première fois dans son œuvre, le personnage de l'érudit enfermé (ou réfugié ?) dans sa bibliothèque, distrait, lunaire, aimable et souvent naïf.
Le style d'Anatole France, que conspuent les Surréalistes, lesquels, trop politiquement marqués, ne pardonnent pas au romancier ses prises de position antibolcheviques, est fin, léger en surface, spirituel, "classique" certes mais toujours porteur d'un humour qui sait se faire soit naïf et simple, soit au contraire noir et féroce.

La tétralogie de l'"Histoire contemporaine", qui regroupe les quatre romans dont M. Bergeret est le héros, et qui présente un juste panorama de la France sous la IIIème république (et tout particulièrement pendant l'Affaire Dreyfus), tient plutôt de l'humour noir et tranquille.

Cet humour culmine avec "L'Île des Pingouins" (en 1892) où Anatole France imagine un érudit plutôt distrait qui débarque sur une île entièrement peuplée de pingouins. Il les baptise, ce qui provoque un grand remue-ménage au Paradis chrétien.

Il est élu à l'Académie française en 1896.

Dans "Les dieux ont soif", en 1908, Anatole France, républicain solidement anticlérical, fait le procès des excès de la Terreur, qu'il impute d'ailleurs non pas tant à la Révolution elle-même qu'à la désespérante nature humaine.

Il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1921.

En contradiction avec ses dispositions testamentaires, des obsèques nationales ont lieu à Paris le 18 octobre 1924, après quoi il est inhumé à Neuilly-sur-Seine, auprès de ses parents.
(d'après Babelio)

Bibliographie :

Jocaste et le Chat maigre, 1879
Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1881. Prix Montyon de l’Académie française
Les Désirs de Jean Servien, 1882
Abeille, conte, 1883
Balthasar, 1889. Premier recueil de nouvelles publié par Anatole France
Thaïs, 1890; réédité en 1923 avec la mention "Nouvelle édition revue et corrigée par l'auteur". Cet ouvrage a fourni
       l’argument au ballet Thaïs de Jules Massenet
L'Étui de nacre, 1892, recueil de contes; réédité en 1923 avec la mention "Édition revue et corrigée par l'auteur"
La Rôtisserie de la reine Pédauque, 1892
Les Opinions de Jérôme Coignard, recueillis par Jacques Tournebroche, 1893
Le Lys rouge, 1894
Le Jardin d’Épicure, 1894; réédité en 1921 avec la mention "Édition revue et corrigée par l'auteur"
Le Puits de Sainte Claire, 1895
• Histoire contemporaine en quatre parties :
• 1. L'Orme du mail, 1897; réédité en 1924 avec la mention "Édition revue et corrigée par l'auteur"
• 2. Le Mannequin d'osier, 1897; réédité en 1924 avec la mention "Édition revue et corrigée par l'auteur"
• 3. L'Anneau d'améthyste, 1899
• 4. Monsieur Bergeret à Paris, 1901
Clio, 1899; réédition sous le titre Sous l'invocation de Clio, 1921
L'Affaire Crainquebille, 1901
Le Procurateur de Judée, 1902
Histoire comique, 1903
Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables, 1904
Sur la pierre blanche, 1905
L’Île des Pingouins, 1908
Les Contes de Jacques Tournebroche, 1908
Les Sept Femmes de Barbe bleue et autres contes merveilleux, 1909
Les Dieux ont soif , 1912
La Révolte des anges, 1914
ArenSor
ArenSor

Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par ArenSor Mar 26 Déc - 16:26

Les Dieux ont soif

Justice - Anatole France Les-di10

L’action se passe à Paris en 1793 – 1794, au moment de la Terreur. Evariste Gamelin est un jeune peintre, admirateur de David mais surtout de l’Antiquité gréco-romaine. Peut-on le qualifier de raté ? Du moins, il ne travaille pas beaucoup à ses œuvres qui demeurent à l’état d’esquisses. Aussi vit-il  chichement avec sa mère. Il est attentionné, Evariste, c’est sans conteste une âme sensible, délicate et droite. Un modèle de vertu en somme.
Il n’en est pas de même de son voisin Brotteaux, noble réduit à la misère, amateur de belles choses, de belles femmes, féru de Lucrèce dont les œuvres ne quittent pas la poche de sa redingote, c’est probablement cet auteur qui l’aide à jeter un regard critique sur l’humanité dont il comprend les faiblesses.

Autour de ces deux personnages, gravitent des femmes, la mère de Gamelin, la voluptueuse Elodie, fille d’un marchand d’estampes et amoureuse d’Evariste, la non moins voluptueuse femme Rochemaure - j’ai l’impression que beaucoup de femmes sont voluptueuses chez France  Very Happy  - qui a eu une aventure avec Brotteaux au temps de sa splendeur. C’est d’ailleurs grâce à elle que Evariste va obtenir une place de juré au Tribunal révolutionnaire. Dans ce rôle, il va appliquer une loi sans complaisance pour faire régner la Vertu. Le Bonheur de l’humanité passe inévitablement par des ruisseaux de sang. Vive le sainte Guillotine…

« Les Dieux ont soif » montre comment une idéologie absolutiste peut mener aux pires atrocités. La Révolution s’emballe et dévore ses propres enfants. En ce sens, l’ouvrage est toujours d’actualité. Pensons, entre autres, au Kampuchéa démocratique.

Ce beau roman historique est servi par une écriture très claire qui se lit avec plaisir. Anatole France a le don de dresser par petites touches imagées et légères un tableau vraisemblable de Paris en ces années sanglantes, les métiers, les sentiments, le bruit de la ville, des passions, des prisons...

Quelques petits regrets : les personnages ont parfois tendance à être stéréotypés. Ainsi l’opposition entre Gamelin et Brotteaux est presque caricaturale. J’aurais aimé aussi entrer plus profondément dans la personnalité de Gamelin lorsqu’il envoie des fournées de condamnés à la mort. Le sujet est abordé mais discrètement. De même, l’auteur ne s’attarde pas sur cette fascination érotico morbide qu’éprouve Elodie  pour son amant.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Voici un excellent roman historique, qui se dévore (sans jeu de mots) et qui  amène à la réflexion.

Merci à Animal qui m'a incité à relire cet ouvrage dont je me rappelais le sens mais non l'intrigue Smile


mots-clés : #historique #justice #revolution #violence
ArenSor
ArenSor

Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Chamaco Mar 26 Déc - 16:58

Super fil, j'attend ma commande des "Dieux ont soif"...Un auteur et un livre, un autre regard sur des éléments fondateurs de notre société, sur une Révolution "aboutie" révérée car non échouée, avec des flots de sang que l'on dit glorieux...
A parte : A. France était selon ce qui est dit un grand amateur de femmes, un homme à femmes disait on à son époque, maintenant c'est presque un défaut Smile
Chamaco
Chamaco

Messages : 4279
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 77
Localisation : Corse du sud

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Bédoulène Mar 26 Déc - 20:27

merci Arensor ! c'est une lecture que je ferai

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par animal Mar 26 Déc - 21:41

(Il n'y a vraiment pas de quoi !)

La dernière remarque est assez dans l'air du temps (et une femme, qui c'est toujours une p... ?), mais revenons en au Dieux ont soif :

Chamaco a écrit:Un auteur et un livre, un autre regard sur des éléments fondateurs de notre société, sur une Révolution "aboutie" révérée car non échouée, avec des flots de sang que l'on dit glorieux...

J'avais trouvé bien plus dans ce livre parce qu'il y a derrière des révolutions des mobiles (et des gens) qui sont dans l'autre plateau de la balance, c'est ce qui rend tout ça problématique non ?

Enfin, c'étaient des hommes, ni pires ni meilleurs que les autres. L'innocence, le plus souvent, est un bonheur et non pas une vertu : quiconque eût accepté de se mettre à leur place eût agi comme eux et accompli d'une âme médiocre ces tâches épouvantables.

En avant la récup' :

Justice - Anatole France French10

Les dieux ont soif

Les dieux ont soif est un roman d’Anatole France paru en 1912. En 1950, ce roman fut inclus dans la liste du Grand prix des Meilleurs romans du demi-siècle. Dans sa préface de l'édition Gallimard-folio, Marie-Claire Bancquart écrit :

« Les dieux ont soif, roman de la Terreur, depuis sa naissance jusqu'à son effacement par la réaction thermidorienne, est un des plus beaux romans historiques qui aient été écrits sur cette époque »
wikipedia.org

Voilà qui présente assez bien les choses et permet de commencer par saluer la qualité de la préface qui éclaire la genèse de l'œuvre et l'écrivain et donne des clés pour aborder la lecture sans toute fois trop en raconter. Pour cette période complexe et parfois très brumeuse ça permet de prendre ou reprendre des marques, et pendant la lecture les notes (en fin de bouquin) prennent le relais, pour la plupart précisent les noms de rues et les noms propres rencontrés avec souvent ce qu'il faut pour dessiner le contexte.

Le livre d'Anatole France étant très documenté c'est très pratique pour ne pas dire indispensable. Surtout que les références sont utilisées et parfois déformées à dessein.

Après cette entrée en matière venons en au cœur du sujet. Et derrière une écriture vive voire incisive le lecteur est bien servi. Deux personnages principaux, deux hommes et les femmes qui gravitent autour sont les fils conducteurs. Un artiste peintre un peu raté, Évariste Gamelin, idéaliste enfiévré s'engage toujours plus loin dans la frénésie politique et son "métier de juré". Brotteaux, noble et intellectuel ruiné, fait des marionnettes, philosophe et se console par la beauté des femmes. Les hommes et les femmes riches et moins riches suivent leurs tentations et intrigues pour leurs intérêts.

Cette révolution, cette période de la Terreur brasse une belle quantité d'énergies primaires ce qui est déjà beaucoup mais ne fait qu'une moitié de ce qui constitue le livre. Pour que la nébuleuse soit complète et que les rouages du texte se mettent en mouvement il faut le flair et le goût de couvrir et d'incarner les gestes et les pensées dans une esthétique rendue palpable. Autant que par les paroles et les pensées des protagonistes vivant dans un état de crainte et d'incertitude physique et morale c'est par ce sentiment esthétique qu'est observé et confronté le mythe (de justice historique, sociale, rousseau-iste ?).

Roman historique d'une histoire rendue possible par les passions mais aussi indifférence réciproque des passions et de l'histoire. Il reste cependant un mythe de la justice, un mythe historique relativisé pour ne pas dire mis à mal. Et mis à mal certes avec ironie mais sans parti pris sauvage.

Il y a une grande part d'incertitude et de vanité qui s'efface, rien n'est palpable que les victimes ou les bourreaux devenus victimes. Partant de l'élan politique engagé le roman glisse en même temps que vient l'écœurement vers une vie plus simple et qui continue sans justice (ou autrement) avec ses nécessités et ses consolations.

La cohérence évidente et soignée des niveaux de tensions et de représentations donnent une force incroyable à cette lecture passionnante surtout que nombreuses sont les fulgurances tranquilles, douces-amères.

ça se rangerait dans des étagères à côté de Malraux et ce genre d'auteurs si ce n'est qu'il faut reconnaitre que l'action est au passé mais que l'action, la volonté du texte, est au présent.

Il est difficile de décrire la vision du fanatisme qui se légitime et crée son mythe, son histoire, avec les meilleurs intentions du monde (et une belle dose d'aveuglement et de faiblesses). Forcément pertinent, toujours pertinent. Et une porte d'entrée vers cette esthétique, ces représentations du XVIIIème siècle. Des notions fondatrices de liberté, de justice secouées sans cynisme mais avec une grande et patiente insistance pour ne pas se contenter de ce qui est le passé.

La fin est plus confuse peut-être mais cette lecture est dans l'ensemble aisée et surtout fascinante, terriblement marquante. Une défiance de la pensée sans lourdeurs. On peut sans doute parler de tragédie aussi, avec un après.

Je suis extrêmement impressionné. J'encourage à tenter l'expérience (fondamentale ?).

D'autres thèmes ou images qui font partie de nous comme un certain culte du martyre sont très bien amenés, on pourrait dire avec une grande évidence mais sans jamais devenir abstractions.

_________________
Keep on keeping on...
animal
animal
Admin

Messages : 13166
Date d'inscription : 27/11/2016
Localisation : Tours

https://deschosesalire.forumactif.com
  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Chamaco Mar 26 Déc - 23:06

homme à femmes = séducteur... Smile surtout fin XIX° début du XX°...Bonne nuit
Chamaco
Chamaco

Messages : 4279
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 77
Localisation : Corse du sud

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Tristram Dim 20 Aoû - 13:13

Les dieux ont soif

Justice - Anatole France Les_di11

Évariste Gamelin, peintre élève de David (de goût classique, il « ne reconnaissait de beauté qu'à l'antique ») et admirateur de Marat, est membre de la Convention nationale (nous sommes en 1793). Ardent patriote, il reprend régulièrement le refrain populaire, « la liberté ou de la mort ». Mais, en ces temps de misère et d’incertitude, « le peuple de Paris se désintéressait des événements ».
Il est déiste, contrairement au philosophe athée Brotteaux ; ce vieux noble ruiné, qui subvient mal à ses besoins en fabriquant des pantins, est épicurien et porté sur les femmes ; lecteur de Lucrèce, il s’oppose à Rousseau au sujet de la nature, et cite Rabelais ; et il s’insurge contre la bêtise qui l’entoure.
« Je l'ai connu, dit Brotteaux, et je puis dire sans me flatter que j'ai été durant quelque temps de ses plus familiers : il aimait à fréquenter la canaille. C'était un aimable homme et, bien qu'il fît métier de débiter des fables, il y avait dans son petit doigt plus de saine philosophie que dans la tête de tous vos jacobins qui veulent nous envertueuser et nous endéificoquer. Certes j'aime mieux nos simples théophages, qui ne savent ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils font, que ces enragés barbouilleurs de lois, qui s'appliquent à nous guillotiner pour nous rendre vertueux et sages et nous faire adorer l'Être suprême, qui les a faits à son image. Au temps passé, je faisais dire la messe à la chapelle des Ilettes par un pauvre diable de curé qui disait après boire : "Ne médisons point des pécheurs : nous en vivons, prêtres indignes que nous sommes !" Convenez, monsieur, que ce croqueur d'orémus avait de saines maximes sur le gouvernement. Il en faudrait revenir là et gouverner les hommes tels qu'ils sont et non tels qu'on les voudrait être. »
Les « agioteurs contre-révolutionnaires » tentent de se rapprocher de Marat au moyen de la citoyenne Rochemaure, « riche et répandue », qui aborde Gamelin pour se faire introduire auprès de celui-ci.
« Il importait de circonvenir Marat, de s'assurer sa bienveillance pour le jour où il serait dictateur, et tout présageait qu'il le deviendrait : sa popularité, son ambition, son empressement à recommander les grands moyens. Et peut-être, après tout, que Marat rétablirait l'ordre, les finances, la prospérité. Plusieurs fois il s'était élevé contre les énergumènes qui renchérissaient sur lui de patriotisme ; depuis quelque temps, il dénonçait les démagogues presque autant que les modérés. Après avoir excité le peuple à pendre les accapareurs dans leur boutique pillée, il exhortait les citoyens au calme et à la prudence ; il devenait un homme de gouvernement. »
Mais Marat est assassiné par une jeune femme « envoyée par les traîtres fédéralistes ».
Grâce à l’intervention de la citoyenne Rochemaure, Gamelin est nommé juré au Tribunal révolutionnaire, où il est surtout question de lutter contre les conspirateurs et les traîtres ennemis de la République.
« Aux défaites des armées, aux révoltes des provinces, aux conspirations, aux complots, aux trahisons, la Convention opposait la terreur. Les Dieux avaient soif. »
C’est la Terreur, surenchère où la modération est jugée criminelle, où les idées politiques généreuses mènent à l’intransigeance féroce, inhumaine, d’une dérive dictatoriale dans sa logique mécanique et mortifère qui en rappelle beaucoup d’autres.
On fusille les généraux vaincus, des prostituées (car il s’agit aussi de sauvegarder vertueusement les bonnes mœurs), et beaucoup d’autres, dont les héros de la veille (épuration).
« Là se tenait sans pompe et s'exerçait par la parole le plus grand des pouvoirs de l'État. Il gouvernait la cité, l'empire, dictait ses décrets à la Convention. Ces artisans du nouvel ordre de choses, si respectueux de la loi qu'ils demeuraient royalistes en 1791 et le voulaient être encore au retour de Varennes, par un attachement opiniâtre à la Constitution, amis de l'ordre établi, même après les massacres du Champ-de-Mars, et jamais révolutionnaires contre la révolution, étrangers aux mouvements populaires, nourrissaient dans leur âme sombre et puissante un amour de la patrie qui avait enfanté quatorze armées et dressé la guillotine. Évariste admirait en eux la vigilance, l'esprit soupçonneux, la pensée dogmatique, l'amour de la règle, l'art de dominer, une impériale sagesse. »

« Les choses sont par elles-mêmes mélangées et pleines de confusion ; la complexité des faits est telle qu'on s'y perd. Robespierre les lui simplifiait, lui présentait le bien et le mal en des formules simples et claires. Fédéralisme, indivisibilité : dans l'unité et l'indivisibilité était le salut ; dans le fédéralisme, la damnation. Gamelin goûtait la joie profonde d'un croyant qui sait le mot qui sauve et le mot qui perd. »

« On vit d'un côté les indifférents, les tièdes, les raisonneurs, qu'aucune passion n'animait, et d'un autre côté ceux qui se laissaient conduire par le sentiment, se montraient peu accessibles à l'argumentation et jugeaient avec le cœur. Ceux-là condamnaient toujours. C'étaient les bons, les purs : ils ne songeaient qu'à sauver la République et ne s'embarrassaient point du reste. »
Brotteaux recueille le Père Longuemare, Barnabite :
« Il se défendait toutefois de vouloir attaquer la religion, qu'il estimait nécessaire aux peuples : il eût souhaité seulement qu'elle eût pour ministres des philosophes et non des controversistes. Il déplorait que les Jacobins voulussent la remplacer par une religion plus jeune et plus maligne, par la religion de la liberté, de l'égalité, de la république, de la patrie. Il avait remarqué que c'est dans la vigueur de leur jeune âge que les religions sont le plus furieuses et le plus cruelles, et qu'elles s'apaisent en vieillissant. Aussi, souhaitait-il qu'on gardât le catholicisme, qui avait beaucoup dévoré de victimes au temps de sa vigueur, et qui maintenant, appesanti sous le poids des ans, d'appétit médiocre, se contentait de quatre ou cinq rôtis d'hérétiques en cent ans. »
… et tous deux sont arrêtés.
Gamelin fait notamment guillotiner le ci-devant Maubel, parce qu’il le croit être l’ancien amant de son aimée, Élodie ; de même pour Fortuné Chassagne, émigré avec qui sa propre sœur avait fui ; idem pour Brotteaux, Rochemaure et Longuemare, accusés de conspiration contre-révolutionnaire.
On "juge" de plus en plus selon l’intime conviction, c'est-à-dire au ressenti a priori, et la recherche de la vérité est définitivement désuète.
« Il fallait suivre les impulsions de la nature, cette bonne mère, qui ne se trompe jamais ; il fallait juger avec le cœur [... »
Gamelin, nommé membre du Conseil général de la Commune, est jacobin et fervent admirateur de Robespierre (« l’Incorruptible ») ; il le suit à l’échafaud, ne regrettant que sa coupable « indulgence » : c’est le temps venu de Thermidor.

Ce roman présente beaucoup d’aspects qui seraient à creuser, et nombre de scènes, observations, personnages à peine esquissés, mais suscités avec une grande justesse.
Je l'ai lu dans une édition sans appareil critique, et c'est effectivement assez dommage.
L’auteur ne donne pas son avis, mais peut-être penche-t-il comme Brotteaux, ce personnage qui pourrait se retrouver chez Flaubert ou Balzac, et sans doute observe-t-il avec réserve ce fanatisme idéaliste qui ne trouve pas de limite dans l’humaine lâcheté…

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Bédoulène Dim 20 Aoû - 19:04

merci Tristram, vous faites tous des lectures qui me tentent

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par ArenSor Lun 4 Sep - 15:05

Histoire contemporaine

Justice - Anatole France Histoi12

« Histoire contemporaine » est une tétralogie composée des titres suivants : « L’Orme du mail », « Le Mannequin d’osier », « L’Anneau d’améthyste » et « M. Bergeret à Paris ».
A l’origine, il s’agit de textes parus en feuilletons dans différents journaux, d’où un caractère quelque peu disparate.
A l’exception du dernier opus, un peu différent des autres et qui se passe à Paris, les autres romans offrent le tableau d’une ville de province et de ses intrigues à l’extrême fin du 19e siècle.
Le personnage principal, M. Bergeret, est un professeur de latin, qui aime philosopher. On devine que l’auteur y a mis beaucoup de lui-même et l’individu présente des parentés avec le Maurice Brotteaux de « Les Dieux ont soif ». Professant des opinions progressistes, M. Bergeret se heurte à l’hostilité des nationalistes et des antisémites. En effet, l’action se déroule lors de l’affaire Dreyfus qui enflamme les esprits et divise le pays. C’est l’occasion pour Anatole France de présenter les opinions des uns et des autres et la violence des affrontements, pas seulement verbaux, que l’on a un peu oublié aujourd’hui. Certains comportements sont étonnants, tels ces israélites, parfaitement intégrés dans la société, qui se déclarent antisémites par conservatisme et respect pour l’armée.
Cette tétralogie vaut surtout pour cette analyse fine de la société des années 1900, trop souvent considérée comme « La Belle époque, réflexions qui peuvent avoir des résonnances actuelles.

« Au moment où M. Bergeret prononçait ces paroles, un grand tumulte éclata sur la place. C’était une bande de petits garçons qui passaient en criant : « A bas Zola ! Mort aux juifs ! » Ils allaient casser des carreaux chez le bottier Meyer qu’on croyait israélite, et les bourgeois de la ville les regardaient avec bienveillance.
- Ces braves petits gosses ! s’écria M. de Terremondre, quand les manifestants furent passés.
M. Bergeret, le nez dans un gros livre, prononça lentement ces mots :
« La liberté n’avait pour elle qu’une infime minorité de gens instruits. Le clergé presque tout entier, les généraux, la plèbe ignare et fanatique, voulaient un maître.  
- Qu’est-ce que vous dites ? demanda M. Terremondre, agité.
- Rien, répondit M. Bergeret. Je lis un chapitre de l’histoire d’Espagne. Le tableau des mœurs publiques lors de la restauration de Ferdinand VII.
Cependant, le bottier Meyer fut à demi assommé. Il ne s’en plaignit point de peur de l’être tout à fait, et parce que la justice du peuple, associée à celle de l’armée, lui inspirait une muette admiration. »
« A mon sens, madame Roland, dans sa prison, montrait dans la justice humaine une confiance un peu naïve quand elle en appelait, d’un cœur ferme et d’un esprit si sûr, à l’impartiale postérité. La postérité n’est impartiale que si elle est indifférente. Et ce qui ne l’intéresse pas, elle l’oublie. Elle n’est point un juge, comme le croyait madame Roland. Elle est une foule, une foule aveugle, étonnée, misérable et violente comme toutes les foules. Elle aime, elle hait surtout. Elle a ses préjugés ; elle vit dans le présent. Elle ignore le passé. Il n’y a pas de postérité. »
ArenSor
ArenSor

Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Tristram Lun 4 Sep - 16:31

Toujours ce thème de la "foule aveugle"...
Ces romans ont-ils une pertinence avérée de documents historiques ?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Bédoulène Lun 4 Sep - 17:39

merci Aren, cela me plairait certainement (reste à trouver du temps)

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par ArenSor Lun 4 Sep - 17:52

Tristram a écrit:Toujours ce thème de la "foule aveugle"...
Ces romans ont-ils une pertinence avérée de documents historiques ?

Il s'agit du témoignage d'un observateur, en l'occurrence Anatole France, sur la société de son époque. Dans ce cadre, il présente un intérêt certain pour l'historien qui doit néanmoins le prendre en compte avec un examen critique et le confronter avec d'autres sources. Anatole France s'inscrit dans le cadre du roman et non de l'histoire en tant que science.
Il est amusant de constater que Jules Romains prend la suite avec "Les Hommes de bonne volonté" qui commence le 6 octobre 1908.
On pourrait également évoquer le cycle "Le Monde réel" d'Aragon (rapprochement intéressant lorsqu'on pense au rôle de ce dernier lors des funérailles d'Anatole France !)
ArenSor
ArenSor

Messages : 3366
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Rue du Nadir-aux-Pommes

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Tristram Lun 4 Sep - 18:42

Bien compris les précautions d'usage de la part d'un historien ; mais au moins ce témoignage s'inscrit-il dans l'histoire littéraire !

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Pinky Sam 16 Sep - 10:33

Histoire contemporaine

Sans reprendre le commentaire d’Arensor, je voudrais ajouter quelques remarques après ma lecture des quatre ouvrages qui forment le livre. Ce qui m’a frappé, c’est un mélange de satire féroce des différents protagonistes, provinciaux un peu étriqués puis antidreyfusards violents et de longs développements  prononcés de manière un peu sentencieuse par Bergeret, sans doute proche des idées d’Anatole France.

Un tableau de la France provinciale puis parisienne de l’extrême fin du XIXe siècle à une époque où la République est encore mal assurée. C’est aussi le moment d’une laïcisation progressive de la société, en particulier de la santé et de l’enseignement. A. France y présente des religieux en rivalité pour une mitre d’évêque, celle de Tourcoing mais aussi discutant des meilleurs façons d’instruire les séminaristes entre religion très traditionnelle et ouverture, légère, vers la modernité.  Les discussions entre l’abbé Lantaigne et Bergeret sous les ormes du mail témoignent des motifs de défiance du prêtre envers la République et surtout entre la diversité de points de vue qu’elle permet.
« M. Lantaigne – Je suis républicain comme le pape. C’est  à dire que je suis en paix et non en guerre avec le gouvernement de la République. Mais la paix n’est pas l’amour. Et je n’aime  pas la République.
M. Bergeret. – Je devine vos raisons. Vous lui reprochez d’être hostile au clergé et libre penseuse.
M. Lantaigne. –Assurément, je lui reproche d’être impie et ennemie des prêtres….Mais fût-elle respectueuse de la religion et de ses ministres, je haïrais encore la République.
M. Bergeret. – Pourquoi ?
M. Lantaigne. – Parce qu’elle est la diversité. En cela, elle est essentiellement mauvaise. »

Parmi les portraits « au vitriol », on peut citer celui du sénateur Laprat-Teulet arrêté pour corruption :
« C’est là, sur ce Mail, que dans une tribune de velours grenat, sous des trophées de drapeaux, M. Laprat-Teulet, siégeant à droite de M. Le Président de la République, avait aux grandes fêtes régionales et nationales, aux inaugurations diverses et solennelles, prononcé ces paroles si propres à exalter les bienfaits du régime, en recommandant toutefois la patience aux masses laborieuses et dévouées. Laprat-Teulet, républicain de la première heure, était depuis vingt-cinq ans le chef puissant et vénéré de l’opportunisme dans le département. Blanchi par l’âge et les travaux parlementaires, il se dressait dans sa ville natale comme un chêne orné de bandelettes tricolores. Il avait enrichi ses amis et ruiné ses ennemis. Il était publiquement honoré. Il était auguste et doux. Il parlait aux petits enfants de sa pauvreté, chaque année dans les distributions de prix. Et, il pouvait se dire pauvre sans se faire de tort, car personne ne le croyait et l’on ne pouvait douter qu’il ne fût très riche. On connaissait les sources de sa fortune, les mille canaux par lesquels son intelligence et son travail avait drainé l’argent. On savait ce que lui avaient rapporté toutes les entreprises fondées sur son crédit politique, toutes les concessions assurées par son influence parlementaire. Car c’était un grand député d’affaires, un excellent orateur financier. Ses amis savaient  aussi bien et mieux que ses ennemis ce qu’il avait touché au Panama et ailleurs. »

La Troisième République fait des Gaulois des héros des débuts de l’histoire de France, remplaçant Clovis, le roi baptisé, par Vercingétorix, vaincu mais ayant combattu vaillamment contre les Romains. Après l’échec de 1870 contre la Prusse, ce martyr devient une des figures héroïques de l’école républicaine. C’est ce qui se rejoue ici dans la petite ville de province où vit Bergeret avec le Gaulois local :
« la géographie de César est  pleine d’incertitudes ; le patriotisme local est fier et jaloux. Le chef-lieu du département, trois sous-préfectures et quatre chefs-lieu de canton se disputaient la gloire d’avoir massacré des Romains par l’épée d’Eporédorix :
Les autorités compétentes tranchèrent la question en faveur du siège de l’administration départementale. C’était une ville ouverte qui, en 1870, après une heure de bombardement, avait dû, non sans tristesse ni colère laisser entrer l’ennemi dans ses murs, déjà ruinés au temps de Louis XI et cachés sous le lierre. Elle avait été vexée, rançonnée. Le projet d’un monument élevé à la gloire du chef gaulois, y fut accueilli avec enthousiasme. La ville, se sentant humiliée, fut reconnaissante à cet antique compatriote de lui donner un sujet d’orgueil. Renommé après quinze cents ans d’oubli, Eporédorix réunit tous les citoyens dans un sentiment de filial amour. Son nom n’inspira de défiance dans aucun des partis politiques qui divisaient alors la France. Opportunistes, radicaux, constitutionnels, royalises, orléanistes, bonapartistes, contribuèrent de leurs deniers à l’entreprise et la souscription fut à demi couverte dans l’année. »
Pour rappel, la statue de Vercingétorix par Bartholdi fut érigée en 1903 à Clermont-Ferrand.

Je ne reviens pas sur l’antisémitisme viscéral d’une grande partie de la société,  israélites compris, qu’Arensor a très bien évoqué.

Pour donner le ton du grotesque qu’Anatole France manie avec une ironie cinglante, je citerai ce passage évoquant la demande d’un père pour son fils :  

M. Panneton de la Barge avait des yeux à fleur de tête et une âme à fleur de peau. Et, comme sa peau était luisante, on lui voyait une âme grasse. Il faisait paraître en toute sa personne de l’orgueil avec de la rondeur et une fierté qui semblait ne pas craindre d’être importune. M. Bergeret soupçonna que cet homme venait lui demander un service. »

En effet, M. de la Barge cherche à faire exempter son fils du service militaire ; lui qui était sans doute pour un allongement du service et qui chantait les louanges de l'armée :

J’avais pensé à la licence ès lettres…Je crains que ce ne soit trop difficile, Adhémar est intelligent. Mais il n’a pas le goût pour la littérature.
- Eh bien ! dit M. Bergeret, essayez de l’École des hautes études commerciales, ou de l’Institut commercial ou de l’École de commerce. Je ne sais si l’École d’horlogerie de Cluses fournit un motif d’exemption. Il n’était pas difficile, m’a-t-on dit, d’obtenir le brevet.
- Adhémar ne peut pourtant faire des montres, dit M. de la Barge avec quelque pudeur.
- Essayez de l’École des langues orientales, dit obligeamment M. Bergeret. C’était excellent à l’origine.
- C’est bien gâté depuis, soupira M. de la Barge.
- Il y a encore du bon. Voyez un peu dans le tamoul.
- Le tamoul, vous croyez ?
- Ou, le malgache.
- Le malgache, peut-être.
- Il y a aussi une certaine langue polynésienne qui  n’était plus parlée, au commencement de ce siècle, que par une vieille femme jaune. Cette femme mourut laissant un perroquet. Un savant allemand recueillit quelques mots de cette langue sur le bec du perroquet. Il en fit un lexique. Peut-être ce lexique est-il enseigné à l’École des langues orientales. Je conseille vivement à monsieur vivement à monsieur à monsieur votre fils de s’en informer.
- Sur cet avis, M. Panneton de la Barge salua et se retira pensif.
On pourrait encore évoquer les femmes, épouses ou veuves, pour la plupart légères et promptes à se laisser séduire pour faire avancer des dossiers, leurs intérêts. Finalement une vision assez noire de la société où, mis à part la servante Angélique et le chien Riquet, la sœur de Bergeret et sa fille, les personnages sont tous mus par l’avidité ou la lâcheté.  Un monde bienpensant où l’ordre, la religion et l’antisémitisme soude la société des nantis, politiques ou rentiers.
Il y aurait toute une étude à faire sur les idées avancées par Bergeret, sans doute proches de celles de l’auteur. Ce qui m’a le plus surpris, c’est une croyance en un monde futur où tout serait commun et sans conflit, une sorte de communisme béat
Pinky
Pinky

Messages : 469
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Tristram Sam 16 Sep - 11:51

Voilà décidément une lecture engageante, et non dénuée d'humour. On y perçoit apparemment les déclinaisons actuelles des axes sociétaux. Diversité versus uniforme résonne fort aujourd'hui !
La croyance à une vague résurrection n'était-elle déjà pas plus qu'une forme de politiquement correct sans foi profonde ?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Bédoulène Sam 16 Sep - 19:53

merci Pinky pour ce commentaire et ton ressenti je note pour plus tard

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Justice - Anatole France Empty Re: Anatole France

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

 Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains européens francophones

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum